Le Projet de l`Europe

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LE PROJET DE L'EUROPE:
FORGER UNE EUROPE FORTE ET SOCIALE
Introduction
Cette brochure s'adresse à deux catégories de personnes. La première est
celle des personnes qui affirment que l'avenir de l'Europe se réduit au
développement de son marché unique et à rendre les économies
européennes plus compétitives en diminuant les acquis sociaux et les droits
des travailleurs. Le second groupe, qui se confond partiellement avec le
premier, est constitué de ceux qui soutiennent qu'il n'existe pas de modèle
social européen, mais seulement une série de modèles différents variant d'un
état-membre à l'autre. Ils en concluent que la politique sociale est une
question nationale, négligée au niveau européen.
Mais cette brochure n'est pas une simple critique des opinions d'opposants.
Dans sa première partie, elle cherche à promouvoir une fois encore le projet
de l'Europe en termes compréhensibles pour les travailleurs et à étayer les
projets visant à moderniser l'Europe sociale. Et dans sa deuxième partie, elle
propose en outre d'importantes modifications aux politiques
macroéconomiques. C'est un calendrier pour l'avenir, un calendrier pour les
citoyens, une Europe pour tous.
John Monks
Secrétaire général
CES
Novembre 2005
ETUC/ SC101/JM/cd-08/11/2005
EUROPEAN TRADE UNION CONFEDERATION
CONFEDERATION EUROPEENNE DES SYNDICATS
John Monks, General Secretary
Boulevard du Roi Albert II, 5 • B – 1210 Bruxelles • Tel: +32 2 224 04 11
Fax: +32 2 224 04 54 / 55 • e-mail: [email protected] • www.etuc.org
Le Projet de l'Europe:
I. Forger une Europe forte et sociale
Pourquoi une Europe sociale?
La CES souligne sa conviction de l'existence d'un modèle social européen – et
non seulement de 25 modèles sociaux nationaux disparates dans l'Union
Européenne.
Le fait est qu'il se crée progressivement marché du travail unique dans l'UE,
le processus d'intégration étant conduit dans des secteurs comme la
construction, l'industrie hôtelière et certaines activités de transport mais se
répandant de plus en plus. Des normes standardisées sont donc à la fois
nécessaires et souhaitables. Soutenir qu'elles ne le sont pas est encourager
l'hostilité et l'opposition au marché unique et à l'UE.
Les problèmes économiques et sociaux vont de pair et l'équilibre entre eux
fait partie du contrat social passé en tant qu'élément de la construction du
marché unique. Une conséquence majeure de cette vision est la nécessité
d'un cadre commun pour une solide législation européenne.
Nous reconnaissons que ce modèle est mis à rude épreuve et nous sommes
prêts à participer au débat lancé par la Présidence britannique. Toutefois si
son intention, lorsqu'elle analyse "l'équilibre entre l'action commune et la
diversité nationale", est de mener à un rapatriement des droits sociaux à
l'échelon national ou à une déréglementation à tous les niveaux, ou aux
deux, il ne pourra y avoir de débat utile.
Ce document est une contribution à la discussion et, nous l'espérons, à des
avancées positives ensuite. Nous demandons instamment à toutes les
institutions européennes et autorités nationales de jouer un rôle constructif.
Nous proposons, dans cet esprit, à nos partenaires sociaux d'élaborer un
accord-cadre comme agenda d'action pour tous les acteurs concernés.
Le concept de l'Europe sociale a été au centre de l'évolution de l'Union
Européenne. Les droits sociaux et l'insertion sociale promus et garantis par
les pouvoirs publics, ainsi qu'un dialogue social et un rôle important pour les
partenaires sociaux agissant de manière autonome, ont été reconnus comme
des éléments-clés de l'Europe et font partie de ses valeurs fondamentales
telles que définies dans le Traité constitutionnel et acceptés, au cours des
ans, par les chefs d'état et de gouvernement européens. C'est pourquoi la
CES soutient l'Europe. Ces éléments sont essentiels pour conserver l'appui
des syndicats et des travailleurs à l'Union Européenne, appui qui a
franchement perdu du terrain dans certains pays.
