CORRIGÉ
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LA VÉRITÉ • SUJET 23
Le sujet La culture
La raison et le réel La politique
La morale Sujets d’oral
2. Le sens d’un combat
A. La critique des préjugés
Les Lumières sont par excellence l’époque de la lutte contre les préjugés,
entendus comme toute forme de pensée qui n’a pas été analysée par la
raison. « Notre siècle, écrit Kant, est particulièrement le siècle de la critique
à laquelle il faut que tout se soumette. » La raison affirme son droit à
enquêter librement sur la légitimité des fondements de tout ce qui régit la
vie des hommes. Kant mentionne le domaine politique et religieux. La légis-
lation et la religion ne peuvent prétendre valoir que si elles acceptent ce
libre examen de la part d’une puissance indépendante. Ces exemples ne
sont évidemment pas fortuits. Les régimes politiques et les mœurs reli-
gieuses conditionnent les mentalités. Dans un article intitulé Qu’est-ce que
les Lumières ?, Kant critique les « tuteurs » qui endoctrinent les autres
hommes afin de les diriger sans difficulté comme du bétail docile. L’huma-
nité reste ainsi dans un état de minorité intellectuelle, défini comme étant
l’incapacité de faire un usage personnel de son entendement. Les politiques,
les religieux, les médecins eux-mêmes s’emploient à inculquer des idées des-
tinées à asseoir leur pouvoir. Les gouvernés deviennent alors semblables à
des enfants qui n’osent s’aventurer seuls hors des frontières où on les a
confinés. Pire, qui conçoivent leur emprisonnement comme un état de liberté.
B. L’éducation
Remarquons que Descartes et Kant font tous deux à leur manière référence
à l’enfance. Cela signale l’importance de l’éducation dans la lutte contre les
préjugés. Une bonne éducation est capitale, car elle seule est capable
d’empêcher la formation de pensées qui seront d’autant plus difficiles à éra-
diquer qu’elles ont pris racine dans un esprit vierge, et donc malléable. Kant
insiste sur la nécessité de créer des instituts pédagogiques où l’instruction
serait dispensée en tenant compte des progrès des connaissances ration-
nelles. Les facultés doivent être développés selon leur importance
respective. La mémoire est indispensable, mais elle doit rester une faculté
subordonnée au service de la raison, qui discerne des principes, et du juge-
ment, qui s’efforce d’évaluer correctement le réel en fonction d’eux. Dans
l’Émile, Rousseau propose une expérience intéressante. Il imagine un enfant
gravissant une montagne avec son précepteur pour voir le soleil se lever, et
il demande expressément que le maître ne parle pas mais laisse l’enfant
ressentir la beauté sublime du spectacle. Il ne s’agit pas de rejeter les mots,
mais de faire en sorte qu’ils ne précèdent pas les sentiments, afin que ceux-
ci ne soient pas d’emblée recouverts par une perception intellectuelle dont
l’enfant n’est pas encore capable. Il faut donc ici le laisser juger par lui-
même afin que les mots ne préjugent pas pour lui de ce qu’il voit. Par-delà
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