TRAITEMENT COMPTABLE DES FRAIS DE COLLECTION De nombreux secteurs d'activité sont concernés par la problématique des frais de collection. Il est intéressant de faire le point sur le traitement comptable applicable à ces frais au regard des nouvelles règles relatives à la définition, à la comptabilisation et à l'évaluation des actifs. Qu'entend-on par frais de collection ? Les frais de collection s'entendent des dépenses engagées par les entreprises dans certains secteurs d'activité en vue de créer des modèles pour la présentation de la nouvelle collection. Ils revêtent un caractère récurrent et sont caractéristiques de certains domaines d'activité. Nous citerons bien sûr le secteur de l'habillement, mais ces frais concernent également d'autres secteurs tels la bijouterie, la lunetterie, les arts de la table, les jouets... Peuvent également être assimilés à ces frais de collection les frais de création de spectacles. Les dépenses engagées pour créer la collection recouvrent aussi bien des dépenses internes que des dépenses externes. Par ailleurs, ces dépenses sont engagées pour préparer une collection déterminée mais peuvent concerner des modèles qui, en définitive, seront, ou ne seront pas, retenus pour la production finale de cette collection. Dépenses internes - Il s'agit : - des charges salariales du personnel affecté à la conception des nouveaux produits (stylistes, designers ainsi qu'ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation des modèles ou prototypes), - des fournitures et matières premières utilisées pour la conception des modèles, - des dotations aux amortissements des immobilisations liées au processus de création, - des frais de dépôt éventuel de dessins et modèles. Dépenses externes - Il s'agit, notamment, des coûts engagés vis-à-vis des stylistes indépendants ou des bureaux de style. Peut-on activer ces frais ? Avant l'entrée en vigueur de la réforme sur les actifs, le plan comptable professionnel à l'usage des industries textiles et le guide des entreprises de spectacles, dans le cas de collections ou de revues à grand spectacle ayant une durée certaine de vie de plusieurs années, précisaient que ces frais pouvaient être inscrits en immobilisations incorporelles (CNC, avis de conformité 32 et 40). Avec l'application des nouvelles dispositions issues de l'avis 04-15, le Conseil national de la comptabilité a proposé le traitement comptable de ces dépenses en frais de développement s'ils répondent aux conditions requises pour l'activation de ce type de dépenses (CNC, note de présentation à l'avis 2004-15 du 23 juin 2004, ann. 1). Rappelons que les coûts de développement peuvent être comptabilisés à l'actif (méthode préférentielle) s'ils se rapportent à des projets nettement individualisés, ayant de sérieuses chances de réussite technique et de rentabilité commerciale. Ceci implique, pour l'entité, de respecter l'ensemble des critères suivants (PCG art. 311-3) : - la faisabilité technique nécessaire à l'achèvement de l'immobilisation incorporelle en vue de sa mise en service ou sa vente, - l'intention d'achever l'immobilisation incorporelle et de l'utiliser ou de la vendre, - la capacité à l'utiliser ou à la vendre, - la capacité à générer des avantages économiques futurs probables de l'immobilisation incorporelle en cause, l'entité devant démontrer, entre autres choses, l'existence d'un marché ou, si celle-ci doit être utilisée en interne, son utilité, - la disponibilité de ressources (techniques, financières et autres) appropriées pour achever le développement et utiliser ou vendre l'immobilisation incorporelle, - la capacité à évaluer de façon fiable les dépenses attribuables à l'immobilisation incorporelle au cours de son développement. Ce traitement comptable résulte d'une option exercée globalement par l'entreprise pour les dépenses de développement. (PCG art. 311-3). À notre avis, les entreprises, dont les collections ont une durée de vie supérieure à l'exercice (tels les secteurs de l'ameublement, du carrelage), peuvent, si elles ont opté pour l'activation des frais de développement, inscrire ces coûts en frais de développement (comme le préconise le plan comptable des industries textiles précité). En revanche, pour celles dont les collections sont renouvelées systématiquement tous les ans, voire deux fois par an, ces frais sont, en principe, à laisser en charges de l'exercice. Sont-ils à inclure dans le coût de revient des stocks ? Définition du coût de production Comptabilité - Selon le code de commerce, le coût de production est égal au coût d'acquisition des matières consommées augmenté des charges directes et des charges indirectes de production (c. com. art. R. 123-178). À cet égard, le Plan comptable général précise que les coûts de production des stocks comprennent les coûts directement liés aux unités produites, telle la main-d'oeuvre directe (PCG art. 321-21). Ils comprennent également l'affectation systématique des frais généraux de production fixes et variables, qui sont encourus pour transformer les matières premières en produits finis. Fiscalité - Le coût de production comprend les coûts directement engagés pour la production ainsi que les frais indirects de production, variables et fixes, les coûts administratifs étant exclus (à l'exception du coût des structures dédiées) (CGI, ann. III, art. 