Pourquoi en est-il ainsi? Il apparaît clairement qu'alors même qu'une
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majorité prononcée de citoyens soutient les avantages de l'appartenance à
l'Europe, ce support est en recul (parmi les travailleurs en général, mais
surtout chez les femmes et les jeunes). Le chômage, les délocalisations, les
menaces sur la sécurité des revenus, y compris les pensions, sont cause de
désillusion et peuvent les pousser vers le nationalisme et le racisme, le rejet
des travailleurs immigrés et l'opposition à l'élargissement de l'UE.
La CES en conclut qu'il faut que l'Europe révise son projet, actualise sa raison
d'être et définisse un avenir certain pour l'Europe sociale, notamment en
attaquant prioritairement le problème du chômage.
Réussites et échecs
l'Union Européenne est née des cendres de deuxième guerre mondiale afin
de constituer une région de paix et de prospérité; et d'enterrer les anciens
tribalismes et nationalismes de notre continent.
Elle a particulièrement bien réussi à transformer ce qui fut, au début du
20ème siècle, le continent le plus sanglant du monde en une zone à la fois de
coopération pacifique et de progrès économique et social.
Des 6 nations membres de son origine, elle s'est élargie à 25 membres et
d'autres pays attendent leur adhésion. La CES a toujours soutenu
l'élargissement dans la perspective que toutes les protections sociales que
nous avons acquises soient étendues à tous et que l'unité de but de l'Europe
ne soit pas affaiblie. Les peuples des nouveaux états-membres souhaitaient
se joindre au modèle social européen commun.
Pour les syndicats européens, l'UE a été jusqu'à présent une force positive,
qui a su sauvegarder dans son action les valeurs syndicales d'insertion
sociale et de solidarité, d'état pourvoyeur de bien-être et de services
d'intérêt général et de participation des travailleurs et de négociations
collectives. Le but a toujours été d'atteindre un équilibre entre le dynamisme
économique et la dimension sociale. Cela différencie clairement le modèle
européen de la manière américaine, qui a mis une fois de plus en évidence le
contraste entre la prospérité privée et la misère publique par la première
réaction inappropriée des autorités face à l'ouragan Katrina. Cet équilibre
européen a étayé la stratégie de Lisbonne conçue en 2000 et soutenue
actuellement par la CES.
Mais l'UE est en difficulté, principalement en raison de son impuissance à
remédier à la persistance des taux de chômage élevés dans les pays du cœur
de l'Europe et aussi, récemment, à garantir la ratification indispensable du
Traité constitutionnel de l'UE. Ces problèmes s'aggraveront si un nouvel
accord budgétaire satisfaisant n'est pas conclu rapidement.
Cette crise au sein de l'Europe est le résultat d'un manque de courage et de
vision politiques. Les dirigeants des pays européens n'ont pas assumé la
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responsabilité d'expliquer les avantages de l'intégration aux citoyens et ont
trop souvent trouvé commode de blâmer Bruxelles lorsque les choses allaient
mal. Ils ont également omis de bâtir une vision politique dans laquelle une
Europe intégrée doit jouer un rôle essentiel. Cela fait partie d'une tendance
plus large et inquiétante au déclin de la confiance dans la capacité du
gouvernement à améliorer la vie gens.
Qui plus est, dans certains pays des fractions de la gauche politique
dominante sont déçues par le retrait apparent de la vision sociale de l'Europe
constamment poursuivie par Jacques Delors. Il y a eu une réaction contre
l'accentuation unilatérale mise sur la libéralisation du marché et elle s'est
exprimée par un scepticisme croissant vis-à-vis de la valeur et du but de
l'intégration européenne. Aussi longtemps que l'Europe n'est pas considérée
comme partie de la solution, elle sera toujours vue comme une partie du
problème.
L'Europe et la mondialisation
L'Union Européenne n'a pas été inventée en tant que réponse à la
mondialisation, mais son existence doit nous permettre de relever les
nouveaux défis mondiaux beaucoup plus efficacement, ce qui devrait être au
cœur de la mission européenne du vingt et unième siècle.
L'objectif consistant à mettre un terme à la guerre en Europe ne suffit plus à
alimenter le processus d'intégration. Bien qu'il soit toujours d'actualité
(encore récemment dans les Balkans), il est trop éloigné de l'expérience de
nombreux autres Européens contemporains, surtout à l'Ouest et parmi les
jeunes générations.
A l'époque du Traité de Rome, il fonctionnait un système de gestion
économique sociale, les problèmes environnementaux se posaient au niveau
national, les voyages à l'étranger et les communications internationales
étaient réservés aux élites et les états avaient le monopole d'une force
armée.
