88e ANNÉE  JANVIER 2014  FR. 7.50 – www.batir-jcsr.ch
JOURNAL DE LA CONSTRUCTION DE LA SUISSE ROMANDE
Musée olyMpique, lausanne
Plus vite, plus haut, plus fort
Plus grand 1
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Sauvée du naufrage
dans la ville en 1974, de nombreuses
associations à but non lucratif attirées
par le bas prix et le volume des locaux
s’y sont progressivement installées.
Tassement spectaculaire
Petit à petit, le bâtiment a commencé à
se tasser en raison de la nature du sol.
Le Locle − du latin lacus qui veut dire
lac − est construit sur un marécage et
tous ses bâtiments reposent sur des
pilotis. A la fin des années 90, les autori-
tés communales ont proposé un assai-
nissement, mais suite à un referen-
dum, le crédit demandé a été refusé par
le peuple. La situation de ce navire en
phase de naufrage devenait vraiment
préoccupante. En 2003, le pourtour du
bâtiment, sauf l’entrée principale, a dû
être barricadé car des pierres se déta-
chaient de la corniche lors du dégel.
L’absence de confort et l’aspect déla-
bré du bâtiment ont incité la plupart
des associations à rechercher d’autres
locaux. Au fur et à mesure qu’elles quit-
taient le bâtiment, les espaces étaient
réinvestis par de nouveaux groupes de
locataires: des groupes de musiques
et des artistes qui y trouvèrent un lieu
idéal pour la création. C’est là aussi que
la façade orientale a été ornée d’une
fresque en noir et blanc d’Antoine
Glauser lui donnant un impact visuel
frappant.
Chantier
Lancien Hôtel des Postes som-
brait, il vient d’être assaini. Les
travaux de stabilisation et de
rénovation du toit et de l’enve-
loppe sont désormais terminés.
Premier bâtiment réalisé par
la Commune du Locle après
la révolution neuchâteloise
de 1848, l’auguste Hôtel des
Postes est incontournable lorsqu’on
entre au centre de la ville en venant de
La Chaux-de-Fonds. Dans son volume
de 11 900 m3, il n’abritait pas seulement
la poste, le téléphone, le télégraphe
et les diligences de l’époque, mais il
répondait aux besoins de l’industrie
horlogère alors en plein essor dans le
Jura neuchâtelois. Construit en 1856,
cet édifice a accueilli la première école
d’horlogerie et le cercle de l’Union
républicaine. Lors du départ des PTT
qui ont construit de nouveaux locaux
ANCIENNE POSTE, LE LOCLE
En 2009, un crédit de 3,5 millions de
francs est demandé et accordé à la
Commune pour sauvegarder le bâti-
ment historique avec la mise en place
d’une fondation ayant pour rôle la réno-
vation intérieure et le développement
des activités dans ses futurs locaux.
Ancrage revisité
La première mesure à prendre, et qui
a nécessité plus d’un tiers du budget
(1,6 million de francs), a été la stabili-
sation du sous-sol. «Il y avait une forêt
de 800 pieux en bois dans la nappe
phréatique pour soutenir le bâtiment»,
explique Ian Forrer, responsable du
chantier pour la Ville. «Ils étaient pour-
ris et nous les avons remplacés par
211 micropieux en acier injectés de
béton dont les têtes ont été reliées
par des longrines. Une trame métal-
lique a été posée sur ces pieux plan-
ANCIENNE POSTE, LE LOCLE
Ci-dessus, la façade rénovée.
Ci-contre, son état en 2011, avant
les travaux.
En bas, les anciens pieux de fondation,
en bois, étaient pourris.
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tés à 12-13 m de profondeur, qui a été
recouverte ensuite d’un radier. Un tra-
vail souterrain impressionnant mais
qui est frustrant car on n’en voit plus
aucune trace!»
