Sens de la vie

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Conférence de Bertrand Vergely
Rencontre Icam Sénart 1 Avril 2017
Sens de la vie
Je suis heureux de partager une des questions qui passionnent le plus notre époque.
Je vais essayer d’éclaircir cette notion de sens, pourquoi est-elle si importante et comment on peut la vivre.
Aujourd’hui il y a une demande de sens, notamment dans l’entreprise, dans l’art (ce n’est plus le beau mais le
sens qui est important), en politique.
C’est un vieux problème, nous sommes dans un monde où l’homme n’a plus de sens, or il y a une grande
demande de sens et une incapacité à donner du sens.
L’histoire du sens : des visions dogmatiques du sens et du non-sens
d’aujourd’hui :
au repli individuel
Malraux disait nous sommes la première civilisation au monde dans laquelle l’homme n’a plus de sens.
Pourquoi est-ce que l’homme n’a plus de sens. Malraux répond « cette destruction du sens vient des Lumières
qui ont fait descendre le Ciel sur la terre, et si les choses ont du sens par rapport à l’homme, l’homme n’a de
sens par rapport à rien parce que l’on considère qu’il est une finalité en tant que telle. Là se trouve le problème
majeur du sens »
Protagoras disait : »l’homme est la mesure de toutes choses, c’est-à-dire l’homme mesure tout, mais plus rien
ne mesure l'homme et le résultat est que l’homme ayant le monopole du sens donne du sens à tout mais rien
ne donne du sens à l’homme et finalement l’homme n’a plus de sens ».
0n n’est pas arrivé là par hasard. Cette crise de sens est le résultat d’un passage d’un extrême à l’autre. On
est passé d’un monde où le sens était donné d’une manière dogmatique à un monde où le sens a été retiré
pour être remplacé par le non-sens qui est devenu à son tour aussi dogmatique que le sens.
Cette vision simple du sens illustrée par ce qui va vers le haut et le bas, le bon sens et le mauvais sens est
apparue dans une certaine vision chrétienne totalement dogmatique et figée des choses. Des surveillants du
sens jugeaient ce qui allait dans le bon sens et attribuaient récompenses et punitions : cela donnait une vision
infantile et on est arrivé à ce paradoxe que cette manière de vivre le sens n’avait aucun sens parce qu’elle
n’était pas vécue. Le sens était plaqué, et les gens sans aucun sens de ce qu’ils faisaient, suivaient ce qui allait
dans le bon sens et surtout ils avaient peur d’aller dans le mauvais sens et d’être punis.
Le même problème s’est retrouvé au 19ème siècle lors de l’apparition des mouvements révolutionnaires qui
désiraient transformer le monde. Le bon sens était ce qui allait dans la transformation du monde, la révolution,
la société heureuse et radieuse, du progrès de l’humanité, de l’égalité, de liberté, de la fraternité. Il y avait une
sorte de surveillance sociale et morale. La vie a du sens, l’histoire a du sens mais la manière dont cela est
présenté n’a aucun sens.
Dans notre monde s’est manifesté un ras-le-bol à l’égard du sens que ce soit un sens religieux ou politique
révolutionnaire progressiste. Et tout d’un coup on est passé d’un extrême à un autre, du sens plaqué à
l’absence de sens.
L’absence de sens est manifeste dans les philosophies de l’Absurde comme celle de Camus. Camus explique
qu’il préfère vivre dans un monde dépourvu de sens que dans un monde qui donne du sens à tout, notamment
à la souffrance humaine et où les choses sont justifiées par avance.
Camus est un homme de l’absurde, parce que c’est un homme de la révolte, et parce que c’est un homme qui
est lié au sens de la beauté. Comme il a le sens de la beauté il a le sens de la révolte, comme il a le sens de la
révolte, il a le sens de l’absurde, il a le sens du refus du sens.
On aboutit à l’apparition d’une nouvelle génération la mienne la vôtre, celle du monde dans lequel on vit, où
la vie n’a pas de sens. La vie a du sens pour nous ici maintenant, mais on refuse tout sens global parce que ça
nous parait authentique. C’est très bien de poser les choses ainsi, mais le problème c’est qu’il faut construire,
et à un moment on est bien obligé de proposer un sens, on ne peut pas être simplement être contre le sens,
il faut quand même apercevoir que si on est contre le sens , que la vie a quand même plutôt du sens et qu’on
est quand même pour un sens.
Si on est absolument contre le sens, la révolte et l’absurde eux-mêmes n’ont pas de sens. Le paradoxe c’est
que la révolte et l’absurde ont du sens parce qu’il y a justement du sens.
