Synthèse Ann Biol Clin 2012 ; 70 (4) : 387-96 Métabolisme du fer et cancer du sein : connaissances et perspectives Iron metabolism in breast cancer: knowledge and future Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Anna Durigova1 William Jacot1 Stéphane Pouderoux1 Sylvie Roques2 Frédéric Montels2 Pierre-Jean Lamy2 1 Service d’oncologie médicale, 2 Laboratoire de biologie spécialisée et d’oncogénétique, CRLC Val d’Aurelle-Paul Lamarque, Montpellier <[email protected]> Résumé. Le fer joue un rôle fondamental en biologie et sa concentration dans les organismes vivants est régulée de façon très précise. De nombreuses molécules de stockage et de transport sont utilisées pour maintenir cette homéostasie intracellulaire. Les cellules cancéreuses présentent des altérations de cet équilibre, et la présence d’un cancer induit de profondes dysfonctions dans le métabolisme martial. Des études récentes ont montré que les cellules cancéreuses mammaires étaient affectées d’anomalies impliquant plusieurs protéines comme la ferroportine et l’hepcidine. Un impact pronostique de ces perturbations a été rapporté chez des patientes atteintes d’un cancer du sein et certaines molécules régulatrices du métabolisme martial pourraient devenir des cibles thérapeutiques. Il s’agit d’une approche innovante qui se dessine pour traiter un cancer qui reste, malgré les progrès des traitements et l’apparition des thérapies ciblées, la première cause de mortalité par cancer chez la femme. Mots clés : fer, cancer du sein, ferritine, ferroportine, hepcidine Abstract. Iron plays a fundamental role in biology and its concentration in living organisms is regulated very precisely. Many molecules of storage and transportation are used to maintain the intracellular homeostasis. Cancer cells have alterations in this balance. Recent studies have shown that breast cancer cells present abnormal expression of several proteins such as hepcidin and ferroportin. A prognostic impact of these alterations has been reported in patients with breast cancer. Regulatory molecules of iron metabolism could become therapeutic targets. This is an innovative approach that has emerged for treating a cancer which, despite advances in treatment and the emergence of targeted therapies, remains the leading cause of cancer death in women. doi:10.1684/abc.2012.0700 Article reçu le 13 décembre 2011, accepté le 20 février 2012 Key words: iron, breast cancer, ferritin, ferroportin, hepcidin Le fer est le sixième élément le plus abondant dans l’univers. Il est fondamental et indispensable pour la biologie des cellules eucaryotes. Retrouvé dans de nombreuses hémoprotéines comme l’hémoglobine ou la myoglobine, il participe également à la respiration cellulaire dans les cytochromes ainsi qu’aux réactions d’oxydoréduction catalysées par des enzymes ferro-dépendantes, les ribonucléotides réductases et les xanthine-oxydases, qui interviennent au niveau de l’ADN. Il intervient encore sur les cyclo-oxygénases et les lipo-oxygénases de Tirés à part : P.-J. Lamy l’inflammation. Le fer fonctionnel est impliqué dans la fonction des catalases et des peroxydases qui protègent de la formation des radicaux libres. La régulation de son taux doit être fine, car un excès de fer libre est rapidement toxique et une carence induit une hypoxie par anémie. La connaissance de son métabolisme chez l’homme s’est considérablement élargie ces dernières années avec la découverte de nombreuses molécules impliquées dans le stockage, le transport dans la circulation sanguine et les mécanismes de régulation des concentrations intra et extracellulaires. De nombreuses études ont décrit les anomalies du métabolisme du fer que présentent les cellules tumorales et les patients atteints de cancer. Plus récemment, Pour citer cet article : Durigova A, Jacot W, Pouderoux S, Roques S, Montels F, Lamy PJ. Métabolisme du fer et cancer du sein : connaissances et perspectives. Ann Biol Clin 2012 ; 70(4) : 387-96 doi:10.1684/abc.2012.0700 387 Synthèse Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. le rôle de ces anomalies a été confirmé dans des études fondamentales et cliniques en cancérologie mammaire [1]. Cette revue se propose de faire le point sur ce sujet en résumant nos connaissances actuelles sur le métabolisme du fer et les anomalies de ce dernier dans les cancers lors des anémies dites inflammatoires. Puis, nous détaillerons spécifiquement les anomalies martiales décrites dans les cancers du sein, la valeur pronostique des nouveaux marqueurs, ainsi que les cibles thérapeutiques potentielles visant le métabolisme du fer. Le métabolisme du fer et les marqueurs biologiques du bilan martial Le métabolisme du fer L’organisme contient 3 à 5 g de fer qui est quasiment totalement recyclé au cours de son métabolisme. Seuls 2 mg de fer sont absorbés chaque jour en compensation des pertes