Les enzymes de réplication/transcription des Flaviviridae

Journal Identification = VIR Article Identification = 0474 Date: February 20, 2013 Time: 3:8 pm
revue
Virologie 2013, 17 (1) :17-30
Les enzymes de réplication/transcription
des Flaviviridae
Stéphane Bressanelli1
Julien Lescar2,3
1CNRS UPR3296,
Virologie moléculaire et structurale,
1, avenue de la Terrasse,
91198 Gif-sur-Yvette cedex,
France
2School of Biological Sciences,
Nanyang Technological University,
60, Nanyang Drive,
637551 Singapore
3AFMB CNRS UMR 7257,
Marseille,
France
Résumé. La famille des Flaviviridae comprend plusieurs pathogènes humains
majeurs dont les virus de l’hépatite C (genre : hépacivirus), de la fièvre jaune où de
la dengue (genre : flavivirus). Les génomes des Flaviviridae sont composés d’un
simple brin d’ARN qui code pour sept protéines non structurales : NS1, NS2A,
NS2B, NS3, NS4A, NS4B et NS5 chez les flavivirus apparentés au virus de la
dengue et p7, NS2, NS3, NS4A, NS4B, NS5A et NS5B pour le virus de l’hépatite
C. Ces protéines sont exprimées lors de la phase intracellulaire du cycle infectieux
et participent à la transcription et à la réplication du génome viral, au sein d’un
complexe membranaire appelé le complexe de réplication (CR). Plusieurs de ces
protéines non structurales possèdent un ou plusieurs rôles enzymatiques et repré-
sentent par conséquent des cibles importantes contre lesquelles des inhibiteurs
antiviraux spécifiques ont été développés et certains utilisés en thérapie. Ici, nous
résumons nos connaissances sur les bases moléculaires de leurs diverses activités
enzymatiques en particulier des enzymes impliquées dans la transcription et la
réplication de l’ARN viral, incluant les polymérases et protéase-hélicases.
Mots clés : Flaviviridae, protéase-hélicase, ARN polymérase, réplication virale
associée à la membrane
Abstract. The family Flaviviridae comprises several major human pathogens
including Hepatitis C virus (genus hepacivirus), yellow fever virus or dengue virus
(genus flavivirus). The Flaviviridae genomes are made of a single stranded RNA
segment that encodes seven non-structural proteins : NS1, NS2A, NS2B, NS3,
NS4A, NS4B and NS5 in the flaviviruses like dengue virus and p7, NS2, NS3,
NS4A, NS4B, NS5A and NS5B for Hepatitis C virus. These proteins are expres-
sed during the intracellular part of the infectious cycle, where they participate in
transcribing and replicating the viral genome in the context of a membrane-bound
multi-protein complex named the replication complex. Several of these proteins
are endowed with one or multiple enzymatic activities and represent important
targets against which specific antiviral inhibitors have been developed, several of
which are currently used for therapy. Here, we review our current understanding
of the molecular basis for viral RNA transcription and replication, focusing on
polymerases and protease-helicases.
Key words: Flaviviridae, protease-helicase, RNA polymerase, membrane-
associated replication complex
Introduction
La famille des Flaviviridae [1] regroupe un grand nombre
de virus dont plusieurs représentent des problèmes de santé
publique majeurs, tels les virus de l’hépatite C (VHC,
Tirés à part : S. Bressanelli
genre hépacivirus), de la fièvre jaune, de la dengue ou de
l’encéphalite japonaise (genre flavivirus). Les pestivirus,
qui forment un troisième genre des Flaviviridae, regroupent
des virus importants en santé animale, tel le virus de la
diarrhée virale bovine.
