M I S E A U P O I N T Adaptations métaboliques et hormonales au cours de l’exercice ● A. Pérez-Martin* Points forts • Le renouvellement de l’ATP musculaire peut se faire selon différentes voies métaboliques, la voie aérobie étant la plus rentable et la plus durable. • La réponse métabolique et hormonale au cours de l’exercice doit répondre à une double contrainte : maintenir la glycémie et satisfaire les besoins énergétiques musculaires accrus. • Le système sympathique est le premier à intervenir. Il inhibe l’insulinosécrétion et stimule la glycogénolyse. • La réponse hormonale associe la baisse de l’insuline et l’augmentation des hormones de contre-régulation ; elle génère divers processus métaboliques : – augmentation de la production hépatique de glucose résultant de l’accroissement de la glycogénolyse (baisse de l’insuline, des catécholamines et du glucagon) et de la néoglucogenèse (baisse de l’insuline, du glucagon, du cortisol et de l’hormone de croissance) ; – augmentation de la glycogénolyse musculaire (baisse de l’insuline, des catécholamines) ; – augmentation de la lipolyse (baisse de l’insuline, des catécholamines, du glucagon, du cortisol et de l’hormone de croissance). • Le cortisol a, de plus, un rôle catabolisant protidique qui permet d’alimenter la néoglucogenèse, notamment pendant la récupération, tandis que les hormones thyroïdiennes jouent un rôle “permissif”. • L’entraînement favorise l’oxydation lipidique et l’épargne glycogénique. Il atténue la réponse neurohormonale, grâce à une meilleure sensibilité hormonale. • Inversement, la sédentarité et certaines maladies chroniques se caractérisent par une moindre capacité oxydative et une orientation du métabolisme musculaire vers la voie glycolytique. Ces anomalies musculaires sont un facteur de mauvaise tolérance à l’effort, mais elles sont généralement réversibles sous l’effet du réentraînement. es muscles squelettiques représentent environ 40 % du poids corporel et consomment 30 à 35 % de l’oxygène au repos. Leur mise en jeu au cours de l’exercice s’accompagne de modifications physiologiques complexes devant répondre à un double objectif métabolique : satisfaire les besoins accrus générés par la contraction musculaire et assurer l’homéostasie énergétique, notamment glucidique, du reste de l’organisme et, tout particulièrement, du système nerveux central. Ainsi, aux adaptations cardiovasculaires et respiratoires, assurant essentiellement une fonction de transport et d’apport en oxygène, s’associent des adaptations métaboliques régulées par un système neurohormonal complexe. L’exploration de l’aptitude physique, largement répandue chez le sujet sain comme chez le L * Centre d’exploration et de réadaptation des anomalies métaboliques et musculaires (CERAMM), service central de physiologie clinique, CHU Lapeyronie, Montpellier. La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 5 - sept.-oct. 2002 malade, s’intéresse principalement aux adaptations cardiorespiratoires et méconnaît souvent les adaptations métaboliques et hormonales. Ces dernières sont pourtant primordiales et conditionnent en grande partie les performances musculaires et la récupération. Elles peuvent être altérées dans de nombreuses pathologies mais également chez le sujet sédentaire, et varient considérablement selon la nature de l’exercice (intensité, durée, type). Cette mise au point s’intéresse aux principales caractéristiques des adaptations métaboliques et neurohormonales au cours de l’activité physique. Après un rappel du métabolisme énergétique musculaire et des contraintes métaboliques générées par l’exercice, nous envisagerons les principaux mécanismes neurohormonaux mis en jeu en réponse à ces contraintes. Enfin, les effets de l’entraînement et du déconditionnement musculaire sur les adaptations métaboliques et hormonales à l’effort seront abordés. 171 M I S E A U P O I N T FLUX MÉTABOLIQUES AU COURS DE L’EXERCICE MUSCULAIRE Contraintes métaboliques Au cours de l’exercice musculaire, l’organisme doit faire face à une double contrainte métabolique : d’une part, répondre à la demande énergétique des muscles en activité et, d’autre part, assurer l’homéostasie glucidique. L’importance du maintien de la glycémie est attestée par la complexité de sa régulation et cet objectif paraît prioritaire, de façon à satisfaire les besoins constants des organes “glucose-dépendants”, notamment le système nerveux central (figure 1). Un double contrôle neurovégétatif et hormonal permet d’équilibrer en permanence la balance glucidique : l’augmentation de la captation et de l’utilisation musculaire du glucose par le muscle est ainsi contrebalancée par une élévation de la libération de glucose dans le sang, essentiellement à partir du foie. Parallèlement, la mobilisation d’autres substrats énergétiques, au premier rang desquels les lipides sous forme d’acides gras non estérifiés (AGNE), utilisables par le muscle de façon alternative, permet à la fois une “épargne glucidique” et un apport énergétique satisfaisant aux muscles sollicités par l’exercice. Le système de régulation impliqué est redondant mais il peut, cependant, être parfois dépassé. Le non-respect de l’un des objectifs métaboliques (maintien de la glycémie et/ou apports énergétiques musculaires adaptés) conduit rapidement à l’épuisement du sujet. Métabolisme énergétique musculaire et substrats énergétiques L’énergie nécessaire à la contraction musculaire est fournie par l’hydrolyse de l’adénosine triphosphate (ATP), qui est indispensable au fonctionnement