cultures se mélangent-t-elles ? » Mais, mal-heureusement, les réponses se limitent aux
faits historiques. Cette dé marche n’est pas toutefois inintéressante car elle apporte
beaucoup d’éclaircissements sur la problématique des contacts culturels en invitant à une
nouvelle lecture de l’histoire. L’oc cidentalisation du monde est analysée dans sa globalité
et sa complexité.
23 Gruzinski analyse de manière fine où commence le métissage à travers l’histoire, mais
non pas où il finit, c’est-à-dire comment naissent les cultures non métisses ou encore
comment les cultures s’émancipent du métissage. Ainsi, il ne dégage pas des lois ou des
régularités permettant d’appréhender les phénomènes d’émergence des identités
nouvelles dans leur spécificité.
24 J.-L. Amselle, dans son ouvrage Logiques métisses, essaie de dépasser cette difficulté
majeure4. Il aborde la problématique du métissage sous l’angle anthropologique en
affichant d’emblée son ambition de dégager sinon une loi, du moins une régularité. Pour
cela il est obligé, malheureusement, de faire un renversement conceptuel, certes
judicieux, mais qui, loin d’éclaircir le débat, l’obscurcit.
25 Il commence par présenter la logique métisse plutôt comme un projet de dépassement de
la raison ethnologique prisonnière de l’analyse binaire commode, mais stérile, et dont les
fondements se révèlent discutables : société sans Etat/société à Etat, auto subsistance/
marché, paganisme/islam...
« L’analyse en termes de “ logique métisse ” permet au contraire d’échapper à la
question de l’origine et de faire l’hypothèse d’une régression infinie. Il ne s’agit plus
de se demander ce qui est premier, du segmentaire ou de l’Etat, du paganisme ou de
l’islam, de l’oral ou de l’écrit, mais de postuler un syncrétisme originel, un mélange
dont il est impossible de dissocier les parties. » (p. 248)
26 C’est-à-dire l’indistinction. Le métissage serait donc la car ac té ris tique fondamentale des
cultures marquées par ce syncrétisme originel.
27 Amselle est confronté au même problème d’antinomie conceptuelle que la pensée
métisse. Où s’arrête et où commence le syncrétisme originel ? Il ne peut répondre à ces
questions car la logique métisse n’est en fait qu’une hypothèse d’école. Ce qui le conduit,
dans un autre ouvrage, à s’éloigner de la problématique du métissage pour développer la
thématique du « branchement5 ».
28 La démarche de J.-L. Bonniol est plus prudente. Il tente de présenter « quelques éléments
de réflexion préalables » à « une théorie du métissage [qui] reste encore à produire6 ». Il
commence par mettre en cause le fondement biologique implicite du métissage à partir
de l’individu métis. Mais l’individu métis a des marques biologiques visibles. Ces
différences, pour Bonniol, sont liées à la notion de race et ainsi à celle de race pure et
impure, ce qui relève d’une interprétation socioculturelle. L’importance de
l’interprétation sociale et culturelle du métissage est clairement démontrée par l’exemple
des Antilles-Guyane et de la Désirade.
29 La représentation sociale du métissage a connu aux Antilles-Guyane une évolution
significative. Le métissage est d’abord frappé d’exclusion et d’hérésie au début de la
période esclavagiste. C’est avec l’affranchissement de certaines catégories d’esclaves
qu’ap parut le statut social de mulâtre, qui désignait celui qui s’élève par la couleur, ou
encore libre de couleur. Mais, pour éviter que cette nouvelle catégorie raciale entre en
concurrence avec le blanc, il fut établi une ligne de couleur qui, paradoxalement,
institutionnalisa la catégorie métisse comme intermédiaire, garantissant la pureté de la
race dominante. Dans ces conditions, le métissage renforce la discrimination raciale au
L’endogène
Socio-anthropologie, 11 | 2003
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