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RESUME
La navigation et les modes de déplacement intéressent la communauté scientifique depuis
maintenant près d'un demi siècle. Cependant, l’augmentation de l’incidence des troubles
dégénératifs du système nerveux central chez l’homme rend plus prégnante la nécessité de
compréhension de la navigation et de l’influence du temps sur celle-ci. S'il est connu chez
l'homme comme chez le rongeur que l'avancée en âge affecte les capacités à se déplacer dans de
vastes environnements, peu de données sont disponibles quant aux processus cognitifs
impliqués dans ce type de comportement et leurs éventuelles modulations avec l'âge.
La définition des stratégies utilisées, l’incidence respective des mécanismes allocentriques et
égocentriques, la capacité de mise en œuvre d’une stratégie au moment demandé, lors d’un
rappel à court ou à long délai, l’influence du temps qui passe sont autant de questions que nous
avons abordées dans ce travail de thèse. Afin d’effectuer ces études, nous avons développé des
tâches en environnements virtuels modélisés sur ordinateur et utilisé des tests
neuropsychologiques nécessitant la mobilisation des compétences visuo-spatiales. Dans une
première étude utilisant une épreuve de localisation spatiale, les résultats obtenus mettent en
évidence chez les personnes âgées, une altération des aptitudes lors de la mise en œuvre d’une
stratégie allocentrique, sans atteinte des performances égocentriques. La deuxième étude
utilisant une version virtuelle du test de la piscine de Morris reconnu comme une tâche
allocentrique chez le rongeur, conforte ces données. De façon similaire dans les deux études, les
personnes âgées présentent une altération de la sélection et de l’exécution de la stratégie de
déplacement qui s’avère optimale pour résoudre la tâche spatiale. Nous avons également mis en
évidence une difficulté, chez ces mêmes participants, à utiliser une représentation mentale
globale de l’espace, sans toutefois qu’il soit possible de distinguer si l’origine de cette difficulté
vient d’une altération de la formation ou de la récupération de cette « carte cognitive ». Le
temps pourrait également jouer son rôle de par le délai entre l'acquisition d'une information
spatiale et le moment où il est nécessaire de l’utiliser à nouveau. En étudiant l’effet du délai sur
la trace mnésique spatiale, nous avons observé que les sujets jeunes utilisant de façon
prédominante une stratégie allocentrique voyaient leurs performances diminuer lors d’un rappel
après quatre semaines alors que celles des sujets âgés restaient inchangées. Ceci soulève bien
entendu la question de la différence d’encodage des informations entre les sujets jeunes et âgés,
avec un versant plus détaillé chez les sujets jeunes, mais surtout s’intègre au sein du débat
actuel sur l’existence d’une modification de la trace mnésique qui pourrait selon la théorie des
traces multiples de la consolidation, évoluer vers un souvenir plus schématisé avec le délai. Les
résultats d’une dernière étude dans laquelle nous manipulons le contexte environnemental de la
piscine virtuelle de Morris, amène des arguments en faveur d’une « schématisation » du
souvenir au cours de la consolidation, en mettant en évidence une absence de discrimination par
les participants, d’un changement des repères spatiaux lors d’un rappel de l’information après
six semaines de délai. Toutes ces données sont discutées dans le cadre du débat actuel de la
consolidation, notamment sur la contribution de l’hippocampe dans le stockage et le rappel des
informations anciennes. A la lumière de nos données, nous proposons une vue intégrative du
fonctionnement de l’interface hippocampo-corticale lors des rappels après un court et long délai,
en fonction de l’âge.