En termes de santé publique, l’incidence globale du virus
de la dengue a augmenté très significativement dans les
20 dernières années et ce virus transmis par le moustique
doi:10.1684/vir.2013.0474
Virologie, Vol 17, n1, janvier-février 2013 17
Pour citer cet article : Bressanelli S, Lescar J. Les enzymes de réplication/transcription des Flaviviridae.Virologie 2013; 17(1) : 17-30 doi:10.1684/vir.2013.0474
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Aedes aegypti infecte actuellement entre 50 à 100 mil-
lions de personnes par an à travers le monde (source :
OMS : www.who.int). Les formes sévères de la dengue
(dengue hémorragique et syndrome de choc dû à la dengue)
provoquent l’hospitalisation d’environ 500 000 personnes
chaque année, avec un taux de mortalité associé de 2,5 %.
Des vaccins existent contre plusieurs flavivirus dont la
fièvre jaune, l’encéphalite japonaise ou l’encéphalite à
tiques. En outre, un vaccin développé par Sanofi contre
les quatre sérotypes du virus de la dengue (DEN1-4) est
en phase III de développement et pourrait être mis sur
le marché d’ici 2015. En dépit de recherches en cours, il
n’existe actuellement pas de vaccin pour prévenir ou guérir
l’infection par le VHC. On estime que 130-170 millions de
personnes sont porteuses du VHC. Cette maladie chronique
peut conduire à une cirrhose et au cancer du foie et, dans
le monde, plus de 350 000 personnes en meurent chaque
année. L’infection chronique par le VHC est une maladie
curable, la seule maladie virale chronique guérissable à ce
jour.
Durant de nombreuses années, seul était disponible un trai-
tement standard non spécifique composé d’interféron et de
ribavirine. Patiemment mis au point par essai et erreur, il
permettait des taux de guérison de 50 %. Grâce à la mise
au point d’une nouvelle génération d’antiviraux spécifiques
dirigés contre la protéase NS3-NS4A, ce traitement vient
d’être grandement amélioré pour le génotype 1, le plus
prévalent dans les pays développés [2]. Ces nouvelles molé-
cules laissent entrevoir à court terme des multi-thérapies
efficaces composées uniquement d’antiviraux spécifiques
et permettant des taux de guérison très élevés [3].
Le cycle de réplication des Flaviviridae
Les particules virales des Flaviviridae contiennent une
bicouche lipidique (virus enveloppé) et sont sphériques avec
un diamètre d’environ 50 nm [1]. À la suite de l’entrée de
la particule virale dans la cellule et de la fusion des mem-
branes virale et endosomale, leur génome est largué dans
l’espace cytoplasmique et traduit en polyprotéine (figure 1).
Le génome viral d’environ 9,6-11 kb est composé d’un
simple brin d’ARN de polarité positive qui joue le rôle
d’ARNm lors de la synthèse du précurseur polypeptidique
associé à la membrane du réticulum endoplasmique. Le
génome viral comprend un cadre de lecture unique inséré
5’RNT
NH2
A
B
?
NH2
3’RNT
Coiffe 5’
chez les flavivirus
ou IRES chez les autres Flaviviridae
Protéase
Hélicase
ATPase
ARN-triphosphatase
Furine
Protéines structurales Protéines non structurales
COOH
COOH
Polymérase
Méthyl-transférase
Guanylyl-transférase ?
Polymérase
Signalase de la cellule hôte
C
C
E1
EprM
pr
E2 p7 NS2
NS1 2A 2B
NS3
NS3
NS4A
4A 4B
NS4B NS5A
NS5
NS5B
NS2-3
auto-Protéase
Protéase
Hélicase
ATPase
Protéase virale N2B/NS3 (flavivirus) ou protéase NS3/NS4A (hépacivirus)
M
Figure 1. Traduction du génome et protéolyse des polyprotéines virales des Flaviviridae. Le génome des Flaviviridae est composé d’un
ARN simple brin de polarité positive. Les protéines structurales sont codées dans la partie 5et les protéines non structurales en 3. RNT :
régions d’ARN non traduites.
