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Théâtre Denise-Pelletier
DIRECTION ARTISTIQUE CL AUDE POISSANT
L es C ahiers / N um é ro 9 6
Cahier d’hiver
M U L I AT S
LE MIEL EST PLUS DOUX QUE LE SANG
LOVE IS IN THE BIRDS
F R AT R I E
L’ O R A N G E R A I E
SIMONE ET LE WHOLE SHEBANG
LES ZURBAINS 2016
en savoir
Salle Denise-Pelletier /
2 3 m a r s a u 16 av r i l 2 016
L’ORANGERAIE
T E X T E LARRY T RE M B LAY
M I S E E N S C È N E C LAUDE P O I S S A N T
Avec G A B R I E L C L O U T I E R - T R E M B L AY, É VA D A I G L E ,
PHILIPPE DUROCHER, ARIEL IFERGAN,
J E A N - M O Ï S E M A R T I N , V I N C E N T- G U I L L A U M E O T I S ,
D A N I E L PA R E N T, J A C K R O B I TA I L L E ,
MANI SOLEYMANLOU ET SÉBASTIEN TESSIER
COPRODUCTION DU THÉÂTRE DENISE-PELLETIER
ET DU THÉÂTRE DU TRIDENT
Une famille vit dans une orangeraie, là où les roses
trémières conversent avec la lune. Puis, un obus traverse
le ciel et tue les grands-parents des jumeaux de neuf
ans, Amed et Aziz. Alors que les frères auraient pu vivre à
l’ombre des orangers, la guerre vole dès lors leur enfance
et trace en rouge leurs crédules destins. Car Zohal, leur
père, doit choisir entre ses deux fils pour clamer sa
vengeance. Quittant son village du Moyen-Orient, Amed,
à moins que ce ne soit Aziz, devra traverser la montagne
et consentir au plus grand des sacrifices. Des années
plus tard, l’un des jumeaux aspire à devenir comédien
en Amérique. Aidé de Mikaël, un jeune enseignant, il
cherche le chemin de la résilience.
L’orangeraie est d’abord un roman, Larry Tremblay l’a
lui-même adapté pour la scène. Fable sur l’enfance et
la guerre, l’œuvre romanesque a déjà reçu plusieurs prix
depuis sa publication en 2013. Cette création du TDP
sera le fruit d’une cinquième collaboration complice
entre l’auteur et le metteur en scène, après les pièces Le
Ventriloque, Abraham Lincoln va au théâtre, The Dragonfly
of Chicoutimi et, tout récemment Grande Écoute, toutes
créées à Espace GO par le Théâtre PàP.
© Catherine Lepage
30
E ntretien
LARRY TREMBLAY EN 16 FRAGMENTS
Par Nicolas Gendron
La forme
(En)quête
Pour L’orangeraie, j’ai hésité dès le départ entre un roman
et une pièce de théâtre. Au fait, il m’arrive très souvent,
quand je commence une œuvre, de ne pas savoir si c’est
de la poésie, du théâtre ou un roman. Ça peut durer
plusieurs mois. J’essaie de me surprendre. J’ai écrit, il y
a quelques années 158 fragments d’un Francis Bacon
explosés, un recueil de poésie, parce que Bacon est un
de mes peintres préférés. J’ai imaginé une de ses toiles
explosée en 158 fragments, et pour chaque fragment, j’ai
écrit un poème. J’aime à fragmenter ma pensée.
Je n’écris pas avec un plan. Et au départ, je ne sais pas
grand-chose. Mon réflexe d’auteur dramatique, c’est de
faire parler mes personnages. Je considère les premières
pages d’une œuvre comme une scène de crime. Il s’est
passé quelque chose, mais comme je n’y étais pas, je dois
enquêter et interroger mes personnages. Qu’ont-ils fait ?
D’ailleurs, comment s’appellent-ils ? Que faisaient-ils
cette journée-là ? Je ne suis pas un enquêteur méchant,
mais assez entêté, je vais au fond des choses. Parce
que les personnages ne disent pas toujours la vérité,
alors je dois les poursuivre et m’acharner sur eux. Il y a
deux grands mouvements, il y a la quête et l’enquête.
Dans la quête, les choses jaillissent, ce sont souvent les
personnages, les prémisses d’une œuvre. L’enquête, c’est
tout le travail d’élaboration, de réflexion, de construction,
de montage, bref de mise en scène dans l’écriture.
© Bernard Préfontaine
S’adapter soi-même
C’était une expérience nouvelle pour moi. Mais au bout
du compte, ce n’était pas trop astreignant. L’orangeraie
avait déjà une grande théâtralité en lui, comme roman.
Il comporte déjà beaucoup de dialogues, il est très court
et dense, parce que justement, je bénéficie de mon
expérience d’écriture dramatique pour mes romans,
et je mets l’accent sur l’action, ce qui est primordial au
théâtre. Donc, chacun des chapitres est une roue qui fait
avancer un engrenage pour aboutir à la finale. Et comme
par hasard, ça se termine au théâtre.
P ourquoi ?
Tel Larry Tremblay, j’ai hésité, puis me suis dit : une
rencontre avec cet auteur d’exception ne saurait
souffrir une linéarité classique, alors voilà…
– N. Gendron.
L’orangeraie 31
La cuisinière
LE FÉTICHISME LITTÉRAIRE
Je suis quelqu’un qui s’ennuie assez vite, donc je dois
souvent écrire plusieurs œuvres en même temps. Pour
qu’elles agissent l’une sur l’autre, en contrepoints. Sinon,
c’est exigeant d’être toujours dans la même histoire ou la
même atmosphère. J’ai toujours l’image d’une cuisinière
avec plusieurs ronds. J’ai un roman qui mijote alors que
j’ai une pièce de théâtre qui bout. L’un à feu doux, l’autre
à feu très puissant. J’ai besoin des quatre ronds ! Mais il
ne faut pas que je les néglige, ça pourrait prendre feu.
J’ai essayé ardemment de faire en sorte que ce soit une
vraie pièce de théâtre, et non pas des grands morceaux
de récit. L’adaptation est presque entièrement dialoguée,
à 90-95%, ce qui n’est pas rien. Parce que la grande
difficulté, c’est de prendre cette matière, et de fusionner
des espaces pour travailler sur le principe de l’économie
au théâtre, de réduire les personnages, d’aller à l’essentiel,
tout le temps, et d’accepter de couper des passages de son
roman. Et moi, j’ai cette qualité de ne pas être fétichiste.
Je coupe beaucoup de texte. Surtout les miens ! Parce
que je suis un homme de théâtre, je sais que le texte fait
partie d’une aventure collective, et que l’objectif, c’est que
le spectacle soit bon. Le fétichisme littéraire, je ne l’ai pas.
C’est la même chose quand mes œuvres sont traduites en
plusieurs langues, je dois faire confiance.
L’orange dans la montagne
Ça a commencé par un duo vocal, comme une cantate. Ce
n’était ni totalement romanesque ni totalement théâtral.
