Ann Biol Clin, vol. 70, n◦4, juillet-août 2012 389
Fer et cancer du sein
continuant à être absorbé malgré les stocks excessifs. À
l’inverse, la production excessive de l’hepcidine conduit à
la carence martiale et à l’anémie en raison de l’incapacité
à absorber le fer au niveau intestinal malgré des apports
en fer normaux ou augmentés. La sévérité de ces deux états
pathologiques fait supposer qu’il n’existe probablement pas
de mécanisme compensateur des effets de l’hepcidine. Le
rôle de l’hepcidine dans l’homéostasie du fer semble donc
crucial [3].
L’hepcidine agit en se fixant sur une boucle extra-
membranaire de la ferroportine, conduisant à la phos-
phorylation de cette protéine et à son internalisation puis
sa destruction dans l’entérocyte par le protéasome [8].
Elle est elle-même régulée par des facteurs inhibiteurs
comme l’augmentation des besoins de l’érythropoïèse ou
l’hypoxie, et des facteurs stimulant son expression comme
l’augmentation de la sidérémie et l’inflammation. En cas
d’inflammation, l’expression d’hepcidine est induite par les
lipopolysaccharides (LPS) et l’interleukine 6 (IL-6). L’IL-
6 active la synthèse de l’hepcidine par la voie du facteur
de transcription STAT3 [9]. Ce mécanisme permet de faire
le lien entre la réponse immunitaire, l’homéostasie du fer
et l’anémie inflammatoire associée au cancer. La produc-
tion de l’hepcidine est inhibée en cas d’augmentation de
l’érythropoïèse [10].
Initialement découverte pour son rôle antimicrobien, il
semble que cette molécule soit issue de l’évolution de
systèmes de défense de l’organisme, diminuant le fer
disponible pour les agents pathogènes ou les cellules tumo-
rales. De nombreuses autres protéines sont impliquées
dans la régulation de l’absorption du fer comme la pro-
téine HFE (Human hemochromatosis protein) codée par
le gène HFE hemochromatosis dont les mutations sont
responsables de la principale forme d’hémochromatose
primitive. Dans ce cas, les patients sont atteints d’un
déficit en hepcidine que l’on retrouve dans d’autres
formes d’hémochromatose héréditaire [11]. Dans le cas
de l’hémochromatose juvénile de type 2AB, la surcharge
en fer est liée directement à une mutation du gène de
l’hepcidine (HAMP, hepcidin antimicrobial peptide) sur le
chromosome 19.
La régulation du métabolisme du fer intracellulaire au
niveau des cellules non érythroblastiques est basée sur le
contrôle de la synthèse de la ferritine et du TfR, au stade
post-transcriptionnel par des iron regulatory proteins dont
l’action est modulée directement par la concentration en fer
dans le pool labile, le fer non fixé à la ferritine et directement
mobilisable [4].
Les marqueurs biologiques du bilan martial
L’exploration du métabolisme du fer repose sur un nombre
restreint d’examens [12]. Elle peut se réaliser à l’aide de
la cinétique d’absorption de l’isotope 59Fe, rarement prati-
quée. Le taux de fer circulant est un paramètre qui subit des
variations nycthémérales importantes avec des maximas à
midi et des minimas le soir. Son exploration est basée sur
le dosage du fer plasmatique prélevé à jeun le matin et cou-
plé au dosage de la transferrine. Les valeurs usuelles sont
(pour des prélèvements effectués le matinà8h):homme :
9à30mol/L, femme:8à28mol/L. La transferrine
est une bêtaglobuline capable de fixer 2 ions Fe3+. On peut
ainsi calculer le coefficient de saturation de la transferrine
(CST), selon la formule : CST (%) = [concentration en fer
plasmatique (mol/L)] / [25 x concentration en transferrine
(g/L)] x 100. La valeur usuelle du CST est comprise entre
20 et 40 %. Autre marqueur du bilan martial, la ferritine est
une protéine capable de fixer plus de 4 000 atomes de fer
qui permet d’explorer les réserves en fer de l’organisme,
soit 15 à 30 % du fer total. Sa valeur normale est de 50
à 350 ng/mL chez l’homme et de 30 à 120 ng/mL chez
la femme. Le TfR est une protéine composée de deux
sous-unités capable de fixer la transferrine [13]. Elle peut
être clivée pour donner le TfRs, fragment sérique dont
la concentration reflète l’expression cellulaire du récep-
teur. Comme la numération des réticulocytes, le TfRs
est un marqueur sanguin du fer fonctionnel qui mesure
l’efficacité de l’érythropoïèse en évitant d’avoir recours
à des biopsies de moelle osseuse, la diminution du fer
fonctionnel s’accompagnant d’une augmentation du TfRs
[14]. Une revue de la littérature concernant l’utilisation du
TfRs en tant que marqueur du statut martial a été publiée
en 2009 [15], 9 essais ont été retenus, les auteurs ont
conclu que le dosage plasmatique de TfRs peut améliorer
le diagnostic de l’anémie dans les situations complexes où
l’anémie inflammatoire et la carence martiale coexistent.
Le TfRs est augmenté dans la carence martiale (où le fer
n’est pas disponible pour l’érythropoïèse), alors que dans
l’anémie inflammatoire le TfRs est normal car négative-
ment régulé par les cytokines inflammatoires. En dehors
des pathologies liées à une stimulation de l’érythropoïèse,
une augmentation du TfRs est toujours associée à un déficit
en fer.
Devant la complexité du diagnostic d’une carence mar-
tiale en cas de syndrome inflammatoire associé, d’autres
marqueurs ont été recherchés. Le contenu en hémoglo-
bine des réticulocytes (CHr) est un paramètre qui permet
d’estimer la disponibilité du fer de la moelle osseuse pour
l’érythropoïèse dans les 2 jours qui ont précédé le dosage
et donc permet de dépister les états de carence martiale
relative, de manière extrêmement précoce. Le pourcentage
d’hématies hypochromes représente directement la manière
dont le fer est utilisé dans la synthèse de globules rouges.
La ferritine érythrocytaire est un résidu de la ferritine éry-
throblastique. Elle est le reflet de la balance entre le fer
disponible dans la moelle osseuse et le fer utilisable pour
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