Chez les flavivirus (environ 11kb), le génome comprend une structure coiffe (cap) en son extrémité 5(m7G5’ppp5A) absente chez les
hépacivirus et les pestivirus (12,3 kb). Le génome du VHC (9,6 kb) ne comprend pas de structure coiffe à son extrémité 5mais un site
d’entrée interne des ribosomes (IRES). La maturation des polyprotéines virales se fait par des protéases virales ou de la cellule hôte dont
les sites de clivage sont indiqués.
18 Virologie, Vol 17, n1, janvier-février 2013
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entre des régions d’ARN non codantes, lesquelles parti-
cipent à la formation de structures d’ARN importantes pour
la régulation de la traduction en protéine par la machinerie
cellulaire et pour la réplication. Chez les flavivirus, appa-
rentés au virus de la dengue, ce précurseur polypeptidique
(figure 1A) est clivé par les enzymes virales et cellulaires
en trois protéines structurales – C, prM etE–etsept pro-
téines non structurales – NS1, NS2A, le cofacteur NS2B
nécessaire pour l’activité protéolytique de NS3 (figure 2A),
la protéase-hélicase NS3 (figure 2A et B), NS4A, NS4B et
la méthyl-transférase/polymérase NS5 (figure 2C et D).Si
les fonctions enzymatiques des protéines non structurales
ont été relativement bien caractérisées, beaucoup reste à
apprendre sur les protéines NS1, NS2A, NS4A et NS4B qui
jouent des rôles également essentiels au sein du complexe
de réplication (CR).
Asp75 NH2
His57
Ser135
COOH
AB
CD
5’
Tunnel matrice Pouce
Paume
Doigts
Boucle
d’initiation
Zn12+
Mg2+
Zn22+
C
DA
GDD
E
3’
-1
+1
+1
5’
2
3
1
90°
3
D
ATP
β
Figure 2. Structures 3D des protéines non structurales des flavivirus. A) Le domaine protéase de NS3 (gris) complexée avec le cofacteur
NS2B (jaune) et un substrat peptidique.
Les résidus de la triade catalytique sont indiqués ainsi que les extrémités N- et C-terminales du fragment du cofacteur NS2B cristallisé.
B) Une représentation de la surface du domaine hélicase de NS3 dérivée des données cristallographiques. Les sous-domaines 1 (vert) et
2 (bleu) entourent le site de liaison à l’ATP et contiennent les motifs I, II et VI mentionnés dans le texte (voir référence [19] pour les détails).
Le tunnel de liaison à l’ARN est situé entre ces deux sous-domaines et le sous-domaine 3 (orange). La vue de détail montre l’épingle à
cheveux bêta (en jaune) cruciale pour le déroulement du duplex ARN (brins colorés en mauve et rouge). C) Le domaine méthyltransférase
de NS5 (vert) en complexe avec le donneur de méthyl-S-adénosyl-l-méthionine (D) et le domaine polymérase de NS5 composé des trois
sous-domaines doigts, pouce et paume. La figure montre les éléments structuraux discutés dans le texte, notamment le tunnel d’accès
au brin d’ARN matrice, le motif «GDD »du site catalytique impliqué dans la liaison des ions divalents catalytiques (sphères vertes sur la
figure 4), les deux sites de liaison aux Zn non catalytiques, la boucle d’initiation homologue de la boucle bêta de VHC-NS5B (figure 3B,
C) en rouge. Également indiqués en couleur la localisation sur la structure des motifs d’acides aminés A-F qui sont conservés chez les
polymérases [39].
Virologie, Vol 17, n1, janvier-février 2013 19
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Pour le VHC, le clivage résulte en la formation de la
protéine de capside C, des glycoprotéines structurales
d’enveloppe E1 et E2, la viroporine p7, la protéase NS2,
la protéase-hélicase NS3, le cofacteur NS4A (fonction-
nellement équivalent au cofacteur NS2B des flavivirus)
nécessaire à l’activité protéolytique de NS3, NS4B, NS5A
et la polymérase NS5B (figure 1B).
