Enzyme de conversion L’enzyme de conversion de l’angiotensine I (ECA ou angioconvertase) est une dipeptidyl-carboxypeptidase de nature glycoprotéique, activant l’angiotensine I en angiotensine II et inactivant la bradykinine. L’activité enzymatique est étroitement associée à l’endothélium des vaisseaux de tous les organes, en particulier les poumons, peut-être en raison de leur grande surface vasculaire. Il existe d’autres sites cellulaires d’activité : l’épithélium tubulaire proximal du rein, l’épithélium de l’intestin grêle, les cellules des plexus choroïdes. Il n’existe pas d’inhibiteur naturel de l’angioconvertase, ce sont tous des produits de synthèse chimique utilisés dans le traitement de l’insuffisance cardiaque et de l’infarctus du myocarde avec dysfonction systolique ventriculaire gauche. Une forme libre et active de l’enzyme est présente dans le sérum, où son activité est quantifiable. De nombreuses techniques ont été utilisées : fluorimétriques, radiométriques, chromatographiques. La plupart utilisent un substrat synthétique (FAPGG), mais elles sont nombreuses quant à leur mode de réalisation. L’absence de standardisation de cette méthode oblige chaque laboratoire à déterminer ses propres normes en fonction de la concentration de substrat mise en jeu, l’activité de l’enzyme étant semble-t-il fortement substrat-dépendante. Les valeurs usuelles chez l’adulte sont dans notre laboratoire de 30 à 100 U/l. Des taux élevés d’angioconvertase sont observés principalement dans la sarcoïdose ou maladie de BesnierBoeck-Schaumann (BBS). Il s’agit d’une granulomatose, ou plutôt d’une maladie de système caractérisée par l’existence d’un ou de plusieurs granulomes. La localisation la plus fréquente est le poumon, accompagnée d’adénopathies médiastinales. L’atteinte cutanée est fréquente, l’association de signes pulmonaires et cutanés étant typique de l’Europe du Nord, zone géographique la plus touchée par cette maladie. Des localisations lymphoïdes et articulaires sont aussi fréquemment retrouvées, plus rarement des formes osseuses et musculaires. Les autres localisations sont plus rares. Une activité enzymatique élevée dans un contexte clinicoradiologique évocateur (atteinte radiologique du parenchyme pulmonaire avec ou sans adénopathies médiastinales, splénomégalie, hépatomégalie, lésions cutanées, adénopathies périphériques) constitue un argument en faveur du diagnostic. L’augmentation de l’angioconvertase serait en rapport avec une production anormale de l’enzyme par les macrophages situés au niveau des lésions tissulaires induites par la maladie. L’élévation de l’angioconvertase est rencontrée dans 50 à 75 % des sarcoïdoses. Les taux les plus élevés sont retrouvés au cours des stades II et chez des patients ayant une dissémination extra-thoracique. L’étiologie de cette pathologie est inconnue, elle ne semble ni bactérienne (bien que des mycobactéries aient été incriminées) ni virale, ni toxique, ni fongique. L’absence d’autoanticorps semble exclure un phénomène d’autoimmunité. En l’absence de traitement, on note une bonne corrélation entre l’évolution du taux d’angioconvertase et les données clinicoradiologiques, avec notamment normalisation des taux lors des guérisons spontanées. Chez les malades traités par les corticoïdes, on note un abaissement significatif du taux d’angioconvertase. L’intérêt du dosage de l’angioconvertase dans la sarcoïdose est donc à la fois diagnostique et pronostique : • sa valeur diagnostique est cependant limitée par l’existence de taux élevés dans les pneumoconioses, d’aspect radiologique souvent identique à celui de la sarcoïdose. Néanmoins, ce dosage présente un intérêt dans la phase active de la maladie : l’élévation du taux de l’angioconvertase renseigne sur l’importance des granulomes extra- et intrathoraciques. Ce dosage doit donc être inclus dans le bilan de tout malade atteint de