Université de Montréal
La bioéthique et les conflits armés :
la réflexion éthique des médecins militaires
par
Christiane Rochon
Programme des Sciences Humaines Appliquées
Faculté des Arts et des Sciences
Thèse présentée à la Faculté des Arts et des Sciences
en vue de l’obtention du grade de PhD
en Sciences Humaines Appliquées
option Bioéthique
Décembre 2014
© Christiane Rochon, 2014
Université de Montréal
Faculté des études supérieures et postdoctorales
Cette thèse intitulée:
La bioéthique et les conflits armés :
la réflexion éthique des médecins militaires
présentée par
Christiane Rochon
A été évaluée par un jury composé des personnes suivantes:
____________________________
Président rapporteur
Vardit Ravitsky
____________________________
Bryn Williams-Jones
Directeur de recherche
____________________________
Membre du jury
Annie Pullen Sansfaçon
____________________________
Examinateur externe
Georges A. Legault
____________________________
Représentant du doyen
i
Résumé
Le but de la recherche est d’étudier les tensions éthiques que peuvent vivre les médecins
militaires, qui doivent agir à la fois comme soignants, militaires (même s’ils sont non
combattants) et parfois comme acteurs humanitaires. Parmi la littérature sur l’éthique de la
médecine militaire, les dilemmes la concernant sont souvent présentés comme le fruit de
pressions réelles ou perçues provenant de l’institution militaire, des règles, codes, lois ou de
politiques, ceci afin de détourner le médecin de son but premier, soit l’intérêt du patient. Pour
mieux comprendre les défis éthiques auxquels sont confrontés les médecins militaires
canadiens et comment ceux-ci les traitent, la recherche utilise une approche de bioéthique
empirique. À partir d’une analyse de la littérature, nous examinons les dilemmes éthiques des
médecins militaires, le concept de profession, ainsi que les codes d’éthique (médicaux et
militaires) canadiens. L’expérience éthique est ensuite explorée à partir d’entrevues semi-
directives effectuées auprès de quatorze médecins militaires ayant participé à des missions
opérationnelles, notamment à Kandahar en Afghanistan, entre 2006 et 2010.
Les résultats, tant conceptuels qu’empiriques, nous indiquent que plusieurs nuances
s’imposent. Tout d’abord, les médecins militaires canadiens ne vivent pas les dilemmes tels
qu’ils sont présentés dans la littérature, ni en nombre ni en fréquence. Ils sont conscients qu’ils
doivent à la fois tenir compte de l’intérêt du patient et du bien commun, mais n’en ressentent
pas pour autant un sentiment de double loyauté professionnelle. De plus, ils ont l’impression
de partager l’objectif de la mission qui est de maintenir la force de combat. Des distinctions
s’imposent aussi entre les médecins eux-mêmes, dans la conception qu’ils se font de leur
profession, ainsi que dans les contextes (opération ou garnison), selon le type de travail qu’ils
exercent (généraliste ou spécialiste). Les principaux défis éthiques rapportés portent sur les
inégalités de soins entre les soldats de la coalition et les victimes locales (soldats et civils),
ainsi que sur le manque de ressources, engendrant des décisions cliniques éprouvantes. Un
résultat étonnant des entrevues est la présence de deux groupes distincts au plan de
l’identification professionnelle. Huit médecins militaires se considèrent avant tout comme
médecin, alors que les six autres ne sont pas arrivés à accorder une priorité à l’une ou l’autre
des professions. Ces deux groupes se différencient également sur d’autres plans, comme le
ii
nombre et le type de défis éthiques identifiés, ainsi que les mécanismes de résolution des
dilemmes utilisés. Malgré les formations éthiques offertes par l’institution, des lacunes
subsistent dans la capacité d’identification des expériences éthiques et des valeurs impliquées,
de même que des mécanismes de résolution utilisés. Compte tenu du faible échantillonnage,
ces résultats sont difficilement généralisables. Néanmoins, ils peuvent nous inspirer au niveau
théorique en faisant ressortir le caractère multidimensionnel de la médecine militaire, ainsi
qu’au niveau pratique en nous permettant de suggérer des éléments de formation facilitant la
réflexion éthique des médecins militaires.
Mots-clés : éthique professionnelle, médecins militaires, dilemmes éthiques, codes de
déontologie, double loyauté, bioéthique empirique
iii
Abstract
The aim of this project is to study the ethical tensions that can be experienced by military
physicians who must be, at the same time, healers, soldiers (even if they are non-combatants)
and sometimes humanitarian actors. In the literature on the ethics of military medicine,
potential ethical dilemmas are often presented as the result of pressures, real or perceived,
from the military institution, rules, codes, laws or policies that divert physicians from their
primary goal, i.e., the interest of the patient. To better understand the ethical challenges faced
by Canadian military physicians and how these are dealt with, this project uses an empirical
bioethics approach. Based on a literature review, I examine the ethical dilemmas of military
physicians, the concept of profession, and Canadian codes of ethics (medical and military).
The ethical experience is then explored through semi-structured interviews with 14 military
physicians who participated in operational missions, particularly in Kandahar, Afghanistan
between 2006 and 2010.
Both the conceptual and empirical results indicate that nuance is required. First, Canadian
military physicians do not experience dilemmas as presented in the literature, in number or in
frequency. They are aware that they must take into account both the patient’s interest and the
common good but do not experience this as a sense of dual professional loyalty. In addition,
they feel that they share the mission objective, which is to maintain the fighting force.
Distinctions are also needed between physicians themselves, in the conception they have of
their profession, and in the context (training or garrison) and the type of work they do (general
practitioner or specialist). The main dilemmas reported concern inequalities in the provision of
care between coalition soldiers and locals (soldiers and civilians) as well as the lack of
resources that generate challenging clinical decisions. A surprising result of the interviews is
the presence of two distinct groups in terms of professional identity. Eight military physicians
saw themselves primarily as physicians, while the other six did not give priority to one or the
other professions (military or medicine). These two groups differ in other dimensions, such as
the number and type of identified ethical challenges and dilemma resolution mechanisms.
Despite the ethical training courses offered by the military institution, gaps persist in the
ability to identify ethical experiences, the values involved and the appropriate resolution
1 / 287 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !