codéine chez les patients qui présentent un déficit en CYP2D6 (8 %
de la population de type caucasien, 2 % de la population de type
asiatique) (8).
Puissance inhibitrice
Elle varie selon les médicaments au sein d’une même classe. Dans
la famille des bloqueurs des canaux calciques, le diltiazem, le
vérapamil et la nicardipine apparaissent comme des inhibiteurs
enzymatiques de puissance modérée. Toutefois, le diltiazem et le
vérapamil multiplient les concentrations de ciclosporine par 2 à
4, risquant ainsi de majorer la toxicité rénale de la ciclosporine
(9, 10). Cet effet est d’autant plus préoccupant que ces médica-
ments peuvent être prescrits dans l’HTA résultant de l’adminis-
tration de ciclosporine. D’autres bloqueurs des canaux calciques
tels que l’isradipine, la nitrendipine et l’amlodipine ne semblent
pas modifier la ciclosporinémie.
De manière similaire, un risque de sédation prolongée peut être
provoqué par la coprescription de bloqueurs des canaux calciques
avec du midazolam ou de l’alfentanil (11).
Le vérapamil inhibe aussi le métabolisme de la quinidine, expo-
sant le patient à une majoration des effets indésirables (hypoten-
sion artérielle, bloc auriculoventriculaire...) (12).
Quelques interactions en cardiologie
Statines et antifongiques imidazolés. L’itraconazole et le kéto-
conazole sont de puissants inhibiteurs du CYP450. Leur associa-
tion à la simvastatine, la cérivastatine ou l’atorvastatine est contre-
indiquée en raison d’une élévation de leurs concentrations
plasmatiques qui induit un risque
accru de rhabdomyolyse (13).
Flécaïnide et amiodarone. L’inhi-
bition par l’amiodarone (400 mg/j)
du métabolisme de l’acétate de flé-
caïnide (100 mg) peut être respon-
sable d’une élévation majeure des
concentrations de cette dernière,
dont l’index thérapeutique est très
étroit. Cette interaction, bien que
très rare, est de mauvais pronostic,
avec apparition de blocs auriculo-
ventriculaires, de collapsus et
risque de mortalité élevé. Lorsque
l’association amiodarone-flécaï-
nide s’avère nécessaire, une réduction de 30 à 50 % de la posolo-
gie d’acétate de flécaïnide, associée à une surveillance biologique
(dosage plasmatique), est préconisée (14).
Bêtabloquants et lidocaïne. Le propranolol (Avlocardyl®...), le
métoprolol (Lopressor®,Seloken®...) et le nadolol (Corgard®)
administrés au long cours sont susceptibles d’inhiber le métabo-
lisme de la lidocaïne administrée en i.v. La toxicité résultante liée
à la lidocaïne (15) peut se manifester par des bradycardies sévères,
des arrêts cardiaques, ou encore des tableaux d’agitation et
d’agressivité. Si une telle association est nécessaire, il faut adap-
ter la posologie de la lidocaïne en fonction d’un contrôle des
concentrations plasmatiques et d’une surveillance clinique et élec-
trocardiographique des plus soigneuses.
Cisapride et macrolides, cisapride et imidazolés antifon-
giques. Le cisapride (Prepulsid®) est un médicament pouvant être
responsable de l’allongement de l’intervalle QT avec risque de
torsades de pointe. Ce risque est majoré en cas d’inhibition de
son métabolisme par les macrolides (tous, sauf la spiramycine)
ou par les imidazolés antifongiques (itraconazole, fluconazole,
miconazole) : ces associations sont contre-indiquées (16).
INDUCTION ENZYMATIQUE
Certains médicaments augmentent l’activité catalytique du
CYP : l’induction enzymatique affecte principalement la
phase I du métabolisme (oxydation, réduction, hydrolyse), et à
un moindre degré la phase II (glucuronoconjugaison). L’induc-
tion enzymatique par un médicament conduit à l’augmentation
du métabolisme de l’autre médicament, et donc à une baisse
d’efficacité (2, 3). Cette induction enzymatique résulte généra-
lement de l’augmentation de synthèse des différents CYP.
Parmi les inducteurs enzymatiques les plus couramment rencon-
trés, on peut citer le phénobarbital, la phénytoïne, la carbamazé-
pine, la rifampicine, la rifabutine, le méprobamate et la griséo-
fulvine.
La culture d’hépatocytes ou les suspensions de microsomes
humains permettent de déterminer la puissance inductrice des
médicaments.
Caractéristiques de l’induction enzymatique
Chronologie. Le délai de survenue et de disparition de l’effet induc-
teur est progressif et dépend de la demi-vie de l’inducteur. L’in-
duction peut être détectée au bout de
8 jours avec le phénobarbital, est
maximale au bout de 2 semaines et
persiste 2 à 3 semaines après l’arrêt
de l’inducteur (2). Avec la rifampi-
cine, l’induction atteint son maxi-
mum en 5 à 10 jours et disparaît en
5 à 10 jours suivant son arrêt (17).
Dose. L’induction enzymatique est
dose-dépendante : des doses éle-
vées de médicaments inducteurs
entraînent une majoration de l’in-
duction. Chez un patient, l’aug-
mentation de posologie du phéno-
barbital (100 mg/j à 200 mg/j)
diminuait les taux plasmatiques de warfarine (18).
En pathologie cardiovasculaire, certains médicaments voient leur
efficacité diminuée par augmentation de leur métabolisme lors
d’association avec des inducteurs enzymatiques. Parmi ceux qui
nécessitent une adaptation de posologie (augmentation de poso-
logie du médicament induit) et une surveillance clinique et/ou
biologique figurent la majorité des dihydropyridines, l’hydro-
quinidine (Sérécor®), la quinidine (Longacor®), le disopyramide
(Rythmodan®) et les antivitamines K.
CONCLUSION
En thérapeutique cardiovasculaire, seules certaines interactions
du type inhibition enzymatique sont essentielles à considérer.
La Lettre du Cardiologue - n° 325 - février 2000
25
DOSSIER