COMITÉ EXÉCUTIF Stockholm, les 20 et 21 octobre 2009 CE. 185 Point 4 de l’ordre du jour Stratégie de la CES – Avant-projet – Un plan de bataille Le Comité exécutif est invité à : • débattre du document suivant et à approuver le projet de plan de bataille et de stratégie de la CES ETUC/ EC185/JM/lw-13/10/2009 John Monks, Secrétaire général Boulevard du Roi Albert II, 5 • B – 1210 Bruxelles • Tél : +32 2 224 04 11 Fax: +32 2 224 04 54 / 55 • E-mail: [email protected] • www.etuc.org Stratégie de la CES – Avant-projet – Un plan de bataille Introduction 1. Lors de la réunion du Comité de direction en septembre, il a été convenu d’adapter la stratégie de la CES aux nouveaux défis sur la base d’un document établi par le Secrétariat. Ce document devait notamment porter sur le contexte de l’action de la CES, préciser les moyens qui permettront d’augmenter autant que possible son efficacité et définir le programme de travail de l’année à venir. 2. Le présent document vise à servir de base à une première discussion lors de la réunion du Comité exécutif en octobre. Nous proposons que les décisions finales soient prises à l’occasion d’une réunion élargie du Comité de direction en novembre, à laquelle seraient invités les secrétaires généraux de l’ensemble des syndicats affiliés. La stratégie actuelle 3. 4. La stratégie de la CES repose actuellement sur les points fondamentaux de la Déclaration de Paris (mai 2009), qui met en évidence l’effondrement du modèle néolibéral, les inégalités croissantes, l’extension des emplois précaires et les pressions exercées en vue d’affaiblir les systèmes de protection sociale et la négociation collective. La CES réclamait un nouveau Deal social dans l’UE en guise de moteur de justice sociale et en faveur d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité, y compris : - un vaste plan de relance européen et des investissements dans les nouvelles technologies vertes et durables ; - des systèmes de protection sociale plus forts et des mesures destinées à promouvoir l’égalité ; - des droits plus forts pour les travailleurs et la fin de la prépondérance des principes de marché à court terme ; - un meilleur salaire, le rejet du gel des salaires et le renforcement des négociations collectives. Certaines de ces priorités du nouveau Deal social sont abordées dans d’autres points à l’ordre du jour sur la base d’une évaluation de la stratégie de Lisbonne et de documents sur le ETUC/ EC184/JM/lw-29/09/2009 2 changement climatique, les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes et la réglementation des marchés financiers. Les communications du Secrétaire général portent notamment sur la crise économique et les risques posés par une planification prématurée des stratégies de sortie du niveau des dépenses publiques. L’évolution du contexte 5. Les points suivants doivent également être inclus à l'ordre du jour du Comité exécutif : - - - - les prochains débats au Parlement européen sur la composition de la nouvelle Commission, qui permettront à la CES et à ses alliés au Parlement d’entendre les candidats aux postes de commissaires ; la présidence de l’UE, assumée en 2010 par l’Espagne, suivie de la Belgique, deux pays favorables au concept de l’Europe sociale, qui peuvent offrir de nouvelles possibilités ; la tendance croissante des États à rechercher des solutions nationales plutôt qu’européennes pour lutter contre la crise économique, notamment dans le secteur de l’automobile et le secteur bancaire ; une certaine désaffection des électeurs pour les partis politiques de « gauche ». À l’exception notamment de l’Autriche, du Portugal, de l'Espagne, de la Norvège et, plus récemment, de la Grèce, la gauche européenne ne parvient pas à rassembler suffisamment de suffrages, ce qui peut paraître étonnant. L’économie de marché et le capitalisme sauvage et déréglementé ont entraîné la crise économique la plus sévère de l’après-guerre. Pourtant, les électeurs se sont majoritairement prononcés en faveur de la droite, et une minorité plus à gauche. Les partis britanniques et allemands au pouvoir préconisaient tout particulièrement des mesures de libéralisation, tandis que la crise se préparait. Ces partis ne rassemblent actuellement que 23 % de l’électorat. De même en France et en Italie, où les partis socialistes traditionnels sont encore plus désemparés. Entre-temps, certains responsables politiques de centre-droit (ex. la Chancelière Merkel, le Président Sarkozy) ont adopté des mesures sociales, imposé une réglementation plus stricte des marchés financiers afin de maîtriser le modèle anglo-saxon du capitalisme et adopté un calendrier en matière d’environnement. Il ne fait aucun doute qu’ils décideront l’année prochaine de réduire les dépenses publiques et de ETUC/ EC185/JM/lw-13/10/2009 3 - - - 6. combler les déficits. Ils ne seront probablement pas favorables aux objectifs de la CES. Jusqu’à présent, ils ont néanmoins réagi à la crise en adoptant un programme politique social et