propriétaires8. Pour autant, la recherche de profit ne constitue pas toujours le moteur de
l’action administrative et l’exploitation de la propriété publique incorporelle par
l’administration répond à des enjeux diversifiés. L’intervention économique de la puissance
publique peut tout d’abord avoir pour but de maintenir une certaine diversité sur des marchés
de plus en plus caractérisés par la concentration des droits de propriété intellectuelle9. Elle
peut encore participer à l’accomplissement des missions de diffusion dont sont en charge
certains services publics10, ou encore agir comme « vecteur » du service public en participant
à l’amélioration des relations de l’administration avec ses administrés11. Par conséquent, les
enjeux de l’exploitation de la propriété publique incorporelle ne sont pas toujours
exclusivement financiers, même lorsqu’ils se réalisent selon des modes d’intervention
commerciaux.
L’idée d’exploitation est, dans l’univers juridique, accompagnée d’un second présupposé : le
droit administratif y serait farouchement opposé12. Ce dernier a longtemps été considéré
comme un pôle de résistance à l’entrée des logiques économiques dans l’action publique13. Il
offrait alors un cadre juridique contraignant à la gestion, par la puissance publique, de ses
propriétés publiques incorporelles. Que reste-t-il de celui-ci ? A quelles utilités la propriété
publique incorporelle est-elle aujourd’hui dédiée ?
8 Rapport « L’économie de l’immatériel, La croissance de demain », rapport de la commission sur l’économie de
l’immatériel, Ministère de l’économie des finances et de l’industrie, M. Lévy, J.-P. Jouyet, 2007. Les auteurs du
rapport sur l’économie de l’immatériel soulignent que « ne pas prendre conscience de l’importance des actifs
immatériels publics, c’est nous priver d’un double dividende. D’une part, un dividende financier pour les acteurs
publics. D’autre part, un dividende de croissance pour notre économie ».
9 Il en est ainsi dans le secteur de l’image culturelle, affecté par un mouvement de concentration des droits au
profit de grandes entreprises multinationales. J. Deville, Les bibliothèques dans le marché du patrimoine écrit et
graphique, BBF 2000, Paris, t. 45, n°2 p. 52 : « La vente de reproductions d’images tirées des fonds conservés
permet aux bibliothèques d’apporter, sur un marché essentiellement destiné aux professionnels de l’édition et de
la communication, une quantité non négligeable de documents, qui apparaissent complémentaires de ceux que
diffusent les grandes agences d’illustration privées. Dans ce dernier cas, l’enjeu pour les bibliothèques ne réside
pas seulement dans la possibilité de réaliser des recettes, susceptibles de couvrir une partie de leurs coûts de
fonctionnement. Leur intervention commerciale ne se justifie pleinement que s’il s’agit de préserver la diversité
des sources exploitables par la recherche et l’édition ; voire d’empêcher qu’un opérateur marchand
monopolistique puisse s’instituer en intermédiaire obligé entre les collections des bibliothèques et leur public.
Pour autant les ressources dégagées par la vente des reproductions ne sont pas négligeables ».
10 A propos du transfert de technologie dans le cadre de la recherche publique. P. Le Hir, Les chercheurs –
inventeurs font fifty-fifty avec le CNRS, Le Monde, 10 octobre 2006, citant M. Ledoux, directeur de la politique
industrielle du CNRS : « Si nous essayons d’inculquer à nos chercheurs la culture du brevet, ce n’est pas
seulement par intérêt financier. C’est aussi pour que le résultat de leur travail profite le plus vite possible à la
collectivité. C’est notre mission d’organisme public ».
11 Les revues locales, les sites internet, plaquettes ou guides de renseignements administratifs sont autant de
nouveaux moyens de communication qui, en réalisant la proximité de l’administration avec ses usagers,
participent à l’amélioration du service public.
12 J. Caillosse, Le droit administratif contre la performance publique ?, AJDA 1999, chroniques, p. 195.
13 S. Bernard évoque le double présupposé sur lequel se sont longtemps appuyés les pouvoirs publics : « celui de
l’incapacité du droit administratif à favoriser [la recherche de rentabilité des activités publiques] et,
symétriquement, celui de la capacité du droit privé à accompagner un tel mouvement » ; S. Bernard, La
recherche de la rentabilité des activités administratives et le droit administratif, Thèse, Grenoble, LGDJ, 2001, p.
23.