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Références du document
Cette fiche concerne un corpus de sept documents permettant de comprendre la
conquête coloniale de Madagascar entre 1885 et 1895. Ces documents sont tous issus du
fonds presse (PRS) et proviennent du journal Le Petit Var.
Date : novembre 1885 à octobre 1895
Nature : articles de presse
Cote : 191 PRS 11 ; 191 PRS 43 ; 191 PRS 44
Intégration pédagogique
Niveau de classe concerné : classes de 4ème de 1ère
Place dans les programmes :
- Quatrième : partie III, Le XIXème siècle ; thème 4, les colonies. Les conquêtes
coloniales assoient la domination européenne.
- Première, thème 4, colonisation et décolonisation ; le temps des
dominations coloniales et le partage colonial de l'Afrique à la fin du XIXème
siècle.
Problématique(s)
Comment se justifie la colonisation de Madagascar ? Quels sont les
arguments des soutiens du parti colonial ? Quelles sont les rivalités coloniales à la
fin du XIXème ?
Comment se déroule la colonisation de Madagascar ? Quelles en sont les
différentes étapes et les modalités ?
Comment la presse est-elle un vecteur du débat colonial dans la France de la
fin du XIXème siècle ?
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Transcription
Le corpus présenté ici comprend sept documents issus du fonds Presse
(série PRS). Il s’agit de sept publications correspondant soit au courrier des lecteurs
soit d’articles de la rédaction du journal.
Document 1 (6 novembre 1885) :
LA QUESTION DE MADAGASCAR
________
Nous recevons de Madagascar une lettre dans laquelle sont exprimées des
opinions sensiblement différentes de celles que nous professons en matière de politique
coloniale.
Nous croyons pourtant que le meilleur moyen d'éclairer les questions, c'est de
laisser les opinions les plus opposés librement se produire. Cela dit, nous donnons la
parole à notre correspondant qui, par sa situation, est en mesure de bien connaître les
choses dont il parle :
Devons-nous abandonner le Tonkin ? Devons-nous abandonner Madagascar ?
Telle est la question qui s'agite depuis quelques temps. Tout le monde en parle et un
grand nombre de journaux de diverses nuances la discutent. A quoi nous servirons ces
deux colonies ? A sacrifier des hommes et des millions. Que nous rapporteront-elles ?
Rien. Restons donc chez nous, dans notre coquille crustacifiée, et préparons nous à la
revanche éclatante. Si ces aspirations anti-françaises étaient adoptées par le
gouvernement, nous deviendrions la risée de tous les peuples.
Examinons d'abord la situation de Madagascar :
Nous ne rechercherons pas si les gouvernements antérieurs à la République
ont eu tort ou raison d'affirmer à plusieurs reprises nos droits sur cette île et d'en
prendre possession sous le nom de France Orientale ; si nous avons eu tort ou raison de
saisir le prétexte d'un héritage que les Hovas ne voulaient pas restituer à un de nos
compatriote, il y a des voiles qu'il ne faut pas soulever. Mais la chose est faite ; pour
protéger nos nationaux qui ne couraient aucun danger, qui étaient très considérés par les
Hovas et qui faisaient fortune partout ils s'établissaient, pour soutenir nos
missionnaires jésuites qui apprenaient aux enfants Malgaches que la République
Française n'est pas un gouvernement sérieux et que tous les princes ne dépendent que
du seul roi de la terre qui est le Pape, représentant Dieu, nous avons voulu revendiquer
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nos droits séculaires, nous avons commencé les hostilités. L'amiral Le Timbre a fait
quelques démonstrations ; l'amiral Pierre a bombardé les villes et les forts de la côte ;
l'amiral Galibert a accentué notre prise de possession , en traversant, au mouillage de
Tamatave, un hivernage qui a été très pernicieux pour nos troupes ; l'amiral Miot reçoit
les ordres de ne rien céder qui puisse nuire au prestige du nom français ; il doit
combattre et s'approprier ce que les Hovas ne voudraient pas lui céder ; nous ne
sommes pas en face de belligérants ;ce sont des révoltés contre la mère Patrie qu'il faut
réduire, et pour ce faire, on ne lui a jamais envoyé de contingent sérieux. Sa manière de
combattre devait donc être de faire comme l'amiral Galibert, rester l'arme au pied, se
tenir sur la défensive et préserver nos postes de l'attaque des ennemis.
