CONSULTATION DE COULOIR EDITORIAL Grippe A (H1N1) : Rester vigilant durant une pandémie Entrevues avec les Drs Donald Low, Anthony Russell, Paul Haraoui, Janet Pope et Ted Ralph Les études à répartition aléatoire, à double insu, avec témoin placebo n’ont pas fourni de réponses définitives à certaines questions cliniques importantes. La rubrique « Consultation de couloir » du Journal de la Société canadienne de rhumatologie cherchera à résoudre vos plus épineux dilemmes par voie de consensus, en les soumettant à des experts. Veuillez soumettre vos questions à l’adresse suivante : [email protected]. L e 11 juin, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que l’infection par le virus de la grippe H1N1, ou grippe porcine, avait atteint la phase de la pandémie, ce qui oblige les rhumatologues à prendre une décision difficile. Continueront-ils à prescrire des médicaments immunosuppresseurs même si ces traitements affaiblissent le système immunitaire de leurs patients? Les Drs Anthony Russell, Paul Haraoui et Janet Pope, dont les opinions sont accompagnées de quelques commentaires du Dr Ted Ralph, spécialiste des maladies infectieuses, examinent cette question dans « Consultation de couloir » afin de déterminer si les traitements et les interventions devraient être modifiés durant une pandémie de grippe porcine et si oui, de quelle manière. En outre, le Dr Donald Low, microbiologiste en chef à l’Hôpital Mount Sinaï à Toronto, énumère les modalités de traitement et de prophylaxie qui conviendraient dans le cas des patients immunodéprimés durant une éclosion de grippe causée par le virus H1N1. La grippe porcine dans le monde L’infection par le virus grippal H1N1, ou grippe porcine, a semé le chaos dans le monde, au printemps et à l’été. L’infection se manifeste par des symptômes comme la fièvre, la fatigue, le manque d’appétit, la toux, les vomissements et la diarrhée. Au 12 juin, on avait recensé au Canada plus de 3 500 cas de grippe H1N1 confirmée par des épreuves de laboratoire; l’âge moyen des patients infectés était de 22 ans. Parmi ces patients, 182 avait été hospitalisés et quatre étaient décédés, selon Santé Canada. Le 15 juin, l’OMS a déclaré que la grippe H1N1 était présente dans 74 pays; on avait recensé près de 36 000 cas confirmés par les laboratoires et 163 décès dans le monde. Il semble toutefois que les taux de mortalité reliés à la grippe H1N1 soient, jusqu’à maintenant, semblables à ceux attribuables à la grippe saisonnière si le nombre de décès dus à ce virus continuait d’augmenter au rythme actuel, explique le Dr Low. Au Canada, environ 20 000 Canadiens sont hospitalisés pendant la saison annuelle de la grippe (de 34 JSCR 2009 • Volume 19, Numéro 2 novembre à avril) et on dénombre entre 4 000 et 6 000 décès selon la gravité de l’infection cette année-là. L’OMS affirme qu’environ trois à cinq millions de cas graves et 250 000 à 500 000 décès sont signalés chaque année. Les personnes âgées de plus de 65 ans et les enfants de moins de deux ans sont le plus à risque. Un virus inconnu Au contraire de la grippe saisonnière, la grippe porcine comporte encore sa part de mystères, ce qui créerait une situation problématique durant une pandémie. « Par exemple, si la pandémie évoluait selon le modèle classique, c’est-à-dire sur six à huit semaines, un patient sous traitement immunosuppresseur pourrait recevoir une prophylaxie par des antibiotiques ou des antiviraux durant cette période », de dire le Dr Low. « Toutefois, ce virus, comme tout autre virus, a un comportement qui lui est propre. Il se pourrait donc que la pandémie ne dure pas seulement six à huit semaines. Elle pourrait durer, par exemple, 12 à 16 semaines et il serait alors logique que le patient cesse de prendre son médicament immunosuppresseur. » Pourtant, tous les rhumatologues interrogés sur ce point ont affirmé qu’ils n’interrompraient pas le traitement immunosuppresseur chez leurs patients en cas de pandémie. « À ce stade, force est de reconnaître que nous ne savons dans quelle mesure cette grippe est plus grave [que la grippe saisonnière]... Mais, je la considérerais comme toute autre grippe, de façon sérieuse et appropriée », a répondu le Dr Russell, rhumatologue (Edmonton). Médecine préventive Le Dr Haraoui, rhumatologue exerçant à Montréal, propose quatre étapes clés pour aider à prévenir ou à limiter l’exposition au virus de la grippe porcine : 1. Expliquer aux patients qu’ils doivent considérer la grippe H1N1 comme n’importe quelle autre infection et réitérer le message que les patients traités par des immunosuppresseurs, y compris les agents modificateurs Cliquez ici pour commenter cet article 2. 