Une différence notable entre génomes des flavivirus et du
VHC (9,6 kb) est la présence d’un site d’entrée interne des
ribosomes (IRES) chez le VHC (et également pour les pes-
tivirus) tandis que l’ARN messager des flavivirus possède
une coiffe de type 1 (« cap1 ») à son extrémité 5et un
domaine méthyltransférase dans la protéine NS5, absent
chez les hépacivirus. Une revue sur les stratégies de coiffage
de l’ARN viral a été publiée récemment [4]. Ci-dessous,
nous résumons brièvement l’état de nos connaissances sur
les bases moléculaires de l’activité des enzymes impliquées
dans la transcription et la réplication de l’ARN viral en
mettant l’accent sur les polymérases virales et en incluant
les protéase-hélicases qui représentent des cibles majeures
pour le développement de molécules antivirales.
La protéase NS3-NS2B des flavivirus
La protéine non structurale 3 (NS3) a une masse molécu-
laire de 69 kDa et remplit plusieurs fonctions essentielles
pour la réplication du virus. La protéase NS3-NS2B est
responsable de tous les clivages de la polyprotéine virale
du côté cytoplasmique de la membrane du réticulum
endoplasmique, aux jonctions NS2A/NS2B, NS2B/NS3,
NS3/NS4A, NS4A/NS4B, NS4B/NS5 et au sein des pro-
téines C, NS2A, NS4A et de la protéine NS3 elle-même
[1].
Le domaine N-terminal de NS3 (« NS3pro » acides ami-
nés 1-168) est une sérine-protéase de type trypsine dont
l’activité nécessite un cofacteur composé par le domaine
extramembranaire cytosolique de la protéine virale mem-
branaire NS2B [5]. La protéine NS2B entière comporte
130 résidus. Des expériences visant à déterminer la struc-
ture de la protéine recombinante NS2B solubilisée dans
des micelles de détergent sont en cours en utilisant les tech-
niques de dichroïsme circulaire et de spectroscopie RMN
[6]. Les premiers résultats révèlent la présence d’hélices
alpha avec probablement trois segments transmembranaires
et une courte région hydrophile et conservée (résidus 49-
95 de NS2B) qui est impliquée dans l’activation catalytique
de NS3pro (figure 2A). La fusion de 47 résidus provenant
de cette région centrale de NS2B (appelée « NS2B47 ») au
domaine protéase de NS3 via un peptide connecteur riche en
glycine suffit à générer une protéase active et c’est ce type
de construction génétique qui a permis les avancées struc-
turales des dernières années. Les structures cristallines du
domaine protéase NS3pro de DENV et de WNV ont ainsi
prélevé un repliement de type chymotrypsine avec deux
tonneaux , chacun composé de six brins . À l’interface
des deux tonneaux, se situe la crevasse du site actif qui
comprend la triade catalytique : His-57, Asp-75 et Ser-135
(figure 2A). Les résidus 51-57 de NS2B s’insèrent dans
le tonneau N-terminal sous la forme d’un brin sup-
plémentaire qui dissimule plusieurs résidus hydrophobes
vis-à-vis du solvant, permettant d’expliquer pourquoi la
protéine NS3 s’aggrège en l’absence du cofacteur NS2B. En
l’absence de ligand, le reste du domaine extramembranaire
cytosolique de NS2B apparaît flexible et ne s’ordonne qu’en
présence d’un substrat peptidique, comme l’ont démontré
les structures de protéase NS3-NS2B47 de WNV et DENV
qui ont été déterminées en complexe, soit avec des inhi-
biteurs peptidiques aldéhyde Bzl-Nle-Lys-Arg-Arg-H [5],
avec Naph-Lys-Lys-Arg-H [7] ou avec l’inhibiteur géné-
rique antisérine protéase aprotinin/BPTI [8, 9]. Dans ces
complexes, la partie C-terminale du domaine cytosolique
de NS2B adopte une conformation « fermée » encerclant
l’extrémité du tonneau C-terminal du polypeptide NS3
(figure 2A). La partie C-terminale de NS2B établit alors des
contacts avec les brins et forme une structure en épingle
à cheveux qui s’insère dans le site actif. Ainsi, les résidus
83-86 et 83-90 de la protéine NS2B sont-ils directement
impliqués dans la formation des poches de spécificité S2 et
S3 du substrat. De cette fac¸on, NS2B contribue également
à la formation du site de liaison du substrat via la région
C-terminale de son domaine hydrophile. Le domaine hydro-
phile de NS2B est donc essentiel, à la fois, pour la solubilité
et l’activité protéolytique de NS3pro.