Les défis modernes des marchés mondiaux volatiles, du changement
climatique et de la détérioration de l'environnement et du terrorisme
international n'auraient pas pu être prévus. En construisant un espace
politique transnational, les pays européens ont cependant créé un cadre dans
lequel des solutions à ces problèmes peuvent être trouvées.
Soutenir que la mondialisation est soit une bonne, soit une mauvaise chose
est trop simpliste. Son impact social et économique est par trop inégal pour
qu'un tel jugement soit possible. D'une part, elle est la conséquence des
ambitions qu'ont les citoyens ordinaires d'avoir accès à ce que le monde a de
mieux à offrir. D'autre part, elle crée de nouvelles formes d'insécurité et de
fracture sociale auxquelles il faut remédier. Cet objectif ne peut être atteint
que par une action collective au niveau international.
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Si l'Europe, qui possède l'ensemble le plus solide d'institutions et de valeurs
communes de toutes les organisations internationales, ne forme pas la base
de ce projet, qui le fera?
Le but d'une Europe intégrée devrait être de gérer le processus de
mondialisation de manière à maximiser ses bénéfices et minimiser ses coûts,
en veillant à ce qu'il y ait autant de gagnants que possible et que des
mesures compensatoires soient prises pour les perdants.
Elle devrait
chercher à restaurer la primauté de la politique sur les marchés et donc la
capacité des Européens à contrôler leur propre destinée.
Ce qui est frappant au sujet de la mondialisation est le fait que les nations
qui en ont le plus profité sont celles dont la présence géopolitique est
suffisante pour leur permettre régir les termes de leurs interactions avec le
monde extérieur à leur avantage. Aucun pays européen n'est assez grand
pour y arriver seul. Les Européens ne peuvent le faire qu'en agissant
collectivement.
Les fondements du projet européen doivent en être ses valeurs communes.
La preuve que celles-ci existent apparaît clairement dans les sondages
d'opinion. Les nations européennes représentent un éventail varié
d'expériences et d'idées. Elles sont toutefois liées par un ensemble
clairement identifiable de valeurs politiques et sociales qui sont le résultat de
l'histoire et de la culture uniques du continent.
Les valeurs communes européennes font fortement écho à celles qui ont
défini le mouvement syndical depuis son avènement – la solidarité, l'égalité,
la justice sociale, l'internationalisme et la conviction que la vie économique et
sociale doit être structurée de manière à répondre aux besoins humains. A
part en Europe, il n'existe aucun endroit au monde où ces valeurs sont plus
intégrées dans la gouvernance.
Sous l'influence de l'accroissement du mouvement syndical et des idées
démocratiques, les sociétés européennes témoignent d'un solide engagement
envers l'aide publique et la responsabilité du gouvernement de promouvoir la
cohésion sociale – un engagement partagé par les courants dominants de
gauche et de droite, qui inclut des mesures de redistribution comme le
revenu minimum et l'imposition progressive.
La vision européenne de l'ordre international est basée sur le soutien au
multilatéralisme, les principes du droit international, la gouvernance
mondiale par l'intermédiaire des institutions légitimes et la solidarité entre les
riches et les pauvres. Ces valeurs sont-elles toujours pertinentes? Ou sontelles devenues obsolètes en raison de la mondialisation et de l'émergence de
nouvelles économies d'envergure, en particulier de la Chine et de l'Inde?
Durabilité du modèle social européen
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Le moment est clairement venu de se plonger dans un période de réflexion
sérieuse, qui sera suivie par des actions courageuses et ambitieuses.
Le débat sur l'avenir de l'Europe et du modèle social est à présent lancé. La
bataille en cours a été décrite comme une lutte entre ceux qui veulent un
modèle social européen moderne, une union politique et sociale basée sur
une économie de marché sociale et des droits sociaux et ceux qui veulent
uniquement une zone de libre échange, caractérisée par un marché libre
moins réglementé doté d'institutions faibles. Cette interprétation est-elle
correcte?
