CAS CLINIQUE Cas clinique Maladies virales Le piège Un vrai faux panaris ! A deceptive whitlow Panaris • Infection herpétique. O. Cogrel (Service de dermatologie, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux) U Whitlow • herpes infection. ne patiente de 43 ans, suivie pour un déficit immunitaire commun variable (DICV) traité par immunoglobulines polyvalentes depuis 1994, est adressée pour un périonyxis du majeur droit évoluant depuis plus de trois mois. Histoire clinique Le DICV dont souffre cette patiente est associé à une entéropathie exsudative et compliqué d’une mycobactériose atypique péritonéale. Cette femme travaille dans un élevage de canards et a souvent tendance à se blesser avec de la paille. Elle a constaté l’apparition d’une petite macule érythémateuse sous l’ongle qui s’est progressivement étendue à l’extrémité de la pulpe entraînant une onycholyse distale. À l’examen clinique, on note un périonyxis sensible et à l’extrémité pulpaire un aspect papulopustuleux et croûteux (figures 1 et 2). L’onycholyse est soulignée par un liseré érythémateux. Deux hypothèses diagnostiques ont été avancées dans ce contexte : la première évoque un panaris herpétique, la seconde, une infection bactérienne ou fongique d’inoculation. Un prélèvement virologique et une biopsie cutanée sont effectués (microscopie optique et bactériologie). Le prélèvement intéresse en surface un épiderme hyperkératosique ulcéré et remanié par un tissu de granulation. Le centre de la lésion est le siège d’une formation vésiculo-pustuleuse riche en polynucléaires neutrophiles altérés (figure 3). L’épiderme adjacent est le siège de dystrophies kératinocytaires au niveau des noyaux évocatrices de dystrophies virales (figure 4). L’examen au PAS (Periodic Acid Schiff) ne montre pas de spores. Les colorations de Warthin-Starry et Ziehl sont négatives. La culture virale HSV est positive. Le diagnostic retenu est celui de “panaris” herpétique à HSV-1. Un traitement par aciclovir i.v. 5 jours, puis par valaciclovir per os 15 jours, a permis la disparition complète des lésions en 15 jours et la restitution ad integrum de l’extrémité digitale de la patiente. Légendes Figure 1. Périonyxis avec onycholyse distale cerclée d’un halo érythémateux. Figure 2. Vésiculo-pustules de l’extrémité pulpaire ; décollement épidermique périphérique. Figure 3. Biopsie cutanée (coloration hématéine-éosine-safran [HES]) : vésiculo-pustule riche en polynucléaires altérés. Figure 4. Biopsie cutanée (coloration HES) : dystrophies nucléaires virales. Discussion Depuis la publication de Stern en 1959, on utilise, peut-être à tort (car il n’y a pas de collection purulente), le terme de “panaris” herpétique pour définir l’infection du doigt à herpès simplex virus (HSV) [1]. Il s’agit d’une maladie d’inoculation à HSV type 1 ou type 2, qui fait suite à une effraction de la barrière cutanée. Chez l’enfant, il s’agit souvent d’une auto-inoculation à partir de lésions de gingivo-stomatite herpétique même si quelques cas à partir de patients porteurs de lésions herpétiques actives ou sans exposition spécifique ont été décrits (2). Chez l’adulte, ce sont habituellement des cas d’auto-inoculation à partir de lésions génitales (3). L’excrétion asymptomatique de particules virales dans la salive rend compte du risque dans la population générale, mais surtout chez certaines professions exposées (dentistes, infirmières, puéricultrices, anesthésistes). Le panaris herpétique est d’ailleurs considéré comme une maladie professionnelle. On peut néanmoins penser que l’utilisation des gants en routine ait réduit considérablement ce problème. L’aspect clinique proche d’un périonyxis bactérien ou candidosique (car les vésicules ne sont pas toujours présentes) induit souvent le praticien en erreur et conduit à la prescription d’antibiothérapies ou de traitements antifongiques locaux et généraux, voire à des gestes chirurgicaux intempestifs. Les formes vésiculeuses (unique ou en bouquet) ou bulleuses sont classiques chez l’enfant. Des signes associés (douleur, fièvre, lymphangite, adénopathie satellite) sont parfois au premier plan et trompeurs. Dans sa forme classique, chez l’immunocompétent, l’évolution est spontanément favorable en deux à trois semaines. 12 Images en Dermatologie • Vol. II • n° 1 • janvier-février-mars 2009 Références bibliographiques 1. Stern H, Elek SD, Millar DM et al. Herpetic whitlow: a form of cross-over infection in hospitals. Lancet 1959;2:871-4. 2. Feder HM Jr. Herpetic whitlow in an infant without defined risks. Arch Dermatol 1995;131:743-4. 3. Gill MJ, Arlette J, Buchan K. Herpes simplex virus infection of the hand. A profile of 79 cases. MA J Med 1988;84:89-93. 4. Robayna MG, Herranz P, Rubio FA et al. Destructive herpetic whitlow in AIDS: report of three cases. Br J Dermatol 1997;137:812-5. © Images en Dermatologie • Volume II - n° 1 - janvier-février-mars 2009 92 | La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 3 - mai-juin 2010 Cas Cas clinique clinique Cas clinique Cas clinique Le piège Le piège CAS CLINIQUE Le piège Le piège 1 1 1 1 2 2 2 2 3 3 3 3 Cas clinique Le piège 4 4 4 Quelques observations montrent que le traitement par aciclovir (ou valaciclovir) apporte un bénéfice en traitement curatif en réduisant les symptômes et la durée d’évolution de l’infection. Les recontaminations sont 4 estimées à 20 % et plus souvent associées au type 2. Chez l’immunodéprimé comme dans notre cas, la présentation clinique est atypique avec des lésions extensives, érosives voire surinImages en Dermatologie • Vol. II • nécrotiques, n° 1 • janvier-février-mars 2009 fectées et d’évolution chronique Images (4). Le traitement curatif parII •unn°antiviral par voie en Dermatologie • Vol. 1 • janvier-février-mars 2009 systémique est justifié. Certains auteurs recommandent d’ailleurs chez les patients au stade sida un traitement antiviral prolongé dans cette •indication. II Images en Dermatologie Vol. II • n° 1 • janvier-février-mars 2009 Images en Dermatologie • Vol. II • n° 1 • janvier-février-mars 2009 13 13 13 13 La Lettre de l’Infectiologue • Tome XXV - n° 3 - mai-juin 2010 | 93