Elevage et reproduction en captivité de Kinixys belliana nogueyi

2006
1
e
r
C
o
n
g
r
è
s
F
F
E
P
T
17
Chéloniens 3 • septembre 2006
16
• Chéloniens 3 • septembre 2006
Elevage et reproduction en captivité
de Kinixys belliana nogueyi (Lataste, 1886)
(Reptilia, Chelonii, Testudinidae)
JÉRÔME MARAN, DAVID MANCEAU ET MARC ASENSIO
Résumé
La Cinixys de Bell de l’Ouest, Kinixys belliana
nogueyi est une tortue terrestre qui se rencontre
dans les savanes soudaniennes et soudano-gui-
néennes de l’Afrique de l’ouest. Pendant de lon-
gues années, elle a été commercialisée en masse
dans de nombreux pays occidentaux. Faute de
soins appropriés, la majorité d’entre elles est
morte. Peu d’éleveurs ont réussi à la faire vivre
durablement et encore moins à la reproduire. La
réussite de son élevage repose avant tout sur le
respect de ses besoins écologiques. Les auteurs
de cet article présentent le résultat de leurs obser-
vations concernant sa maintenance, son compor-
tement et sa reproduction en captivité.
Mots-clés
Kinixys belliana nogueyi, Afrique, comportement,
élevage, maintenance, reproduction.
1. Introduction
La Cinixys de Bell de l’Ouest, Kinixys belliana
nogueyi est largement répandue en Afrique occi-
dentale : Sénégal, Gambie, Guinée-Bissau,
Guinée, Sierra Leone, Liberia (à préciser), Côte
d’Ivoire, Mali, Burkina Faso, Ghana, Togo, Bénin,
Nigeria, Cameroun et République centrafricaine
(Villiers, 1958 ; Iverson, 1992 ; Maran, 2004 ; Van
Pelt & Van Putten, 2006 ; Vetter, 2002). En Afrique
occidentale, elle est l’hôte privilégié d’une zone
géobotanique dite de forêt claire et de savane gui-
néenne (Perez-Vera, 2003). Cette zone est consti-
tuée de savanes à graminées avec une strate
arbustive plus ou moins dense et de galeries fores-
tières aux bords des cours d’eau. Les précipita-
tions annuelles oscillent entre 1000 et 1800 mm.
La saison sèche varie de 4,5 à 5,5 mois. Kinixys
belliana nogueyi est également présente en zone
préforestière dont la végétation est similaire à celle
de la zone de forêt claire, mais avec des fragments
de forêt dense plus fréquents (précipitations de
1000 à 1450 mm et saison sèche de 3 à 4 mois).
Elle est absente des forêts denses humides semi-
décidues, sempervirentes et de montagnes où elle
est remplacée par la Cinixys rongée Kinixys erosa
et la Cinixys de Home Kinixys homeana. Son habi-
tat de prédilection se présente sous la forme d’une
succession de milieux ouverts (type savane) et fer-
més (type forêt claire). Elle est principalement acti-
ve pendant la saison des pluies et demeure
engourdie durant toute la saison sèche dans ses
retraites coutumières (tas de végétaux, litière des
forêts claires, cavité dans le sol). La sympatrie
entre les trois espèces de Kinixys d’Afrique
Occidentale (Kinixys belliana nogueyi, Kinixys
erosa et Kinixys homeana) a été notée dans la
région du Delta du Niger (sud-est du Nigeria) par
Page de gauche : Femelle adulte
Kinixys belliana nogueyi. Bouaké, Côte d’Ivoire.
Ci-dessus : Deux aspects du biotope
de Kinixys belliana nogueyi. Bouaké, Côte d’Ivoire.
Photos Jérôme Maran.
19
Chéloniens 3 • septembre 2006
18
• Chéloniens 3 • septembre 2006
Luiselli (2003). En Europe, Kinixys belliana nogueyi
a longtemps été commercialisée sous l’appellation
abusive de tortue de jardin. Cette assimilation erro-
née, mais commercialement compréhensible, est
à l’origine d’une véritable hécatombe chez cette
espèce élevée à tort comme une tortue terrestre
européenne (genres Eurotestudo et Testudo) par
des particuliers non informés. Hors, la Cinixys de
Bell de l’Ouest a besoin de conditions de mainte-
nance très particulières pour vivre correctement.
Kinixys belliana nogueyi est une tortue globale-
ment méconnue aussi bien d’un point de vue éco-
logique que chorologique. Les données sur son
écologie sont rares et éparses (Luiselli, 2003 ;
Maran, 2004 ; Villiers, 1958). Notre connaissance
concernant sa répartition générale demeure impré-
cise. Elle était considérée jusqu’à récemment
comme absente de la Côte d’Ivoire (Iverson, 1992)
alors qu’elle y est très commune sur la moitié de
ce territoire (Maran, 2004). En revanche, il existe
plusieurs articles qui traitent de sa maintenance et
de sa reproduction en captivité : Sachsse (1980),
Bels & Libois (1983), McGrattan (1982), Morris
(1994), Van Pelt (2001), Jasser-Häger & Philippen
(2004) et Van Pelt & Van Putten (2006). Kinixys bel-
liana nogueyi est inscrite en annexe 2 de la
convention de Washington. Son acquisition néces-
site donc l’obtention du certificat de capacité.