du système actine-myosine et au recaptage des ions calcium par le réticulum endoplasmique. Les réserves intracellulaires étant très faibles (5 mmol/kg de muscle), l’ATP doit être constamment renouvelée pour maintenir la contraction. Cette resynthèse peut se faire par différents processus, dont le rendement, le débit et les conditions de mise en jeu varient considérablement (tableau I). La voie anaérobie alactique permet la resynthèse d’ATP à partir de composés phosphorés riches en énergie et immédiatement disponibles dans le muscle : la créatine phosphate (CP) et l’adénosine diphosphate (ADP). Ce processus est rapidement mis en jeu et permet des exercices d’intensité élevée, mais de REPOS Système nerveux central 6 g/h Glucose O2 AGNE Muscles EXERCICE Système nerveux central 6 g/h Glucose AGNE O2 Muscles Figure 1. Contraintes métaboliques au repos et à l’effort. Les besoins énergétiques et glucidiques du système nerveux central (SNC) restent constants au repos et lors de l’exercice physique. Les adaptations métaboliques et hormonales doivent donc répondre à une double contrainte : maintenir les apports au SNC tout en répondant à la demande énergétique des muscles sollicités par l’activité physique. La demande énergétique est variable selon le type de l’exercice, sa durée et son intensité. courte durée, en raison des faibles quantités de substrats disponibles (20 et 10 3 mmol/kg de muscle respectivement pour la CP et l’ADP). Si l’exercice se poursuit, d’autres processus métaboliques sont sollicités. Ainsi, au-delà des premières secondes d’exercice, la voie anaérobie lactique (ou glycolyse anaérobie) est mise en jeu. Elle correspond à la dégradation cytosolique du glycogène musculaire et, dans une moindre mesure, du glucose circulant capté Tableau I. Voies métaboliques de renouvellement de l’ATP. Rendement (ATP mol–1 substrat) Voies métaboliques ATP mol–1 O2 Voie anaérobie alactique (durée de la réserve d’énergie : 5-7 secondes) Composés phosphorés 1 – Voie anaérobie lactique (durée de la réserve d’énergie : 30-50 secondes) Glycogène lactate Glucose lactate 3 2 – – Voie aérobie (durée de la réserve d’énergie : 5-7 secondes) 172 Lactate CO2 + H2O Glycogène CO2 + H2O Glucose CO2 + H2O AGNE CO2 + H2O 17 37 36 138 5,7 6,2 6,0 5,6 La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 5 - sept.-oct. 2002 par le muscle en pyruvate. Ce dernier, en l’absence d’oxygène, est réduit en lactate. Cette voie intervient avec une durée d’efficacité plus grande que la voie anaérobie alactique, mais avec un rendement moindre. Il faut souligner que la glycolyse anaérobie est essentiellement développée dans les fibres musculaires à fort potentiel glycolytique (type IIb), où elle fonctionne même quand l’apport en oxygène est satisfaisant. Son principal facteur limitant tient à l’apparition d’une acidose musculaire par accumulation d’acide lactique et épuisement des capacités cellulaires à tamponner les ions H+. Lorsque l’exercice se prolonge, la voie aérobie est à son tour sollicitée, tout particulièrement dans les fibres musculaires à fort potentiel oxydatif (type I). Elle n’est possible qu’en présence d’une quantité suffisante d’oxygène, c’est-à-dire lorsque les adaptations respiratoires et cardiovasculaires sont mises en place. Aussi n’atteint-elle son efficacité maximale que pour des efforts prolongés au-delà de trois minutes. Elle se caractérise par un fort rendement et par l’utilisation possible de différents types de substrats énergétiques. Elle comporte plusieurs étapes. Tout d’abord, la dégradation des nutriments aboutit à la formation d’acétyl-coenzyme A qui alimente le cycle citrique de Krebs. Chaque tour de cycle forme deux molécules de CO2 et libère des électrons et des atomes d’hydrogène qui réduisent le nicotinamide-adénine-dinucléotide (NAD) et le flavine-adénine-dinucléotide (FAD) en NADH et FADH2 (figure 2). NADH et FADH2 agissent comme de véritables agents de transfert et vont céder des électrons à haute énergie et des protons aux complexes de la chaîne respiratoire (figure 3). Cette dernière est constituée d’une quinzaine de transporteurs localisés dans la membrane interne de la mitochondrie. Les différentes étapes de cette chaîne sont accélérées par trois gros complexes enzymatiques enchâssés dans la membrane : l’ubiquinone, les cytochromes et le système de la cytochrome-oxydase. Le transport des électrons le long de la chaîne respiratoire libère de l’énergie, qui permet l’exportation de protons dans l’espace intermembranaire, créant ainsi un gradient électrochimique (mécanisme chimio-osmotique). L’énergie ainsi stockée est utilisée pour : – activer l’ATP-synthétase qui catalyse la phosphorylation de l’ADP en ATP et qui est dotée d’un canal à protons ; – transporter divers métabolites à travers la membrane mitochondriale. Cette énergie permet notamment le fonctionnement de la translocase qui assure l’antiport spécifique ADP-ATP (l’entrée d’ADP étant couplée à la sortie d’ATP). À la fin de la chaîne respiratoire, le complexe cytochrome-oxydase assure la réduction de l’oxygène moléculaire, qui représente l’accepteur final d’électrons. Cette réaction aboutit à la formation d’eau (figure 3). Pour assurer les besoins énergétiques cellulaires, le fonctionnement de la chaîne respiratoire est étroitement régulé. C’est le contrôle respiratoire, assuré par divers mécanismes : – la disponibilité en ADP et en Pi qui module l’intensité respiratoire et la consommation d’O2 ; – les rapports intramitochondriaux ATP-ADP qui conditionnent le fonctionnement de la cytochrome-oxydase (un rapport élevé étant inhibiteur) ; La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 5 - sept.