Le projet était associé à la Maison de l’architecture à
Montréal. Il y a cinq ou six ans, la Maison de l’architecture
avait jumelé cinq écrivains à cinq architectes, autour
d’un thème commun : frontières émouvantes. J’avais été
jumelé avec l’architecte Éric Gauthier, qui a refait l’Espace
Go, le Quat’Sous et la Licorne, donc quelqu’un de très
près du théâtre. À ma première rencontre avec Éric, j’ai
dessiné un triangle sur un napperon. Et le triangle m’a
amené à y voir une montagne. Comme architecte, Éric a
élaboré les plans de la montagne, et j’ai soudainement
dit à Éric, mets donc une orange dans la montagne. Je
suis parti avec l’idée qu’il y avait des frères ennemis d’un
côté et de l’autre. Or, cette montagne à deux versants
m’a amené au thème de la gémellité, et me sont apparus
deux jumeaux, Amed et Aziz… Ç’a été lu à l’époque par
Sébastien Ricard et Ariel Ifergan, qui sera d’ailleurs de
l’adaptation théâtrale. Voilà toute l’histoire !
LA COMPLEXITÉ
Mes textes, il paraît qu’ils sont complexes, pas compliqués,
mais complexes. Et je le prends comme un compliment.
J’aime que mes textes aient plusieurs niveaux de
compréhension possibles, et qu’il reste quand même un
mystère, qu’on ne puisse pas digérer tout le texte et dire :
j’ai tout compris. Il doit rester quelque chose à gruger,
penser et réfléchir.
The Orange Grove, traduction anglaise publiée chez Biblioasis
L’orangeraie 32
Ce qu’il y a de bien avec Claude, c’est qu’il comprend
mes textes, je n’ai pas besoin de les lui expliquer !
Évidemment, un metteur en scène doit fouiller toutes
les trappes et les sous-trappes du texte, et Claude le fait
admirablement bien. Il ne réduit pas mes personnages à
des êtres psychologiques, parce qu’ils sont plus que ça,
voire encore moins que ça, parce que j’accorde beaucoup
d’importance à la chair des mots, à la musicalité.
Claude sait très bien que rendre ça trop psychologique
atténuerait la musique du texte, qu’il faut trouver avant
de passer aux émotions. L’émotion doit arriver en dernier,
comme une fleur.
LE DOUBLE
C’est très présent dans mes œuvres, oui, du Génie de
la rue Drolet au Ventriloque… Il faudrait que je voie un
psychanalyste ! Je pense que c’est une thématique riche,
qui fonctionne avec ma réflexion sur l’identité. Qui
sommes-nous ? Sommes-nous seuls en nous-mêmes ?
Sommes-nous composés de plusieurs personnalités ? J’ai
beaucoup étudié la philosophie, j’ai été très influencé par
Jean-Paul Sartre, par l’essentialisme, la phénoménologie,
c’est-à-dire ce qui apparaît à la conscience, les
perceptions… La pensée sur l’ego qui peut se fractionner
m’a toujours fasciné et ma dramaturgie a toujours
été influencée par cette approche philosophique.
Mes personnages sont moins psychologiques que
philosophiques ou métaphysiques, ils deviennent donc
très ludiques. Un peut en cacher un autre qui peut en
cacher un autre…
© Jean-François Brière
CLAUDE POISSANT
Larry Tremblay et Claude Poissant
THE DRAGONFLY OF… THE WORLD ?
LA GUERRE VUE DE L’OCCIDENT
La mise en scène de Claude du Dragonfly of Chicoutimi,
avec un quintette plutôt qu’un monologue, est un bel
exemple que mes personnages peuvent se fragmenter.
Et se dissocier d’eux-mêmes. Claude a fait encore
là un travail très musical et orchestral, et ça rejoint
mon approche de l’écriture. J’avais monté ce solo à
l’époque du référendum de 1995, avec Jean-Louis
Millette… Maintenant, le Dragonfly de Claude a une
autre signification, comme le Québec a bougé depuis.
Et la dichotomie Québec-Canada, c’est beaucoup plus
maintenant le Québec et le monde. La preuve, c’est que
L’orangeraie, ça concerne beaucoup plus le Moyen-Orient
que le Québec, même si je n’ai pas nommé le pays. Il y a
une ouverture de l’imaginaire québécois sur le monde. On
n’a pas le choix de toute façon, on ne peut pas toujours
parler de son salon, de sa cuisine ou de son ego !
Il y a tellement de conflits actuellement, il y en a toujours
eu, mais j’ai l’impression que je suis plus sensible à tout
ça, et je me sens très impuissant, comme beaucoup de
gens d’ailleurs. Qu’est-ce qu’on peut faire ? On le voit
avec la Syrie, les migrants, tous ces gens qui fuient leur
pays et essaient de s’intégrer ailleurs, c’est une situation
catastrophique. Je me dis qu’on fait tous partie du même
bateau, maintenant. Quand est arrivé le printemps arabe,
je me sentais assez concerné, et c’est comme ça que j’ai
commencé Cantate de guerre, puis L’orangeraie. Parce
que ces guerres-là, on en est aussi responsables, d’une
certaine façon. Moi, comme écrivain, je vais essayer
d’écrire là-dessus. Mais ce n’est pas évident pour un
auteur québécois, qui n’est pas un soldat, qui n’a jamais
connu la guerre : est-ce que j’ai le droit d’écrire une pièce
aussi violente et cruelle que Cantate de guerre ? Est-ce
légitime ? J’ai pris le droit et je l’ai assumé.
L’orangeraie 33
LA MISE EN ABYME
LA RELIGION
Cantate de guerre, c’était l’histoire d’un soldat qui hésite
à tuer un petit garçon de 7 ans, qui lui fait penser à son
propre fils… Sans ce moment d’hésitation, il n’y aurait pas
de pièce de théâtre ! C’est là où la conscience surgit, ce
petit moment philosophique où on sort de l’engrenage.
J’ai ramené cette situation dans L’orangeraie, pour
boucler une boucle. Comme un musicien qui fonctionne
avec des leitmotivs, qu’on retrouverait dans une cantate
et plus tard dans un quintette ou une symphonie. J’ai
toujours dit que j’écrivais un peu comme de la musique.
Cantate de guerre se terminait par une question : « Dismoi pourquoi je ne te tuerais pas ? » Et dans L’orangeraie
aussi, ça finit par : « L’entends-tu ? » C’est un appel qui
s’adresse au public. Ou aux lecteurs. C’est un roman
tragique, que je ne pouvais pas conclure par un happyend, ça aurait détruit le roman. Mais je voulais quand
même terminer sur une lueur d’espoir.
J’essaie le plus possible de ne pas m’imposer. De
permettre au lecteur de lui-même faire ses choix. Et
avec L’orangeraie, je crois que je l’ai réussi, parce que
je n’ai jamais eu d’échos comme quoi je jugeais mes
personnages, et ça, c’est plutôt bon signe pour moi. Ce
n’est pas facile, quand on est dans une histoire avec des
conflits ethniques ou religieux, de ne pas tracer tout de
suite avec un trait rouge les méchants et les bons ! Il y a
deux semaines, je faisais une conférence, et une dame
d’origine arabe est venue me voir, pour me parler du
personnage de Tamara, la maman. Elle m’a dit : Comment
vous avez fait, pour faire parler une Arabe – parce que
pour elle, c’en était une –, c’est tout à fait ça ! Elle était
convaincue que je connaissais des femmes arabes ou
que j’avais vécu là-bas. Non, j’ai tout imaginé.