Tant que cette différence cruciale et actuellement profonde entre les
perceptions subsiste, tant que de nombreux employeurs, appuyés par des
politiciens, y compris, dans certains pays, des politiciens de centre gauche,
argumentent en faveur d'une Europe plus "commerciale" (moins de
bureaucratie tatillonne, une baisse des normes sociales, davantage de
déréglementation, de libéralisation, moins d'influence syndicale), il sera
impossible de trouver une nouvelle base pour l'évolution de l'Europe. Le fossé
idéologique est trop grand. Si les travailleurs ont l'impression que
l'Europe sociale est en perte de vitesse, ils considéreront l'Europe
tout entière comme une menace et non comme un soutien. Leur
réaction naturelle sera la résistance et l'opposition.
La CES considère donc comme vital que le Conseil des Ministres, la
Commission, le Parlement et les partenaires sociaux, y compris la société
civile, garantissent la mesure d'accord la plus large possible sur les pistes de
réflexion menant à l'Europe sociale, qu'une plate-forme commune soit bâtie,
qui vise à:
1 la prospérité – plus et de meilleurs emplois, des avancées vers le
plein emploi, des états providence durables et une meilleure qualité de
vie pour tout un chacun;
2 l'égalité - élimination de toute forme de discrimination, notamment
sur base du sexe, de la race et de l'origine ethnique, des croyances et
convictions, de l'orientation sexuelle, de l'âge et du handicap;
3 la solidarité – la construction de sociétés propices à l'insertion et à la
cohésion sociale, la protection de ceux qui sont dans le besoin, l'offre
de services d'intérêt général.
Les caractéristiques principales du modèle social européen sont
1 la responsabilité de l'état en matière de plein emploi (économie sociale
de marché), de services d'intérêt général / obligations de service
public et de cohésion économique et sociale;
2 le droits sociaux fondamentaux: liberté d'association, droit de grève,
négociations collectives; droit à l'information et à la consultation des
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travailleurs; protection contre les licenciements injustifiés; conditions
de travail justes et équitables; égalité et non-discrimination;
3 la protection sociale – systèmes universels, très développés (en
comparaison avec les Etats-Unis ou d'autres régions du monde) – et
des mesures de redistribution, comme par exemple le revenu
minimum ou l'imposition progressive;
4 le dialogue social/les relations industrielles avec la possibilité de
conclure des conventions collectives; la représentation des
travailleurs; les comités d'entreprise nationaux, les comités
d'entreprise européens, la législation sur la représentation au niveau
du conseil d'administration, etc.
5 une réglementation sociale et du travail (législation sur la santé et la
sécurité sur le lieu de travail, limitation du temps de travail
hebdomadaire et quotidien, congés, protection de l'emploi, etc.); une
politique d'égalité des chances; une protection pour les femmes
enceintes, etc.
Le modèle social nécessite un contexte large et efficace dans lequel il puisse
opérer. Nous visons à un effort commun pour atteindre l'objectif en matière
d'énergie renouvelable; une recherche renouvelée de ressources accrues
pour la recherche et le développement et l'investissement pour atteindre les
objectifs de la stratégie de Lisbonne, une approche commune de la politique
industrielle (un domaine dans lequel des différences inquiétantes
apparaissent entre les états-membres); et un cadre légal pour les services
d'intérêt général qui doivent être protégés de la libéralisation du marché.
Pour donner forme à un nouvel engagement sur ces valeurs, la CES appuie la
proposition en faveur d'une nouvelle stratégie pluriannuelle de croissance et
d'investissement durables pour plus et de meilleurs emplois dans le cadre de
la stratégie de Lisbonne. Nous devons placer le débat concernant l'évolution
vers le plein emploi au centre de notre travail.
Il ne s'agit pas, comme certains le prétendent, d'un débat étriqué de réforme
structurelle. Il ne peut y avoir de domaines "intouchables" comme la
politique macroéconomique, où il s'avère nécessaire de renforcer la
gouvernance économique à l'intérieur de la zone Euro en faisant de la
Banque Centrale Européenne le gardien de la stabilité des prix et de la
croissance. Nous proposons également une nouvelle Déclaration sur le
renouveau économique européen avec un plan de mise en pratique de la
stratégie de Lisbonne incluant une plus grande coordination des politiques
budgétaires des états-membres et un nouveau rôle pour la Banque
Européenne d'Investissement consistant à financer de nouveaux
investissements, y compris en émettant des obligations. Ces aspects sont
développés dans la deuxième partie de cette brochure.
La CES était et demeure fermement partisane de l'élargissement de l'UE –
une réalisation historique – et il faut maintenant s'attaquer à la profonde
division en matière de richesse et de conditions de vie, de politiques fiscales
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et de prévoyance sociale ainsi que de législation sociale.