3. 4. de la réponse biologique, et qu’ils doivent consulter un médecin dès le premier signe d’infection. Ce message doit être particulièrement renforcé dans le cas des patients atteints d’affections concomitantes (maladie pulmonaire obstructive chronique, diabète) ou des patients traités par la prednisone. Ces facteurs de risque ont été reliés à une incidence accrue d’infections graves chez les patients traités par des modificateurs de la réponse biologique. Les patients ne doivent pas cesser de prendre leur médicament biologique parce qu’ils craignent de contracter la grippe, mais seulement s’ils sont infectés par le virus grippal. Les patients doivent suivre les recommandations des autorités de santé publique, qui pourraient par exemple recommander de ne pas voyager dans les régions où la maladie est endémique ou dans les régions touchées par des éclosions importantes. Si la pandémie devait toucher le Canada, les patients devraient éviter de venir en contact avec les personnes infectées et ils devraient appliquer les recommandations d’hygiène de base (notamment, se laver fréquemment les mains) après avoir été en contact avec d’autres personnes. Recommander à tous les patients de se faire vacciner contre la grippe saisonnière à l’automne et également contre l’infection par le virus H1N1, si le vaccin est disponible. Je recommande aussi la vaccination antipneumoccique pour tous les patients qui n’ont pas été immunisés au cours des dernières années. Le Dr Russell est également d’avis que les patients traités par des immunosuppresseurs devraient être vaccinés avant de recevoir ces médicaments. « Je ne crois pas qu’une pandémie influerait sur la prise en charge clinique », dit-il, « mais je recommanderais certainement à mes patients de se faire vacciner contre la grippe porcine si le vaccin est disponible et de prendre en outre toutes précautions pertinentes pour se prémunir contre l’infection. » En rhumatologie, les patients sont plus à risque La Dre Pope, rhumatologue (London), affirme que les patients atteints de maladies rhumatismales ont un risque accru d’être infectés par des bactéries et des virus communs et de contracter d’autres infections contre lesquelles la plupart des gens sont immunisés (réactivation de la tuberculose, histoplasmose, mycoses et pneumonie à P.carinii). « La vaccination antipneumoccique suscite également un débat dans notre population », ajoute-t-elle, « et on ne sait pas de façon certaine si les patients qui souffrent d’un dysfonctionnement de la rate, p. ex. dans le syndrome de Felty et le lupus érythémateux disséminé s’accompagnant d’un purpura thrombopénique idiopathique, devraient être vaccinés. » La Dre Pope a également communiqué avec le Dr Ralph, spécialiste des maladies infectieuses. « Il faut se fier au bon sens », note le Dr Ralph. « Vos patients de rhumatologie traités par des modificateurs de la réponse biologique et d’autres immunosuppresseurs ont un risque accru d’infection, de toutes les infections, peu importe qu’elles soient ou non épidémiques. Ces patients sont dans la même situation que nos patients infectés par le VIH et les patients traités par une greffe d’organe, et il n’existe pas de lignes directrices universelles. » Le Dr Low affirme que les rhumatologues devraient informer leurs patients que le virus est présent dans la population générale et qu’il est détecté principalement chez les enfants. Si un membre de la famille est malade et présente des symptômes de type grippal, les patients devraient garder leurs distances. « Le simple fait de vraiment réduire au minimum le contact avec une personne [infectée] est une recommandation importante dans le cas des patients de rhumatologie », ajoute le Dr Low. « Ces patients doivent se rendre compte qu’ils sont à risque. Ils doivent éviter le plus possible d’être en contact avec des personnes malades et si euxmêmes devenaient malades, ils devraient consulter un médecin le plus rapidement possible. » Conclusion Les rhumatologues et leurs patients doivent demeurer vigilants, surveiller toute infection possible et continuer de prendre les mesures de prévention usuelles (lavage des mains, se couvrir la bouche avec la main ou le bras en cas de toux et d’éternuement). Bien qu’il reste beaucoup d’inconnu à propos du virus H1N1, les patients et leurs rhumatologues ne doivent pas céder à la panique et ils doivent se tenir informés de l’évolution de la pandémie de la grippe porcine. Élaboré grâce à une subvention sans restriction à visée éducative de Pfizer Canada. Ensemble, vers un monde en meilleure santé MC JSCR 2009 • Volume 19, Numéro 2 35