L e s p u b l i c s
PRÉAMBULE ( s u i t e )
Les logiques des politiques culturelles (rappel)
Les travaux de Jean-Claude Passeron2, Raymonde Moulin3et Pierre-Michel Menger4p e r-
mettent d’opposer deux principales logiques d’action orientant les politiques culturelles :
-1- le projet de conversion de l’ensemble d’une société à l’admiration des oeuvre s
consacrées par la critique savante ou les connaisseurs cultivés. On retrouve ici, après les préoccupations
des représentants de la philosophie des Lumières, celles de Malraux ministre des affaires culturelles. C’est
ce que P.M. Menger appelle la démocratisation :«la conversion du grand nombre au culte et à la fré -
quentation de l’art savant, et solidairement l’aide au renouvellement de l’offre, ( l o g i q u e ) qui consolide
d ’ a b o r d le pouvoir des professionnels de la création».
-2- la démocratie culture l l e, c’est-à-dire la réhabilitation des cultures populaires,
soit pour inverser les valeurs culturelles à leur profit, soit pour ouvrir le champ des productions culturelles
légitimes à certaines formes d’expressions populaires (populisme culturel). P.M. Menger considère que
cette logique tend à «l’avènement d’une démocratie culturelle, pour la déconstruction, l’abolition ou l’in -
version des divisions hiérarchisantes sur lesquelles est fondée la domination de la culture savante et de la
classe sociale qui fait de celle-ci l’un des instruments de son pouvoir (art pur/art fonctionnel; création
o r i g i n a l e / c u l t u re d’emprunt, culture universelle et autonome/culture locale et hétéronome, etc.). Elle
entend révoquer les partages fonctionnels qui perpétuent les privilèges de la culture savante, en célébrant
la créativité, l’amateurisme, le relativisme égalitaire, la coexistence non concurrentielle des différe n c e s
c u l t u re l l e s . »
Si la démocratisation culture l l e correspond à une vision normative de l’action culturelle ten-
dant à « c o n s e rver et diffuser les formes héritées de la culture savante», la démocratie culture l l e r é p o n d
quant à elle à une vision relativiste cherchant à réhabiliter les cultures spécifiques de divers groupes
sociaux, ainsi que «la déhiérarchisation du corpus artistique (...) et l’extension du concept d’art . »5
Ces deux logiques ne sont cependant pas exclusives l’une de l’autre. Comme le remarque
Raymonde Moulin, elles peuvent être mises en oeuvre de façon simultanée. Mais, une division du travail
a été opérée entre les différentes directions d’administration centrale6.
Au terme de sa réflexion et de ses auditions, le groupe de travail «publics» considère que
la volonté, dans le domaine des musiques actuelles, de placerle public au coeurdes politiques obli-
ge désormais à conjuguer démocratisation et démocratie culture l l e s .
2Le raisonnement sociologique, Paris, Nathan, 1991.
3L’artiste, l’institution et le marché, Paris, Flammarion, coll. Champs, 1997, p. 90-98.
4 «L’État-Providence et la culture», in. F. Chazel, ss la dir. de, Pratiques culturelles et politiques de la culture,
Bordeaux, M.S.H d’Aquitaine, 1990, p. 44-45.
5 Moulin (R), op. cit., p. 91.
6 ibid, p. 92. 94
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