– les chimiothérapies induisent fréquemment par elles-mêmes
une aménorrhée, mais le risque est lié à l’âge : 5 % environ
avant 30 ans, 50 % avant 40 ans, 80 % après 40 ans ; certains
auteurs retrouvent un bénéfice supplémentaire si les patientes
deviennent aménorrhéiques après chimiothérapie ;
– la suppression de la fonction ovarienne donne, dans l’essai
Zebra, chez des patientes jeunes hormonosensibles, des résultats
identiques à ceux de la chimiothérapie (CMF) : ces données sont
très discutées, cette chimiothérapie n’étant plus optimale ;
– l’association à la chimiothérapie d’une suppression de la fonc-
tion ovarienne chez les patientes jeunes, qui restent réglées et
sont hormonosensibles, est défendue par l’International Breast
Cancer Study Group ; dans leurs séries, les patientes présentant
ces caractéristiques et traitées par chimiothérapie seule, sans
hormonothérapie, ont un moins bon pronostic que celles non
hormonosensibles, théoriquement plus agressives, traitées par la
même chimiothérapie ; seule l’évaluation de la prochaine méta-
analyse permettra peut-être de préciser les indications d’une
suppression complémentaire de la fonction ovarienne.
Le tamoxifène a également été utilisé chez les femmes prémé-
nopausées RH+ :
– le bénéfice en adjonction de la chimiothérapie dans cette
tranche d’âge n’est pas complètement établi ;
– le rationnel biologique de l’utilisation du tamoxifène seul chez
les femmes préménopausées est complexe : ce produit est un
agent agoniste-antagoniste du récepteur aux estrogènes et pos-
sède, de ce fait, une part d’effet estrogénique clomifene-like
pouvait entraîner des kystes ovariens.
Au stade des métastases, la présentation de la maladie des
femmes jeunes est souvent une forme agressive, polymétasta-
tique et viscérale : ces patientes requièrent avant tout une prise
en charge par polychimiothérapie cytotoxique ; la place des nou-
velles thérapeutiques biologiques reste à définir : des essais thé-
rapeutiques spécifiques à cette tranche d’âge sont difficiles à
mettre en œuvre.
Il faut, en conclusion, souligner la nécessité d’établir des proto-
coles spécifiques pour les femmes jeunes atteintes d’un cancer
du sein : cela débute par l’évaluation de l’IRM dans le dépistage
des cancers du sein des femmes jeunes présentant un risque
génétique. ■
P
OUR EN SAVOIR PLUS
...
1. Cottu PH. Cancer du sein de la femme jeune. In : Le Sein : du normal au
pathologique ; état de l’art. Eska éditeur, 2001 : 1074-83.
2. Dixon JM, Hortobagyi G. Treating young patients with breast cancer. Br
Med J 2000 ; 320 : 457-8.
3. Goldhirsch A, Wood WC, Gelber RD et al. Meeting highlights : updated
international expert consensus on the primary therapy of early breast cancer.
J Clin Oncol 2003 ; 21 (17) : 3357-65.
La majorité des données de la littérature concernant le traitement
locorégional évoque une nette augmentation du risque de rechute
locale tardive après traitement conservateur (tumorectomie asso-
ciée à la radiothérapie) chez les femmes de moins de 35 ans :
– cancer in situ traité de manière conservatrice : le risque de
rechute locale qui est de 12 à 18 % après 40 ans est de 29 à 40 %
avant 40 ans ;
– cancer infiltrant traité par tumorectomie et radiothérapie : si le
risque de rechute locale est de 1 à 60 ans, il est multiplié par 3
entre 40 et 50 ans et par 5 avant 40 ans.
Les facteurs habituellement reconnus comme prédictifs d’une
rechute locale (taille tumorale, marges d’exérèse, composante
in situ, envahissement ganglionnaire axillaire) doivent donc être
particulièrement pris en compte chez les femmes jeunes afin
que, indépendamment de l’âge, les indications de l’éventuelle
mammectomie soient prises, si elle est indiquée, de manière
rationnelle.
Aucune étude spécifique n’a été réalisée sur les indications de
traitement systémique des femmes de moins de 35 ans, mais les
résultats des grandes séries montrent que :
– le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante est plus important
chez les femmes de moins de 50 ans (8 %) que plus âgées (3 %).
La méta-analyse des principales études randomisées retrouve,
chez les femmes de moins de 40 ans, une réduction du risque
annuel de décès de 27 % si elles ont une chimiothérapie adju-
vante alors que ce bénéfice n’est plus que de 11 % chez les
femmes entre 50 et 70 ans ; ce bénéfice est identique, que les
patientes aient ou non une atteinte ganglionnaire ;
– les anthracyclines doivent maintenant faire partie des proto-
coles de chimiothérapie adjuvante ;
– les chimiothérapies intensives ne semblent pas apporter de
bénéfice supplémentaire, même si l’essai français d’intensifica-
tion, en cas d’atteinte ganglionnaire importante (Pégase 1),
démontre une amélioration de la survie sans récidive.
Les indications reposent sur les conférences de consensus euro-
péennes (Saint-Gall) ou nord-américaines (Bethesda) : toute
patiente de moins de 35 ans présentant une tumeur infiltrante du
sein doit bénéficier d’une chimiothérapie adjuvante, quelles que
soient les autres caractéristiques de sa tumeur.
Plusieurs questions restent non résolues notamment l’intérêt des
taxanes et de l’anticorps monoclonal anti-HER2neu (Hercep-
tin®) dans cette situation.
Le traitement hormonal est plus discuté à cet âge : la principale
manipulation hormonale historiquement utilisée a été la “cas-
tration” chirurgicale, radique, et plus récemment médicale grâce
aux agents agonistes de la LH-RH. Le bénéfice de la suppres-
sion de la fonction ovarienne a été démontré de manière for-
melle dans la méta-analyse chez les patientes non ménopausées
dont la tumeur exprime au moins le récepteur aux estrogènes
(RE+). Ses indications sont actuellement discutées :
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La Lettre du Sénologue - n° 22 - octobre/novembre/décembre 2003