-oct. 2002 Acétyl-coA Citrate Oxaloacétate NAD+ Cis-aconitate NADH Malate Isocitrate NAD+ NADH Furamate Succinate FAD FADH2 acétoglutarate NAD+ NADH Figure 2. Dégradation de l’acétyl-co-enzyme A par le cycle de Krebs. Le cycle de Krebs se déroule dans la matrice mitochondriale et comporte une séquence organisée de réactions enzymatiques dont le substrat initial et final est l’acide oxaloacétique. Il est “alimenté” par le produit final du catabolisme des nutriments, l’acide acétique, dont le radical acétyl se combine avec le co-enzyme A (co-A). L’acétyl-co-A ainsi formé cède le radical acétyl à l’acide oxaloacétique, ce qui permet d’initier une série de réactions d’oxydation qui transforment chaque radical acétyl en deux molécules de CO2, huit atomes d’hydrogène (H+) et huit électrons (e–). – le monoxyde d’azote (NO) ; à faible concentration, le NO inhibe la chaîne respiratoire en entrant en compétition avec l’O2 au niveau de la cytochrome-oxydase ; – enfin, certains signaux intracellulaires, en particulier le taux de calcium, participent aussi au contrôle respiratoire. Une élévation du calcium libre intramitochondrial active la déshydrogénase du cycle de Krebs, augmente la production de NADH, le flux d’électrons et, en conséquence, la synthèse d’ATP. La production mitochondriale d’ATP est ainsi étroitement liée aux besoins énergétiques de la cellule. La régulation fine des flux énergétiques implique d’ailleurs diverses structures cellulaires (consommant ou générant de l’énergie), notamment les myofibrilles, les mitochondries et le réticulum endoplasmique. Ces différents intervenants s’organisent en une véritable “unité fonctionnelle énergétique”, qui permet de réguler non seulement le niveau de production d’ATP, mais aussi la distribution des mitochondries au sein de la cellule (1) (figure 4). En théorie, les trois types de nutriments (glucides, lipides et protides) sont utilisables par voie aérobie. En fait, les substrats glucidiques et lipidiques constituent l’essentiel des ressources énergétiques, les protéines n’y participant que de façon négligeable dans les conditions habituelles d’exercice. Elles représentent pourtant une réserve potentielle d’énergie, grâce à l’oxydation de l’alanine et à leur rôle de substrat de la néoglucogenèse. Leur contribution reste cependant faible, sauf dans les conditions extrêmes où leur catabolisme peut atteindre 4 à 7 g/h (2). Les principaux substrats glucidiques assurant la couverture des besoins énergétiques au cours de l’exercice sont : – le glycogène, dont les réserves musculaires sont utilisées préférentiellement au stock hépatique ; – le glucose circulant, qu’il soit d’origine exogène ou hépatique (glycogénolyse et néoglucogénèse) ; 173 M I S E A U P O I N T Pyruvate Acétyl-coA Acides gras H2O Cycle de Krebs Pi ADP ADP + Pi NADH H2O FAD H+ NADH Translocase ADP ATP ATP H+ Coenzymes réduites FADH2 NAD Pi H+ O2 FADH2 ATP-synthétase H+ F1 e– Membrane interne e– e– e– F0 Ubiquinone Espace intermembranaire H+ I NADH déshydrogénase Cytochrome c H+ II Succinodéshydrogénase III b-cl H+ H+H+ Gradient H+ protonique H+ H+ IV Cytochrome déshydrogénase Figure 3. Respiration mitochondriale (ou oxydoréduction phosphorylante). Les électrons (e–) et les atomes d’hydrogène (H+) libérés à chaque “tour” du cycle de Krebs réduisent des “accepteurs” nicotinamide-adénine-dinucléotide (NAD+) et flavine-adénine-dinucléotide (FAD) en NADH et FADH2 respectivement. Le NADH régénère NAD+ et libère un proton et deux électrons à haut potentiel d’oxydoréduction. Ce potentiel diminue graduellement le long d’une séquence d’une quinzaine de transporteurs situés dans la membrane interne de la mitochondrie et constituant la chaîne respiratoire. Le transfert des électrons jusqu’à leur accepteur final, l’O2 moléculaire, se fait par une série d’oxydoréductions impliquant plusieurs couples redox ordonnés en chaîne. Les principales étapes de cette chaîne sont accélérées par trois gros complexes enzymatiques enchâssés dans la membrane : l’ubiquinone, qui transmet les électrons du complexe I au complexe III ; les cytochromes, dont le cytochrome c, qui assure le transfert d’électrons du complexe III au complexe IV ; le système de la cytochrome oxydase au niveau de laquelle quatre électrons passent sur une molécule d’O2 moléculaire directement réduite en eau, moyennant deux protons. L’énergie libérée lors de chaque combinaison des électrons avec les différents complexes est utilisée pour l’exportation de protons dans l’espace intermembranaire, créant ainsi un gradient électrochimique (mécanisme chimio-osmotique). L’énergie contenue dans ce gradient protonique permet notamment le fonctionnement de l’ATP-synthétase mitochondriale. Cette enzyme comporte un canal à protons ancré dans la membrane (F0) et un complexe de couplage F1, localisé sur la face matricielle et qui catalyse la production d’ATP. Le flux de protons traversant l’ATPase développe une force photomotrice qui est transformée en énergie mécanique (rotation de l’unité F1) puis chimique, par modification de conformation des sites catalytiques de F1, permettant ainsi la phosphorylation de l’ADP en ATP. L’ATP formé ne peut sortir de la mitochondrie que si de l’ADP y entre, par un système d’antiport spécifique assuré par l’ATP-ADP translocase. – le lactate, issu de la glycolyse anaérobie qui alimente la néoglucogenèse hépatique, mais dont la principale voie d’élimination au cours de l’exercice et de la récupération est l’oxydation par les fibres de type I. Les lipides, utilisés sous forme d’AGNE et de triglycérides, représentent une source énergétique abondante dans le tissu adipeux, mais également dans le muscle. Leur utilisation est 174 avantageuse, car elle a un fort rendement et permet une épargne glycogénique. L’utilisation préférentielle des glucides ou des lipides est conditionnée par divers facteurs parmi lesquels la durée, l’intensité de l’exercice et le niveau d’entraînement préalable s’avèrent être trois déterminants majeurs (3). D’un point de vue chronologique, l’utilisation des substrats énergétiques peut se schématiser ainsi : La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 5 - sept.