urinaires, cutanées et digestives. Dans les conditions normales, la plus grande partie du fer est étroitement liée à des molécules fonctionnelles comme l’hémoglobine (2,6 g) ou la myoglobine (0,4 g), à des protéines de transport comme la transferrine (3 mg) ou à des protéines de stockage intracellulaire comme la ferritine (1 g de fer est stocké dans le foie). Dans cet état fortement lié, le fer ne peut pas causer de lésions cellulaires, car il est incapable de participer à des réactions d’oxydation. L’absorption du fer se fait essentiellement sous forme héminique. Les protéines héminiques sont digérées : l’hème est libéré et absorbé par les entérocytes grâce à un transporteur de l’hème, la protéine HCP (heme carrier protein) découvert en 2005. Le fer non-héminique est d’abord réduit par l’acidité gastrique et son absorption par l’entérocyte est influencée par la présence des autres nutriments. Le passage du fer non-héminique sous forme de fer ferreux Fe2+ vers le cytoplasme de l’entérocyte au niveau de la membrane apicale est assuré par le dimetal transporter 1 (DMT1) qui assure également la réduction du fer. La capacité d’absorption du fer au niveau des entérocytes est modulée par les signaux provenant des autres cellules de l’organisme qui interviennent dans la consommation (précurseurs érythroïdes) et le stockage (hépatocytes, macrophages) du fer. La diminution de l’expression de la protéine DMT1 au niveau de l’entérocyte, en cas de réserves importantes en fer, expliquerait la diminution de son absorption [2]. L’absorption du fer est augmentée en cas de carence martiale ou en cas d’augmentation de l’érythropoïèse, et à l’inverse diminuée en cas de surcharge martiale. Cette régulation, très complexe, fait aussi intervenir des 388 signaux inflammatoires et hypoxiques, notamment par l’intermédiaire de l’hepcidine [3]. Avant son excrétion par l’entérocyte, le Fe2+ cytoplasmique est oxydé en Fe3+ par une ferroxidase, l’hephaestine. Le Fe3+ intracellulaire est ensuite excrété par la ferroportine au niveau du pôle latéro-basal de l’entérocyte. La ferroportine permet sa fixation à la transferrine (encore appelée sidérophiline), son transporteur plasmatique qui assure l’apport de Fe3+ aux érythroblastes. La ferroportine est également appelée iron regulated transporter 1 ou SLC40A1 [3]. Elle est indispensable à l’exportation du fer de l’entérocyte vers le plasma. Ainsi les souris homozygotes présentant une délétion du gène de la ferroportine ne peuvent pas excréter le fer et présentent une accumulation massive du fer dans les entérocytes. Enfin, le fer qui n’est pas transféré vers le plasma est éliminé, avec les entérocytes dont la durée de vie est très courte (en moyenne de sept jours dans le duodénum et le jéjunum et de trois jours dans l’iléon), dans les matières fécales. La moelle osseuse est le premier consommateur de fer. Le fer entre dans les précurseurs érythroïdes grâce aux récepteurs à la transferrine de type 1 (TfR), qui, une fois la transferrine fixée, s’internalisent sous forme d’une vacuole d’endocytose. Le pH acide dans cet environnement permet la libération du Fe3+ de la transferrine. Une fois libéré, le Fe3+ excrété est non réactif et soluble. Le Fe3+ est réduit par la cytochrome b réductase membranaire et son internalisation dans le cytoplasme se fait par le transporteur DMT1. Il forme alors un pool labile de fer fixé à différentes protéines ferro-dépendantes, avec un rôle particulièrement important au niveau de la mitochondrie. Toute surcharge en fer dans la cellule est prise en charge par la ferritine, une molécule de stockage. L’exportation du fer des cellules de l’organisme vers la circulation sanguine utilise le même mécanisme avec pour ferroxidase la céruléoplasmine [4]. L’homéostasie du fer se fait uniquement au niveau de l’absorption et du recyclage du fer par les macrophages. Le contrôle majeur de la sidérémie se fait par le biais de l’hepcidine, une protéine synthétisée par le foie [5]. Son rôle est de diminuer l’absorption intestinale du fer. Elle augmente dans le même temps la rétention intracellulaire du fer par les macrophages et les hépatocytes. Une augmentation de sa production se retrouve dans les tumeurs à hepcidine [6], induisant une anémie ferriprive sévère et dans les anémies inflammatoires en réponse à la surcharge en fer, entraînant une séquestration de celui-ci. Le rôle de l’hepcidine sur l’homéostasie du fer a été établi sur les modèles de souris transgéniques. L’injection d’hepcidine synthétique provoque chez la souris une hyposidérémie dans l’heure qui suit son administration [7]. Une déficience complète en hepcidine conduit à une hémochromatose juvénile, forme sévère de surcharge martiale dans laquelle l’absorption intestinale du fer est altérée, le fer Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Fer et cancer du sein continuant à être absorbé