La Lettre du Rhumatologue - n° 269 - février
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Les bolus de glucocorticoïdes engendrent des variations de
synthèse de différentes cytokines lymphocytaires. Les
concen
trations sériques d’IL-6, d’IL-8, du récepteur soluble
de
l’IL-2
(sIL-2R) et d’IFNγsont abaissées après un bolus, alors
que la production d’IL-10 et d’IL-4, qui s’opposent à l’in-
flammation, est accrue (2, 25, 28), cette augmentation étant
maintenue au moins six semaines (28). Cependant, l’élément
clé semble être la réduction des concentrations de TNFαdans
le compartiment synovial et le sérum, dans les 24 heures après
le bolus (35). Cette inhibition du TNFαengendrerait une dimi-
nution de l’expression de molécules d’adhésion, provoquant
une diminution de l’entrée des neutrophiles et des lympho-
cytes dans la cavité synoviale. En comparant les effets des
bolus à ceux des anticorps anti-TNFα, Roberts-Thomson et
al. (18) ont observé des similitudes leur permettant de sug-
gérer que l’inhibition de la production de TNFαserait le prin-
cipal mécanisme d’action expliquant la rapidité et la puis-
sance de l’amélioration clinique induite par les bolus de
glucocorticoïdes.
QUELLES SONT LES INDICATIONS DES BOLUS
DANS LA POLYARTHRITE RHUMATOÏDE ?
Les bolus sont dans la plupart des cas réservés à des PR agres-
sives et rebelles aux différents traitements de fond. Ils
servent alors de solution de secours, pour “passer un cap
difficile”.
Une indication particulière des bolus est l’apparition d’une
complication systémique, en particulier d’une vascularite rhu-
matoïde. Dans ce cas, l’efficacité des bolus est reconnue, sou-
vent en association avec un immunosuppresseur (cyclophos-
phamide), mais il existe très peu de travaux ayant documenté
objectivement l’effet de ces bolus, en particulier comparés à
une corticothérapie per os (13).
Une dernière indication est l’utilisation des bolus lors de l’in-
troduction d’un traitement de fond avec comme objectif de
“couvrir” la période initiale avant qu’apparaisse l’efficacité
d’un traitement de fond (bridge therapy).
QUELLES MOLÉCULES
ET QUELLES UTILISATIONS ?
Le dérivé intraveineux le plus utilisé est la méthylpredniso-
lone (MP), commercialisée en France sous le nom de Solu-
Médrol®.Quelques études ont aussi été menées avec la dexa-
méthasone (Soludécadron®), mais son utilisation en bolus
intraveineux est rare.
Des bolus per os ont aussi été proposés, mais plus rarement.
Dans ce cas, les molécules utilisées sont la prednisolone (Solu-
pred®) et la méthylprednisolone. Cette modalité particulière
d’administration est développée plus loin.
SCHÉMA DES BOLUS
Bolus intraveineux de méthylprednisolone
La méthylprednisolone intraveineuse (Solu-Médrol®) est tota-
lement éliminée de l’organisme 48 heures après son adminis-
tration.
Posologie. Les doses employées sont classiquement de l’ordre
de 1 000 mg, en perfusion intraveineuse de 20 minutes au
minimum.
Des posologies plus faibles ont aussi été évaluées. Iglehart et
al. (10), dans leur essai sur 36 patients, ont observé que
3 x 100 mg de MP i.v. sont aussi efficaces en bolus que
3 x 1 000 mg de MP i.v. Radia et al. (17) ont comparé, chez
29 patients, 1 000 mg de MPi.v., 320 mg de MPi.v. et 320 mg
de MPpar voie intramusculaire. Les auteurs ont noté un béné-
fice équivalent dans les trois groupes. Shipley et al. (19) ont
comparé, chez 71 patients, l’administration en bolus de 40 mg,
500 mg et 1 000 mg de MPi.v. Ils ont observé une durée d’ac-
tion plus longue de la dose de 1 000 mg, les données biolo-
giques étant par contre identiques entre les différents groupes.
Ainsi, la dose optimale de MP à utiliser pour les bolus n’est
pas clairement connue. Le faible nombre d’études disponibles
ne permet pas de conclure quant à l’équivalence des fortes et
faibles doses de MP (31).
Rythme d’administration. L’administration des bolus de MP
se fait habituellement sur 1 à 3 jours, mais le rythme optimal
n’est pas connu. Certains auteurs se sont limités à l’adminis-
tration d’une dose unique de 1 000 mg de MP i.v. (12, 36),
mais d’autres ont proposé l’administration de 1 000 mg de MP
i.v. pendant 3 jours consécutifs (6, 20) ou pendant 3 jours alter-
nés (à J1, J3 et J5) (3). L’efficacité à court terme est impor-
tante quel que soit le régime utilisé, mais il n’existe aucune
étude comparant les différentes fréquences d’administration
entre elles (31). Ces bolus sont souvent répétés mensuellement
pendant 2 à 6 mois, mais cette pratique non consensuelle ne
repose sur aucune preuve d’efficacité.
Les bolus intraveineux de dexaméthasone
La dose utilisée est de 200 mg, administrés sur 3 jours alter-
nés (J0, J3, J6) (11, 25, 30). La fréquence d’administration
idéale n’est pas connue, mais ces bolus sont souvent répétés
pendant 2 à 6 mois ; cela ne repose toutefois sur aucune don-
née d’efficacité documentée.
Les bolus de glucocorticoïdes par voie orale
La prednisolone, et plus rarement la méthylprednisolone, ont
été utilisées dans le cadre de bolus per os, à dose allant jus-
qu’à 1 000 mg par prise orale. Dans la plupart des études, la
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