La CES demande aux dirigeants européens de se mettre d'accord sur une
nouvelle vision de l'Europe, basée sur les principes exposés plus haut.
Nous demandons également la mise au point d'une stratégie communicative
d'accompagnement pour lancer un débat sur une nouvelle vision parmi les
citoyens européens. Cette fois, une simple stratégie "descendante" ne suffira
pas. Une bonne direction imaginative est particulièrement importante dans
les circonstances actuelles, mais à présent, la direction doit s'accompagner
d'un processus d'écoute des gens et de leurs préoccupations.
L'Europe sociale: une responsabilité commune
La CES, avec ses partenaires sociaux, veut jouer pleinement son rôle
essentiel dans les débats et les actions qui s'ensuivront sur l'avenir de
l'Europe et, en particulier, en ce qui concerne le rôle de l'Europe sociale.
L'Europe sociale reste la base de notre soutien au concept général d'une
Union Européenne en développement – et ses valeurs d'insertion sociale, de
travail décent et de dialogue social sont les éléments-pivots du futur.
Ceci vaut également au niveau des entreprises. Une entreprise qui pratique
l'égalité, qui met l'accent sur le dialogue social, est une entreprise qui réunit
les meilleures conditions de compétitivité, de réussite à long terme et qui
obtient le meilleur degré d'engagement et de dévouement de ses employés.
Investir dans les personnes, dans leurs aptitudes et leur capacité
d'adaptation est essentiel pour l'avenir des individus, des entreprises
(publiques autant que privées) et des pays.
La précarité d'emploi, les emplois peu rémunérés et l'insécurité vont
fortement à l'encontre des bonnes pratiques et menacent les droits établis.
La CES reconnaît le besoin de changement. Il ne nous appartient pas de
soutenir chaque statu quo, mais nous avons conscience de la nécessité d'agir
avec le consentement des gens, d'identifier les sujets de changement, de
mettre au point un agenda d'action et de parvenir ensuite à des accords.
Les partenaires sociaux ont un programme de travail allant jusqu'à la fin de
2005 et ont convenu de préparer un nouveau programme encore plus
ambitieux.
Voici un nouvel agenda d'action, non seulement au niveau du dialogue social,
mais également avec la Commission, le Conseil des Ministres et le Parlement.
Le rôle de la négociation collective en est un axe central. La négociation
collective a été un élément important de la construction de nombreux pays
européens et il doit en rester ainsi. Il y a place pour elle au niveau de l'UE et
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certains accords-cadres existent. Mais les employeurs sont généralement peu
enthousiastes pour traiter de sujets qui ont trait à la relation fondamentale
sur le lieu de travail ou sur les marchés de l'emploi. Leur manque
d'enthousiasme reflète partiellement leur conviction que les perspectives de
nouvelle législation européenne dans ces domaines sont lointaines.
L'approche des années 90 de la Commission envers les partenaires sociaux:
"soit vous négociez, soit nous légiférons" est largement redondante.
Ces opinions courantes parmi les employeurs, la Commission et les étatsmembres doivent être assouplies. Dans ce cas, la CES sera prête à réagir ave
énergie et engagement à une gamme de questions qui sont importantes pour
l'avenir de l'Europe. En fait, la CES propose qu'on élabore un accord-cadre
comme agenda d'action englobant le travail sur les points suivants, pas
seulement au niveau du dialogue social mais de manière plus générale.
(i)
Développer davantage la politique et la législation sociales
L'introduction et le maintien de normes sociales minima sont essentiels
pour améliorer la qualité et la protection de tous les travailleurs; à cet
égard, la révision de directives existantes doit mener à une
harmonisation ascendante.
La CES souhaite une action rapide en vue de réviser la directive sur le
temps de travail, afin de mettre fin à la clause de renonciation
individuelle et d'offrir aux travailleurs une protection adéquate contre
les heures de travail longues et irrégulières. D'autre part, le blocage
actuel concernant le projet de directive sur les travailleurs intérimaires
doit être levé, afin de fournir aux travailleurs intérimaires dans toute
l'Europe une protection minimum; et le projet de directive sur les
services sur le marché intérieur doit être considérablement modifié afin
de créer une situation comparable n'entraînant pas de concurrence aux
dépens des droits et des conditions de travail des salariés. La CES
réitère son appel en faveur d'une révision de la directive 94/45 sur les
conseils du travail européens en vue d'aider à relever les défis d'une
restructuration intensifiée, des fusions et délocalisations et de
contribuer à une meilleure gouvernance de ces processus sur la base
d'une information étoffée et de conventions de consultation.