malgré les stocks excessifs. À l’inverse, la production excessive de l’hepcidine conduit à la carence martiale et à l’anémie en raison de l’incapacité à absorber le fer au niveau intestinal malgré des apports en fer normaux ou augmentés. La sévérité de ces deux états pathologiques fait supposer qu’il n’existe probablement pas de mécanisme compensateur des effets de l’hepcidine. Le rôle de l’hepcidine dans l’homéostasie du fer semble donc crucial [3]. L’hepcidine agit en se fixant sur une boucle extramembranaire de la ferroportine, conduisant à la phosphorylation de cette protéine et à son internalisation puis sa destruction dans l’entérocyte par le protéasome [8]. Elle est elle-même régulée par des facteurs inhibiteurs comme l’augmentation des besoins de l’érythropoïèse ou l’hypoxie, et des facteurs stimulant son expression comme l’augmentation de la sidérémie et l’inflammation. En cas d’inflammation, l’expression d’hepcidine est induite par les lipopolysaccharides (LPS) et l’interleukine 6 (IL-6). L’IL6 active la synthèse de l’hepcidine par la voie du facteur de transcription STAT3 [9]. Ce mécanisme permet de faire le lien entre la réponse immunitaire, l’homéostasie du fer et l’anémie inflammatoire associée au cancer. La production de l’hepcidine est inhibée en cas d’augmentation de l’érythropoïèse [10]. Initialement découverte pour son rôle antimicrobien, il semble que cette molécule soit issue de l’évolution de systèmes de défense de l’organisme, diminuant le fer disponible pour les agents pathogènes ou les cellules tumorales. De nombreuses autres protéines sont impliquées dans la régulation de l’absorption du fer comme la protéine HFE (Human hemochromatosis protein) codée par le gène HFE hemochromatosis dont les mutations sont responsables de la principale forme d’hémochromatose primitive. Dans ce cas, les patients sont atteints d’un déficit en hepcidine que l’on retrouve dans d’autres formes d’hémochromatose héréditaire [11]. Dans le cas de l’hémochromatose juvénile de type 2AB, la surcharge en fer est liée directement à une mutation du gène de l’hepcidine (HAMP, hepcidin antimicrobial peptide) sur le chromosome 19. La régulation du métabolisme du fer intracellulaire au niveau des cellules non érythroblastiques est basée sur le contrôle de la synthèse de la ferritine et du TfR, au stade post-transcriptionnel par des iron regulatory proteins dont l’action est modulée directement par la concentration en fer dans le pool labile, le fer non fixé à la ferritine et directement mobilisable [4]. Les marqueurs biologiques du bilan martial L’exploration du métabolisme du fer repose sur un nombre restreint d’examens [12]. Elle peut se réaliser à l’aide de Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 la cinétique d’absorption de l’isotope 59 Fe, rarement pratiquée. Le taux de fer circulant est un paramètre qui subit des variations nycthémérales importantes avec des maximas à midi et des minimas le soir. Son exploration est basée sur le dosage du fer plasmatique prélevé à jeun le matin et couplé au dosage de la transferrine. Les valeurs usuelles sont (pour des prélèvements effectués le matin à 8 h) : homme : 9 à 30 mol/L, femme : 8 à 28 mol/L. La transferrine est une bêtaglobuline capable de fixer 2 ions Fe3+ . On peut ainsi calculer le coefficient de saturation de la transferrine (CST), selon la formule : CST (%) = [concentration en fer plasmatique (mol/L)] / [25 x concentration en transferrine (g/L)] x 100. La valeur usuelle du CST est comprise entre 20 et 40 %. Autre marqueur du bilan martial, la ferritine est une protéine capable de fixer plus de 4 000 atomes de fer qui permet d’explorer les réserves en fer de l’organisme, soit 15 à 30 % du fer total. Sa valeur normale est de 50 à 350 ng/mL chez l’homme et de 30 à 120 ng/mL chez la femme. Le TfR est une protéine composée de deux sous-unités capable de fixer la transferrine [13]. Elle peut être clivée pour donner le TfRs, fragment sérique dont la concentration reflète l’expression cellulaire du récepteur. Comme la numération des réticulocytes, le TfRs est un marqueur sanguin du fer fonctionnel qui mesure l’efficacité de l’érythropoïèse en évitant d’avoir recours à des biopsies de moelle osseuse, la diminution du fer fonctionnel s’accompagnant d’une augmentation du TfRs [14]. Une revue de la littérature concernant l’utilisation du TfRs en tant que marqueur du statut martial a été publiée en 2009 [15], 9 essais ont été retenus, les auteurs ont conclu que le dosage plasmatique de TfRs peut améliorer le diagnostic de l’anémie dans les situations complexes où l’anémie inflammatoire et la carence martiale coexistent. Le TfRs est augmenté dans la carence martiale (où le fer n’est pas disponible pour l’érythropoïèse), alors que dans l’anémie inflammatoire le TfRs est normal car négativement régulé par les cytokines inflammatoires. En dehors