Résumons nous, il y a une demande de sens, cette demande de sens, elle est dans les entreprises, elle est dans
l’art et la culture, mais il y a une culture qui n’est pas capable aujourd’hui de répondre à la question du sens,
parce que nous sommes héritiers de deux choses : un sens plaqué ou pas de sens du tout. Nous sommes
aujourd’hui dans un repli individuel du sens, c’est le sens pour moi, le sens de la vie c’est moi qui vais me le
donner, c’est moi qui me l’attribue à moi-même.
Le problème : comment bâtir une société si chacun a du sens et que l’on prend comme présupposé que le
sens, la morale, la vérité, le beau pour toi ne sont pas les mêmes pour moi.
On prend mal cette question du sens : c’est la direction donnée au départ, ou alors c’est le sens subjectif, ou
parfois c’est la révolte et pas de sens du tout. On n’arrive pas à articuler tout cela, on essaie de se débrouiller,
aves les trois éléments, un peu de direction, de subjectivité et révolte et finalement on ne sait pas du tout où
l’on va.
En entreprise bien souvent la recherche de sens ne se résume qu’à la réalisation d’objectifs, mais ce n’est pas
une direction qui donne du sens et qui souvent conduit à des situations de stress et de culpabilité.
Les quatre exigences du sens :
Qu’est ce qui manque à notre culture pour qu’il y ait un véritable sens ? Il faut le comprendre concrètement
et philosophiquement.
Qu’est ce qui a du sens pour moi ? Ce sont les 4 exigences :
1 Que les choses aillent quelque part : la direction
2 Qu’elles me parlent : la signification, suggestion à mon intellect.
3 Qu’elles me donnent à sentir quelque chose : la sensation-intuition, le sens pour moi.
4 C’est qu’elles soient valables : la valeur. Dimension morale indispensable.
Le sens est bien évidemment subjectif, mais s’il va en moi, il va au-delà de moi, d’une manière certes pratique
mais aussi intellectuelle, symbolique et qui est morale. Les choses ont du sens quand elles répondent aux 4
dimensions.
Par exemple quand je fais un travail 1-qui me donne des satisfactions subjectives, 2- qui me donne le
sentiment d’être utile et d’aller quelque part, 3-qui a une signification, une symbolique et 4- qui est porteur
de valeur, tout à coup ce travail a du sens.
La question du sens reflète le problème de fond de la philosophie
Philosophiquement, la plus belle manière de résoudre la question du sens, je l’ai trouvée formulée chez
Etienne Gilson dans son livre « la philosophie du Moyen Age » : « de l’extérieur vers l’intérieur, de l’intérieur
vers le supérieur »
Cela résout le problème que se sont toujours posé la philosophie et la culture.
La philosophie notent Pascal et Kant est partagée entre le dogmatisme (il faut du sens, rien ne peut se faire
sans sens et je l’impose) et le scepticisme (la réalité complexe et changeante empêche de plaquer un sens une
fois pour toute), elle est incapable de résoudre ce conflit. On peut également traduire ce conflit entre
immanence et transcendance, intelligible et sensible.
La clé pour résoudre ce conflit est « il faut vivre les choses ». Alors je fais l’expérience de ce mouvement : 1je rentre en moi et 2- je vais au-delà de moi. Je vais en moi parce que je vais au-delà de moi, mais je vais audelà de moi parce que je vais en moi, 3- je vis avec le sens de moi-même et 4- avec le sens de quelque chose
qui va plus loin que moi-même.
Dans nos moments d’émotion profonde, nous vivons le rapport entre deux choses étonnantes : une sensation
profonde de notre existence, et le sentiment d’être transportés au-delà de nous-même et d’avancer.
On comprend alors la transcendance et l’immanence.
On peut être à la fois fils et fille du ciel et de la terre.
On peut parler de la transcendance d’une manière plaquée et idéaliste : il faut qqch qui dépasse l’homme, il
faut qqch au-dessus de lui qu’on appelle Dieu et qui va lui rabattre son caquet, c’est ce qui fait dite à certains
si Dieu n’existait pas il faudrait l’inventer. Si on part du point de vue de l’expérience, à partir du moment où je
vis les choses de l’intérieur, elle est là, comme par hasard cela me propulse. Qu’est ce qui fait qu’aujourd’hui
on est dans un monde qui n’a plus le sens du sacré et du religieux ? C’est parce qu’il y a un discours qui nous
dit il faut du religieux et du sacré. Qu’est ce qui fait que la parole religieuse et transcendante a du sens ? C’est
la rencontre d’une personne qui vit par laquelle on est projeté au-delà de nous-même, transcendé dynamisé
par le souffle de l’esprit. Découvrant alors que la transcendance vient de l’intérieur nous sommes d’accord.