démocratique ; dans de nombreux pays, les syndicats sont manifestement confrontés à une érosion de l’affiliation, alors que les chiffres du chômage s’envolent. Ceci n’est pas sans conséquences pour la CES, qui doit se préparer à une réduction du niveau de ses revenus, avec pour conséquence des choix difficiles quant à son fonctionnement à l’avenir ; les employeurs sont sous pression et cherchent naturellement à imposer le gel ou des réductions de salaires, à affaiblir les dispositions relatives au régime de retraite et à allonger le temps de travail. Il est par ailleurs certain que la tendance est à l’utilisation accrue des contrats « précaires », les employeurs cherchant à réduire les coûts ; enfin, pour autant que le Traité de Lisbonne soit ratifié, il nous faut étudier comment tirer pleinement parti des dispositions relatives à l’économie sociale de marché, au plein emploi, aux services publics, ainsi que de la Charte des droits fondamentaux. Et si ce traité ne devait pas être ratifié, à cause de l’opposition du gouvernement tchèque ou éventuellement des conservateurs britanniques, il serait nécessaire d’examiner les possibilités de mise en œuvre d’une Europe « à plusieurs vitesses » par le mécanisme des coopérations renforcées, avec la participation d’un minimum de huit États membres. Cette liste met en évidence l’évolution rapide du contexte de l’action de la CES, confrontée à de nombreuses pressions et problèmes, notamment à la réduction des ressources. Les centres nationaux et les fédérations sectorielles sont soumises au même type de pressions. Nouveaux éléments stratégiques de l’action de la CES 7. La CES et ses affiliés ne doivent pas être intimidés par le nombre et la complexité des problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs et doivent au contraire, fidèles au slogan du Congrès de Séville, « passer à l’offensive ». 8. Le Comité exécutif est invité à examiner les trois domaines d’action suivants : la lutte contre la croissance du chômage et de la précarité, notamment chez les plus jeunes ; les pressions imminentes de réduction des dépenses publiques et des ETUC/ EC185/JM/lw-13/10/2009 4 prestations sociales, et leurs conséquences sur l’emploi (notamment des femmes) ; une conception nouvelle de l'action de la CES, dans le domaine social, mais aussi de façon plus générale. Ces idées, qui peuvent être regroupées sous l’appellation « Plan de bataille de la CES », sont examinées ci-après. Plan de bataille 1 : l’emploi et le chômage des jeunes 9. L’économie européenne est en proie à une profonde récession. Peut-être certains commencent-ils à distinguer quelques signes de reprise, comme la croissance de la production et la hausse du cours des actions, mais notre indicateur de référence, le chômage, continue à croître. Avant une inversion de cette tendance, la CES ne verra pas de fin à la récession. La hausse du chômage se vérifie dans tous les pays de l’UE et pourrait se situer à une moyenne de 12 % avant la fin de cet hiver. Le Président de la BCE ne prévoit par ailleurs qu’ « une reprise progressive ». Entre-temps, le déclin de la situation financière des États membres semble inexorable. 10. Pour la plupart, les États membres maintiennent leur niveau de dépenses publiques, mais sont contraints, de manière croissante, à mettre en place des stratégies de sortie de récession (réduction des dépenses) et de respecter les règles du Pacte de stabilité et de croissance. Les déficits se situent actuellement entre 6 % et 10 % du PIB, en progression. 11. Les jeunes, qui sont les premiers concernés par les contrats flexibles, ou précaires à proprement parler, sont parmi ceux qui ont le plus souffert de la récession jusqu’à présent. Ils ont été parmi les premiers à être licenciés et sont actuellement rejoints par d’autres jeunes, qui, leurs études achevées, entrent pour la première fois sur le marché du travail. Si certains éléments donnent à penser que de nombreux travailleurs parviennent à conserver leur emploi, dans certains cas grâce au chômage partiel, la crise pèse lourdement sur l'embauche, et les jeunes, ainsi que les autres demandeurs d’emploi, sont les plus touchés par la récession. Selon les prévisions, cette situation ne devrait pas s’améliorer en 2010. Il s’agit là d’une source de préoccupation majeure pour la CES. Les syndicats européens sont-ils capables de prendre fait et cause pour les jeunes ? 