L’ENFANCE
J’ai écrit dans le roman que la guerre efface les frontières
entre le monde des enfants et celui des adultes. C’est ce
qui me guidait : montrer comment la guerre transforme
et kidnappe l’enfance ! Dès que tu installes la haine dans
le cerveau d’un enfant, que tu le programmes pour haïr,
ce n’est plus un enfant. L’enfance est plutôt un monde de
découverte, de curiosité, d’ouverture et de non-préjugé.
L’ÉCRITURE
L’écriture est toujours un travail, ce n’est jamais naturel.
C’est une profession chez moi, ça fait 40 ans que j’écris.
Je me pose des questions sur le processus de création,
chaque œuvre génère le sien… Mais quand j’écris, j’écris.
Je ne me pose pas de questions sur la distribution, la
production, l’argent, la compagnie, le théâtre, sinon
c’est très mauvais pour la création. Quand je donne des
ateliers d’écriture, je dis souvent : ne pensez pas à ce que
ça pourrait devenir, créez plutôt. Si vous voulez avoir de
la neige ou 12 000 personnes sur scène, allez-y ! Il ne
faut pas freiner son imaginaire.
LA COMPASSION
Mon roman vise à amener les lecteurs à se mettre à la
place de ces gens face à des choix tragiques. Pour faire
en sorte que le lecteur vive le tout de l’intérieur, et non
pas comme lorsqu’il ouvre la télé, qu’il n’observe pas, mais
qu’il devienne Tamara, Amed ou Aziz, par osmose ou par
empathie, sans les juger. Plein de gens vont dire : jamais
de la vie je ne sacrifierais mon enfant ! Mais mets-toi donc
à sa place. Le roman permet ça, mais pas la nouvelle à
Radio-Canada. Un phénomène de compassion s’installe.
C’est une façon de comprendre les autres à travers le
cœur. Et puis, mon roman porte sur les conséquences de
la guerre, ce n’est pas un roman guerrier.
L’orangeraie, édition originale publiée chez Alto
LARRY TREMBLAY est tout à la fois romancier, dramaturge, pédagogue, comédien et metteur en scène. Sa collaboration avec Claude
Poissant est plus que féconde (Les Huit péchés capitaux – Éloge
de la paresse, Le Ventriloque, Abraham Lincoln va au théâtre, The
Dragonfly of Chicoutimi, Grande Écoute). Son roman L’orangeraie
a remporté huit prix au Québec seulement, dont le Prix des Libraires
et le Prix littéraire des collégiens.
L’orangeraie 34
La voix des morts
Par Guillaume Corbeil
Un peu plus de deux ans après la parution de son roman
L’orangeraie, Larry Tremblay transporte l’histoire des
jumeaux Amed et Aziz là où elle se termine : au théâtre.
À travers le regard candide de deux enfants, l’auteur
de Dragonfly of Chicoutimi et de Abraham Lincoln va au
théâtre dépeint un pays en guerre et le moteur de la
haine qui le ronge : la vengeance.
La pièce s’ouvre sur Shaanan, la grand-mère des jumeaux,
qui nous parle d’outre-tombe : « M’entendez-vous ? »,
nous demande-t-elle. Entre les murs du Théâtre DenisePelletier, les morts, eux au nom de qui on tue, voudront
nous dire quelque chose. Mais quoi ?
La situation politique dans laquelle ont grandi les
personnages n’est pas sans rappeler l’actualité récente,
où les terroristes défraient les manchettes en multipliant
les attentats au nom de Dieu. Ayant souvent eu le dessous
de l’Histoire, ces peuples souhaitent venger les nombreux
affronts commis à l’endroit de leurs pères, morts dans un
conflit dont les racines sont si profondes qu’on peine à
en imaginer la fin.
Le sens d’une telle guerre n’est pas stratégique. Les
attaques ne visent pas à prendre des positions pour
protéger un territoire et assurer la sécurité ou la
croissance d’une nation ; elles ne sont pas tournées vers
l’avenir et un monde meilleur pour les enfants, mais vers
le passé. C'est un serpent qui mange sa propre queue.
Le mythe du sacrifice s’inscrit dans toutes les grandes
religions, l’Islam comme le Judaïsme, où Dieu demande à
Abraham d’immoler son fils – Ismaël chez les musulmans,
Isaac chez les juifs. Le père s’exécute et l’enfant consent
sans broncher parce que c'est la volonté de Dieu. Au
moment où Abraham s’apprête à allumer le bûcher, un
ange l’arrête. Dieu sait maintenant que l’homme est
prêt à Lui donner ce qu’il a de plus précieux et, pour
le récompenser de sa soumission totale, lui offre une
longue descendance.
C'est à ce paradoxe inscrit dans le cœur du patriarcat
auquel s’attaque Larry Tremblay. Depuis le début de la
guerre, l’orangeraie, qui représente tout le peuple des
jumeaux, a perdu en vitalité et le désert a gagné du
terrain. On ne laisse plus les fruits mûrir et tomber, on ne
laisse plus les pépins germer pour permettre à d’autres
arbres de pousser. On ne laisse plus la vie suivre son
cours.
P ourquoi ?
L’orangeraie, le roman comme la pièce, pose
des questions plus qu’il n’apporte des réponses.
En sa qualité de grand connaisseur de l’œuvre
de Tremblay, et en sa qualité d’artiste-citoyen,
tout simplement, j’ai invité Guillaume Corbeil
à valser entre analyse littéraire et réflexions
philosophiques, avec la culpabilité des survivants
comme seule boussole. – N. Gendron
L’orangeraie 35
Dans ce monde en guerre depuis toujours, la vie vient
avec une dette contractée envers les morts. On ne
peut l’honorer qu’en acceptant de perdre quelque
chose. Et à Dieu, on donne ce que l’on a de plus cher. Si
mourir constitue le sacrifice ultime et permet d’accéder
aux honneurs des martyrs, rester en vie représente un
acte de lâcheté. Cette idée représente un détournement
du sens même de la religion, où Dieu est d'abord et avant
tout Amour. Dieu fait cadeau de la vie et il ne demande
rien en retour.
Alors que ceux qui acceptent de se sacrifier croient
se rapprocher de Dieu et venger les morts, on sait
aujourd'hui que des organisations comme le groupe
armé État islamique et Al-Qaïda obéissent à des modes
de fonctionnement calqués sur ceux des entreprises.
Leurs attentats, toujours plus spectaculaires, jouent
le rôle de publicités en assurant le rayonnement de la
« marque » de ces fabricants de l’horreur. Leur objectif
est d’attirer toujours plus de consommateurs-croyants,
pour recevoir toujours plus d’argent de la part des riches
commanditaires. Si on tue au nom des morts, en vérité
ceux-ci sont les prête-noms d’obscurs dirigeants.
au fond jamais demandé à être vengés. Ceux qui se sont
sacrifiés ont peut-être été trahis. Ceux qu’il aimait sont
morts en vain.
Dans ce monde patriarcal, les femmes sont prises en
otage. Elles qui donnent la vie voient leurs enfants
sacrifiés les uns après les autres. On dit qu’il n’y a rien
de plus terrible que d’enterrer ses enfants. Les envoyer
consciemment dans leurs tombes va à l’encontre de
toute logique, voire à l’encontre du corps de la mère. Si
le fantôme de son grand-père demande à ce qu’on le
venge, le personnage principal de L’orangeraie finit par
tendre l’oreille à la parole de sa grand-mère, qui, elle,
comme un oranger, demande qu’on laisse les pépins de
ses fruits produire d’autres arbres et ainsi voir s’agrandir
l’orangeraie. Plus il y aura d’arbres, moins le sol sera aride.
