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ITRODUCTIO
Rencontre de Brecht et du théâtre oriental
Brecht a assisté à son premier spectacle oriental lors de représentations données par des
compagnies amateurs de Kabuki à Berlin en 1930 et 1931. À cette même époque, Brecht
s’intéresse également à l’écriture de pièces didactiques, comme « Le Vol des Lindberghs »
(1929) ou « L’Importance d’être d’accord » (1929), et découvre le #ô grâce à son amante,
Elisabeth Hauptmann, qui traduit en allemand quatre pièces de #ô, parmi les dix-neuf pièces
publiées en 1921 par Arthur Waley dans son ouvrage « The #ô plays of Japan ». Hauptmann
lui transmet aussi une traduction traitant de l’esprit du #ô par Zeami (insérée dans l’ouvrage
de Waley) afin qu’il puisse percevoir les caractéristiques du théâtre oriental : un drame
composé de formes poétiques brèves (alliant souvent la poésie à la danse et à la musique), la
gestuelle corporelle des comédiens plutôt stylisée, codifiée, un caractère anti-illusionniste
(refusant de pousser le public à s’identifier aux personnages). Parmi les pièces de #ô traduites
par Hauptmann, comme « Taniko » (La chute dans la vallée), « Hachi no ki » (Le bonsaï),
« Kagekiyo » (fameux guerrier du clan des Taira) ou « Take no yuki » (Les bambous
couronnés de neige), Brecht adapte seulement en 1930 un conte traditionnel japonais du XVe
siècle, « Taniko » de Zenchiku, lors de la création de « Celui qui dit oui, celui qui dit non ».
Quant au théâtre chinois, Brecht a assisté aux spectacles de l’Opéra de Pékin dirigés par
Mei Lanfang lors d’un voyage à Moscou en mars 1935. Lors de la tournée en Union
Soviétique de la troupe de Mei, Brecht a ainsi eu l’occasion de voir six spectacles : « Top of
the Universe », « La beauté ivre », « La revanche du pêcheur », « Jinshan Temple », « Killing
the Tiger general » ou « Adieu ma concubine ».
Cependant, notons que cette rencontre de Brecht et du théâtre oriental est plus ou moins
liée aux modes culturelles de l’époque, les intellectuels ou les artistes européens se
passionnant pour les arts orientaux depuis la fin du XIXe siècle. Néanmoins, ces artistes n’ont
pas forcément imité les arts orientaux, notamment dans le domaine théâtral, et ont tenté de
développer selon une manière très européenne les arts occidentaux grâce à l’adaptation des
matériaux artistiques ou à une réflexion pointue sur les créations et les techniques artistiques
orientales. Par exemple, dans le domaine des beaux-arts, les peintres impressionnistes ou ceux
du Jugendstil (mouvement allemand d’Art nouveau) prennent intérêt à la peinture japonaise,