des pathologies liées à une stimulation de l’érythropoïèse, une augmentation du TfRs est toujours associée à un déficit en fer. Devant la complexité du diagnostic d’une carence martiale en cas de syndrome inflammatoire associé, d’autres marqueurs ont été recherchés. Le contenu en hémoglobine des réticulocytes (CHr) est un paramètre qui permet d’estimer la disponibilité du fer de la moelle osseuse pour l’érythropoïèse dans les 2 jours qui ont précédé le dosage et donc permet de dépister les états de carence martiale relative, de manière extrêmement précoce. Le pourcentage d’hématies hypochromes représente directement la manière dont le fer est utilisé dans la synthèse de globules rouges. La ferritine érythrocytaire est un résidu de la ferritine érythroblastique. Elle est le reflet de la balance entre le fer disponible dans la moelle osseuse et le fer utilisable pour 389 Synthèse Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. la synthèse de l’hémoglobine. La baisse de la ferritine érythrocytaire témoigne d’une carence martiale vraie même si une anémie inflammatoire coexiste [16]. Enfin, compte tenu du rôle majeur du fer dans la maturation des érythrocytes, les paramètres hématologiques (hémoglobinémie, hématocrite, nombre d’érythrocytes, concentration hémoglobinique moyenne ou CCHM et volume globulaire moyen ou VGM) constituent des marqueurs indirects, peu sensibles et peu spécifiques, d’évaluation du fer fonctionnel. Les anomalies du bilan martial dans les cancers Les perturbations, au moins indirectes, du métabolisme du fer dans les pathologies cancéreuses pouvaient être suspectées depuis longtemps. En effet, l’anémie inflammatoire est un tableau fréquemment retrouvé au cours du cancer [17]. Or, la pathologie cancéreuse est fréquemment associée à un tableau inflammatoire chronique. Cet état inflammatoire peut conduire à un type d’anémie initialement normochrome, normocytaire, arégénérative qui se traduit par une baisse du CST liée à une diminution du fer plasmatique [18]. La cause n’est pas une carence d’apport en fer puisque les réserves de fer ne sont pas abaissées. En réalité, cette hyposidérémie est le résultat d’un stimulus inflammatoire très puissant lié à la sécrétion importante de cytokines proinflammatoires (IL-1a, IL-6, interféron gamma, TGF bêta, TNF alpha) par les cellules tumorales et les macrophages infiltrant le tissu tumoral. La lignée érythrocytaire est particulièrement affectée par cette inflammation chronique. La différenciation des progéniteurs érythrocytaires médullaires est inhibée par ces cytokines. Elles inhibent aussi la synthèse de l’érythropoïétine (EPO) et entraînent des phénomènes de résistance à l’EPO [19]. Enfin, elles agissent directement sur le métabolisme du fer en induisant une séquestration martiale, expliquant la possible évolution de ces anémies vers l’hypochromie et la microcytose (signes toutefois moins marqués que dans les anémies par carence martiale vraie). En effet, l’interféron gamma et le TNF␣ induisent l’expression de DMT1 et du TfR ayant pour conséquence une augmentation de la captation du fer par les macrophages qui, par ailleurs, augmenterait dans le même temps leurs propriétés antitumorales. Les interleukines 1 et 6 ainsi que le TNF␣ stimulent la production de ferritine. Aussi, l’augmentation de la ferritine plasmatique est une anomalie fréquemment observée au cours des cancers. Lors de la réponse immunitaire, l’IL-6 et les LPS stimulent la production hépatique de l’hepcidine qui inhibe l’absorption duodénale du fer et favorise la séquestration macrophagique du fer tout en limitant son recyclage. Ces mêmes stimuli 390 inflammatoires diminuent l’expression de la ferroportine au niveau des entérocytes duodénaux, par conséquent le transport du fer de l’entérocyte vers la transferrine est bloqué. Un autre mécanisme est lié à l’interleukine 10 (IL-10). Cette dernière augmente l’expression des récepteurs de la transferrine sur les macrophages et améliore leurs capacités d’importation de fer [20]. Les cytokines inflammatoires agissent également directement au niveau des progéniteurs érythroïdes, inhibent leur différenciation et leur prolifération [21] en provoquant leur apoptose ou en produisant des radicaux libres qui altèrent les capacités de liaison de l’érythropoïétine (EPO) à ses récepteurs. Le TNF␣ augmente l’apoptose des cellules érythroïdes et l’interféron gamma semble être l’inhibiteur le plus puissant de l’érythropoïèse. Ces phénomènes conduisent à une diminution du fer disponible, avec hyposidérémie, alors que les stocks martiaux sont intacts, voire augmentés. Cette carence martiale relative (ou fonctionnelle) associée à une séquestration martiale peut être visualisée par la coloration de Perls au niveau des cellules réticuloendothéliales de la moelle osseuse : on y observe une absence de fer érythroblastique (sidéroblastes) et