sarcoïdose ; cependant, sa sensibilité n’est que de 60 à 80 % selon les études et les stades : une enzyme de conversion normale n’exclut donc pas une sarcoïdose ; • en terme de pronostic, un taux initial peu élevé d’angioconvertase présage en règle générale une évolution favorable. Le renouvellement des dosages est intéressant chez les sujets non traités dont l’image radiologique persiste. Chez les malades traités, le dosage de l’angioconvertase représente un élément de surveillance, la décroissance des taux étant secondaire au traitement par les corticoïdes. Dans les autres affections pulmonaires, les pneumopathies immunoallergiques, la tuberculose, les silicoses et l’asbestose, on note une augmentation significative de l’angioconvertase sans relation avec l’intensité des lésions. L’activité de l’angioconvertase augmente dans des pathologies aussi diverses que les hépatites, les rétinopathies diabétiques, l’hypertension artérielle rénovasculaire, la lèpre, la maladie de Gaucher et certaines formes d’hypothyroïdie. L’activité de l’enzyme peut être déterminée dans le liquide bronchoalvéolaire. Provenant de la transsudation plasmatique, elle y est normalement faible. Elle augmente au cours de la phase active de la sarcoïdose pulmonaire sans que l’on en connaisse très bien l’origine (synthèse locale par les macrophages ou transsudation plus importante liée à l’inflammation ?). Son intérêt s’est révélé récemment, au cours de différentes pathologies du système nerveux central, particulièrement malignes ou inflammatoires. Son dosage est alors réalisé dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) et s’accompagne d’une augmentation des protéines totales de ce LCR due à la modification de la perméabilité de la barrière hémato-méningée. Ce test peut être utilisé soit pour éliminer une neurosarcoïdose, soit pour établir un diagnostic positif de cette maladie, mais dans les deux cas en associant d’autres tests diagnostiques. Les valeurs usuelles y sont de 0,2 à 1,2 U/l ; mais il n’existe pas de corrélation entre les valeurs du LCR et celles du sérum, alors qu’il existe une corrélation angioconvertase-protéines dans ce même liquide. Le résultat ne peut donc être interprété qu’en fonction du taux des protéines totales. Des valeurs sériques basses, voire nulles se rencontrent dans différentes circonstances : • une cause génétique ; • une cause iatrogène : traitement de l’hypertension artérielle et de l’insuffisance cardiaque par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et, bien sûr, traitement par les corticoïdes ; • une atteinte de l’endothélium vasculaire, car les cellules endothéliales des vaisseaux sanguins sont la première source de cette enzyme ; c’est le cas des formes graves de fibrose pulmonaire interstitielle, des cancers, des lymphomes. Le gène de l’angioconvertase a été cloné et étudié. L’étude du polymorphisme de l’intron 16 de ce gène a montré l’existence d’une délétion (D) et d’une insertion (I) définissant les génotypes DD, II, DI. Le génotype DD entraîne une élévation significative du taux d’angioconvertase circulant. Le génotype DD de l’angioconvertase est lié de manière significative à l’hypertrophie ventriculaire gauche, à l’infarctus du myocarde, à la sténose après angioplastie, aux cardiomyopathies ischémiques idiopathiques et à l’hypertension artérielle essentielle. Chez les diabétiques, l’absence de néphropathie est liée au génotype ID ou II avec un taux d’angioconvertase stable ou diminué. Le dosage de l’enzyme de conversion n’a pas d’indication dans le diagnostic ou le suivi thérapeutique d’une hypertension artérielle essentielle. En revanche, son dosage élevé pourrait être considéré comme un facteur prédictif (lié au génotype DD) des maladies cardiovasculaires. ( Baudin B. L’enzyme de conversion de l’angiotensine I (ECA) dans le diagnostic de la sarcoïdose. Pathol Biol 2005 ; 53 : 183-188.