Sauf à la jonction NS2B/NS3, caractérisée par un résidu
glutamine à la position P2, NS3pro-clive préférentiellement
après une paire d’acides aminés basiques (Arg ou Lys) au
niveau des positions P1et P2du substrat. Ces résidus sont
suivis d’une chaîne latérale courte (acides aminés Gly, Ala
ou Ser) au site P1[10]. Cette spécificité de clivage est très
probablement conservée pour les protéases NS3 des autres
sérotypes DENV1-4 qui partagent 65-70 % d’identité de
séquence protéique. Il devrait donc être possible de dévelop-
per un seul inhibiteur antiviral ciblant les protéases NS3 des
quatre sérotypes de dengue.
La protéase NS3-NS4A
du virus de l’hépatite C
NS3 est une protéine multifonctionnelle de 70 kDa, avec,
comme chez les flavivirus, un domaine de type protéase à
sérine situé à son extrémité N-terminale (acide aminés 1-
180) et un domaine NTPase/ARN hélicase dans le domaine
20 Virologie, Vol 17, n1, janvier-février 2013
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C-terminal (acide aminés 181-631). La protéine NS3-4A
est un complexe non covalent formé entre NS3 et 54 acides
aminés du cofacteur NS4A, formellement équivalent à la
protéase NS3-NS2B des flavivirus décrite ci-dessus. Son
activité enzymatique a été bien caractérisée et plusieurs
structures à haute résolution ont été résolues en présence
d’inhibiteurs spécifiques [11]. Le domaine sérine protéase
adopte un repliement de type chymotrypsine stabilisé par
un ion Zn2+. La triade catalytique de la protéase NS3-4A est
formée par His 57, Asp 81 et Ser 139. La partie centrale de
NS4A (acide aminés 21-32) est requise pour le repliement
de NS3 via la formation d’un brin qui est incorporé dans la
partie N-terminale de la structure de NS3. La partie amino-
terminale hydrophobe de NS4A (acide aminés 1-21) forme
une hélice transmembranaire ancrant le complexe NS3-4A
à la membrane, tandis que la partie C-terminale (acide ami-
nés 40-54) interagit avec d’autres composantes du CR. Le
site de liaison du substrat peut accueillir six acides ami-
nés, mais le clivage est plus efficace lorsque les substrats
comprennent dix résidus. Les produits de clivage inhibant la
réaction enzymatique ont constitué la base pour le dévelop-
pement et l’optimisation d’inhibiteurs peptidomimétiques
de la protéase NS3-4A, dont plusieurs viennent d’être mis
sur le marché [2, 3].
La NTPase/hélicase NS3
et le mécanisme de séparation
des brins d’ARN
Le domaine C-terminal de la protéine NS3 des flavivirus
(« NS3hel » résidus 180-618) est une NTPase/hélicase qui
sépare des duplexes d’ARN de fac¸on spécifique. Cette acti-
vité enzymatique de NS3 a vraisemblablement pour rôle
biologique de dissocier les ARN doubles brins synthétisés
par la polymérase NS5 lors de la transcription et la répli-
cation du génome viral. La dissociation de ces duplexes en
brins individuels permet à la polymérase d’accéder au brin
matrice pour de nouveaux cycles de synthèse. Par ailleurs,
le génome viral comporte plusieurs structures secondaires,
dont plusieurs forment des structures de type tige-boucle
(stem loop). Ces structures d’ARN doivent également être
résolues, préalablement à la transcription. Cependant, le
rôle précis de l’activité hélicase de NS3 n’est pas connu ;
c’est-à-dire qu’il n’est pas clair si cette activité est utili-
sée pour la dissociation des segments d’ARN double brin
générés par la polymérase virale lors de la réplication du
génome viral, étant donné que la polymérase virale pour-
rait les dissocier elle-même lors de l’élongation, ou bien
pour dissocier des éléments de structure secondaire d’ARN
afin de permettre la réplication ou la traduction en pro-
téines.
Dans la cellule infectée, l’énergie mécanique nécessaire
pour séparer les brins d’acides nucléiques est fournie par
l’hydrolyse d’ATP effectuée par le domaine ATPase de
NS3. En outre, chez les flavivirus, le domaine NS3hel
possède aussi une activité 5-terminale ARN triphospha-
tase (RTPase) impliquée dans la synthèse de la structure
coiffe de l’ARN viral et NS3hel est donc aussi impor-
tante pour la phase de traduction du génome viral [4].
Des études de mutagenèse et des expériences de compé-
tition enzymatiques suggèrent qu’un même site actif est
responsable à la fois des activités RTPase et ATPase de la
protéine NS3 des flavivirus [12]. En outre, un rôle dans
l’assemblage des particules virales a aussi été postulé pour
la protéine NS3 du virus de la fièvre jaune, indépendamment
de ses fonctions enzymatiques connues [13]. En introdui-
sant des mutations dans le gène codant pour NS3hel par
les méthodes de génétique inverse, on a pu montrer que
des virus de la dengue (flavivirus) et de la diarrhée virale
bovine (pestivirus) ayant une faible activité hélicase ne sont
pas capables de se répliquer, ce qui démontre l’importance
de NS3hel lors du cycle infectieux des Flaviviridae et
confirme que cette protéine peut être ciblée pour le dévelop-
pement de molécules antivirales, même si cette approche
n’a connu jusqu’à présent qu’un succès limité [14, 15].
Le domaine hélicase de la protéine NS3 possède le motif
« DEXH » (avec X = A chez les flavivirus, X = C chez les
hépacivirus et X = Y chez les pestivirus). Cette protéine
appartient à la superfamille « SF2 » des hélicases, selon
la classification fondée sur la présence de certains motifs
de séquences d’acides aminés conservés [16, 17]. Outre la
protéine NS3 de DENV, les activités hélicase/NTPase ainsi
que les structures cristallographiques de plusieurs membres
des flavivirus ont été décrites, notamment pour les virus de
la fièvre jaune et de l’encéphalite japonaise (voir pour revue
[18]). L’activité NTPase de NS3hel implique la liaison du
NTP qui se fait principalement de manière électrostatique
par la reconnaissance du groupe triphosphate, l’hydrolyse
de la liaison -phosphorique anhydride suivie du larguage
du NDP et d’une molécule de phosphate inorganique. De
fac¸on commune à de nombreuses hélicases et aussi à des
protéines motrices de type myosine, les motifs de séquence
d’acides aminés directement impliqués dans l’hydrolyse
du nucléotide sont le motif I, aussi appelé motif « Wal-
kerA»oboucle P », qui se lie aux phosphates des
nucléotides ; le motif II (ou DEAH aussi appelé « Wal-
ker B »), impliqué dans la coordination d’un ion métallique
divalent – Mg2+ ou Mn2+ – et responsable de l’activation
d’une molécule d’eau catalytique au cours de la réaction
[19], et le motif VI également impliqué dans la liaison des
phosphates du nucléotide. L’activité NTPase intrinsèque de
NS3hel est faible et est stimulée par la liaison d’un simple
brin d’ARN tel qu’un oligonucléotide PolyU [18]. Cette sti-
mulation est due à un effet allostérique causé par la liaison
Virologie, Vol 17, n1, janvier-février 2013 21
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