la présence de fer dans le système réticulo-endothélial (macrophages). Le dosage des TfRs est corrélé à ces anomalies médullaires, en présentant un taux normal ou diminué. L’anémie inflammatoire au cours de la pathologie cancéreuse peut par ailleurs être associée aux autres causes d’anémie comme les carences en fer par saignement occulte, l’hémolyse, les métastases médullaires ou la myélosupression induite par les chimiothérapies. Le diagnostic différentiel est important pour une prise en charge adaptée. Il repose sur le bilan biologique comprenant un hémogramme, le dosage du fer plasmatique, le CST, la ferritinémie et le dosage de marqueurs de l’inflammation (tableau 1). Les anomalies du métabolisme du fer dans le cancer du sein Modèles précliniques Surcharge en fer des cellules tumorales mammaires Le pouvoir carcinogène du fer a été démontré dans de nombreux modèles animaux et cellulaires. Le rôle du fer est crucial pour le fonctionnement de ribonucléotide-réductase (RR), l’enzyme qui génère les nucléotides pour la synthèse et la réparation de l’ADN. Les cellules tumorales ont des besoins en fer augmentés car proliférant rapidement. L’exposition des cellules en division aux chélateurs de fer peut conduire à l’arrêt du cycle cellulaire. Des études précliniques portant sur la séquestration du fer par l’utilisation d’agents chélateurs du fer ont d’ores et déjà été rapportées Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 Fer et cancer du sein Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Tableau 1. Diagnostic biologique des anémies inflammatoires au cours des cancers (cas d’une anémie inflammatoire pure sans carence martiale associée). Hémogramme Anémie généralement modérée, de 90 et 110 g/L, normochrome, normocytaire, arégénérative pouvant évoluer vers une forme microcytaire modérée (70 > VGM > 80 fL) Hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile Thrombocytose Bilan martial Fer sérique bas CST abaissé ou normal CTF normale ou diminuée Ferritinémie élevée Ferritine érythrocytaire normale Récepteur soluble de la transferrine normal Biologie du syndrome inflammatoire Vitesse de sédimentation augmentée Fibrinogène augmenté Hyper-gamma et hyper-alpha-2-globulinémie Haptoglobine et CRP élevées [22]. Le chélateur généralement utilisé en pratique clinique dans le traitement des surcharges en fer, la déféroxamine (DFO) [23], a démontré dans les années 1980 des propriétés antitumorales, tant in vitro [22, 24] que in vivo [22] ainsi que dans le cadre d’essais cliniques du neuroblastome [25]. La DFO agit par déplétion du pool labile de fer, nécessaire à l’activité enzymatique de la RR. Toutefois, l’efficacité de la DFO est limitée en raison de sa faible capacité à traverser les membranes cellulaires et à lier le fer du pool labile. Elle ne s’est pas révélée efficace dans des modèles murins de leucémie aiguë myéloblastique et de carcinome du col utérin [26] et en clinique dans la prise en charge du cancer de la prostate [27]. Cependant, récemment une équipe japonaise a rapporté des résultats encourageants en utilisant de la DFO en perfusion intra-artérielle hépatique chez 10 patients atteints d’un carcinome hépatocellulaire. Le taux de réponse partielle était de 20 %, avec 30 % de stabilisation tumorale [28]. Les limites de la DFO ont encouragé le développement d’autres chélateurs plus efficaces. Les investigations se sont notamment portées sur un groupe de ligands de la classe des PIH (pyridoxal isonicotinoyl hydrazone). Ces agents ont montré une plus grande capacité de chélation que la DFO. En effet, les PIH ont montré une efficacité cytotoxique comparable à celle de la bléomycine et du cisplatine dans des modèles précliniques [29]. Cependant nous ne disposons pas actuellement d’études cliniques venant confirmer ces données chez l’homme. Les chélateurs de fer ont été utilisés in vitro sur les lignées cellulaires de cancer du sein et ont montré une certaine activité cytostatique [30]. En plus de la déplétion en fer, certains chélateurs de fer Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 peuvent avoir une activité antitumorale via une inhibition de l’activité de la topo-isomérase II ␣ [31]. De façon plus générale, les cellules cancéreuses présentent un déséquilibre de la balance en fer en faveur d’une élévation de la concentration intracellulaire de Fe3+ [32, 33]. Il a été montré qu’une une diète appauvrie en fer provoque chez le rat une diminution de la croissance des cancers de la glande mammaire [34]. L’étude de Pinnix et al. [1] récemment publiée met en lumière le rôle important que jouent la ferroportine et l’hepcidine dans les cancers du sein. Les auteurs ont tout d’abord montré que la ferroportine et l’hepcidine sont exprimées par les cellules cancéreuses mammaires en culture et que l’hepcidine régule négativement par un mécanisme post-transcriptionnel