© 2009 Canadian Medical Association
Can J Surg, Vol. 52, No. 5, October 2009 373
EDITORIAL
Nous savons tous que la saison de la grippe est à nos
portes, mais personne ne sait quelle en sera la gra -
vité. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a
déjà déclaré une pandémie et s’attend à ce que le nombre de
morts grimpe en flèche partout dans le monde. La presse
grand public révèle une préoccupation généralisée. Une
recherche dans Google des mots «grippe porcine» et
«grippe H1N1», en anglais et en français, donne environ
215 millions de résultats en tout. PubMed et d’autres bases
de données d’intérêt strictement médical recensent plus de
800 références publiées cette année. En fait, Google a établi
un partenariat avec la Public Library of Science américaine
pour lancer un nouveau site web qui permettra aux
chercheurs de partager sur-le-champ les résultats de leurs
recherches et leurs idées sur le virus H1N1 avec l’ensemble
de la communauté scientifique. Chaque matin, je lis au
petit-déjeuner un article sur le virus H1N1 dans le journal.
La semaine dernière, c’est avec grand intérêt que j’ai lu
un article dans lequel le ministre de la Santé de ma province
a déclaré qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter des risques
pour la santé et que les mesures actuellement en place
étaient plus que suffisantes pour faire face à la nouvelle sai-
son de la grippe. Cela m’a inquiété à la fois comme médecin
et comme patient éventuel parce que je savais qu’au cours
de l’année, le Québec était en fait devenu à un certain
moment la deuxième région la plus dangereuse du monde
où l’on risquait de contracter le virus H1N1. Son taux de
mortalité était au deuxième rang, après le Mexique. Notre
ministre de la Santé n’est pas le seul ministre qui, devant
une éventuelle pandémie, a du mal à préparer la population
et à assurer la prestation des soins de santé. Aucun ministre
de la Santé au Canada n’a encore servi un mandat complet,
et celui qui a le plus d’expérience à son poste l’occupe
depuis seulement 3 ans. La ministre fédérale de la Santé est
également relativement inexpérimentée.
En quoi cela touchera-t-il les chirurgiens? Apparem-
ment, cela nous touchera à bien des égards, en particulier si
la nouvelle saison voit l’émergence d’une souche plus viru-
lente, comme le prévoit l’OMS. Actuellement, les taux de
réplication virale et le nombre de décès sont plus bas qu’au
cours de la grippe espagnole de 1918. Nous ne savons pas
cependant quels effets les modifications du virus auront sur
son comportement au cours de la prochaine année. La sai-
son de grippe sera difficile si la capacité du virus à infecter
ou à tuer augmente, même légèrement.
Les ressources des chirurgiens seront limitées pour
plusieurs raisons. Les lits aux soins intensifs seront occupés
par les victimes de la grippe. Les respirateurs se feront rares,
car on s’attend à ce que les nouvelles souches s’attaquent
principalement au système respiratoire des jeunes patients.
Certaines provinces tentent d’établir des critères de sélec-
tion pour déterminer qui pourra être branché ou demeurer
branché à un respirateur si nous devons faire une place pour
les victimes de la grippe. Normalement, ce type de prise de
décision éthique, à savoir qui vit et qui meurt, devrait
s’étendre sur des mois voire des années. Or, nous sommes
contraints à résoudre la question dans les pro chaines
semaines.
Avec l’engorgement des services d’urgence, on pourrait
connaître une pénurie de personnel hospitalier, y compris de
médecins et de personnel infirmier. Je présume que la plu-
part des médecins ayant de jeunes enfants à la maison n’iront
pas au travail sans s’être d’abord posé de sérieuses questions.
Mais une autre question d’une importance égale pour le soin
des patients est celle du personnel auxiliaire de l’hôpital. Les
administrations des hôpitaux auront peu de moyens à leur
disposition pour forcer les employés à rester au travail. L’ab-
sentéisme dans l’ensemble du secteur des soins de santé sera
difficile à freiner. Nous allons perdre non seulement les per-
sonnes qui s’inquiètent pour leur famille, mais aussi toutes
celles qui seront infectées ou devront prendre soin d’un
proche. Les ministres provinciaux ont proposé des méthodes
pour assurer le soin des patients. Certains ont suggéré des
forfaits de remboursement jusqu’à concurrence de 500 $ de
l’heure, tandis que d’autres envisagent d’adopter une loi qui
ressemblerait à la conscription.
Tous ces facteurs mettront évidemment les interven-
tions chirurgicales électives en veilleuse pendant un certain
nombre de mois jusqu’à ce que les programmes d’immuni-
sation soient en place. Il va sans dire que les chirurgiens
seront durement touchés financièrement s’ils ne pratiquent
pas d’interventions chirurgicales. Cependant, le besoin
d’effectuer des interventions chirurgicales demeurera. Il y
aura les cas chirurgicaux obligatoires qui sont toujours
présents : traumatismes, cancers, infections, abdomens
aigus et ainsi de suite. Qu’ont prévu les bonzes provinciaux
pour s’assurer que ces patients continuent de recevoir les
soins nécessaires? Il ne semble pas y avoir de plan en place
pour réserver des hôpitaux aux soins chirurgicaux urgents
afin de s’assurer que les patients atteints de la grippe n’en-
traveront pas le traitement des autres patients. D’ici le
moment où nous mettrons sous presse, j’espère que les
ministres provinciaux m’auront prouvé le contraire.
Edward J. Harvey, MD
Co-rédacteur, Journal canadien de chirurgie
Intérêts concurrents: aucuns déclarés.
Le virus H1N1 et le chirurgien