Il n’y a qu’en permettant à la vie de suivre son cours que
l’on peut repousser les frontières du désert.
On met des mots dans la bouche des morts.
La révolution que vit le personnage principal est en
ce sens féministe : il passe d’une vision du monde
patriarcale à une matriarcale. Plutôt que de venger les
morts en répétant leur destin, il leur donne vie en les
faisant entendre au théâtre. Vénus, déesse de la Beauté,
triomphe ainsi sur Mars, dieu de la Guerre.
Quand le personnage principal de la fable de Larry
Tremblay est amené à quitter son pays, ce qu’il découvre
à Montréal provoque son désenchantement, révolution
intérieure qui n’est évidemment pas des plus faciles à
accepter. Ceux au nom de qui on a tué n’ont peut-être
Si les morts cherchent à nous dire quelque chose, ce
n’est sûrement pas de les imiter en nous jetant à pieds
joints dans notre cercueil, mais au contraire d’apprendre
de leurs destins tragiques et d’honorer nos mères, elles
dont nous sommes les fruits, en vivant.
Heiner Müller voyait dans le théâtre le lieu d’un dialogue
avec les morts. Déjà, dans la tragédie, les Grecs donnaient
la parole aux anciens rois et aux figures mythologiques.
Dans l’acte final, la catharsis ne visait pas à faire prendre
conscience au spectateur de la fatalité de son destin,
mais à purger ses pulsions pour l’inviter à apprendre de
la vie de ceux qu’il a vus mourir sur scène. Au théâtre,
les morts nous demandent de tourner notre regard vers
l’avenir.
Les entendez-vous ?
GUILLAUME CORBEIL est auteur et dramaturge. On lui doit le recueil
L’art de la fugue, la biographie Brassard et le roman Pleurer comme
dans les films. Sur les planches, on a pu voir ses pièces Cinq visages
pour Camille Brunelle, Tu iras la chercher et, ce printemps, Unité
Modèle, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.
L’orangeraie 36
Le lieu de la guerre,
la guerre comme lieu
Par Pierre Lefebvre
La guerre, il faut bien l’avouer, n’est pas un thème typique du théâtre
québécois. Cela ne veut bien sûr pas dire que les dramaturges d’ici
n’abordent jamais la chose, mais avant l’arrivée du XXI e siècle, on ne
peut certainement pas dire qu’elle occupe sur nos scènes une présence
récurrente. Au tout début de notre dramaturgie moderne, sa présence
est non seulement peu commune, mais souvent, même quand elle
met en scène un soldat comme personnage central, la guerre demeure,
elle, un ailleurs, un hors champ, tant les tensions internes de la société
occupent alors l’imaginaire de la collectivité. Le Tit-Coq de Gratien Gélinas
en est un exemple éclairant. Créée en 1948, aux lendemains donc de la
Seconde Guerre mondiale, la pièce s’attache au destin d’un orphelin né
de père inconnu, ce qui dans la province de Québec de l’époque, encore
dominée par la chape de plomb morale de l’Église catholique, faisait de
vous ou de quiconque un paria. Malgré cela, Tit-Coq rencontre MarieAnge, une femme qui l’aime, mais la conscription vient l’arracher à elle.
Malgré les promesses, à son retour, Marie-Ange n’a pas su résister à la
pression sociale et familiale. Elle s’est mariée avec un homme au statut
plus respectueux des mœurs et Tit-Coq, en dépit du fait que Marie-Ange
veut quitter son mari et partir avec lui, choisit d’assumer son rang de
citoyen de seconde zone.
Affiche du film Tit-Coq, de René Delacroix et
Gratien Gélinas (Collection Cinémathèque québécoise)
En 1958, avec Un simple soldat, Marcel Dubé fera lui
aussi jouer le même rôle à la guerre, soit celui d’un
ailleurs permettant de mettre de l’avant la dureté du
conformisme social. De retour à la vie civile, Joseph
Latour, un vétéran de la Seconde Guerre mondiale,
n’arrive pas à canaliser la colère qui l’habite. Il ne s’entend
pas avec sa famille, et plus précisément avec son père
dont il n’arrive pas à accepter le remariage. Accablé par
la disparition de sa mère, le monde qui l’entoure l’étouffe
au point de lui rendre désirable le champ de bataille et
l’armée qui, lui semble-t-il, peut lui offrir une place, un
statut, une fonction. Il s’enrôle ainsi de nouveau, puis
part pour la guerre de Corée où il mourra, anonyme et
sans gloire. Tout comme chez Gélinas, la guerre, sans être
une abstraction, est ce qui se passe au loin. La véritable
violence, la concrète, celle qui affecte réellement les vies
se trouve ici, dans les replis gangrénés d’une société
craquant de partout. Et non dans ces contrées lointaines
où les carnages font rage. Il n’est d’ailleurs pas innocent
que ces deux pièces fassent partie des œuvres préfigurant
le passage du Canada français au Québec.
P ourquoi ?
Qu’ont à dire nos auteurs québécois sur la Guerre
avec un grand G et ses enjeux trop souvent
lointains ? Reconnu pour ses fines analyses,
Pierre Lefebvre se penche avec enthousiasme sur
cette dramaturgie de la guerre. – N. Gendron
L’orangeraie 37
La véritable violence, la concrète, celle qui affecte réellement
les vies se trouve ici, dans les replis gangrénés d’une société
craquant de partout. Et non dans ces contrées lointaines où
les carnages font rage. Il n’est d’ailleurs pas innocent que ces
deux pièces fassent partie des œuvres préfigurant le passage
du Canada français au Québec.
Une douzaine d’années plus tard, en 1970, alors que la
Révolution tranquille, justement, s’apprête à prendre
fin dans la violence de la crise d’octobre, La guerre, yes
sir ! de Roch Carrier se sert du thème de la guerre cette
fois-ci pour mieux mettre en lumière les antagonismes
entre anglophones et francophones. Adaptation théâtrale
du roman du même nom, par son auteur, la pièce traite
de la crise de conscription lors de la Première Guerre
mondiale, dans un village reculé du Québec. La guerre y
est donc essentiellement une métaphore des tensions et
des politiques entre les deux groupes linguistiques.
Il faudra attendre les années 1990 pour voir la guerre
en tant que cadre ou contexte dans lequel se déploie
la condition humaine. Les raisons en sont nombreuses
et mentionnons parmi celles-ci la fin de la guerre
froide qui inaugure une ère de nouveaux conflits et
l’effritement du modèle de l’État-nation qui, chez
nous, vient aussi bouleverser la question nationale et
identitaire québécoise. À tout cela s’ajoute bien sûr que
le Québec voit émerger des dramaturges issus de pays
où la guerre n’est ni un simple fait historique, ni un
pur objet médiatique, mais une réalité concrète. Wajdi
Mouawad vient naturellement tout de suite à l’esprit. On
n’a qu’à penser à Incendies et Littoral, ses pièces les plus
connues, pour saisir à quel point la guerre est chez lui un
thème de prédilection, bien que ces œuvres explorent
plus précisément la difficulté de renouer avec le fil de la
filiation et des traditions, une fois la guerre achevée. Par
contre, Journée de noces chez les Cromagnons, écrite en
1991, se déroule dans une famille déterminée, coûte que
coûte, à organiser une noce lors d’un bombardement
faisant rage là où elle habite. Mouawad illustre ici à
quel point la guerre n’est pas seulement une affaire de
violence affectant le corps (comme le disait le cinéaste
Jean-Luc Godard : « La guerre, c’est entrer un morceau de
fer dans un morceau de chair »), mais aussi l’esprit et,
même, la culture.