En outre, des mesures doivent être prises au niveau de l'UE avec
l'implication active des partenaires sociaux, pour fournir aux
travailleurs dont les relations de travail sont atypiques (travailleurs
économiquement dépendants, travailleurs domestiques etc.) une
protection appropriée.
L'UE ne peut se permettre de donner l'impression que la politique
sociale est "stoppée" afin de laisser plus de place aux entreprises. La
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clé, pour l'avenir, consiste à maintenir l'équilibre. Le temps est en effet
venu pour qu'une initiative législative garantisse des droits aux
travailleurs dans le contexte d'un marché du travail au sein d'une
Europe en voie d'unification rapide (voir (vi) ci-après), qui déstabilise
des conventions nationales bien établies.
(ii)
Créer un cadre solide pour faire face à la délocalisation et à
la restructuration
C'est un problème qui se trouve inévitablement en tête de l'ordre du
jour de nombreux salariés et la façon dont il sera traité sera cruciale
pour l'avenir. Autrefois, dans les secteurs du charbon et de la
sidérurgie, des fonds spéciaux étaient créés pour faciliter les processus
de changement. Dans certaines industries et régions, l'Europe devrait
examiner la portée de telles actions pour aider les personnes et les
communautés à mieux traverser les changements. C'est avec intérêt
que la CES examine, dans ce contexte, la proposition de la Commission
de création d'un fond d'adaptation à la mondialisation.
Une politique industrielle moderne, particulièrement au niveau
sectoriel, s'avère nécessaire, amortie et mise en forme par des
mesures de politique sociale. Le travail des partenaires sociaux et de la
Commission à l'égard des restructurations doit être élargi afin
d'élaborer des propositions dans ce domaine. Le but doit être d'établir
des règles fermes en matière d'information et de consultation, des
comités d'entreprise européens efficaces et un droit à la réinsertion
pour les travailleurs touchés parla réduction d'effectifs et la
restructuration,
droit
soutenu
au
niveau
européen
(fonds
structurels/accords-cadres des partenaires sociaux) et s'inspirant des
conventions de négociation collective portant sur l'ensemble des
industries suédoise et finnoise.
Des questions apparentées, comme la responsabilité sociale des
entreprises, la participation des travailleurs et le gouvernement
d'entreprise doivent également être traitées. Un cadre juridique solide
quant au droit de participation des travailleurs est indispensable pour
faire face à l'éventualité de fusions transfrontalières et de transfert de
sièges sociaux de sociétés anonymes.
(iii)
Aborder les défis démographiques avec un regard ouvert sur
l'avenir
Il apparaît clairement qu'en raison d'un allongement de l'espérance de
vie et d'un affaiblissement du taux de natalité, la plus grande partie de
l'Europe est constituée d'une population vieillissante. Ceci pose
d'énormes problèmes en matière de maintien des systèmes de
pensions et par rapport aux attentes de travailleurs qui, comme ceux
du baby-boom d'après-guerre, s'attendent à prendre leur retraite vers
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60 ans ou avant. Cela soulève aussi d'autres questions, plus vastes,
concernant:
-0 le soutien à apporter aux parents qui travaillent par le biais de
services de garde abordables et de qualité ainsi que d'autres
commodités et services, afin de leur permettre, pratiquement,
d'élever une famille;
-1 l'amélioration de la qualité de la vie professionnelle, notamment en
réduisant les longues heures de travail, afin que les travailleurs plus
âgés puissent rester en bonne santé et choisir de travailler plus
longtemps;
-2 le développement de l'apprentissage tout au long de la vie afin
d'aider les salariés à acquérir de nouvelles aptitudes et une capacité
d'adaptation,
-3 la mise au point de politiques concertées sur l'immigration et la
migration.
Il importe également que le concept du pacte pour la jeunesse soit
abordé dans ce contexte.
(iv)
Fournir et mettre en pratique des politiques actives de marché
du travail et l'agenda de la formation
Il n'y a, bien sûr, pas que les jeunes travailleurs qui doivent avoir
accès à l'apprentissage tout au long de la vie; tous les travailleurs ont
besoin de droits et d'encouragements à acquérir de nouvelles
compétences et une meilleure capacité d'adaptation aux opportunités
et aux menaces de la mondialisation et de la restructuration.