12. Nous proposons de mener une campagne européenne en 2010 sur la situation des jeunes, avec un slogan : « Vous avez sauvé les banquiers. Et nous ? » ETUC/ EC185/JM/lw-13/10/2009 5 13. Les aspects essentiels de cette initiative doivent encore être précisés, mais l’idée consiste à mener une campagne dans les syndicats européens pour inciter l’UE et les États membres à mettre en œuvre un programme destiné à soutenir les jeunes en particulier, y compris : - - davantage de possibilités d’accès à l’enseignement ; davantage de possibilités d’apprentissage et de formation ; un soutien renforcé en termes quantitatifs et qualitatifs de la transition entre l’enseignement et la vie professionnelle ; la création d’emplois verts pour protéger l’environnement et d’emplois dans le domaine social pour soutenir les pauvres, les personnes âgées et les personnes atteintes d’incapacité ; l’allocation des fonds structurels européens à ces fins, non assortie de restrictions inutiles ; La mise en place d’un fonds pour la promotion de l’emploi des jeunes, financé ultérieurement par des taxes sur les transactions et, dans l’immédiat, par un impôt progressif sur les bénéfices et les fortunes. 14. Si cette idée bénéficie du soutien des affiliés, cette campagne pourrait être lancée par une journée d’action et de manifestations à l’échelle européenne, rassemblant des organisations d’étudiants, le Forum européen de la Jeunesse et d’autres mouvements, et coordonnée par le Comité des jeunes de la CES. Cet événement pourrait avoir lieu dans une grande capitale européenne au début de l’année prochaine. Nous sommes ouverts à toutes les suggestions ou propositions quant au lieu qui pourrait accueillir cet événement. Plan de bataille 2 : les services publics et les systèmes de protection sociale 15. Il n’y a pas si longtemps, les services publics et les systèmes de protection sociale étaient considérés comme un frein à la compétitivité de l’Europe. La principale priorité des politiques publiques consistait alors à promouvoir la rentabilité, les privatisations et la déréglementation. Dans le contexte actuel de crise économique, les gouvernements et décideurs politiques néolibéraux eux-mêmes doivent se résoudre à mesurer la valeur des systèmes de protection sociale et des services publics. Ils ont joué le rôle de « stabilisateurs automatiques » et contribué à amortir les effets d’une défaillance généralisée du marché. Des comparaisons favorables ont été établies entre l’Europe du bien-être et les États-Unis du marché libre, caractérisés par le peu de soutien dont bénéficient les chômeurs et les sans-abris. Bien que la ETUC/ EC185/JM/lw-13/10/2009 6 qualité des systèmes de protection sociale puisse varier d’un pays à l’autre dans l’UE, ces systèmes apportent la preuve de leur valeur chaque jour. C’est peut-être l’existence même des systèmes de protection sociale (et de l’économie keynésienne) qui a permis d’éviter que cette récession ne se transforme en une dépression semblable à celle des années 30. 16. Cependant, la situation financière difficile de nombreux États membres, illustrée par l’augmentation des déficits publics et la baisse des recettes fiscales, liées à la hausse du chômage et au nombre important de faillites, et une certaine nervosité imputable à l’éventuelle insuffisance du sauvetage du secteur bancaire, encore fragile, pousse certains gouvernements à vouloir « équilibrer leurs comptes » et à réduire les déficits. Les participants à la réunion du G20 à Pittsburgh ont décidé que les stratégies de sortie de crise étaient prématurées. Certains, comme les conservateurs britanniques, considèrent néanmoins que l’heure est venue de réduire les dépenses et les déficits, malgré la hausse du chômage. 17. Quel est l’enjeu pour la CES ? À partir de 2010, il est pratiquement certain que les dépenses publiques, les services publics et les emplois et les conditions d’emploi dans le secteur public seront soumis à rude épreuve. La CES doit se mobiliser contre cette vague déferlante, qui se précise, mais dont on ignore à quel moment elle frappera. 18. Nous proposons de concevoir une deuxième campagne destinée à contrer cette attaque probable, en collaboration avec la FSESP, l’ETF, les enseignants, la FERPA et autres et de nous mobiliser pour la défense des systèmes de protection sociale et de la sécurité sociale. Cette initiative pourrait également être lancée dans une grande capitale européenne, avec le soutien des personnes qui dépendent le plus des services publics, à savoir les chômeurs, les personnes âgées et les personnes atteintes d’incapacité, ainsi que des travailleurs du secteur public aussi bien que du secteur privé. Par ailleurs, nos revendications pourraient entrer dans le champ d’application du Traité de Lisbonne en cas de ratification, compte tenu des dispositions relatives à la promotion des services publics. Plan de bataille 3 : la naissance du marché européen du travail 19. Depuis sa fondation en 1973, la CES a combattu pour une Europe plus sociale, une Europe qui concilie compétitivité, ETUC/ EC185/JM/lw-13/10/2009 7 productivité et croissance, d’une part, et des normes de travail et de protection sociale décentes, d’autre part. Depuis longtemps, la CES s’emploie à garantir, par l’intermédiaire d’une directive ou d’un accord dans le cadre du protocole social du Traité de Maastricht, une protection contre le dumping social et à éviter que les travailleurs d’un État membre de l’UE ne soient soumis à des conditions de travail moins favorables parce qu’appliquées dans un autre État membre. 