Bien que d’une toute autre manière, c’est aussi cet aspect
qu’explore Isabelle Hubert avec À tu et à toi, pièce dans
laquelle on assiste aux retrouvailles de David, un ancien
Casque bleu, avec des amies du secondaire. Sa seule présence d’outsider dans ce petit groupe autrefois tricoté serré réveillera les angoisses, et fera remonter les nouvelles
tensions et les vieilles rancœurs à la surface. Pourtant, à
la différence de Tit-Coq, ou encore du Joseph d’Un simple
soldat, David erre pour sa part dans une société d’une
vacuité accablante. Son expérience au Liban, comme son
statut de souffre-douleur au sein de l’armée canadienne,
L’orangeraie 38
À l’époque de la Seconde Guerre mondiale,
aux lendemains du conflit, ceux qui
avaient fait la guerre étaient légion et
pour la population, la raison pour laquelle
ils étaient partis se battre, stopper le
fascisme, était aussi noble que claire.
© Jordy Meow
rend ainsi encore plus tristement insignifiants les déboires de ces vies dépourvues de toute teneur éthique ou
politique. Les désillusions matrimoniales et professionnelles de ses anciennes camarades apparaissent ainsi
peu à peu non seulement comme l’envers grotesque d’un
monde préservé de la guerre mais, pire encore, préservé par celle-ci. À noter d’ailleurs qu’au contraire de ses
prédécesseurs, le statut de vétéran de David en fait une
curiosité, une exception. À l’époque de la Seconde Guerre
mondiale, aux lendemains du conflit, ceux qui avaient
fait la guerre étaient légion et pour la population, la raison pour laquelle ils étaient partis se battre, stopper le
fascisme, était aussi noble que claire. Pour David, comme
pour le Éric Drolet d’Au champ de Mars de Pierre-Michel
Tremblay, le fait même de faire partie des rares personnes
à avoir participé à un conflit dont peu de gens peuvent
comprendre réellement les tenants et les aboutissants,
les marginalise et semble même les dépouiller, aux yeux
de leur concitoyens, d’une part de leur humanité. Marco
illustre tout particulièrement combien être aujourd’hui
un vétéran, c’est être un marginal, un déchu, peut-être
même un déchet.
L’orangeraie n’est pas la première excursion de Larry
Tremblay dans le monde de la guerre. En 2011, il écrit
Cantate de guerre dans laquelle, hors de toute situation
concrète, d’un conflit nommé, d’antagonistes concrets,
un père enseigne à son fils la haine. La pièce évoque ainsi
la guerre sans son appareillage habituel et sans non plus
la mettre en scène. En lieu et place d’un récit, une litanie,
rythmée, entêtante, angoissante, avec laquelle un chœur
de soldats, un père et son fils, s’emballent et s’enragent
à nier toute humanité à ceux d’en face. Tremblay nous
indique ainsi que la haine, que l’horreur, le ressentiment,
l’aversion, l’animosité sont d’abord une parole, entêtante
et transmise, avant d’être une affaire de stratégie militaire
et de sang répandu. C’est d’ailleurs en quelque sorte la
même idée qu’il explore plus avant avec L’orangeraie,
dans laquelle, là encore, la guerre est intimement liée à la
vie. Elle devient même semble-t-il pour les personnages
de la pièce non pas tant un état qu’un lieu. Ils ne sont
ainsi pas tant en guerre qu’ils habitent en guerre. Celleci, malgré, ou peut-être bien à cause du chaos qu’elle
incarne et déchaine, devient peu à peu pour ceux qui la
subissent un cadre de vie, de pensée et de culture, bref
tout à la fois le monde et sa représentation.
PIERRE LEFEBVRE est le rédacteur en chef de la revue Liberté. Il est
aussi auteur dramatique (Loups, Lortie) et publiait à l’été 2015
l’essai Confessions d’un cassé.
L’orangeraie 39
« Il y a DEUX traces
et nous sommes seuls »
par Anne-Marie-Cousineau
Observant des traces laissées sur le sol lunaire, les Dupont
et Dupond concluent à la présence d’autres hommes sur
la Lune. Leur raisonnement est irréfutable. « Impossible
que ce soit UN d’entre nous : il y a DEUX traces parallèles. »,
affirme Dupont ; « DEUX traces et nous sommes seuls »,
renchérit Dupond. Ainsi vont les jumeaux : irrémédiablement unis et nécessairement séparés.
Inséparables Dupont et Dupond qui marchent, parlent et s’habillent
pareillement, identiques à la moustache près, ne sont
pas de vrais jumeaux : ils ne portent pas le même nom
de famille. Difficiles à différencier l’un de l’autre, ils
cherchent à s’assimiler aux populations des pays qu’ils
traversent, en adoptant leurs costumes folkloriques.
Leurs déguisements révèlent l’identité qu’ils veulent
cacher : absolument reconnaissables, ils restent seuls
dans la foule.
Les personnages d’Hergé ont des ancêtres mythologiques :
les Gémeaux Castor et Pollux, nés le même jour de la
même mère, mais de pères différents. Une seule chose
les distingue : Castor est né d’un mortel et Pollux de Zeus.
À la mort de Castor, Pollux demande à son père d’accorder
l’immortalité à son jumeau. Zeus exauce partiellement
sa prière : les Gémeaux iront en alternance et également
aux enfers, lieu des morts, et dans l’Olympe des dieux,
inséparables comme la nuit et le jour.
Dupont et Dupond, personnages de la bande
dessinée Tintin, créés par Hergé.
P ourquoi ?
Rédactrice émérite des Cahiers, Anne-Marie
Cousineau était la personne tout indiquée
pour se prêter au jeu d’un précis sur les
jumeaux dans la littérature, avec leurs mythes
fondateurs et… leur unicité. – N. Gendron L’orangeraie 40
Mais pour accomplir un destin individuel, affirmer une identité propre, les
jumeaux devront établir une frontière entre eux, s’affranchir de leur double.
« Chaque individu doit avoir sa propre vie », affirme le père qui devient malgré
lui l’instrument de leur séparation. L’un des jumeaux traversera le terrain miné
à la frontière du pays, marchant dans les traces et sur le corps immolé du père.
Rivaux
Sacrifiées
Qui ne connait l’histoire du Masque de fer, personnage
créé par Alexandre Dumas dans Le Vicomte de Bragelonne ?
Philippe, jumeau du roi, est enfermé pour cette raison
à la Bastille et caché à la vue de tous par un masque de
fer. La monarchie absolue de droit divin s’accommode
difficilement de la gémellité. Éliminer le frère jumeau
annule une éventuelle contestation de légitimité au trône.