Certains parlent de l’immanence en disant qu’il faut être concret, réaliste, revenir sur terre, la réalité n’est
pas en Dieu, ni dans la transcendance, c’est ici-maintenant que cela se passe. C’est le même mode punitif que
celui de ceux qui disent : il faut de la transcendance.
Tout le monde dit il faut parce que tout le monde se bat pour un ennemi. L’ennemi c’est la religion, l’idéalisme.
Tout le monde voit un ennemi et personne ne pose qqch
Si tout d’un coup vous faites une expérience vivante, vous dites les choses que vous vivez de l’intérieur, vous
avez des sensations charnelles. Vous rentrez dans votre corps, vous rentrez dans votre chair et vous acceptez
cette dimension charnelle de l’existence. Quand fait l’expérience vécue de vivre qqch que l’on sent
profondément, curieusement on est à la fois en soi-même et au-delà de soi-même. On est dans sa chair, son
esprit, et dans le souffle créateur qui révèle l’existence comme étant spirituelle, il nous ouvre à la dimension
du symbole et de l’histoire.
Qu’aimons-nous dans la vie ? Nous aimons ce que disait Michel Henry : nous aimons nous sentir vivre,
communier au monde, aux autres, à l’univers à la beauté, nous aimons éprouver le sentiment profond d’être
heureux, joyeux. La joie est le plaisir infini d’exister et c’est le plaisir d’exister pour le plaisir d’exister et c’est
le fait de se rendre compte qu’il y a des choses qui nous rendent profondément joyeux, c’est la beauté du
monde en tant que tel, c’est l’humanité dans sa beauté, c’est l’existence et la grâce infinie, miraculeuse qui
nous a été donné d’exister. Tout d’un coup nous avons des choses à dire, la première c’est le génie,
l’extraordinaire qu’il y a dans la réalité, partout, l’existence quelque part explose de joie, de souffle créateur,
il y a quantité de choses infinies à découvrir et à faire. Nous sommes dans la dimension de la parole créatrice
qui est capable de révéler l’existence à elle-même.
Qui est ce qui fait cela ? Ce sont les artistes qui se concentrent sur une toute petite partie de la réalité soit
sonore soit picturale, des matières des couleurs, de la lumière, et tout d’un coup ils vous montrent la vibration
de l’existence, ce qui vous comble et vous donne la joie.
La même chose se retrouve dans la science, dans qqch qui parait banal, ils découvrent des univers dans des
atomes, des cellules.
De même le quotidien quand on le vit vraiment bien, il est fait de coïncidences fulgurantes, des moments où
on rentre avec l’existence, l’existence rentre en relation avec nous et on vit qqch d’enchanteur et de créateur
pour soi-même et pour les autres.
Cette énergie extraordinaire de la vie qui se trouve en nous et qui est symbolisée par le Verbe et la Parole qui
est le Ciel sur la Terre mais la Terre dans le Ciel, ce que nous appelons dans la tradition Chrétienne le Christ,
c’est-à-dire la jonction entre le transcendant et l’immanent réalisée à l’intérieur. C’est qqch qui se vit dans
l’art, dans la science, dans la vie quotidienne, dans mon corps. Quand on dit Dieu est à l’intérieur de toi, le
Christ est à l’intérieur de toi, c’est tout à fait vrai. C’est-à-dire quand je vis vraiment Il est là, au fond de moimême, non pas pour m’étouffer mais pour me dynamiser, m’exalter, me glorifier, me transfigurer. Ces
moments exceptionnels nous donnent le sens autour de nous. Le sens c’est ce qu’il y a du plus beau monde,
c’est de dire que l’homme a non seulement une histoire mais une méta histoire. L’histoire c’est toutes les
choses merveilleuses qui nous sont arrivées dans la vie quand nous avons vécu et fait les découvertes de la
vie. Une vie réussie est une vie que j’ai adorée parce que cela a été la mienne.
Malheureusement certains n’arrivent pas à libérer la Parole, le Souffle du Verbe créateur, et donc ils sont
divisés, crucifiés à l’intérieur d’eux-mêmes, ils souffrent, ils sont dans un état de misère, de détresse.
L’expérience du sens permet de comprendre pourquoi les gens vont mal, comment ils pourraient aller mieux,
quelle est la racine du problème.