Certaines nations européennes ont d'excellents résultats dans ce
domaine. Les pays nordiques ont longtemps poursuivi des politiques
actives exemplaires en matière de marché du travail et, récemment, le
Royaume-Uni, avec son programme pour les chômeurs de longue
durée et son appui au rôle actif des syndicats dans la formation, a
ouvert la voie à des mesures imposantes dans le contexte d'une
économie croissante et d'un salaire minimum légalement imposé.
Un nouvel accord au niveau européen, soulignant ce qui peut être fait
au niveau des états-membres, serait une aide utile pour améliorer les
opportunités et la capacité d'adaptation.
(v)
Assurer l'égalité pour tous
La discrimination sur le lieu de travail et sur le marché du travail est
encore répandue au sein de l'UE, notamment sur base du sexe ou de la
race. Cela constitue une atteinte aux droits fondamentaux et aux
directives européennes. Sa persistance est une barrière énorme à une
participation accrue au marché du travail portant sur des emplois
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appropriés. La main d'œuvre féminine, ainsi que les travailleurs issus
de l'immigration ou d'une minorité ethnique, et d'autres groupes
souffrant de discrimination sont des ressources-clés actuellement sousutilisées et sous-estimées. Il y va de l'intérêt individuel des hommes et
des femmes ainsi que de l'économie et la société dans leur ensemble
d'améliorer la situation.
En ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes, les
partenaires sociaux au niveau européen sont récemment convenus de
quatre priorités d'action: aborder les rôles masculins et féminins qui
entretiennent la ségrégation, promouvoir les femmes dans la prise de
décision, soutenir l'équilibre entre la vie privée et la vie
professionnelle, et résorber l'écart salarial entre les hommes et les
femmes.
Au niveau européen, une double approche est nécessaire:
-4 un effort suivi visant à mettre en pratique et à faire respecter une
législation d'égalité à tous les niveaux concernés;
-5 un effort accru "d'intégration", notamment en ce qui concerne
l'égalité entre les hommes et les femmes et l'égalité des races dans
tous les domaines de politique européenne.
(vi)
Créer un cadre légal durable pour la migration et la mobilité
Dans certains secteurs – par exemple, l'horeca, certaines fonctions du
transport et la construction – un marché du travail européen existe
déjà et d'autres secteurs suivront sous peu. Il y a trop d'incertitudes
quant aux normes s'appliquant aux travailleurs migrants. Celles-ci
nuisent à l'élargissement – qu'il soit déjà réalisé ou simplement
envisagé – et nécessitent une attention nouvelle urgente. Le procès
actuellement en cours devant la CJE (l'affaire Vaxholm) impliquant des
travailleurs de la construction lettons à Stockholm, portant sur la
question de savoir si les accords suédois ou lettons s'appliquent, et
l'autre affaire concernant une société finnoise de transport maritime
(l'affaire Viking) devant la Cour d'Appel de Londres, visant à savoir si
le droit de grève peut être amoindri par les libertés européennes de
libre circulation, soulignent l'importance du problème.
Il y a une nécessité, 'inter alia', de renforcer la directive sur le
détachement des travailleurs et de garantir que le principe de base des
systèmes et de législation du travail est "A Rome, faites comme les
Romains". Toute autre approche serait désastreuse pour l'UE.
La CES propose en conséquence que l'on envisage une série de
mesures concernant la fourniture de services, le travail en
détachement, le travail intérimaire, le travail économiquement
dépendant et les autres problèmes relatifs à la mobilité transfrontalière
afin de veiller à ce que les droits fondamentaux ne soit pas lésés par le
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marché unique.
(vii)
Renforcer la dimension extérieure du modèle sociale
Le modèle social ne doit pas concerner que l'Europe. L'Europe doit
promouvoir son modèle avec force et confiance.
-6 en pratiquant une approche cohérente et intégrée du commerce et
d'une politique de développement durable, dans laquelle les normes
sociales devront dorénavant être des éléments centraux, non
marginaux.
les sociétés européennes doivent adopter hors de l'Europe le même
comportement qu'elles sont supposées avoir au sein de celle-ci et
se conformer aux valeurs européennes de gouvernement
d'entreprise, aux normes environnementales et de travail, y
compris la négociation collective.
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