Ces données macro-économiques s’enchaînent assez na-
turellement: le taux de chômage diminue quand les en-
treprises sont en croissance. Comme les entreprises alle-
mandes travaillent beaucoup à l’exportation, cela explique
la croissance. Contrairement à la thèse chère au FMI et au
G20 la croissance allemande a été relancée sans déficit
budgétaire durable, bien que la dette publique ait fait un
bond spectaculaire en 2010. Mais le déficit a presque dis-
paru l’an dernier, et la dette publique a donc amorcé une
légère décrue.
Quant au pouvoir d’achat des Allemands, il peut être com-
paré avec celui des pays les plus riches de l’OCDE à travers
le chiffre du revenu par tête en 2011 (à parité normalisée)
en US dollars. >> Tableau 2 (Source: Eurostat)
Il est vrai cependant que la population allemande a vu
son pouvoir d’achat et sa consommation stagner depuis
quelques mois. Alors que de fortes pressions s’exerçaient
pour instaurer un salaire minimum (il n’existe pas en Al-
lemagne l’équivalent du Smic français), les dirigeants ont
préféré conserver au marché du travail toute sa flexibilité.
Le chômage partiel, voire même une baisse des taux de
salaire horaire dans certains secteurs, explique la récente
stagnation du pouvoir d’achat. Pour autant, il serait inexact
d’en conclure que la conjoncture se dégrade en Allemagne.
Cependant, des périls certains se profilent à l’horizon de
l’économie: il y a beaucoup de défis à relever.
Les défis
>> Le premier défi, et le plus lourd, est celui du vieillisse-
ment de la population. Il compromet très sérieusement le
système des retraites (c’est pourquoi les Allemands accé-
lèrent le passage à la capitalisation, moins coûteuse et
plus sûre). Il entraîne aussi un problème d’immigration
pour pallier le manque de main-d’œuvre, y compris spé-
cialisée (plusieurs milliers d’Indiens sont employés dans
l’informatique). Il complique aussi les relations avec les
voisins polonais et tchèques qui disposent d’une force de
travail à bon marché, de sorte que beaucoup d’entreprises
allemandes ont préféré se délocaliser à quelques kilomè-
tres des frontières est et sud-est plutôt que de s’implanter
dans les Länder orientaux.
>> Le deuxième défi tient à la dépendance commerciale
de l’Allemagne à l’égard de l’Europe. L’Allemagne fait les
deux tiers de son commerce extérieur avec les vingt-six
autres pays de l’Union européenne. Aujourd’hui, l’Alle-
magne souffre du ralentissement généralisé chez ses prin-
cipaux partenaires, à commencer par la France. À cette
dépendance commerciale s’ajoute une dépendance éner-
gétique. L’Allemagne n’a d’autre ressource domestique
que celle du charbon, elle doit importer gaz et pétrole, et
le gel de l’énergie nucléaire décidé l’an dernier (30 mai
2011, après le tsunami de Fukushima) est une décision
lourde: le nucléaire fournit actuellement le quart de l’élec-
tricité allemande ; sa sortie est prévue pour 2022, mais
d’ores et déjà huit réacteurs sont sur le point de s’arrêter.
>> Enfin, le troisième grand défi de l’économie allemande
est politique, et concerne l’avenir de la zone euro. Les Al-
lemands savent que le maintien de la zone implique deux
choses: d’une part le respect par tous les partenaires d’une
discipline budgétaire (le nouveau Pacte aura-t-il plus de
chance que les critères de Maastricht, pourtant plus “tolé-
rants”?), d’autre part une forte contribution au sauvetage
des pays en déroute (Grèce, Portugal, Espagne). Les
consommateurs et contribuables allemands sont ainsi mis
à l’épreuve, ce qui n’est pas très populaire. En sens inverse,
un éclatement pur et simple de la zone pénaliserait peut-
être les exportations vers l’Europe, dont dépend le dyna-
misme de l’économie allemande.
Les fondamentaux de l’économie allemande seront-ils suf-
fisants pour relever ces défis? Sans doute les Allemands
n’accepteront-ils pas une fin de crise européenne noyée
dans l’inflation. Reste alors pour eux à renforcer encore
leurs atouts actuels. Mais cela n’est pas du goût de certains
de leurs partenaires européens. Si en 2012, l’excédent
commercial dépassait les 210 milliards d’euros, l’Alle-
magne serait sous le coup d’une sanction de la part de la
Commission européenne, parce que son excédent aurait
franchi le cap des 6 % du PIB! Il est difficile d’être fourmi
dans la chaleur d’une crise, quand chantent les cigales.
SANS DOUTE LES ALLEMANDS N’ACCEPTERONT-ILS PAS
UNE FIN DE CRISE EUROPÉENNE NOYÉE DANS L’INFLATION.
RESTE ALORS POUR EUX À RENFORCER ENCORE LEURS ATOUTS ACTUELS.
MAIS CELA N’EST PAS DU GOÛT DE CERTAINS DE LEURS PARTENAIRES EUROPÉENS…
Allemagne 43980 France 42420
Autriche 48300 Japon 45180
Belgique 46160 Luxembourg 78130
Canada 45560 Norvège 88890
Danemark 60390 Suède 53230
Finlande 48420 USA 48450
N°651 LION EN FRANÇAIS 63