Ensuite, il a fallu reconstruire entière-
ment la toiture, les ferblanteries et les
façades. Les faces nord, ouest et sud
étaient à l’origine crépies à la chaux
et elles ont été réalisées à l’ancienne
(voir encadré). Ce choix était aussi
la condition des Monuments et sites
pour obtenir une subvention.
Balcon scotché au carbone
Les pierres de taille en calcaire jaune
de Morteau ont été assainies, les fis-
sures brochées et quelques tablettes,
corniches, meneaux et cordons ont été
refaits. «Le bâtiment dansait et était
tout de traviole; nous avons fait le maxi-
mum possible dans notre enveloppe
budgétaire afin de garantir la sécurité»,
relève Ian Forrer. Toutes les fenêtres
ont été changées mais cette fois avec
du triple vitrage pour améliorer l’isola-
tion. Le seul balcon qui s’ouvre sur la
façade sud orné d’une balustrade, beau
travail de ferronnerie, était cassé. «Plu-
tôt que de refaire la dalle, nous l’avons
réparée avec des bandes de carbone
qui ont été collées comme du scotch
sur le dessous. Le carbone résiste à la
traction et cela empêche que le balcon
ne fasse un ventre.»
Façades rénovées au mortier de chaux
Après analyse des traitements
d’époque, l’Ancienne Poste a été recré-
pie à la chaux. L’expert Roger Simond
a proposé les mélanges et la structure
du crépi pour les échantillons réali-
sés par les maçons. Les faces sud et
nord de 43 m de long et de 9 m de haut
ainsi que la façade orientale ont été
De haut en bas: les ouvriers ont
d’abord étayé les fondations,
avant de poser les étriers
du radier. En bas, forage d’un
des 211 micropieux.
Chantier
L’ancien crépi (chaux et sciure)
a été remplacé par un nouveau
composé de chaux et de sable,
plus facile à poser.
Il y a crépi et crépi
Les crépis prémélangés en usine, qui
contiennent souvent des additifs et
des résines synthétiques fabriqués
depuis les années 1920, ont boule-
versé les méthodes traditionnelles,
faisant disparaître les savoir-faire.
Aujourd’hui, lors de la restauration de
bâtiments classés, on fait systémati-
quement appel à des spécialistes pour
analyser les crépis et les maçonneries
qui sont ensuite restaurés avec des
revêtements à l’ancienne où la chaux
est incontournable.
Roger Simond s’amuse lorsque les
gens disent que les murs crépis à la
chaux respirent: «Lorsque vous met-
tez votre oreille contre le mur, vous ne
l’entendez pas respirer! C’est mieux
de dire qu’il a une meilleure capacité
de diffusion de la vapeur d’eau, de
l’intérieur à l’extérieur et vice versa.»
Néo-Renaissance de style allemand
Pourquoi vouloir sauvegarder ce monu-
ment en grave état de dégradation?
recrépies à la chaux selon la tradition.
«Les anciens ont utilisé un mélange
de chaux et de sciure qui était un bon
isolant et plus léger que le sable», sou-
ligne Ian Forrer, tenant dans la main
un morceau enlevé lors des travaux,
laissant apparaître les murs en moel-
lons de calcaire. Ces enduits étaient
répandus dans l’Arc jurassien au-des-
sus de 1000 m où l’on utilisait les maté-
riaux à disposition comme la sciure
des bois coupés.
Le nouveau revêtement a toutefois été
refait avec un mortier de chaux et de
sable à l’ancienne qui a les mêmes qua-
lités. Roger Simond, expert en monu-
ments historiques pour les crépis et
maçonneries, a donné les conseils
pour sa réalisation. «Nous avons utilisé
du sable de la région qui s’adapte au
type de moellons et à leur structure.»
Pourquoi ne pas avoir utilisé la sciure
comme à l’origine? «Cela aurait été
plus risqué car elle aurait été plus diffi-
cile à appliquer et les maçons n’ont pas
l’habitude.»
Des encadrements de fenêtre
ont été entièrement refaits
et le balcon, consolidé
avec des bandes de carbone.
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