l’expression de la ferroportine dont les taux dans les cellules tumorales sont diminués par rapport aux cellules normales. La concentration en hepcidine est par ailleurs plus élevée dans les cellules tumorales que dans les cellules normales. L’augmentation du ratio hepcidine/ferroportine conduit à une augmentation de la ferritine et du fer labile dans les cellules cancéreuses. Plusieurs études ont montré une augmentation de la ferritine tissulaire dans les tumeurs solides dont le cancer du sein [35]. Les altérations de l’expression de la ferritine ont été retrouvées dans les lignées cellulaires du cancer du sein, mais aussi sur les tissus d’hyperplasie canalaire atypique et de carcinome canalaire in situ, ce qui laisse penser que la régulation positive du gène humain de la ferritine (FTH) intervient dans les étapes précoces de la carcinogenèse [36]. La surexpression du FTH a été retrouvée sur les lignées cellulaires du cancer du sein de phénotype mésenchymateux agressif [37]. Le micro-RNA 200b régule négativement le FTH et conduit à une meilleure réponse in vitro à la doxorubicine [37]. Le fer, un oxydant de l’ADN Le fer est à la fois un élément indispensable de la vie cellulaire, notamment au niveau de la respiration, mais aussi un élément toxique qui peut induire un stress oxydatif et des altérations de l’ADN. La mitochondrie produit à partir d’une partie de l’oxygène des espèces réactives oxygénées (ROS) comme l’anion superoxyde (O2 ˙-) et le peroxyde d’oxygène (H2 O2 ). Ces derniers sont transformés par la superoxyde dismutase (SOD), la catalase (CAT) et la gluthatione peroxydase (GPx) en eau. En présence d’anion superoxyde et de peroxyde d’hydrogène, le Fe3+ est réduit en Fe2+ qui catalyse (réactions de Fenton et Haber-Weiss) la production de radicaux hydroxyl très actifs capables de former des adduits au niveau de l’ADN et d’initier la carcinogenèse [38]. Le processus de la peroxydation des lipides produit du MDA (malondialdéhyde) qui interagit avec les bases guanine, adénine et cytosine de l’ADN. Les produits de 391 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Synthèse l’oxydation de l’ADN sont mutagènes et carcinogènes. Ces métabolites peuvent être détectés dans le sang, les tissus et les urines et représentent des biomarqueurs du stress oxydatif. mammaires, il semble donc qu’il se produise une boucle d’activation impliquant le fer et les estrogènes, boucle qui pourrait jouer un rôle majeur dans le développement des cellules cancéreuses [42]. Fer et estradiol : une synergie d’oxydation Les estrogènes favorisent la carcinogenèse par la stimulation de la croissance des tumeurs en activant les récepteurs aux estrogènes et également par la production de métabolites génotoxiques de l’estradiol. Les catéchols et leurs dérivés quinoliques peuvent induire des adduits d’ADN favorisant les mutations et seraient ainsi impliqués dans la tumorigenèse. Les dérivés oxydés des estrogènes stimulent la croissance des tumeurs mammaires [39]. La principale voie de détoxication de ces dérivés oxydés fait intervenir la COMT (catéchol O-méthyl transférase). Le stress oxydatif provoqué par le fer pourrait augmenter la production des métabolites génotoxiques (figure 1). De plus, il a été montré que l’administration d’estrogènes à des hamsters augmentait leur stock en fer et que, sur des cellules en culture, les estrogènes étaient responsables d’une augmentation du taux de fer intracellulaire et de l’expression du gène de la transferrine [40]. La transferrine présente aussi une action autocrine augmentant la prolifération cellulaire, y compris dans les zones hypoxiques [41]. Dans les cancers Fer, immunité et tumorogenèse Le stress oxydatif est aussi capable d’activer des voies de signalisation passant par les MAP kinases, d’affecter la régulation par AP-1 et NF-kappa B de l’expression de certains gènes impliqués dans la croissance cellulaire et la prolifération. Par ailleurs, un excès de fer peut aussi contribuer à un déficit immunitaire propice au développement des cellules cancéreuses par diminution des CD4 auxiliaires (helpers). Le fer a également des propriétés immunomodulatrices. La surcharge martiale induit une diminution de l’immunité humorale, de la phagocytose et altère la fonction des lymphocytes T [43]. Données cliniques Bilan martial, anémie et cancer du sein En 2001, l’étude prospective ECAS (The European Cancer Anaemia Survey) [44], observationnelle de tous les types de tumeurs solides ou hématologiques, a exploré la prévalence et l’occurrence de l’anémie chez 14 912 patients ; 39,3 % des patients étaient anémiés à l’inclusion. Parmi (2) Fe2+ + O2 + 2H + 3+ Fe + H2O2 + O·2 O2 + + OH-E2-Q OH- + + 2 Oxydant Fe2+ + CP450 Red (1) ·OH ·OH-E2-SQ CP450 Red Réducteur + OH-E2 2 Fe3+ + OH+ ·OH CYP1A CYP1B E2 Dommages aux lipides, protéines et ADN Figure 1. Rôle du Fer et de l’estradiol dans la production des espèces réactives oxydantes au niveau de la cellule épithéliale mammaire. Les réactions de Fenton (1) et Haber-Weiss (2) conduisent à la formation de radicaux libres ˙OH. Les métabolites catéchol-estrogènes (OH-E2) issus de l’hydroxylation de l’estradiol (E2) par les cytochromes P4501A ou 1B (CYP1A/1B) sont transformés en formes quinone (OH-E2-Q) et semi-quinone (˙OH-E2-SQ) sous l’action de la cytochrome P450 réductase. La production d’O˙2 contribue à l’accumulation de semi-quinone réactive capable de créer, comme les radicaux ˙OH, des dommages aux lipides, protéines et ADN des cellules. Fer et estradiol pourraient être à l’origine de ces dommages impliqués dans la cancérogenèse. 