La F euille Rouge électronique moléculaire LES NOUVEAUX CYCLES DE LA MEMOIRE Contact : Lionel Dubois - SCIB - [email protected] Les chimistes du laboratoire RICC et les électroniciens du LETI s’associent pour la réalisation de mémoires hybrides molécules-silicium. Dans cette technologie, ce sont des molécules organiques qui sont le support de l’information (encart). L’originalité de l’approche développée est l’utilisation de complexes métalliques de porphyrine, des molécules cycliques que l’on retrouve par exemple associées au fer dans les globules rouges pour le transport de l’oxygène. Nous venons de mettre au point la synthèse d’une nouvelle famille de ces composés qui ouvre des perspectives originales en terme de géométrie en vue stabiliser différents états d’oxydation. Pour être compatibles avec les dispositifs de la microélectronique, les composés destinés aux mémoires moléculaires doivent pouvoir accepter ou donner des électrons. De plus, ils ne doivent pas retourner à leur état initial lorsque le champ électrique est coupé. Ces conditions nous ont amené à travailler avec des porphyrines (Fig. 1) capables de changer de forme en fonction de l’ion qu’elles complexent. En particulier, nous cherchons parmi ces composés ceux qui sont dits «bistables» c’est-à-dire qui, en changeant de forme, stabilisent le même élément chimique mais à des degrés d’oxydation différents. Cette étude nous amène donc à la construction d’une grande variété d’architectures moléculaires pour en étudier la géométrie. Fig. 1 : Structure schématique d’un complexe métallique de porphyrine. L’ion (M) est à l’intérieur du cycle. Sur ce dernier sont attachés quatre substituants chiraux, par exemple le biocartol, ou nos nouvelles molécules hydroxylées. Ces substituants sont liés deux à deux par une bride destinée à rigidifier la molécule et piloter les changements de forme. Nos molécules possèdent 4 substituants qui sont liés d’un côté à la porphyrine et de l’autre aux brides et qui possèdent de ce fait une asymétrie, ou chiralité (voir encart). On veut contrôler la structure de la porphyrine finale et éviter une combinaison aléatoire des différents énantiomères des substituants (4 R, 2 R et 2 S, 3 R et 1 S, etc.). Il faut donc partir de substituants sous une seule forme. C’était bien le cas du biocartol commercial qui nous a servi jusqu’à maintenant. Malheureusement, l’industrie ne produit qu’un des 2 énantiomères, ce qui ne nous permet pas de varier les structures. Nous nous sommes donc attelés à la synthèse d’une nouvelle famille de porphyrines portant des substituants cycliques hydroxylés, pour lesquels nous savons fabriquer les deux énantiomères. Bras dessus, bras dessous Cette synthèse se déroule en six étapes. Pour sélectionner un énantiomère ou l’autre, nous avons fait appel à une protéine capable de modifier spécifiquement une des deux formes, à la place du chimiste, et à plus à faible coût. Il devient ainsi possible de « trier » les molécules selon leur chiralité, et ceci assez rapidement, même pour des quantités importantes de matière (plusieurs grammes). Les premiers résultats ont montré que cette nouvelle famille s’organise dans l’espace différemment de ses grandes sœurs (Fig. 2). Nous allons maintenant ajouter les ions métalliques et caractériser les propriétés électrochimiques et la bistabilité des nouveaux complexes. Avantage supplémentaire : cette nouvelle famille possède une structure chimique facile à modifier. Plus de versatilité, c’est davantage de paramètres à explorer : taille des substituants, longueur des brides. Caractériser tous ces composés nous aidera à déterminer les facteurs importants pour la bistabilité des complexes. Notre maîtrise complète de la synthèse sera également un atout important pour les étapes de greffage sur le silicium et l’intégration dans les circuits électroniques. Fig. 2 : Exemples de structures de complexes de porphyrine. Dans le complexe du nickel des porphyrines du biocartol (Porph Biocart), les brides sont sur le côté. Lorsque l’on remplace le nickel par du zinc, elles passent d’un même côté du cycle. La nouvelle porphyrine peut adopter une structure originale, avec une bride de chaque côté du cycle. Mémoires moléculaires hybrides Elles sont constituées d’un nanofil de silicium, sur lequel sont greffées des molécules redox-actives. Une électrode sert à créer un champ électrique perpendiculaire au nanofil. Lorsque le champ électrique est suffisamment élevé, des charges électriques transitent des molécules vers le nanofil créant ainsi un état « 1 », l’état « 0 » étant l’état initial. Pour avoir un effet mémoire, il est nécessaire que les charges restent piégées sur les molécules même en l’absence du champ. Chiralité La chiralité d’une molécule se définit par le fait que son image dans un miroir ne lui est pas superposable. Les deux molécules différentes (l’original et son image) sont appelées énantiomères. Deux énantiomères, dénommés R et S , ont exactement les mêmes propriétés physico-chimiques (point de fusion, d’ébullition …). On les distingue seulement à ce qu’ils font tourner le plan de polarisation de la lumière polarisée, vers la gauche pour l’énantiomère S , vers la droite pour l’énantiomère R . De ces propriétés identiques des énantiomères vient la difficulté à les séparer. Il faut pour cela utiliser d’autres objets asymétriques (molécules, protéines, …) qui reconnaissent plus facilement une forme que l’autre. Comité de rédaction : E. Molva, J. Planès (DIR), P. Dalmas de Réotier (SPSMS), Th. Douki (SCIB), G. Prenat (SPINTEC), S. Lyonnard (SPrAM), R. Vallcorba (SBT), P. Warin (SP2M) - Mise en page : M. Benini (DIR) tél. 04 38 78 36 33 FR_542.indd 2 10/04/2008 11:24:19