-oct. 2002 Myofibrilles TUBULE T ATP Ca2+ CK Membrane externe ADP Ca2+ PCr H+ Membrane interne ATPsynthétase H + Cr Ca2+ CK CK PCr ADP ADP Mitochondrie ATP ADP ATP ATP H+ Ca2+ Cr ATPase ADP Pi Pi ATP ADP AMP ADP AMP AK AK Unité fonctionnelle énergétique dans la cellule Ca2+ Ca2+ Réticulum sarcoplasmique STRIES Z ATP H+ TUBULE T STRIES Z Figure 4. Unité fonctionnelle énergétique dans la cellule musculaire. Selon le modèle proposé par Saks et al. (1), chaque sarcomère (ou groupe de sarcomères voisins) possède son propre système de production énergétique et de régulation, constituant une unité fonctionnelle énergétique (intracellular energetic unit, ICEU). Le réticulum sarcoplasmique et les mitochondries, en étroite interrelation avec des éléments du cytosquelette, s’agencent ainsi à proximité des myofibrilles, entre deux stries Z, c’est-à-dire entre deux tubules T. Le réticulum sarcoplasmique libère du Ca2+ à l’intérieur de l’ICEU, au voisinage des myofibrilles et des mitochondries. Le Ca2+ active alors, d’une part, la contraction musculaire et, d’autre part, différentes déshydrogénases mitochondriales. Par ailleurs, les taux d’adénosine nucléotide contenus au sein de l’ICEU ne s’équilibrent pas directement avec ceux du reste du cytosol. Ils font l’objet d’échanges très rapides, via diverses réactions enzymatiques intermédiaires. L’ADP entre ainsi dans divers processus métaboliques impliquant notamment l’adénylate kinase (AK) et la créatine kinase (CK) avec l’intervention de la navette phospho-créatine (PCr)/créatine (Cr). Il est d’ailleurs intéressant de noter la distribution de la CK sur les différents constituants de l’ICEU. Ces diverses voies métaboliques constituent de véritables systèmes de transfert énergétique, empêchant l’accumulation d’ADP et permettant la régulation de la production mitochondriale d’ATP, finement ajustée aux besoins énergétiques cellulaires. Elles permettent des interrelations étroites entre les différents constituants de l’ICEU, en ajustant précisément et rapidement les flux énergétiques aux besoins cellulaires. AMP = adénosine monophosphate. durant les dix premières minutes de l’exercice, le glycogène musculaire représente la principale source d’énergie ; au-delà, le maintien des contractions musculaires impose l’utilisation du glucose et des AGNE circulants, la part respective de ces derniers augmentant avec la durée de l’effort (4) (figure 5). L’intensité d’exercice est aussi un important déterminant de la balance énergétique à l’effort : à faible intensité, les lipides sont la principale source d’énergie musculaire, tandis que l’augmentation de puissance s’accompagne d’une utilisation préférentielle des substrats glucidiques, au détriment de l’oxydation lipidique. Différents mécanismes concourent à ce phénomène : la glycogénolyse musculaire induite par les contractions, le recrutement croissant de La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 5 - sept.-oct. 2002 fibres glycolytiques et l’exacerbation de la réponse adrénergique, dont les effets métaboliques sont détaillés plus loin. Le rôle de l’entraînement sur la balance glucidolipidique à l’effort sera détaillé ultérieurement. ADAPTATIONS NEUROHORMONALES La réponse physiologique coordonnée est gouvernée par deux systèmes en interrelation : le système neurovégétatif (et plus spécifiquement la composante sympathique) et le système hormonal. L’amplitude de cette réponse est largement conditionnée par la nature de l’exercice réalisé et son but est, rappelons-le, de satis175 M I S E A 100 O2 consommé (%) Glycogène AGNE 50 Glucose 0 Repos 1 2 Heures 3 4 . Exercice à 30 % de la VO2 max Figure 5. Chronologie de l’utilisation des différents substrats énergétiques au cours d’un exercice de faible intensité, d’après Zierler et al. (4). Différents paramètres déterminent le type de substrat fournissant l’énergie au muscle, notamment le type de l’exercice, son intensité, sa durée et le niveau d’entraînement préalable. Lors d’un exercice prolongé de faible intensité, l’oxydation lipidique augmente dans le temps au détriment de l’utilisation des glucides. faire la double contrainte “homéostasie glucidique-demande énergétique musculaire accrue”. Dès lors, il est aisé de concevoir que l’ensemble des adaptations neurohormonales vont réguler les variations de flux métaboliques en facilitant à la fois la mobilisation des réserves en substrats énergétiques et leur utilisation musculaire, tout en maintenant la glycémie. Réponse neurovégétative La composante neurovégétative sympathique intervient très rapidement pour induire deux phénomènes essentiels, médiés par des récepteurs : l’inhibition de l’insulinosécrétion et la stimulation de la glycogénolyse. Ses effets sont ensuite renforcés et complétés par le système