La petite fille qui aimait trop les allumettes a provoqué
un incendie et la mort de la mère ; petite fille brulée,
enfermée, enchainée, Ariane est condamnée par son
père à être le Juste Châtiment. Entre Ariane et Alice,
sa sœur jumelle, se tisse un lien puissant. « On dit il ou
elle en parlant du Juste Châtiment » explique Alice, et ce
flou identitaire se répercute sur elle aussi, qui s’identifie
d’abord comme garçon, n’affirmant sa féminité qu’après
la mort du père. Surtout, Ariane a « pris tout le silence
pour elle-même ». La sœur sacrifiée permet à sa jumelle,
devenue narratrice de leur histoire, « d’être à tu et à toi
avec la parole », et d’être ainsi sauvée.
Je est un autre
Les jumeaux du Grand Cahier « ne font qu’une seule et
même personne », dit leur mère : ils se partagent le prénom
composé de leur grand-père – un prénom pour deux ; ils
disent « notre voix », « notre tête » ; interchangeables, ils
inversent leur rôle indifféremment. Mais pour accomplir un
destin individuel, affirmer une identité propre, les jumeaux
devront établir une frontière entre eux, s’affranchir de
leur double. « Chaque individu doit avoir sa propre vie »,
affirme le père qui devient malgré lui l’instrument de leur
séparation. L’un des jumeaux traversera le terrain miné à la
frontière du pays, marchant dans les traces et sur le corps
immolé du père.
© Marie-Claude Hamel
La gémellité de Rémus et Romulus est elle aussi
devenue un obstacle au moment d’ériger un empire.
Nécessairement complices pour exécuter le grand-oncle
qui avait ravi le trône à leur grand-père, ils s’affrontent
pour déterminer lequel sera le fondateur de la cité qu’ils
veulent construire sur les bords du Tibre. Romulus, se
croyant désigné par les dieux, creuse le fossé limitant la
cité. Rémus, par bravade, le franchit. Romulus tue son
frère. Ainsi naquit Rome, d’un meurtre fratricide.
Renaud Lacelle-Bourdon et Olivier Morin dans Le Grand Cahier
d’Agota Kristof, mise en scène de Catherine Vidal.
ANNE-MARIE COUSINEAU est enseignante, conseillère
dramaturgique et rédactrice, entre autres aux Cahiers du TDP.
Romulus et Rémus par Rubens
L’orangeraie 41
F iction
JUMEAUX
Par François Gilbert
Ça fait un an aujourd’hui qu’on ne s’est pas parlé, Olivier.
L’époque où passer cinq minutes sans se voir nous
déboussolait, où être identiques nous rendait fiers,
complices, ce temps-là me manque de plus en plus. J’en
rêve même avec nostalgie.
Je repense à ce jeu que, petit, j’avais inventé. T’en
souviens-tu ? On se plaçait côte à côte devant le miroir
et chacun regardait l’autre. Tu étais mon reflet. J’étais le
tien. On a dû trop jouer. Aujourd’hui, devant la glace, c’est
encore toi que je vois. Et je me cherche.
P ourquoi ?
François Gilbert est un jeune écrivain – pour ne
pas dire une voix – que nous aimons beaucoup,
Claude Poissant et moi. Comme il s’intéresse
particulièrement à la notion du double, nous
l’avons convié à rencontrer des jumeaux pour
accoucher d’une courte fiction. Un jumeau artiste
et un jumeau professeur de mathématiques ont
croisé sa route. – N. Gendron
C’est ce qui explique mon entêtement à régler notre
désaccord. Malgré ton silence et le mur que tu t’obstines
à dresser entre nous, je m’acharne. Parce que te revoir, ce
serait un peu me revoir.
« Ce ne sera pas possible, m’as-tu dit d’une voix monocorde lors de ma première tentative. Je veux remettre
mes limites. Digérer ton roman. T’es allé trop loin. Le jour
où t’as voulu devenir écrivain, je l’avais prédit que ça finirait comme ça, mal. »
Prédit n’est pas le mot juste. Interdit serait plus approprié.
J’entends encore tes paroles, après avoir lu mon premier
roman. « Tu penses écrire des affaires sur ta vie, mais
ça nous implique tous les deux. Arrête, François. Arrête
avant que je ne sois plus capable de te pardonner. »
Ce qui vient de toi et ce qui vient de moi, c’est un peu
comme départager le vrai du faux, le réel de la fiction.
C’est pourquoi je trouve encore tes accusations difficiles
à accepter, même si je pense les avoir excusées. Mais
comment peux-tu prétendre que c’est toi que j’ai essayé
de mettre à nu dans mon deuxième livre ? Que j’aurais dû
te déguiser un peu, ou parler seulement de moi ? Comme
s’il y avait dans ma tête un territoire qui t’appartenait et
auquel tu pouvais me refuser l’accès?
Ma nouvelle blonde insiste pour en apprendre plus sur
toi. Elle a lu tes romans en une soirée. Après, j’ai eu droit
à des interventions maladroites : « Je comprends pas
ce qui t’a tant dérangé. T’exagères. Je veux que tu me le
présentes. As-tu peur que je tombe amoureuse de lui,
comme la fille dans son premier livre ? Oui ! Je sais qu’il
est gai, mais c’est vraiment arrivé ou pas, ça ? »
Chez maman, elle a regardé nos vieux albums de photos.
Elle posait des questions stéréotypées, s’attendant à des
récits sur la télépathie ou à des blagues de changements
d’identité. Notre froid la stupéfait. Tout comme apprendre
qu’on ne s’entend pas très bien, depuis longtemps. Elle
a osé sonder maman qui, bien sûr, préfère ne pas s’en
mêler. Mais ils sont jumeaux, qu’elle répète, ils devraient
être inséparables, non ?
Tu aurais roulé les yeux, comme quand nos tantes te
sortent leurs discours psycho-pop prétendant que c’est
plus facile, le couple, pour deux hommes, parce que vous
venez de la même planète. Ta frustration montait en moi.
Ta voix perçante résonnait dans ma tête : « Faut vraiment
être simple d’esprit pour penser qu’en étant pareils, on
s’aime sans effort. » Je l’ai fait taire pour répondre de
manière plus pédagogique. « Et avec toi ma chérie, tu
es toujours en harmonie ? Avec tes propres choix, tes
décisions ? »
L’orangeraie 42
Je repense à ce jeu que, petit, j’avais
inventé. T’en souviens-tu ? On se plaçait
côte à côte devant le miroir et chacun
regardait l’autre. Tu étais mon reflet.
J’étais le tien. On a dû trop jouer.
Aujourd’hui, devant la glace, c’est encore
toi que je vois. Et je me cherche.
Elle a baissé la tête, m’accusant de l’infantiliser.
Maman a ri, prétendant que j’ai toujours été pareil avec toi.
À cause de nos bulletins du primaire, maman n’a pas
cessé de répéter : François c’est les lettres et Olivier les
chiffres. Sans le savoir, elle traçait ta porte de sortie, ton
chemin vers l’individualisation.
Tu voulais être différent, c’en était presque une
obsession. Comme si être moi, c’était mal. À six ans,
déjà, ça t’insultait qu’on nous confonde et tes réactions
me brisaient le cœur. Voir l’être que t’aimes le plus au
monde commencer à te détester, puis s’éloigner peu à
peu sans que tu comprennes pourquoi, alors que cette
personne est une partie de toi, te semble être toi, c’est
difficile Olivier, c’est terrible.