Je pense que le secret de la vie est spirituel, que ce soit dans les profondeurs paradisiaques du sens, ou dans
les profondeurs parfois abyssales et infernales de son absence. L’expérience du sens quand on le vit à partir
de la vie qui vit en nous sous la forme de la transcendance et de l’immanence, du supérieur , sous la forme de
ce qui va en nous au-delà de nous, nous permet de donner du sens à la vie.
Vivre c’est ouvrir le grand livre de la vie et s’apercevoir que chaque jour j’apprends qqch et que je suis guidé
de l’intérieur et à l’intérieur de cela.
Application à l’entreprise :
C’est ce qui rend l’expérience de l’entreprise aussi passionnante.
Vous êtes entrepreneurs parce que l’entreprise est pour vous une expérience spirituelle qui vous permet
d’aller vers vous-même et de découvrir d’une manière assez stupéfiante des aspects transcendants. C’est ce
qui fait que l’entreprise vous appelle parce qu’en bâtissant des choses utiles pour les autres, vous faites des
choses qui sont essentielles pour vous-même, vous vous construisez, vous vous découvrez, vous vous révélez.
Les 4 dimensions du sens sont une aventure extraordinaire :
1- La Direction. Diriger en plaquant un plan préétabli et en voulant l’imposer par la force au monde confine
à l’absurdité. La Direction est extraordinaire quand elle est vécue de l’intérieur. C’est une expérience
personnelle profonde qui est celle de la responsabilité.
Lévinas définit la responsabilité comme la réponse à un appel que l’on a ressenti dans les profondeurs de
soi-même. Alors on se met en marche, et on se dirige vers qqch d’essentiel et de profond qui révèle de
plus en plus l’existence. On est vivant dans un monde vivant et on est là pour vivre et amener plus de vie.
On est là pour vivre ce que l’on peut appeler une puissance, une intensité, une joie d’exister. Cette joie
c’est elle qui fait qu’à un moment on peut diriger et on dirige. Diriger c’est avoir une certaine idée de la
vie, de notre rôle, et de nous emmener dans la vie. Qu’est-ce que nous aimons dans la vie ? Que ce soit
chez les artistes, les scientifiques, les moralistes, les écrivains, c’est de savoir s’ils nous emmènent dans la
vie ou pas. Il y a un sens de l’univers qui permet à l’univers d’exister sans étouffer la liberté, c’est la vie
elle-même. Le sens de la vie c’est non seulement la vie mais la gloire de la vie. Un dirigeant c’est qqn qui
m’emmène dans la vie, c’est qqn de vivant, avec lui on sait où on va, on est prêt à le suivre, il va nous
permettre de vivre, il va nous parler à la vie.
Le plus important dans le monde d’aujourd’hui c’est de parler de la vie, de parler de ce qui nous fait vivre,
et de croire que qqch fait vivre. Quand on a qqch de vivant en soi, on a des choses à dire, et on répond à
cette question fondamentale : veux-tu vivre ou pas ? C’est la question extraordinaire que pose le Christ
dans les évangiles quand il fait des miracles : est-ce que tu veux guérir, est-ce que tu veux vivre ? En général
les gens disent oui et le Christ dit ta foi t’a sauvé. Diriger c’est découvrir le vivant qui est en moi et diriger
avec ma vie. Si moi je me dirige dans la vie, je sais où je vais, et les autres savent où ils vont.
2- La Signification : Quand vous faites l’expérience du vivant et de la vie qui est en vous, il y a l’ouverture
de la résonnance poétique. Les choses se mettent à dire qqch. Le Dire récapitule tout l’univers. La tradition
juive explique qu’il y a quatre sens de l’interprétation : le sens littéral, le sens historique, le sens moral, et
le sens mystique. Là on a la totalité de la vie. Vivre c’est respecter tous les niveaux de la réalité de
l’existence. Premièrement ce qui est dit ici concrètement, deuxièmement le contexte dans lequel qqch est
dit, troisièmement nous avec nos interrogations sur les orientations de notre vie, et puis il y a des choses
mystiques, c’est-à-dire uniques, ineffables, extraordinaires qui vont encore plus loin que ce que l’on peut
voir. Là, la vie a du sens.
Moi, je fais l’expérience au du sens au niveau du langage quand j’ai entendu des paroles qui résonnent à
l’infini en moi, qui restent en moi comme une semence qui fait grandir mon arbre de vie intérieur. Je fais,
alors l’expérience de la signification, de qqch qui m’a parlé dans les profondeurs de moi-même. Je pense
que quand les hommes rencontraient le Christ c’est ce type de parole qui résonnait à l’infini en eux, en
réveillant leur être infini. Ainsi la Samaritaine, ayant rencontré le Christ déclare : » il m’a dit qui j’étais ».
