Un dernier hommage. Les obsèques du père Jacques Hamel, assassiné il y a une semaine dans
l’église de Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), ont lieu ce mardi après-midi à Rouen, en
présence de nombreuses personnalités politiques et religieuses. A la demande de la famille, le
lieu de l’inhumation n’a pas été divulgué. Agé de 86 ans, le prêtre faisait partie de ceux qui
avaient accueilli, en France, les premières générations de musulmans. A l’image de son
engagement, les représentants des différentes religions agissent de concert, depuis une semaine,
afin de contrer la tentative de division des terroristes.
Quelle est la stratégie des responsables religieux ?
Dès la nouvelle de l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray connue, l’évêque de Rouen,
Dominique Lebrun, donne le ton. Les catholiques, dit-il, n’ont que «la fraternité et la prière»
pour répliquer à l’assassinat du père Hamel. Les jours qui suivent, les responsables religieux,
unanimement mobilisés, déminent le terrain, soucieux de ne pas accréditer l’idée d’une guerre de
religion ou d’un choc des civilisations. Jusqu’à s’afficher ensemble, dès le lendemain de
l’attentat, sur le perron de l’Elysée. Les grandes fédérations musulmanes, de leur côté,
condamnent à tour de rôle «l’horreur» de l’assassinat du prêtre catholique. De retour précipité du
Maroc, Anouar Kbibech, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), lance,
jeudi, un appel pour inviter les musulmans à se rendre à la messe le dimanche suivant.
«Beaucoup de responsables de mosquée, très choqués par ce qui s’était passé, m’appelaient pour
savoir ce qu’il fallait faire», raconte-t-il à Libération. L’initiative trouve un large écho, du côté
catholique comme du côté musulman. Dès le vendredi, des chrétiens se rendent même dans les
mosquées pour la grande prière. C’est le cas à Saint-Etienne-du-Rouvray, où le curé de la
paroisse prend la parole avant le prêche de l’imam. A l’entrée, la mosquée affiche un écriteau :
«Mosquée en deuil».
En écho à l’appel d’Anouar Kbibech, la Conférence des évêques de France (CEF) demande à ses
fidèles de réserver «un bon accueil» aux musulmans lors de la messe dominicale. Dans plusieurs
dizaines de villes, des musulmans répondent à l’appel du CFCM et assistent à l’office catholique,
salués, le plus souvent, à l’entrée de l’église par le prêtre. La plupart des responsables musulmans
font le déplacement. Le recteur de la Grande Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, assiste à la
messe à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le recteur de la mosquée de Bordeaux, Tareq
Oubrou, se rend «en famille» dans une église de la ville.
Les bonnes relations entre chrétiens et musulmans sont-elles nouvelles ?
Depuis le début des années 70, la France est pionnière sur le terrain du dialogue islamo-chrétien.
Au sein de l’Eglise catholique, l’épiscopat est l’un des premiers en Europe à avoir mis en place
un service spécifique pour ses relations avec l’islam. «A l’époque, il existait le désir de mieux se
connaître, d’approfondir ce qui nous était commun», explique Vincent Feroldi, le prêtre
catholique en charge, à l’épiscopat, des rapports avec l’islam. Sur le terrain, des associations se
créent, comme les Fils d’Abraham à Lyon. Sur le plan national émergent les groupes d’amitié
islamo-chrétiens. «C’était l’époque de l’islam des caves», poursuit Vincent Feroldi. Les paroisses
prêtent, par souci de dignité, des salles aux musulmans pour leur prière. C’est le cas à Saint-
Etienne-du-Rouvray. La communauté catholique de la ville va même vendre pour un franc
symbolique le terrain sur laquelle la mosquée est construite. «Le dialogue entre musulmans et