Depuis ce temps, j’ai l’impression d’être une créature
binaire. Quand on était toujours ensemble, je me sentais
entier. L’écriture est la seule manière que j’ai trouvé de te
faire revivre en moi, de me sentir complet.
par la négative. Son incapacité à s’aimer tel qu’il est, sa
quête de différenciation qui le dénature peu à peu, le
personnage dans lequel il s’emprisonne au quotidien et
le meurtre du frère comme seule et ultime libération, ça
m’a profondément offensé. Ton roman fait de moi un
monstre.
J’ai eu mal. J’ai fortement réagi. Mais j’en accepte la raison
seulement aujourd’hui. Tu as vu juste, François. Tout ce
que je n’aime pas en moi, tout ce que je trouve faible,
tout ce que je tente d’améliorer, d’éradiquer, ce sont les
parties qui te ressemblent. Et si la scène de meurtre m’a
autant troublé, c’est que depuis l’enfance, je tente de
l’accomplir de manière symbolique, en moi.
Mais malgré tous mes efforts je n’y peux rien, quand je
me regarde dans le miroir, c’est encore toi que je vois.
FRANÇOIS GILBERT est écrivain. Ses trois romans, Coma, La maison
d’une autre et, en mars 2016, Hare Krishna, sont tous publiés chez
Leméac Éditeur.
Content que tu l’avoues enfin. Tu t’es servi de moi pour
l’écrire, ton histoire de mathématicien qui se définit
Les deux premiers romans de François Gilbert
L’orangeraie 43
Les Klingons et Nous
© Emile Zeizig
Par Pascale Rafie
La recette de baklawas
P ourquoi ?
Dans le roman L’orangeraie, j’avais été frappé par
ce court segment où l’oncle tente de dissuader
son neveu de ne pas devenir comédien : « Il
me disait qu’avec mon accent personne ne
me donnerait de rôle. Que je ne pourrais pas
travailler dans mon nouveau pays. Que j’étais
trop différent. » Ça peut paraître anecdotique,
dans la foulée de cette histoire tragique, mais ça
révèle néanmoins un malaise persistant, voire
grandissant, dans le milieu théâtral et même la
population en général, à savoir que la « diversité
culturelle » est plus ou moins présente sur nos
scènes et dans nos écrans. Je garde un souvenir
très heureux de la troupe de La recette de
baklawas, et je ne pouvais rêver de meilleures
alliées, l’auteure Pascale Rafie en tête, pour se
frotter à cette délicate – et essentielle – question.
- N. Gendron
« Ça va paraître contradictoire, mais ça ne l’est pas pour
moi. Je ne me considère pas comme une comédienne
issue de la “diversité”. Je refuse qu’on me mette dans une
catégorie. Oui, ma mère s’appelle Sylvie, elle est originaire
de Berthier et elle est catholique. Oui, mon père s’appelle
Abdallah, il vient de Casablanca et il est musulman… Et
alors ? »
Sounia Balha est sortie de l’École nationale de théâtre du
Canada en 2008. On a pu la voir sur la scène du Théâtre
d’Aujourd’hui dans la pièce Trois de Mani Soleymanlou,
aux côtés de nombreux comédiens dits « de la diversité »,
dont Talia Hallmona. Un an plus tôt, elles étaient sur
cette même scène pour présenter en lecture publique
ma dernière pièce, La recette de baklawas1.
J’invite toute la distribution, à laquelle il faut ajouter
Mireille Tawfik, Natalie Tannous et Leïla Thibeault-Louchem
(qui n’a pas pu prendre part à notre discussion), à réfléchir
avec moi sur ce sujet sensible : la « diversité2 culturelle »
sur la scène québécoise. Cinq comédiennes québécoises…
qui portent toutes un nom venu d’ailleurs. Comme moi, en
passant, qui suis d’origine libanaise par mon père.
Le milieu du théâtre québécois réfléchit lui aussi à
cette question de la diversité culturelle sur nos scènes.
Le congrès du Conseil québécois du théâtre (CQT),
qui s’est tenu en novembre dernier à Montréal, en a
d’ailleurs fait son thème central. On parle d’une évidente
sous-représentation des artistes issus de l’immigration
(comédiens, comédiennes, mais aussi auteurs et metteurs
en scène). Selon l’étude menée par le CQT, pour la saison
2014-2015, seulement 10.5% des contrats liés à la scène
ont été attribués à des artistes de la diversité, alors que
les personnes issues de l’immigration forment 33% de la
population montréalaise3.
Présentation dans le cadre de Dramaturgies en dialogues, CEAD, édition
2013. Nathalie Doummar jouait alors le rôle de la narratrice qu’a repris
Natalie Tannous en 2015.
1
Vous avez dit « diversité » ? D’après le Larousse en ligne, la diversité
désigne l’« ensemble des personnes qui diffèrent les unes des autres par
leur origine géographique, socio-culturelle ou religieuse, leur âge, leur sexe,
leur orientation sexuelle, etc., et qui constituent la communauté nationale
à laquelle elles appartiennent. […] (Cette notion, qui intègre des différences
comme le handicap, est développée pour lutter contre la discrimination.) »
Cliquez ici. Le terme sent un peu la rectitude politique, mais utilisons-le
tout de même.
2
3
Hugo Larose-Pilon, 11 novembre 2015, La Presse « Diversité culturelle :
le théâtre manque-t-il d’ouverture ? » Cliquez ici
L’orangeraie 44
La vaste question de la place de la diversité culturelle sur
nos scènes touche selon moi à la définition du fameux
Nous québécois, un Nous qui semble hésiter à inclure
l’Autre. Pourtant, l’immigration ne date pas d’hier, et les
jeunes issus de la première ou deuxième génération
d’immigrants ont des histoires à raconter qui font déjà
partie de notre Histoire. Qu’attend le théâtre pour s’en
saisir ?
Bien sûr, ce débat comporte son lot de non-dits :
malentendus, frustrations, ruminations, déni et silence.
Car le sujet rejoint l’individu dans ce qu’il a de plus
intime : son identité… Et celle-ci est certainement plus
complexe et nuancée qu’il n’y paraît. Comment avancer
sur ce terrain miné ?
Sounia explique : « Si vous me regardez droit dans les
yeux et que vous vous dites, elle vient d’ailleurs, je dis
oui, je comprends. J’ai comme tout le monde un casting
qui me colle à la peau. Mais si vous prenez deux minutes
pour me parler et que vous arrivez à la même conclusion,
alors là, je ne sais pas quoi vous dire. Sinon que je n’ai
pas de problème avec mon identité et ce que je suis. »
« De la diversité, il y en a depuis longtemps, poursuit
Sounia. Dans Star Trek, par exemple ! Avec les Klingons
et tout !... Et regardez aujourd’hui les séries Orange is the
new black, ou Walking Dead. »
© Larry Dufresne
S’agit-il de discrimination ? Certains organismes ont mis
sur pied des programmes pour tenter de favoriser l’accès
à la scène des minorités culturelles. Par exemple, le
projet Horizons Diversité, créé il y a trois ans, permet à
des jeunes curieux d’art dramatique de vivre l’expérience
de l’École nationale de théâtre du Canada pendant
quelques jours. Ou encore, Les Auditions de la diversité
donnent l’occasion aux comédiens et comédiennes issus
de l’immigration de se faire connaître des metteurs en
scène du milieu. Mais est-ce suffisant ?