hormonal. Ce dernier fait intervenir différentes hormones, dont les actions sont généralement complémentaires. Il est classique d’opposer les variations de l’insuline, seule hormone hypoglycémiante, à celles des hormones dites “de contre-régulation”. Insuline L’insuline est une hormone anabolisante sécrétée par les cellules des îlots de Langerhans du pancréas. Ses effets métaboliques s’exercent en priorité sur trois tissus cibles : le foie, le muscle et le tissu adipeux. L’intégration de ses actions assure en grande partie l’homéostasie glucidique. L’insuline favorise la captation, l’utilisation et la mise en réserve du glucose dans le 176 U P O I N T foie et le muscle sous forme de glycogène. Elle inhibe la production hépatique de glucose provenant de la glycogénolyse et de la néoglucogenèse. Elle régule aussi en partie le métabolisme lipidique en favorisant la synthèse hépatique d’acides gras à partir de la glycolyse. En outre, elle active la lipoprotéine lipase, ce qui aboutit à l’hydrolyse des triglycérides circulants et à la captation des AGNE ainsi libérés par le tissu adipeux (qui en assure le stockage sous forme de triglycérides). Elle a, de plus, un puissant effet antilipolytique, qui s’exerce par inhibition de la lipase hormonosensible adipocytaire. L’exercice s’accompagne d’une baisse de l’insulinosécrétion, apparaissant précocement sous l’effet direct du système sympathique, puissant inhibiteur des cellules (5). La diminution des taux circulants d’insulinémie qui en découle est proportionnelle à l’intensité et à la durée de l’exercice (5), et elle est renforcée en cas de baisse concomitante de la glycémie. Cette moindre insulinémie a pour conséquences une levée de l’inhibition de la production hépatique de glucose, une diminution de la captation et de l’utilisation glucidiques par les tissus insulinosensibles non sollicités par l’activité physique, enfin, une augmentation de la lipolyse adipocytaire. Hormones de contre-régulation Par opposition à l’insuline, la plupart des autres hormones exercent un effet hyperglycémiant, intervenant notamment au cours de l’exercice, mais également en réponse à toute hypoglycémie, quelle qu’en soit l’origine, d’où la dénomination de “système de contre-régulation”. Catécholamines La réponse adrénergique est très rapidement mise en jeu à l’effort via le système sympathique (noradrénaline libérée par les fibres postganglionnaires). Ce dernier est ensuite relayé par la médullosurrénale (sécrétion d’adrénaline et, dans une moindre mesure, de noradrénaline). Ces hormones jouent un rôle métabolique majeur, avec des effets variables selon leur concentration. Au repos, des concentrations croissantes d’adrénaline vont mettre en jeu, successivement, une action lipolytique, un effet glycogénolytique et une inhibition de l’insulinosécrétion (6). Au cours d’un exercice d’intensité faible à modérée, les taux circulants d’adrénaline augmentent modérément. Dans ces conditions, l’effet lipolytique prédomine. À plus forte intensité, la noradrénaline stimule la production hépatique de glucose, tandis que l’adrénaline a un puissant effet stimulant sur la glycogénolyse musculaire. Glucagon Le glucagon, sécrété par les cellules de Langerhans, possède un puissant effet hyperglycémiant et intervient en première ligne pour prévenir la survenue d’une hypoglycémie. Il agit essentiellement au niveau du foie, dont il augmente la production de glucose. Cet effet résulte à la fois d’une inhibition de la glycogénogenèse et d’une stimulation de la glycogénolyse et de la néoglucogenèse. Il exerce, en outre, un effet lipolytique sur le tissu adipeux. Au cours de l’exercice, la sécrétion de glucagon augmente sous l’effet conjugué de différents facteurs : la stimulation directe par le système adrénergique, la baisse de l’insuline, qui exerce habiLa Lettre du Pneumologue - Volume V - no 5 - sept.-oct. 2002 tuellement un puissant effet inhibiteur, et surtout les variations de glycémie, les cellules étant particulièrement sensibles à toute diminution des taux circulants de glucose. Hormone de croissance Puissante hormone anabolisante indispensable à la croissance et à la différenciation osseuse et musculaire, l’hormone de croissance (Growth Hormone, GH), sécrétée par l’antéhypophyse, est aussi un important régulateur métabolique pour le foie, le tissu adipeux et le muscle. La GH est un puissant anabolisant protéique. C’est aussi la plus puissante hormone lipolytique, son action sur le tissu adipeux étant médiée par la stimulation de la lipase et aboutissant à une libération accrue d’AGNE. Parallèlement, la GH influence le métabolisme glucidique, son effet hyperLa Lettre du Pneumologue - Volume V - no 5 - sept.-oct. 2002 Cortisolémie (µg-dl–1) Cortisol Hormone du stress par excellence, le cortisol, chef de file des glucocorticoïdes, exerce de très nombreux effets biologiques, l’action anti-inflammatoire n’étant que la plus connue. Son importance dans la régulation de la glycémie et de la balance énergétique est reconnue depuis longtemps, puisque, dès le début du siècle, la survenue d’hypoglycémies et d’une déplétion en glycogène hépatique avait été démontrée dans la maladie d’Addison, tandis que la substitution en glucocorticoïdes a un effet hyperglycémiant et restaure les réserves hépatiques en glycogène. Les effets métaboliques du cortisol s’exercent en fait à différents niveaux. Le plus important concerne la stimulation du catabolisme protéique, permettant la libération d’acides aminés par les tissus périphériques, essentiellement