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La Lettre du Gynécologue - n° 285 - octobre 2003
DOSSIER
La composition du lait est très variable d’une espèce à
l’autre.
Le lait des rongeurs est très riche et permet de comprendre la
vitesse à laquelle se développent les nouveau-nés. Le lait de
femme est relativement pauvre en protéines, mais il contient
beaucoup de lactose. La concentration et la composition en
lipides sont également caractéristiques de chaque espèce.
La logique de ces choix évolutifs n’apparaît pas clairement. Il
semble que la composition du lait et les exigences des petits
aient coévolué pour rester compatibles. Aucune des solutions
ne paraît intrinsèquement meilleure qu’une autre.
LA CROISSANCE ET L’INVOLUTION
DE LA GLANDE MAMMAIRE
Chez la plupart des espèces, la glande mammaire reste très peu
différente entre les deux sexes jusqu’à la puberté. Les
ébauches de la glande mammaire émergent de l’ectoderme au
cours de la vie fœtale. L’organe est alors réduit à quelques
canaux débouchant sur le téton et enrobés dans du tissu
conjonctif et du tissu adipeux. Cette situation ne se modifie
pas jusqu’à la puberté. Sous l’influence des stéroïdes ovariens
et de la prolactine, la glande mammaire a une croissance privi-
légiée, mais encore très restreinte, à partir de la puberté chez la
plupart des espèces. Cette croissance se caractérise par une
densification du réseau des canaux et par l’apparition de bour-
geons mammaires plus développés à l’extrémité des canaux.
La véritable croissance de la glande mammaire a lieu pendant
la gestation. La présence prolongée de stéroïdes ovariens, mais
aussi de prolactine et d’hormone placentale lactogène selon les
espèces, induit l’apparition des alvéoles mammaires. Celles-ci
sont des monocouches de cellules épithéliales sécrétrices
entourées de cellules myoépithéliales, de fibroblastes et de cel-
lules adipeuses. Au voisinage immédiat des cellules épithé-
liales se trouve un gel formé de protéines insolubles qui
constitue la matrice extracellulaire. Les alvéoles sont bran-
chées sur les canaux qui assurent l’évacuation du lait.
La croissance de la glande mammaire est achevée avant la fin
de la parturition chez les espèces où la gestation s’étale sur
plusieurs mois. Elle s’achève pendant la première semaine de
la lactation lorsque la gestation ne dure que quelques semaines
(rongeurs, lapins, etc.).
Au cours de la lactation, la glande mammaire perd progressi-
vement ses cellules sécrétrices qui ne sont pas renouvelées.
Après le sevrage, la glande mammaire subit une involution.
Une nouvelle gestation est donc nécessaire pour induire une
nouvelle croissance mammaire et une nouvelle lactation.
La matrice extracellulaire joue un rôle essentiel dans la forma-
tion de la glande mammaire. Les cellules épithéliales qui sont
directement à son contact sont prémunies contre l’apoptose. La
sphère qui résulte de la multiplication des cellules perd les cel-
lules internes qui ne sont pas au contact de la matrice, et c’est
ainsi que se sculptent les alvéoles mammaires.
LES HORMONES DE LA MAMMOGENÈSE
Les stéroïdes ovariens, estrogènes et progestérone, jouent un
rôle essentiel dans la croissance de la glande mammaire. Un
début de croissance mammaire a lieu au cours de la phase
lutéale de chaque cycle ovarien. Cette croissance cesse à la fin
du cycle ou se poursuit, au contraire, si un fœtus donne des
signaux à l’ovaire et/ou au placenta pour que les sécrétions des
stéroïdes continuent.
Les estrogènes ne sont pas à proprement parler des facteurs de
croissance mammaire. Ils n’exercent cette fonction que dans
les cellules tumorales mammaires à un stade précoce de leur
évolution. La progestérone n’est qu’un facteur de croissance
mammaire peu puissant.
La prolactine a une action mammogène décisive. Son mode
d’action reste inconnu. Tout indique que la prolactine est inca-
pable de stimuler la croissance des cellules mammaires in
vitro. Elle n’agit donc qu’in vivo, par l’intermédiaire d’un
relais qui n’a pas été identifié.
D’autres hormones (hormone de croissance, glucocorticoïdes)
ont une action importante sur la croissance mammaire.
Une part essentielle de la multiplication des cellules mam-
maires est contrôlée par des facteurs de croissance produits par
la glande mammaire elle-même (IGF1, MDGF, HGF, TGFa,
etc.). Cette stratégie, qui est l’apanage de pratiquement tous
les tissus, assure une spécificité d’action restreinte à un
organe.
LES HORMONES DE LA LACTATION
La progestérone, mais aussi le TGFb s’opposent tout au long
de la gestation à l’induction de la sécrétion lactée. La progesté-
rone agit localement sur les cellules mammaires et exerce un
frein puissant sur les sécrétions de prolactine par l’hypophyse.
La chute brutale de la progestéronémie qui accompagne la par-
turition lève les effets des inhibiteurs de la progestérone sur la
glande mammaire et l’hypophyse. La prolactinémie augmente
fortement, et avec elle apparaît la sécrétion lactée.
Tout au long de la lactation, la sécrétion lactée est entretenue par
la prolactine et l’ocytocine qui sont induites par la tétée. L’ocyto-
cine provoque une contraction des cellules myoépithéliales, direc-
tement responsable de l’éjection du lait. Une bonne vidange de la
glande mammaire mais également d’autres actions plus subtiles
de l’ocytocine contribuent à l’entretien de la sécrétion lactée.
L’hormone de croissance oriente également le métabolisme
maternel vers la glande mammaire. C’est en réalité une modi-
fication assez profonde des équilibres métaboliques que subit
la mère au cours de la gestation et de la lactation.
L’insulinémie élevée pendant la gestation permet à la mère de
faire des réserves d’énergie sous forme de graisse (4 kg chez la
femme, qui seront nécessaires pour assurer la lactation qui va
suivre).
L’insulinémie est plutôt faible pendant la lactation, mais les
récepteurs mammaires de l’insuline ont une affinité élevée.
Ainsi, l’absorption des nutriments (glucose, acides aminés) se
trouve ciblée préférentiellement par la glande mammaire, aux
dépens des organes de stockage de l’organisme.
Les hormones digestives favorisent également l’assimilation
de la nourriture pendant la gestation et la lactation. Cela
s’accompagne d’un changement d’équilibre entre les systèmes
sympathiques et parasympathiques. La mère est ainsi invitée à