Marche comme une Égyptienne, texte et interpretation de Mireille Tawfik
Mais revenons au Québec. Est-ce que j’ai le droit de dire
que c’est justement cette « diversité » qui m’a attirée vers
Sounia et Talia ? C’est au moment où elles terminent leur
formation à l’École nationale de théâtre du Canada. Je les
croise dans des projets de lectures, j’admire leur talent,
leur fougue. Nous discutons, un verre à la main, je ne sais
plus, et tout à coup, ça me frappe : elles ressemblent à
mes tantes libanaises! Talia a la bouche de l’une, tandis
que Sounia a l’air rêveur de l’autre. Et s’impose alors à
moi le désir d’écrire pour elles une pièce inspirée de
l’histoire de ces tantes. La recette de baklawas n’aurait pu
voir le jour sans cette rencontre.
« Dans La recette de baklawas, on joue des rôles de
sœurs, de mères, de cousines, au Québec. Pas des rôles
de Libanaises », remarque Talia.
Affiche du film La Prière
Ça change du casting de l’étranger dans lequel plusieurs
sont confinés. C’est vrai : l’étranger, l’inconnu, l’immigrant,
l’émigré, le migrant, le réfugié… le Klingon, peut-être ?
Celui qui fait peur, qu’on ne connaît pas, qui menace… Et
si on cherchait à le connaître, vraiment, de l’intérieur ?
« Dans un Québec qui défend son identité et sa langue,
dit Natalie Tannous, il reste peu de place à l’autre
même si cette autre est bel et bien née ici et se sent full
Québécoise. Ce qui est particulier dans ce cas-là, c’est
qu’on peut avoir l’allure nord-américaine (oui, oui, le
Québec est francophone, mais nord-américain tout de
même) et ne pas avoir d’accent, mais notre nom suffit à
écarter notre candidature d’un potentiel casting. »
Talia continue : « La recette de baklawas parle d’ici, pas
d’ailleurs. » Sounia : « Moi l’ailleurs, je ne le connais même
pas ! »
L’orangeraie 45
Chaque expérience est distincte. « Je suis un produit de
l’immigration, dit Mireille. On a souvent pris pour acquis
que j’étais musulmane, alors que mes parents sont d’une
minorité catholique. Même si je me dissocie de ces
croyances religieuses, quand on catégorise d’emblée les
gens dans une boîte qui ne leur correspond pas, on vient
occulter leur réalité. Il y a une douleur associée au fait de
ne pas exister dans l’imaginaire des gens, comme si on
effaçait une partie de la population. »
Et en ce qui concerne le théâtre plus spécifiquement, elle
ajoute : « On le sait, le milieu du théâtre est un milieu
difficile pour tous. Les rouages de la discrimination sont
difficiles à démonter pour l’individu qui n’a que son
vécu personnel comme référent. Dans mon cas, c’est le
théâtre Montréal, arts interculturels (MAI) qui m’a donné
la chance de prendre le clavier ET la scène, et ainsi, de
faire exister cette réalité qui est la mienne et celle de
tant d’autres. »
Mes amies veulent faire entendre leurs voix d’artistes. En
cela, elles ne sont pas si différentes de leurs collègues
québécois dits « de souche » qui peinent à trouver leur
place dans un marché restreint et décident de monter
leurs propres pièces. Mireille a écrit, joué et produit, avec
sa compagnie Face de Râ, Marche comme une Égyptienne,
un solo dans lequel elle revient sur ses origines, créé
en 2011 et présenté en tournée jusqu’en 2014. Ce fut
aussi le choix de Talia, avec la création de Moi et l’autre,
spectacle pour adolescents, écrit en collaboration avec
Pascal Brullemans, qui a gagné le Prix Louise-Lahaye
2015 du meilleur texte jeune public, décerné par le
CEAD. En 2014-2015, Talia joue dans sa pièce, la produit
avec sa compagnie le Théâtre Fêlé et, en mars 2016,
la présente à la Maison Théâtre. Sounia a participé à
l’élaboration du projet N’habbek/Je t’aime, un spectacle
pour la jeunesse produit par le Théâtre de Quartier, en
2008. Leïla a cofondé la troupe de théâtre Les Berbères
mémères avec ses cousines Ines et Elkahna Talbi. Elles
produisent Temps de nuit, dans un bar de Montréal, et
Bang Bang Love, qui impliquait de l’improvisation. Quant
à Natalie, elle scénarise et réalise des courts métrages,
dont La prière, un réquisitoire contre la violence faite aux
femmes.
La solution semble être la création, l’écriture. Il y a tant à
raconter. Que ces spectacles témoignent de la réalité de
l’immigration ou non, qu’ils s’en inspirent ou lui tournent
le dos, ils participent au grand récit du Québec, au
dialogue qui s’installe avec les hommes et les femmes
d’ici. N’est-ce pas ainsi qu’un pays se définit : les histoires
que nous nous racontons nous permettent de nous voir,
de nous reconnaître, de nous rêver, de nous construire
ensemble. Le milieu théâtral québécois est-il au rendezvous4 ? L’intégration de la diversité culturelle est un enjeu
crucial pour le développement du théâtre québécois…
tout comme l’intégration de la diversité culturelle est
essentielle au développement de la société québécoise…
« Je refuse d’être la comédienne « ethnique » de service,
lance Natalie Tannous. Il est temps que le Québec s’ouvre
aux autres. Ce que le public voit sur scène ou à l’écran
est un reflet de son quotidien et quand on verra des
gens comme nous – comme eux ! – à l’écran, sur scène,
interprétant tous les types de rôles, incluant les premiers
rôles, eh bien là, je suis convaincue, nous verrons du
changement. »
Nous sommes tous Klingons !
Vous pensez peut-être à des auteurs issus de la diversité qui ont réussi à
atteindre les grandes scènes : Wajdi Mouawad par exemple ou, plus récemment, Mani Soleymanlou qui a su aborder la question de l’identité de façon
étonnante. Ou encore Olivier Kemeid avec L’Énéïde et Moi, dans les ruines
rouges du siècle. Je cherche un nom de femme de la nouvelle génération,
mais aucun ne me vient en tête.
4
© Louis-Paul Legault
Comme auteure, j’aimerais bien parler de cette part
d’ailleurs que je porte en moi et qui n’est pas entendue.
Ce sentiment d’être d’ici, mais pas tout à fait. D’appartenir
à un ailleurs, le Liban peut-être, mais de ne pas me sentir
légitimée de m’en réclamer. Une partie de moi existe en
silence et veut se faire entendre.
Moi et l’autre
Liens pour poursuivre la réflexion
Étude du CQT sur la diversité
Horizons Diversité
(École nationale de théâtre du Canada) Les Auditions de la diversité
Diversité Artistique Montréal (DAM)
Au sujet des artistes Sounia Balha / N’habbek/Je t’aime
Talia Hallmona / Moi et l’autre Mireille Tawfik / Marche comme une Égyptienne
Natalie Tannous / La prière
Leïla Thibeault-Louchem / Bang Bang Love
Pascale Rafie / La recette de baklawas
L’orangeraie 46
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