le muscle. Ces acides aminés (alanine principalement) alimentent la néoglucogenèse hépatique. Le cortisol participe également au maintien de la glycémie en réduisant la captation de glucose dans certains tissus. En outre, il facilite la mobilisation d’AGNE par le tissu adipeux. Enfin, il assure également l’équilibre de la balance énergétique en favorisant la prise alimentaire et, plus particulièrement, l’ingestion d’hydrates de carbone. L’exercice physique est un puissant stimulant de l’axe corticotrope, dont la mise en jeu débute au niveau de l’hypothalamus vers lequel convergent un grand nombre d’afférences l’informant notamment de l’état du système cardiovasculaire et de l’équilibre de la balance énergétique. Cette mise en jeu aboutit à une élévation des taux sanguins de cortisol proportionnelle à l’intensité et à la durée de l’effort, indépendamment du cycle nycthéméral (7) (figure 6). Les effets métaboliques du cortisol sont donc particulièrement importants au cours d’exercices prolongés ou de haute intensité, mais également lors de la récupération, durant laquelle les taux circulants de cortisol restent élevés. Le cortisol prend alors le relais des autres hormones de contre-régulation et joue un rôle déterminant dans la reconstitution des réserves énergétiques, notamment en glycogène musculaire et cardiaque. Il est important de noter que, chez le sujet sain, les concentrations plasmatiques de corticostéroïdes au cours de l’exercice restent très inférieures à celles observées en cas d’hypercorticismes endogène (syndrome de Cushing) ou iatrogène, dans lesquels l’augmentation massive et chronique du catabolisme protéique est particulièrement délétère. 20 15 10 5 . 75 % VO . 2 max, 20 mn 55 % VO2 max, 90 mn 0 8 10 12 14 16 18 Heures Figure 6. Variations des taux sanguins de cortisol au cours du nycthémère et pendant l’exercice, d’après Brandenberger et al. (7). Un exercice bref et intense entraîne une élévation rapide et relativement brève des taux sanguins de cortisol, tandis qu’un exercice moins intense et prolongé s’accompagne d’une élévation de la cortisolémie plus lente, mais plus ample et plus durable. glycémiant étant en partie lié à une stimulation de la néoglucogenèse hépatique. La régulation neurohormonale de la sécrétion pulsatile de GH est complexe et peut répondre à divers stimuli, tels que l’hypoglycémie ou l’exercice physique. À l’effort, les taux circulants de GH s’élèvent en fait avec un délai moyen de quinze minutes, la GH assurant une sorte de relais dans la régulation métabolique (8). Elle permet ainsi de maintenir la lipolyse et la néoglucogenèse hépatique en cas d’effort prolongé. De plus, elle pourrait être impliquée dans le contrôle de la sudation et dans la thermorégulation à l’effort, l’élévation de la température corporelle au cours de l’exercice étant considérée par certains auteurs comme un mécanisme potentiel de stimulation directe de l’axe somatotrope (8). Autres hormones Si les principales adaptations hormonales à l’effort concernent l’insuline et le système de contre-régulation, d’autres hormones interviennent au cours de l’exercice, notamment les hormones thyroïdiennes et les hormones impliquées dans la régulation de l’équilibre hydroélectrolytique. Hormones thyroïdiennes Il en existe essentiellement deux formes circulantes : la thyroxine (ou T4), qui est convertie à l’intérieur des cellules cibles en triiodothyronine (ou T3), cette dernière en représentant la forme active. Leur action est ubiquitaire, et les hormones thyroïdiennes exercent de très nombreux effets biologiques. Si la plupart de ces effets sont médiés par des récepteurs nucléaires permettant de réguler l’expression génique, les hormones thyroïdiennes agissent également sur la membrane cellulaire, où elles modulent le fonctionnement de certains complexes protéiques et de certains récepteurs, ainsi que sur la membrane interne des mitochondries. Fortement impliquées dans la calorigenèse, la T3 et la T4 régissent en grande partie le métabolisme basal et favorisent 177 M I S E A l’ensemble des réactions enzymatiques impliquées dans la production d’énergie. En fait, leurs actions facilitent à la fois la mobilisation et l’utilisation des substrats énergétiques. Elles favorisent ainsi la lipolyse tout en majorant la -oxydation des AGNE. De même, elles augmentent l’utilisation musculaire du glucose tout en exerçant un effet hyperglycémiant. Ce dernier résulte d’une absorption digestive accrue de glucose et d’une augmentation de sa production hépatique provenant de la glycogénolyse et de la néoglucogenèse. Enfin, il faut souligner que le catabolisme protéique induit par la T3 et la T4 l’emporte sur leur action anabolisante. Au cours de l’exercice, leurs taux circulants ne sont pas significativement modifiés. Leur sécrétion étant fonction de leur utilisation périphérique, leur “turnover” est en fait nettement augmenté au cours de l’effort (2). L’ensemble des effets métaboliques décrits au repos sont retrouvés à l’effort, mais l’importance métabolique des hormones thyroïdiennes au cours de l’exercice tient essentiellement à leur action “permissive” à l’égard des autres hormones. La T3 augmente en effet les taux intracellulaires d’AMPc et facilite ainsi les effets des hormones de contre-régulation agissant via l’AMPc. Hormone antidiurétique et aldostérone Enfin, il convient de signaler ici les variations de deux hormones impliquées dans l’équilibre hydrominéral : l’hormone antidiurétique (ADH) et l’aldostérone. La libération d’ADH par la