20 • GENESIS - N°124 - octobre 2007
C
ette constatation ne paraît pas remettre en
cause les possibilités de chirurgie conser-
vatrice, associée à la chimiothérapie et la
radiothérapie.
Le cancer du sein touche près de 42 000 femmes par
an en France ; il s’agit principalement de femmes
ménopausées, mais il survient avant 40 ans dans
10 % des cas et avant 35 ans dans 3 % des cas,
autrement dit chez des femmes potentiellement
désireuses de grossesse. Les aspects spécifiques liés
à ce contexte (cancer du sein survenant pendant
une grossesse, survenue d’une grossesse après can-
cer du sein) feront l’objet d’un prochain article.
Contrairement à certaines idées reçues, ces chiffres
sont stables depuis des années, avec une incidence
estimée à 26,7 pour 100 000 dans la tranche 30-35 ans,
contre 220 dans la tranche 50-55 ans (1). Certains
aspects sont spécifiques à la femme jeune.
■ Des spécificités diagnostiques,
histologiques, pronostiques…
Le tissu mammaire est dense chez la femme jeune, et
il est parfois difficile cliniquement surtout en phase
pré menstruelle, d’affirmer le syndrome tumoral.
Les mammographies sont aussi parfois difficiles à
lire. C’est dire l’importance de l’échogrographie
mammaire réalisée par un radiologue entraîné,
complément indispensable de la mammographie.
Doit-on pour autant proposer un dépistage sys-
tématique chez la femme de moins de 40 ans ?
Le sujet suscite des controverses et la tendance
s’oriente vers un dépistage individuel. Compte tenu
de la faible incidence avant 40 ans, ce dépistage
concerne essentiellement les populations « à ris-
que ». Sur le plan histologique (4), la variété cana-
laire infiltrante est prédominante, aux alentours
de 80 % avec 10 % de formes lobulaires. Le grade
histologique est généralement élevé : grade 2 chez
30 % des patientes, grade 3 chez 60 % des patien-
tes. Les récepteurs hormonaux ne sont présents
que dans 57 % des cas. On retrouve une augmen-
tation du taux d’expression de la protéine p53. Il
existe donc une tendance propre à la femme jeune
de présenter des facteurs de mauvais pronostic.
De fait, la survie à 5 ans semble inférieure d’au moins
10 % (5) à celle de la forme habituelle, probablement
parce que les stades 0 et 1 sont plus rares et les for-
mes de haut grade histopronostic plus fréquents, de
même que la faible hormono sensibilité des tumeurs,
la réaction stromale lymphocytaire plus prononcée
et la fréquente surexpression de l’HER2.
Paradoxalement, le pronostic des cancers ayant une
prédisposition génétique ne diffère pas des autres.
La probabilité de survie sans récidive est de 60 %
Les particularités du cancer du sein
chez la femme jeune (1
re partie : en dehors de la grossesse)
Se pose la question d’une prédisposition
génétique du cancer du sein chez la femme
jeune.
●
Les formes héréditaires sont rares : moins
de 10 % de ces cas, avec 3 gènes actuellement
reconnus : BRCA 1 essentiellement et BRCA
2, dont les mutations ont été fréquemment
retrouvées (2), mais aussi TP53, dans le
syndrome de Li et Fraumeni (7). Ces femmes
jeunes sont souvent les premières de la
famille à porter une mutation d’un gène de
prédisposition. D’autres aspects génétiques
seront probablement définis dans le futur.
●
L’âge de la première grossesse ayant
tendance à s’allonger, l’association cancer
du sein et grossesse est rare mais possible.
La grossesse semble facteur pronostic péjoratif
indépendant (3). Contrairement à certaines idées
préconçues, la grossesse ultérieure ne semble
pas influencer le pronostic du cancer traité, mais
il est conseillé d’attendre 2 à 3 ans après
le traitement, avec un bilan complet d’extension
négatif.
Il existe une diminution significative du risque
de cancer du sein chez les patientes ayant allaité,
diminution proportionnelle au nombre de mois
d’allaitement.
●
Et la contraception orale ? Il semble que la
contraception estroprogestative n’ait qu’une
action promotrice, sur une tumeur préexistante.
Le cancer invasif de la femme jeune est défini comme un cancer
survenant chez une femme de moins de 35 ans.
Le jeune âge de survenue semble être en lui-même un facteur
pronostique péjoratif, avec un risque de récidive locale accentué
et une survie globale diminuée.
DES INFLUENCES GÉNÉTIQUES ET HORMONALES
ÉRIC SEBBAN
Chirurgien gynécologue
et oncologue
Clinique Hartmann,
Neuilly-sur-Seine
4
LA LETTRE DU CHIRURGIEN Fiche n° 44
1. Greenlee RT, Murray T, Bolden S, Wingo PA . CA Cancer j Clin
2000, 50, 7-33.
2. Eisinger F, Alby N, Bremond A et al bull. Cancer 1999, 86,
307-313.
3. Bonnier P, Romain S, Dilhuydi JM, Bonichon F, Martin PM, Piana
L. int. J. Cancer 1997, 72, 720-727.
4. Bertheau P, Steinberg SM, Cowan K, Merino MJ Semin Diagn
Pathol 1999, 16, 248-256.
5. Chung M, Chang HR, Bland KI, Wanebo H, J Cancer 1996,
77, 97-103.
6. Goldhirsch A, Glick JH, Gelber RD, Senn HJ, J Natl Cancer inst
1998, 990, 1601-1608.
7. Eng C, Schneider K, Fraumeni JF, LI FPCancer Epidemiol.
Biomarkers. prev 1997, 6, 379-383.
8. Fourquet A, Campana F, Zafrani B et al. Int. J. Radiat. Oncol.
Biol. Phys 1989, 17, 719-725.
BIBLIOGRAPHIE
Il existe donc
une tendance
propre à la
femme jeune
de présenter
des facteurs
de mauvais
pronostic.
«
»