392 Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Fer et cancer du sein les 3 278 patientes atteintes de cancer du sein inclues dans l’étude ECAS, 62 % ont présenté une anémie au moins une fois pendant le suivi. Au stade métastatique, environ 30 % des patientes atteintes d’un cancer du sein présentent une anémie et 41 % présentent un taux sérique de ferritine augmenté. On retrouve dans ces données le tableau des anémies inflammatoires avec une surcharge en fer et une indisponibilité de ce dernier pour l’érythropoïèse. L’anémie est fréquente dans le cancer du sein localisé, sa prévalence, son degré et sa durée dépendent du stade de la maladie tumorale et des traitements anticancéreux employés. Les protocoles de chimiothérapie les plus utilisés dans le traitement adjuvant du cancer du sein induisent des taux d’anémie similaires, de l’ordre de 43 à 47 %, tous grades confondus [45]. Devant l’évidence de la myélotoxicité des drogues anticancéreuses, d’autres étiologies de l’anémie, notamment la carence martiale et l’anémie inflammatoire ne sont pas systématiquement recherchées dans un contexte de cancer en cours de traitement par chimiothérapie. Il s’agit cependant des deux causes les plus fréquentes d’anémie dans la population générale. Dans notre expérience, sur une série de 347 patientes traitées par chimiothérapie adjuvante et néoadjuvante pour un cancer du sein localisé, seulement 10,2 % présentaient une carence martiale selon une définition standard utilisant le fer sérique, le CST et la capacité de fixation de transferrine (CTF) et 6,3 % en utilisant comme critère diagnostique le dosage du TfRs [46]. La carence martiale ne permettait pas de prédire la survenue d’une anémie en cours de chimiothérapie dans cette population. En comparaison avec la population générale, non atteinte d’un cancer, dans l’étude NHNES (National health and nutrition examination survey) [47] aux Etats-Unis entre 2003 et 2006, la prévalence de la carence martiale était de 9 à 16 % chez les femmes en âge de procréer. Un travail suédois plus ancien [48], mais qui a utilisé comme critère de jugement la coloration de Perls sur myélogramme a montré, dans une population semblable, une prévalence de carence martiale de 34 %. La question se pose de savoir si plutôt qu’une carence, cette population de patientes au diagnostic d’un cancer du sein localisé ne présente pas une relative surcharge en fer. La littérature ne permet pas pour l’instant de répondre à cette question, d’autant plus qu’en l’absence de ferritinémie basse qui permet en pratique de diagnostiquer la carence martiale avec une bonne sensibilité, l’interprétation du bilan martial standard et notamment la différenciation entre la carence martiale vraie et la carence martiale fonctionnelle, reste difficile. L’examen de référence du diagnostic de la carence martiale vraie reste le myélogramme avec la coloration de Perls qui permet la visualisation directe des stocks Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 en fer mais en raison de ses contraintes cette exploration n’est pas réalisable en routine. Surcharge tumorale en fer et pronostic En plus des problèmes liés à la gestion de l’anémie des cancers, dès 1976, Jacobs et al. démontraient qu’une élévation de la férritinémie avait de plus une valeur pronostique péjorative dans les cancers du sein localisés [49]. Les concentrations en fer [50], en ferritine [51], en transferrine et en TfR [52] ont été rapportées comme augmentées dans le tissu mammaire tumoral comparativement au tissu sain. Le taux de ferroportine est diminué au niveau des zones tumorales invasives par rapport à l’épithélium normal ou au carcinome canalaire in situ. La faible expression de la ferroportine est corrélée avec un grade histologique élevé, l’absence de récepteurs aux estrogènes (RE), un envahissement ganglionnaire et les sous-types moléculaires agressifs (HER2+, luminal B et basal). Enfin, des taux tissulaires bas de ferroportine sont associés à un mauvais pronostic en termes de survie sans métastases. Les taux d’hepcidine pouvant moduler la valeur de l’expression de la ferroportine, il a été démontré qu’une valeur élevée de ferroportine