Je trouve ce métier bien pénible et douloureux pour un amiral et des soldats
français, insultés chaque jour, traités de lâches par la presse malgache et ridiculisés par
les Anglais. Cependant, l'amiral Miot, dont l'éloge n'est plus à faire, a su si bien tirer parti
du peu de troupes qu'il avait sous ses ordres, qu'il a accompli de grandes choses que les
gens les plus indisposés commencent aujourd'hui à apprécier.
Ces opérations ont pu être menées à bien et à l'honneur de la France, grâce
surtout aux officiers auxquelles elles avaient été confiées : le commandant d'infanterie de
marine Pennequin s'empare avec quelques hommes d'Amboudimadirou, s'y établit,
organise, fait un bataillon de Sakalaves aujourd'hui bien instruits, bien disciplinés, qui
viennent de lui être d'un grand secours au combat d'Andampy.
Il est maître de la baie de Passandava et tout le Nord reconnaît l'autorité de la
France ; le capitaine de vaisseau Escande et le capitaine d'artillerie Brun prennent deux
provinces : Vohémar, Amboanio, les bœufs se comptent par milliers, les premiers
mois de l'occupation la douane française a encaissé 25 000 francs pour bœufs exportés à
Tamatave, à la Réunion, à Maurice ; ils livrent le combat d'Andraparany, si meurtrier
pour les Hovas (200 tués) ; le capitaine de frégate Michel va planter notre pavillon sur
Diégo-Suarez, rade remarquable par son entrée étroite facilement défendable, par ses
nombreuses baies, une forte escadre pourrait se mettre à l'abri, l'on pourrait avoir
un arsenal et un entrepôt de charbon. Il y a de l'eau excellente et l'aliment viande y est
en abondance. Deux milles hommes de troupes donnés à l'amiral Pierre auraient réduit
Madagascar ; il en fallait trois à quatre mille à l'amiral Galibert et à l’amiral Miot pour
obtenir le même résultat ; les peuples tributaires des Hovas : Sakalaves, Betsimisharas,
Antarcars, etc..., se seraient soulevés, joints à nous, et leurs sagaies auraient achevées
ce que nous aurions commencé. Aujourd'hui, il nous faut 15 000 hommes pour aller à
Tananarive car c'est là le nœud de la question, c'est là qu'elle se résoudra.
Depuis le commencement des hostilités, un grand nombre d'aventuriers se
sont mis au service des Hovas ; notre ennemi séculaire n'a pas cesser de les exciter à la
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résistance ; elle a circonvenu la reine et les ministres, qu'elle paie grassement ; fait
envahir la capitale et la cour par les Méthodistes , qui tiennent tout le gouvernement
dans leurs mains ; fourni tout le matériel nécessaire pour continuer la guerre et fortifier
les places, et pendant ce temps là, quatre mille Français, troupes et marins de la Division
compris, se fatiguent de leur oisiveté et sont malades. Que voulez-vous ? Leur moral est
tellement affecté ! Le soldat français aime bien se reposer après la bataille ; mais
toujours se reposer sans jamais rien faire, lui paraît fastidieux, triste et énervant.
Ce rapide exposé nous permet donc d'établir notre situation à Madagascar.
Les Européens et même les Français habitant le pays sont fatigués de nous ; les peuples
tributaires sont ou indifférents, ou contre nous, parce qu'ils pensent que nous les
abandonnerons à la vengeance des Hovas, comme nous l'avons déjà fait ; notre ennemi
devient de plus en plus puissant, par nos lenteurs et nos faiblesses ; l'Anglais nous
enserre, nous surveille pas à pas, nous espionne ; il veut Madagascar, il fera tout pour
l'avoir, aujourd'hui surtout que la question de l'abandon est à l'ordre du jour ; il se frotte
les mains et il doit lui paraître difficile d'être plus Anglais que nous le sommes.
Voyez-vous d'ici un amiral venu pour soumettre Madagascar, amener le
pavillon français devant celui d'une Ranavalo ! Des soldats français , des marins français
obligés de plier armes et bagages et de s'en aller piteusement porter en France leurs
fronts rouges de honte ! Albion nous enverrait ses félicitations de bien cordiale amitié, et
nous les aurions bien méritée.