post-hypophyse est en effet majorée lorsque l’activité physique entraîne une déperdition hydrique importante, conduisant à une hémoconcentration significative. L’ADH majore alors la réabsorption facultative d’eau libre par le rein. L’évolution de la sécrétion d’aldostérone par la corticosurrénale est assez similaire à celle de l’ADH, même si les mécanismes de mise en jeu diffèrent. L’aldostérone possède, elle aussi, un rôle antidiurétique s’exerçant par le biais de la réabsorption rénale du sodium. Il est important de noter que seuls les exercices s’accompagnant de pertes hydrosodées importantes sont à même de modifier de façon significative la sécrétion de ces deux hormones. EFFETS DE L’ENTRAÎNEMENT ET DU DÉCONDITIONNEMENT Les bénéfices de l’activité physique régulière sont bien établis et ont fait l’objet de nombreux travaux, tant chez le sujet sain que dans diverses maladies chroniques. Plusieurs mécanismes sous-tendent ces effets bénéfiques : aux adaptations cardiovasculaires, largement documentées, s’ajoutent des modifications du métabolisme musculaire et de la réponse neurohormonale au repos et à l’effort. Inversement, le déconditionnement musculaire, quelle qu’en soit l’origine, simple sédentarité et/ou maladie chronique, est susceptible d’influencer la réponse métabolique et hormonale à l’effort en modifiant les adaptations métaboliques. Le diabète de type 2 et la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) représentent deux exemples de maladies chroniques associées à des anomalies métaboliques musculaires, généralement inhérentes à la maladie primitive et aggravées par la sédentarité (9). 178 U P O I N T Les modifications de la réponse neurohormonale à l’effort chez le sujet entraîné par comparaison avec le sujet sédentaire découlent directement des adaptations du métabolisme musculaire induites par l’exercice régulier. La plus caractéristique consiste en une augmentation de la capacité d’oxydation lipidique, expliquée notamment par une surexpression des enzymes impliquées, une densité mitochondriale accrue et des modifications de typologie, dans le sens d’une plus forte proportion de fibres de type I. Cette meilleure capacité à utiliser les substrats lipidiques au cours d’exercices d’intensité sous-maximale est un facteur majeur d’amélioration de l’endurance, mais également de la puissance. En effet, elle permet d’épargner les réserves musculaires en glycogène et, par conséquent, d’atteindre de plus hautes intensités d’exercice, pour lesquelles les substrats glucidiques redeviennent la principale source d’énergie (3). Le métabolisme glucidique est également fortement influencé par l’activité physique, par différents mécanismes. L’entraînement augmente le contenu musculaire en transporteurs du glucose (GLUT-4), ce qui facilite l’assimilation glucidique. Il s’agit là d’une adaptation rapide, apparaissant en quelques semaines, mais très rapidement réversible, s’atténuant fortement après seulement quelques jours d’inactivité. De plus, les composantes oxydatives et non oxydatives de la glycolyse en réponse à l’insuline, à l’état basal, sont également majorées, de même que le stockage du glycogène. Les effets de l’entraînement sur le métabolisme glucidique sont donc essentiellement marqués au repos et pour les exercices réalisés à haute intensité. Ces modifications du métabolisme énergétique musculaire (meilleure capacité d’oxydation lipidique et meilleure assimilation glucidique) sont associées à une modification de la réponse neurohormonale à l’effort comportant, notamment, une atténuation moindre de l’insulinosécrétion et une moindre élévation des taux de catécholamines et de glucagon (10). L’ensemble de ces phénomènes tend à favoriser l’oxydation lipidique, l’utilisation du glucose circulant et l’épargne des réserves musculaires en glycogène. Cette atténuation de la réponse hormonale s’explique en partie par une plus grande efficacité des hormones impliquées. Ainsi, l’activité physique régulière améliore la sensibilité périphérique aux catécholamines, notamment dans le tissu adipeux. De même, l’entraînement augmente la sensibilité à l’insuline, tout particulièrement au niveau musculaire. Inversement, il est intéressant de noter que la sédentarité est un important facteur de moindre efficacité biologique de l’insuline, ou insulinorésistance, au même titre que le déterminisme génétique ou l’adiposité abdominale. Le faible niveau d’activité s’avère ainsi être largement impliqué dans la pathogenèse de l’obésité et du diabète de type 2. L’insulinorésistance représente d’ailleurs la caractéristique commune la plus fréquente de ces deux affections, et touche l’ensemble des tissus impliqués dans l’homéostasie métabolique : foie, tissu adipeux et muscle, où elle est particulièrement marquée. L’obésité et le diabète de type 2 s’accompagnent ainsi d’anomalies musculaires complexes, affectant la typologie, la microcirculation locale et, surtout, le métabolisme du muscle, à la fois sur ses composantes glucidique et lipidique (9, 11). L’insuLa Lettre du Pneumologue - Volume V - no 5 - sept.