et des valeurs basses d’hepcidine confèrent le meilleur pronostic avec 93 % de survie sans récidive à 5 ans [1]. Des valeurs élevées d’hepcidine sont corrélées avec un pronostic péjoratif semblable à celui de patientes présentant des taux bas de ferroportine. Les deux marqueurs, ferroportine et hepcidine, ont une valeur pronostique indépendante qui se confirme en analyse multiparamétriques sur la survie sans métastase, que ce soit dans la population globale ou dans la sous-population RE+ traitée par tamoxifène. Il a été récemment décrit une signature génomique de la régulation du fer (iron regulatory gene signature ou IRGS) intégrant les valeurs d’expression de 16 gènes impliquées dans les flux des molécules de fer (comme HFE et le gène codant pour le TfR) capable d’améliorer l’évaluation du pronostic de patientes atteintes d’un cancer du sein par rapport à des facteurs pronostiques classiques [53]. Ces données seront bien entendu à reproduire et à valider dans des études indépendantes. Fer et facteurs de risque de cancers Des associations significatives entre l’exposition professionnelle ou alimentaire à des taux importants de fer et certains cancers ont été décrites. Cependant, pour ce qui est du cancer du sein, cette relation est bien moins évidente [54]. Plusieurs études épidémiologiques ont évoqué le rôle de la surcharge martiale dans le développement du cancer. Il existe une littérature consistante pour ce qui est de l’association entre les mutations de type C282Y ou H63D du gène HFE qui sont à l’origine de surcharges en fer (mutations hétérozygotes) et de l’hémochromatose héréditaire de 393 Synthèse type I (mutations homozygotes) et le risque de cancer du sein, avec un Hazard Ratio compris entre 2,05 et 4,4 selon les études [55-58]. et thérapeutiques. L’ensemble de ces pistes d’applications cliniques reste cependant à confirmer dans des études cliniques dédiées. Conflits d’intérêts : aucun. Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 88.99.165.207 le 24/05/2017. Perspectives thérapeutiques liées au ciblage du métabolisme martial L’étude de Pinnix et al. montre dans un modèle de souris xénogreffées que la croissance tumorale est inhibée par la ferroportine. Cette piste ouvre la voie à de nouveaux traitements. Les chélateurs de fer semblent démontrer en phase préclinique un certain intérêt thérapeutique. La modulation des protéines de transport du fer pourrait jouer un rôle adjuvant aux thérapies classiques et la modulation des taux d’hepcidine pourrait enfin être envisagée en tant que régulateur de l’expression de la ferroportine. Même si les premiers résultats de ciblage thérapeutique des protéines et des gènes impliqués dans le métabolisme du fer sont intéressants, pour l’instant, les données concernant l’oncologie sénologique ne sont pas suffisantes pour modifier la pratique clinique. Aucun niveau de preuve raisonnable n’existe actuellement pour contre-indiquer une supplémentation martiale chez des patients présentant une carence martiale avérée. Cependant, il faut rester prudent et toujours considérer en pré requis l’évaluation des réserves martiales de l’organisme. Il est inutile, et potentiellement délétère, de majorer une surcharge en fer liée, par exemple, à l’inflammation tumorale. Des recommandations de niveau scientifique raisonnable ne pourront de toute façon être émises que suite à la réalisation d’études cliniques interventionnelles dédiées chez des patients atteints de cancers, tant pour ce qui est de l’efficacité et de l’innocuité de la correction des carences que pour ce qui est de la lutte contre la surcharge martiale induite par le cancer. Conclusion La surcharge martiale participe à la carcinogenèse via la production de radicaux libres, la genèse du stress oxydatif, l’immunomodulation et l’interaction avec d’autres carcinogènes. L’anémie dans le cadre du cancer du sein est souvent associée à un état inflammatoire et à une hypersidérémie intracellulaire. Cette « intoxication » cellulaire ferrique semble être associée à un mauvais pronostic. La ferroportine et l’hepcidine, deux molécules dont le rôle dans le métabolisme du fer a été récemment découvert, semblent être les intervenants majeurs impliqués dans cette surcharge en fer. Le métabolisme martial apparaît donc comme un nouvel axe de recherche translationnelle en cancérologie mammaire avec d’intéressantes potentialités préventives 394 Références 1. Pinnix ZK, Miller LD, Wang W, D’Agostino R, Kute T, Willingham MC, et al. Ferroportin and iron regulation in breast cancer progression and prognosis. Sci Translat Med 2010 ; 2 : 43-56. 2. Frazer DM, Wilkins SJ, Becker EM, Murphy TL, Vulpe CD, McKie AT, et al. A rapid decrease in the expression of DMT1 and Dcytb but not Ireg1 or hephaestin explains the mucosal block phenomenon of iron absorption. 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