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médecins n° 38 janvier-février-mars 2015
focus
santé (ARS) auront la gouvernance
de cette organisation et bénéficieront
de moyens juridiques et financiers
pour le fonctionnement de ce ser-
vice. L’Ordre n’est pas opposé à cette
gouvernance mais s’alerte de l’ab-
sence de contre-pouvoirs au moment
des prises de décision, entièrement
dévolues aux directeurs généraux
des ARS (DGARS). La représentati-
vité des acteurs professionnels et
des usagers est en effet diluée au
sein de commissions uniquement
consultatives qui n'ont aucun pou-
voir de décision. « Nous assistons
à une tentative de mise sous coupe
administrée de l’ensemble des acti-
vités médicales. Le plus surprenant,
c’est que cette proposition d’orga-
nisation est en totale contradic-
tion avec les discours ministériels
promouvant la démocratie sani-
taire, insiste le Dr Patrick Bouet,
président de l’Ordre des médecins.
Il faut que la ministre fasse des pro-
positions fortes dans lesquelles les
contre-pouvoirs dans les territoires
et au sein des ARS soient assurés au
moment de la prise de décision. »
Par ailleurs, l’organisation prévue
par le projet de loi risque de créer
d’importantes iniquités entre les
territoires. En effet, les moyens
financiers ne sont pas les mêmes
entre des régions. Des inégalités
qui peuvent être renforcées par les
choix des DGARS concer-
nant les affectations
budgétaires. Ce système
inégalitaire existe déjà
pour la permanence des
soins. L’Ordre a ainsi
constaté des différences
de budget par habitant
allant du simple au triple
d’un territoire à un autre. Il
est donc indispensable que
la politique nationale garan-
tisse aux citoyens un égal accès
aux soins, quel que soit leur lieu
de résidence. « Tout ceci n’est pas
acceptable ! La population doit être
traitée de façon équivalente sur
l’ensemble du territoire. L’État ne
peut se désengager du pilotage et
de la gouvernance de son système
de santé ! ».
→ L’extension des compé-
tences de certains profes-
sionnels de santé
Sur cette question égale-
ment ce n’est pas tant le fond que la
forme qui pose problème. L’Ordre
n’est pas opposé à une évolution des
pratiques professionnelles mais le
transfert d’actes médicaux vers
d’autres professionnels ne se décrète
pas brusquement. Il nécessite dans
un premier temps une analyse soi-
gneuse des contenus, des pratiques
interprofessionnelles et des besoins
de la population. Il faut ensuite
qu’une concertation soit menée
avec les organisations représenta-
tives et ordinales des professions
concernées. Il sera alors possible
de définir les actes pour lesquels
les compétences seront partagées,
rédiger les référentiels métiers et
mesurer les conséquences organisa-
tionnelles, économiques, juridiques
et déontologiques que cela entraîne-
rait. Autre incohérence relevée par
le conseil national : la délégation
de compétences, telle qu’imaginée
dans le projet de loi, entre en contra-
diction avec le parcours de soins.
« Madame la ministre nous annonce
d’un côté que les pharmaciens pour-
raient vacciner, alors que de l’autre,
elle martèle que le parcours de soins
est fondamental, et que le médecin
traitant est l’acteur régulateur dudit
parcours de soins. Mais comment
un médecin traitant va-t-il pouvoir
suivre ses patients dans ces condi-
tions ? interroge le président de
l’Ordre. Notre recommandation est
donc claire : nous voulons que soient
retirés les textes sur ce sujet. Nous
souhaitons travailler entre acteurs,
sous l’organisation de l’État, pour
déterminer comment partager les
compétences et comment être effi-
cace au service du patient. »
→ La refondation du service
public hospitalier
Le projet de loi prévoit
également de redéfinir
le service public hospitalier selon
des blocs d’obligations à respecter.
Telles que définies actuellement, ces
obligations aboutiraient à la margi-
nalisation des établissements privés
dans le service public hospitalier. À
titre d’exemple, les établissements
privés ne pourront plus accéder au
service public si certains de leurs
praticiens exercent en secteur II.
Une contrainte d’autant plus mal
vécue qu’elle n’existe pas dans le
secteur public. « Il est nécessaire que
les deux secteurs concourent dans
les mêmes conditions au service
public afin de ne pas briser l’élan
des établissements privés qui sou-
haitent s’y intégrer. »
→ La généralisation du tiers
payant d’ici à 2017
Lors d’une consultation
de l’Inspection Générale
des Affaires Sociales, l’Ordre avait
répondu que la généralisation du
tiers-payant n’était pas contraire
à la déontologie médicale. L’Ordre
prône néanmoins une première
étape non obligatoire de mise en
place progressive du tiers-payant
qui prévoirait une évaluation
du dispositif, ainsi que des garanties
de simplicité pour les professionnels.