-oct. 2002 linorésistance entraîne un défaut de captation, de stockage et d’utilisation du glucose. L’oxydation des AGNE est également altérée, ce qui conduit à une accumulation cytosolique de lipides. La complexité de ces anomalies musculaires est accrue par l’existence de phénomènes de compétition de substrats énergétiques, dont le plus anciennement décrit est l’effet Randle. L’exposition musculaire à un excès d’AGNE diminue la captation et l’utilisation du glucose par le muscle, tandis que l’excès de glucose est à même de freiner l’oxydation lipidique. Les conséquences de ces diverses anomalies se caractérisent essentiellement par une “inflexibilité métabolique”, tant au repos qu’à l’effort. En revanche, la plupart d’entre elles sont réversibles sous l’effet d’une activité physique régulière, et la prescription d’exercice, insuffisamment répandue, s’avère être un moyen efficace de prévention et de prise en charge de l’obésité et du diabète de type 2. D’un point de vue hormonal, l’insulinorésistance s’accompagne généralement d’un hyperinsulinisme dit “compensatoire”, qui persiste à l’exercice du fait d’une moindre atténuation de l’insulinosécrétion, ce qui majore l’effet hypoglycémiant de l’activité physique. Les sujets atteints de BPCO présentent une intolérance à l’effort attestée par une diminution de leur consommation maximale d’oxygène (VO2) et par un abaissement du seuil ventilatoire, deux paramètres dont l’altération n’est généralement pas totalement expliquée par la sévérité de l’obstruction. En fait, la limitation à l’effort de ces patients paraît être multifactorielle. Parmi les différents facteurs de limitation ont été évoqués, notamment, l’inadaptation cardiovasculaire, des troubles de la circulation pulmonaire et, plus récemment, des défauts de la fonction musculaire. En effet, de nombreuses anomalies musculaires ont été décrites chez les patients atteints de BPCO, leur similitude avec celles connues dans le diabète de type 2 étant pour le moins surprenante : modification de typologie (moindre pourcentage de fibres de type I), déficits enzymatiques intéressant la voie oxydative et diminution de la masse musculaire (9). Ces anomalies orientent le métabolisme musculaire vers la glycolyse anaérobie et contribuent ainsi à l’intolérance de ces malades à l’effort. Plusieurs mécanismes peuvent être impliqués dans ce phénomène : d’une part, l’altération de la fonction musculaire et l’hyperlactacidémie qui en découle sont des facteurs potentiels d’aggravation de l’hyperventilation à l’effort et, d’autre part, l’inadaptation métabolique au cours de l’exercice altère l’endurance musculaire, tandis que la sarcopénie explique en grande partie la diminution de la force musculaire. La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 5 - sept.-oct. 2002 Si les anomalies métaboliques musculaires associées à la BPCO ont suscité beaucoup d’intérêt au cours de ces dernières années, il existe peu de données concernant d’éventuelles altérations de la réponse neurohormonale à l’effort. Il reste également difficile d’évaluer précisément les effets de la corticothérapie au long cours sur l’adaptation métabolique et hormonale lors de l’exercice. Enfin, il est intéressant de noter que des états d’insulinorésistance ont été décrits chez certains patients atteints de BPCO (12) mais pas chez d’autres (13). La sévérité de la maladie, les thérapeutiques associées, au premier rang desquelles la corticothérapie, ainsi que l’état nutritionnel expliquent vraisemblablement ces discordances. Dans tous les cas, le réentraînement à l’effort apporte des bénéfices chez les patients atteints de BPCO, dont une partie est vraisemblablement médiée par les adaptations métaboliques musculaires et neurohormonales. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Saks V, Kaambre T, Sikk P et al. Intracellular energetic units in red muscle cells. Biochem J 2001 ; 356 : 643-57. 2. Refsum HE, Stromme SB. Serum thyroxin, triiodothyronine and thyroid stimulating hormone after prolonged heavy exercice. Scand J Clin Lab Invest 1979 ; 39 : 455-9. 3. Brooks GA, Mercier J. Balance of carbohydrate and lipid utilization during exercise : the “crossover” concept. J Appl Physiol 1994 ; 76 : 2253-61. 4. Zierler KL, Maseri A, Klassen A, Rabinowitz D, Burgess G. Muscle metabolism during exercise in man. Trans Assoc Am Physicians 1968 ; 81 : 266-73. 5. Kjaer M, Farrell PA, Christensen NJ, Galbo H. Increased epinephrine response and inaccurate glucoregulation in exercising athletes. J Appl Physiol 1986 ; 61 : 1693-700. 6. Clutter WE, Bier DM, Shah SD, Cryer PE. Epinephrine plasma metabolic rates and physiologic thresholds for metabolic and hemodynamic actions in man. J Clin Invest 1980 ; 66 : 94-101. 7. Brandenberger G, Follenius M. Influence of timing and intensity of muscular exercise on temporal pattern of plasma cortisol levels. J Clin Endocrinol Metab 1975 ; 40 : 845-9. 8. Peyreigne C, Brun JF, Monnier JF et al. Interaction entre la fonction somatotrope et l’activité musculaire. Science & Sports 1997 ; 12 : 4-18. 9. Mercier J, Pérez-Martin A, Bigard X, Ventura R. Muscle plasticity and metabolism : effects of exercise and chronic diseases. Molecular Aspects of Medicine 1999 ; 20 : 321-73. 10. Raynaud E, Monnier JF, Brun JF, Solere M, Orsetti A. Biochimie et hormonologie de l’exercice submaximal : standardisation d’un test d’effort chez le sportif. Science & Sports 1997 ; 12 : 72-4. 11. Pérez-Martin A, Raynaud E, Mercier J. Insulin resistance and associated metabolic abnormalities in muscle : effects of exercise. Obesity Review 2001 ; 2 : 47-59. 12. Jackobson P, Jorfeldt L, von Schenck H. Fat metabolism and its response to infusion of insulin and glucose in patients with advanced chronic obstructive pulmonary disease. Clin Physiol 1995 ; 15 : 319-29. 13. Jackobson P, Jorfeldt L, von Schenck H. Insulin resistance is not exhibited by advanced chronic obstructive pulmonary disease patients. Clin Physiol 1995 ; 15 : 547-55. 179