38 nonies). Si l'on se réfère aux commentaires de l'administration, les définitions comptable et fiscale sont, d'une manière générale, similaires (BO 4 A-13-05, §§ 151 à 153). En particulier, la définition comptable et fiscale des charges indirectes de production étant identique, aucun retraitement fiscal ne devrait être effectué sous réserve du cas particulier de l'incorporation d'une quotepart d'amortissement des frais de développement. Les frais de collection sont-ils des dépenses incorporables ? Frais engagés dans le cadre d'une commande client - En général, l'entité doit alors se conformer aux cahiers des charges ou spécifications techniques du client. Dans ce cadre, le coût de production du produit réalisé doit comprendre tous les coûts nécessaires à la réalisation du produit. Ainsi, il peut comprendre les frais de création de modèles et de dessins proposés pour la commande du client. Frais engagés à l'initiative de l'entreprise -> Frais de collection inscrits en immobilisation incorporelle. Le coût de production des stocks comprend, parmi les frais généraux de production fixes, la quote-part d'amortissement des immobilisations incorporelles tels les frais de développement (PCG art. 321-21 précité). Si des frais de création de collection sont portés en frais de développement, une quote-part d'amortissement se rapportant à ces frais sera à comprendre dans le coût des stocks de produits que cette collection a contribué à développer. -> Frais de collection inscrits en charges. La nouvelle rédaction des textes comptables ne remet pas en cause le principe de l'incorporation au coût des stocks des frais de collection comptabilisés en charges. Encore faut-il que ces coûts soient attribuables à la production des stocks. Ainsi, s'il n'est pas possible d'identifier avec précision les coûts attribuables, ceux-ci ne sont pas à inclure dans le coût de production des stocks. Par ailleurs, l'avis sur les actifs précise que si les coûts ne sont pas identifiables séparément (hypothèse de coûts globaux concernant plusieurs collections), ils sont répartis entre les produits sur une base rationnelle et cohérente, par exemple sur la base de la valeur de vente relative de chaque produit (CNC, avis 04-15, § 4.4.2). En pratique, du point de vue comptable, les frais d'une collection abandonnée ne devraient pas, à notre avis, pouvoir être compris dans le coût des stocks d'une autre collection. En revanche, les frais de conception d'une collection donnée, même ceux correspondant aux modèles abandonnés seraient des frais attribuables, à comprendre dans le coût des stocks des éléments de cette collection produits en définitive. Remarque : Du point de vue fiscal, sont à comprendre dans le coût de revient des stocks les frais et charges de toute nature afférents à la conception et à la réalisation de l'ensemble des modèles de la collection, les charges indirectes regroupant les modèles qui ne donnent pas lieu à la réalisation des vêtements, mais qui sont indirectement, par leur seule présence au sein de la collection dont ils assurent la diversité, à l'origine de la réalisation industrielle des vêtements reproduisant les autres modèles (CAA Nancy 20 janvier 2000, no 95NC00919). À notre avis, cette jurisprudence rendue sous l'ancienne rédaction de l'article 38 nonies de l'annexe III du CGI est valable également sous la nouvelle rédaction de cet article issue du décret (05-17 du 28 décembre 2005). Peut-on porter certains frais en « charges constatées d'avance » ? Selon le Plan comptable général, les charges constatées d'avance sont des actifs qui correspondent à des achats de biens ou de services dont la fourniture ou la prestation interviendra ultérieurement (PCG art. 211-1). Dans une lettre à la CNCC relative à la comptabilisation des dépenses de conception d'une campagne publicitaire, d'échantillons de produits gratuits ou de catalogues, le Conseil national de la comptabilité a étendu l'utilisation du compte « Charges comptabilisées d'avance » aux dépenses dont l'utilisation effective interviendra après la clôture de l'exercice (CNC, lettre du 9 novembre 2005 ; CNCC, bull. 140, décembre 2005, p. 567). La réponse du CNC précise que les dépenses dont la livraison ou la fourniture est intervenue mais dont l'utilisation effective est reportée à l'exercice suivant (dépenses de campagne publicitaire non lancée à la clôture ainsi que celles relatives à des échantillons de produits gratuits ou de catalogues non distribués à la clôture) peuvent également être comptabilisés à l'actif au compte « Charges comptabilisées d'avance » car elles répondent à la définition d'un actif générant des avantages économiques futurs. Cette réponse peut être transposée à des dépenses de création de collections comptabilisées en charges à la clôture de l'exercice mais pour lesquelles les collections ne seront définitivement arrêtées que sur l'exercice futur. Selon l'analyse développée dans cette réponse, ces dépenses pourraient donner lieu à la constatation d'un actif comptabilisé en « Charges constatées d'avance ». À notre avis toutefois, seules des dépenses externes pourraient ainsi être reportées sur l'exercice suivant, les charges constatées d'avance visant uniquement des « achats de biens ou de services ». Références : - Revue Fiduciaire Comptable n° 339, 05/2007, p. 8-10