Que nous importe, dirons quelques uns, notre conscience est tranquille ! Pas
de faux amour-propre ! Économisons des hommes et des millions! Et on parle de
patriotisme ! Et il y a des gens qui pensent que se déshonorer, c'est être patriote !
Combien nous sommes loin du temps les Romains tenaient à l'honneur de combattre
pour la Patrie et de payer l'impôt. Combien nous sommes loin de ce temps l'on ne se
contentait pas de chanter : Mourir pour la Patrie mais on le faisait ! Le soldat d'alors,
souvent sans vivres, souvent sans souliers, ne se plaignait pas, et ce qui était encore
plus beau, on ne la plaignait pas.
Mais depuis que la philanthropomanie (c'est une névrose) a envahi toutes les
classes de la société, marins et soldats auxquels la République confie l'honneur du
drapeau, sont considérés comme les êtres les plus déshérités. On leur insinue que le
service militaire est une corvée, une peine presque infamante qu'ils subissent alors que
les gouvernements qui nous entourent et contre lesquels nous sommes obligés de nous
garder, le leur montrent comme un grand honneur.
Aussi qu'arrive-t-il ? Les Conseils de révisions, de réforme, de santé sont
assaillis de lettres de recommandation des personnages politiques. Les bureaux
regorgent de jeunes gens qui feraient d’excellents soldats et qui, après deux ou trois
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année de service, savent très bien faire des états d'habillement, mais peu l'exercice. Les
moins favorisés vont au Tonkin, à Madagascar, en Cochinchine.
C'est nous qui sommes les coupables ; nous émettons des utopies, généreuse
il est vrai, mais inapplicable tant que l'Europe sera comme aujourd'hui agitée
fréquemment par des secousses volcaniques.
Si du moins, au lieu de prendre comme prétexte ces aspirations irréalisables
en ce moment, nous disions la vérité complète, ce serait plus loyal ; si un dépuvenait
dire à la tribune : « J'ai un fils, je ne veux pas qu'il soit ni soldat, ni marin ; je vote
contre le service militaire », tout comme le fabricant d'alcool vote pour l'augmentation
des droits sur les autres denrées, pour en préserver ses produits, je l'excuserais comme
père et je louerais pour sa sincérité.
Cela est triste car ce système nous amènera non seulement à abandonner peu
à peu (illisible) mais éloignera pour bien longtemps le jour de la revanche.
Madagascar ne produira rien, disent les opposants ; mais alors pourquoi
l'Angleterre tient-elle tant à nous en repousser ? N'est-ce pas parce que cette île lui
paraît être d'un grand intérêt stratégique, politique, économique ? Oh ! Si elle nous
l'offrait, nous aurions raison de nous défier ; elle ne vaudrait pas grand chose ; mais il
paraît que c'est tout le contraire, si j'en juge par les dépenses considérables qu'elle fait
pour nous faire chasser. Elle attend que nous ayons fait cuire les marrons ; ce sera à
nous de les retirer du feu ou à lui laisser l'honneur de la faire.
Madagascar est une île riche ; le Nord est un immense pâturage, les côtes Est
et Ouest faisaient, avant la guerre, un grand commerce d'importation et d'exportation ;
l'intérieur, remarquable par sa salubriparfaite, abonde en mines de toutes sortes : or,
argent, cuivre, fer, nickel, etc... jusqu'au quartz hyalin et à l’améthyste ; le rubis, le
grenat, les tourmalines sont loin d'être rares... Ce n'est donc pas un pays improductif.
Cette considération devrait nous obliger d'y rester, puisque nous y sommes
allés, et qu'un peuple puissant le convoite avec tant d’acharnement.
En résumé, nous devons nous établir à Madagascar comme nous le somme en
Tunisie, c'est à dire en protecteur et conserver les points de : Majunga, Tamatave,
Vohémar, Diégo-Suarez.
Aussi, nous rentrerons dans les millions que nous aurons dépensés ; nous
aurons une relâche, un arsenal, du charbon, un abri sur la route qui mène de la France
au Tonkin, et surtout nous ne rabaisserons pas le prestige de notre armée.
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