Les vraies rencontres de la vie le sont avec des êtres, des paroles, où il y a des choses qui résonnent à
l’intérieur de moi-même et qui nous apprennent qqch sur nous-même.
La joie peut-elle être découverte à l’intérieur de l’entreprise ? Bien sûr dans l’entreprise on reçoit des
leçons de vie de ses collaborateurs et parfois des gens les plus simples. Une entreprise c’est un endroit où
on fait des choses utiles, qui rapportent, ce qui n’est pas du tout méprisable au contraire. On apprend à
vivre et on rencontre des gens qui vous apprennent à vivre.
3- l’Intuition, la sensation, le corps, la chair. L’entreprise produit des choses utiles qui permettent de
vivre, qui rentrent dans notre corps, notre chair et qui nous donnent des sensations, une intuition
profonde. Le plus bel outil du dirigeant, c’est le dirigeant lui-même quand il est vivant, quand il a une
capacité d’écouter, mais aussi quand il a une capacité de sentir, de vivre et d’avoir des sensations et de
pas avoir peur de ses intuitions. Descartes dit « je pense donc je suis «. On a oublié que cela voulait dire
aussi « je sens donc je suis ». Je pense n’est pas seulement qqch d’intellectuel mais aussi d’existentiel.
Cela nous donne des trésors pour aborder l’entreprise, la société, la politique. La Politique c’est un endroit
où lorsqu’on dit des choses que l’on sent vraiment, dans ce cas on devient intelligent.
J’ai écrit dans un récent livre « traité de résistance pour le monde d’aujourd’hui ». J’y parle de Vaclav Havel
qui déclare que le problème numéro un de la vie politique c’est de dire la vérité. A l’époque en
Tchécoslovaquie, le gouvernement ne disait plus la vérité, il mentait, il bâtissait une société fausse. Il disait
aux dirigeants : vous avez volé l’âme de la société et vous la trompez.
Platon dit la même chose dans la République : une société c’est une âme. Cette âme, je la vois vivre sur
les marchés, les stades, les lieux de rencontre où on crée une âme collective. Là on est dans une vraie
socialité, c’est-à-dire dans le bonheur de faire société. Moi je n’accuse pas du tout la société, le problème
c’est que souvent il n’y a pas assez de société. La vraie société est un bonheur, un plaisir d’être
ensemble.Ca s’est des sensations.
Les intuitions c’est quoi ? J’ai le sens de la globalité de la vie que je peux faire avec l’univers et avec les
autres. Je vois, je sens. Je découvre la libération de ce qu’on peut appeler la valeur.
4 -La valeur c’est le principe qui est vécu. Il n’y a pas de valeurs morales, il y a des principes moraux
fondamentaux : il y a des choses qu’il faut absolument faire et d’autres qui sont interdites. Les notions de
bien et de mal sont formidables quand elles s’expriment sous la forme d’une exigence profonde et pas
d’un prêchi-prêcha moralisateur. Cela renvoie aux choses profondes, nous sentons qu’il y a des choses
qui sont conformes à l’être et d’autres qui transgressent et abiment les choses fondamentales de notre
être. La morale est de l’ordre du principe mais elle n’a de sens que si elle est vécue.
André Comte-Sponville avait raison de dire que la morale n’existe pas, il n’existe que des gens moraux, la
vertu n’existe pas, il n’existe que des gens vertueux. La morale si je ne la pratique pas, n’a pas de sens. La
morale que je pratique, c’est le moment où je suis capable de m’engager de tout mon être. C’est le prix
que j’accepte de payer pour que qqch vive. Ce qui est important c’est non seulement avoir des principes,
mais aussi avoir des valeurs, c’est être capable de faire vivre ces principes, ce qui montre ce que je suis
prêt à payer.
Cela peut se rapporter à l’entreprise : est-on prêt à défendre l’entreprise qu’est-on prêt à payer pour que
cela se défende et vive bien ?
Conclusion :
En résumé, la question du sens est la question même de la vie. C’est la question de l’engagement
existentiel, de tout notre être à l’intérieur de ce que l’on vit. Quand on ne vit pas le sens, le monde tombe
en décadence, il souffre et s’essouffle. Quand on le vit c’est l’inverse. La mort et la résurrection sont des
choses que nous vivons tout le temps. Nous sommes dans la mort quand nous ne vivons plus, nous
sommes dans la résurrection quand nous vivons de nouveau. Notre monde a besoin d’être ressuscité, de
retrouver des vivants. Notre monde a besoin des vivants que vous êtes, et je sais que vous ne manquerez
pas votre rendez-vous avec le monde.
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