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Article destiné au bulletin de l’Association Française du
Syndrome de Fatigue Chronique et de Fibromyalgie.
SFC et rétrovirus murins, le mystère s'épaissit.
Les rétrovirus du lymphome murin (MLV)
forment un groupe complexe dont les séquences
permettent de distinguer ceux qui sont
susceptibles d’infecter la souris seule (désignés
par l’acronyme EMLV) d’autres espèces et non
la souris (XLMV) ou les deux (PLMV). Il était
clair que la publication, il y a un an, dans la
prestigieuse revue Science de la découverte dans
le SFC d'un rétrovirus comportant des séquences
pratiquement identiques à celles d'un XMLV et
résultant probablement de sa recombinaison avec
un PMLV stimulerait de nombreuses études. Ce
rétrovirus murin (MRV) appelé XMRV, avait
d'abord été trouvé dans le cancer de la prostate
aux États-Unis. Deux études conduites en
Allemagne n'ont pas confirmé ce résultat, au
contraire d'une autre étude américaine. Les
résultats ont également été négatifs lors de
l'examen de cancers prostatiques de malades
souffrant de SFC, ce qui devrait apaiser les
craintes soulevées par les recherches initiales.
Depuis l'article de Science, quatre études
européennes et américaines n'ont pas permis de
mettre en évidence le XMRV dans le sang dans
le SFC par biologie moléculaire, sans comporter
les études immunologiques et virologiques qui
ont complété l'étude de Science. Il en est de
même de la dernière étude dans le SFC, publiée
dans le numéro du 7 septembre de la toute aussi
prestigieuse revue PNAS. Effectuée avec des
prélèvements sanguins collectés de 1990 à 2010,
cette étude de biologie moléculaire n'a pas
retrouvé XMRV, mais a mis en évidence des
séquences de MLV dans 86,5 % des cas de SFC
(et même 96 % des membres d'une cohorte de
malades diagnostiqués avec des critères très
rigoureux) contre 6.8 % des sujets normaux. Les
mêmes séquences ont été retrouvées lors
d'examens répétés chez les mêmes malades. La
contamination par du matériel d'origine murine
paraît parfaitement exclue. Au contraire de la
remarquable quasi identité des séquences de
XMRV caractérisées précédemment, l'étude de
PNAS a révélé plusieurs types différents de
séquences proches de celles de PMLV et
apparemment différentes de celles caractérisées
chez des sujets normaux. Les discordances entre
toutes ces études pourraient s'expliquer par des
différences géographiques entre les virus
dérivés des MLV, des différences
technologiques et/ou une hétérogénéité des
diagnostics de SFC. Il faut souligner que les
techniques utilisées ont permis de séquencer une
partie limitée et non l'intégralité des génomes
viraux, ce qui empêche une comparaison parfaite
dans un monde rendu complexe par les
recombinaisons, réarrangements et mutations
chers aux virus. Il est d'ailleurs probable que le
mécanisme de la pathogénicité implique une co-
infection par plusieurs MLV et possiblement
d'autres virus. Quoiqu'il en soit, ces travaux sont
en faveur d'un rôle des MLV dans le SFC. De
nombreuses autres études dans des domaines
variés sont bien sûr nécessaires avant d'arriver à
une conclusion. Surtout, comme le soulignent
pertinemment les biologistes moléculaires du
CNRS de Montpellier dans leur éditorial
accompagnant l'article de PNAS, la preuve ne
peut venir que de l'effet de l'éradication des
virus par des traitements adaptés. Ils rappellent
que le rôle direct de la bactérie Helicobacter
pylori dans les ulcères gastroduodénaux n'a été
admis que quand leur guérison par des
traitements antibiotiques a été démontrée. Ce
type de recherche est maintenant envisageable
dans le SFC, mais il faut en peser le rapport
bénéfices/risques et elles ne paraissent pas
faciles à conduire avec la rigueur indispensable.
A titre anecdotique et personnel, j'ai vécu aux
États-Unis et y ai participé à des recherches
chez la souris. L'infection virale qui a conduit à
mon entrée dans le SFC n'a pas été contractée à
cette occasion, mais 5 ans plus tard lors d'un
séjour aux États-Unis pendant lequel je n'ai pas
eu le moindre contact avec des souris ou des
cellules murines. JL Preud’homme,
Médecin retraité, professeur d’Immunologie, SFC déclaré au décours d’une infection, par un virus non
identifié, contractée aux États-Unis.
. PNAS : Proceedings of the National Academy of Sciences.