20. Nous avons poursuivi ces objectifs de manière pragmatique, compte tenu des écarts importants entre les niveaux de vie et de productivité au sein de l’Europe et admettant qu’une harmonisation de l'ensemble des points essentiels était impossible. Nous avons néanmoins participé à l’élaboration de 60 actes législatifs sur le marché du travail, et notamment sur la santé et la sécurité, l’égalité entre les hommes et les femmes, l’égalité des travailleurs « atypiques », la protection des travailleurs détachés et l’information et la consultation. Nous ne sommes pas parvenus, et nous n’avons pas été unis sur ce point, à une harmonisation des droits de négociation collective et de grève, qui demeurent une compétence nationale, ce que confirme la Charte des droits fondamentaux. 21. L’heure est venue de réviser cet accord. L’affaire Laval et d’autres limitent manifestement le droit à l’action syndicale en matière de protection plus élevée et d'égalité de traitement des travailleurs détachés. En effet, une action syndicale qui aurait pour effet d’entraver la libre prestation de services pourrait être jugée illégale. La CES revendique l’adoption d’un protocole de progrès social et une révision de la directive concernant le détachement de travailleurs et affirme, depuis 2004 au moins, que la mise en place d’un marché européen du travail suppose l’adoption de règles adoptées à l’échelle européenne. Cette situation illustre à quel point il peut être difficile d'harmoniser un nouveau marché du travail à l'échelle de l'UE / AELE et les systèmes juridiques des droits du travail nationaux. Il s'agit là d'un aspect qui mérite un regard neuf, intellectuellement et politiquement. 22. Nous proposons par conséquent que la CES charge l’ETUI (en coopération avec les personnes concernées au sein de la CES) de réaliser un rapport d’ici à la fin 2010 sur : - le développement du marché européen du travail, y compris l’évolution de la mobilité et les conséquences des périodes marquées par des taux de chômage élevés et des périodes de forte croissance ; ETUC/ EC185/JM/lw-13/10/2009 8 - - la relation entre les systèmes nationaux de relations de travail et de négociation collective et les normes européennes en vigueur ; l’ensemble des aspects nouveaux sur lesquels devraient porter les normes européennes ; l’évolution de la gouvernance des entreprises et les moyens d’échapper aux pressions à court terme. 23. L’objectif serait de débattre de ce rapport au cours de la période préparatoire au prochain congrès en mai 2011. Le fonctionnement de la CES 24. Outre les trois initiatives particulières mentionnées plus haut, la CES doit examiner avec ses membres son mode de fonctionnement. Il ressort de nos succès les plus récents, fondamentalement la modification de la directive sur les services, la défense de la directive sur le temps de travail et l’obtention d’une directive sur l’égalité des travailleurs intérimaires, que nous sommes plus efficaces lorsque nous sommes en mesure de coordonner la pression au plan européen et les pressions exercées sur les États membres au plan national. Pouvons-nous nous appuyer fermement sur cette expérience ? 25. Il est également manifeste qu’il nous faut être efficaces à Bruxelles, à Strasbourg et à Luxembourg aux plans politique et technique sur un nombre croissant de questions, relatives au marché unique, à l’environnement et au marché du travail. Le niveau des compétences, l’enthousiasme et l’engagement sont autant d'éléments qui devront être pris en considération lors de l'élection et de la nomination du prochain Secrétariat de la CES. 26. Il ne fait par ailleurs aucun doute que la composition de la nouvelle équipe est un sujet qui suscitera un intérêt croissant en 2010. C’est pourquoi je diffuserai un document en décembre au Comité exécutif sur le calendrier et les procédures. 27. Enfin, nous devons établir et maintenir le dialogue. La possibilité de bénéficier du soutien de responsables politiques et d’employeurs « éclairés » doit être étudiée de manière permanente. En définitive, ils ont intérêt à éviter une généralisation des emplois précaires, la déflation (diminutions de salaires) ou que l’Europe se transforme en un désert de l’investissement en raison d’une destruction systématique de la demande intérieure. La CES poursuivra ses efforts pour parvenir à des résultats avec les institutions existantes du ETUC/ EC185/JM/lw-13/10/2009 9 dialogue social européen, dans le cadre des sommets sociaux tripartites et du dialogue macroéconomique, mais également au-delà de ces organes, étant donné la stratégie apparente des organisations européennes des employeurs du retour au « statu quo » dès que possible et leurs réticences à aborder les problèmes de l’inégalité et de la précarité. Conclusions 28. Le Comité est invité a donner son point de vue sur les points mentionnés plus haut. Une version révisée sera ensuite rédigée pour la réunion élargie du Comité de direction en novembre. ETUC/ EC185/JM/lw-13/10/2009 10