L’importation de spécimens sauvages est interdite.
Seules les tortues écloses en captivité (ranching)
sont actuellement autorisées à la vente. Cet article
fait le point sur l’élevage en captivité de cette espè-
ce à partir de l’expérience des auteurs et des don-
nées bibliographiques disponibles.
2. Méthode
2.1 Spécimens étudiés
Les tortues ont été achetées dans des commerces
spécialisés. L’animal le plus anciennement acquis
est détenu depuis 15 ans (1991), les autres depuis
plus de trois ans. Au moment de leur acquisition,
les spécimens étaient adultes ou sub-adultes. Leur
origine géographique n’est connue avec certitude
que pour trois spécimens (Togo). Le cheptel est
composé de deux mâles et de six femelles. Les
tortues importées sont très souvent parasitées et
dans un état général d’affaiblissement prononcé.
Elles sont placées en quarantaine avant la consti-
tution des groupes. Cette précaution prophylac-
tique permet d’évaluer d’une part la santé des ani-
maux et d’autre part d’appliquer un traitement
adapté. Les tortues sont déparasitées (extraction
des tiques, vermifuge) et hydratées régulièrement
(bains répétés d’eau tiède). Cette première étape
engendre des effets bénéfiques dès la fin du pre-
mier mois de captivité. Les tortues prennent entre
10 et 15% de poids en plus. La quarantaine dure
entre 4 et 6 mois. Elle est prolongée si cela s’avè-
re nécessaire. Le dimorphisme sexuel est nette-
ment marqué. La femelle, plus grande (> 200 mm)
que le mâle (< 200 mm), possède une carapace
plus large, un plastron plat et une queue plus peti-
te. Le mâle est caractérisé par un plastron conca-
ve, une carapace plus étroite et une queue beau-
coup plus longue, fortement élargie à sa base et
arrondie à son extrémité. Les vieux mâles sont
caractérisés par une tête bleutée.
2.2 Conditions d’élevage
Les terrariums sont fabriqués en bois contreplaqué
à la résine. Les cotés vitrés permettent de contrô-
ler les animaux sans pour autant les importuner. Il
est fondamental de connaître avec exactitude leur
origine de manière à reproduire le plus possible en
captivité les conditions de températures et d’hy-
grométrie de leur région natale. En fonction de
l’année, le terrarium est de type tropical sec (sai-
son sèche = d’octobre à avril) ou tropical humide
(saison des pluies = de mai à septembre). La tem-
pérature nocturne n’est jamais inférieure à 20 °C
alors que la température diurne oscille entre 22 et
35 °C. Les installations sont éclairées artificielle-
ment 10 heures par jour. L’hygrométrie varie entre
60% (saison sèche) et 100% (saison humide). Elle
est maintenue élevée grâce aux nombreuses
vaporisations et à la présence d’une coupelle
d’eau. En période sèche, la vaporisation est réali-
sée une à deux fois par mois. En période humide,
les terrariums sont vaporisés deux à trois fois par
semaine parallèlement à la distribution de la nour-
riture. Une lampe spot de 60 W éclaire et chauffe
seulement le premier tiers du terrarium. Ce gra-
dient thermique permet aux tortues de se chauffer
ou de se reposer dans des endroits plus frais. Le
substrat est constitué d’une fine couche de terreau
ou de fragments d’écorces de hêtre recouverte
entièrement de mousse de forêt. Si cette dernière
a tendance à se dessécher rapidement, elle pos-
En haut : Variations chromatiques des plastrons chez de jeunes
spécimens Kinixys belliana nogueyi. Bouaké, Côte d’Ivoire.
En bas : Le mâles adultes âgés ont souvent la tête bleutée. Bouaké, Côte d’Ivoire.
Photos Jérôme Maran.
21
Chéloniens 3 • septembre 2006
20
• Chéloniens 3 • septembre 2006
sède l’avantage de conserver le terreau très humi-
de. Le contenu d’une bouteille d’eau est versé sur
le substrat en même temps que les opérations de
vaporisation. La coupelle d’eau est suffisamment
large pour permettre aux tortues de s’y baigner. En
revanche, sa profondeur d’eau n’excède pas 3 à 4
centimètres. Pour éviter une évaporation trop rapi-
de, le bac d’eau n’est pas placé sous le spot mais
à l’écart. La mise à disposition de nombreuses
cachettes est très importante pour cette espèce
particulièrement discrète : tas de feuilles sèches,
foin, plantes artificielles, bac en plastique retourné
sont autant de possibilité que les tortues utilisent
pour préserver leur tranquillité. Les tortues sont
maintenues toute l’année en terrarium. Il est possi-
ble de les sortir pendant la période estivale dans
un enclos soigneusement aménagé. Il faut absolu-
ment éviter de déplacer les tortues pour de cour-
tes durées (une journée par exemple). Dans ce
cas, le déplacement s’avère plus stressant que
bénéfique. L’idéal est de les élever dans une serre
chauffée qui possède un parc extérieur. Ainsi, les
animaux peuvent aller et venir librement en fonc-
tion de la saison sans pour autant être manipulés.
2.3 Alimentation
Dans la nature, Kinixys belliana nogueyi est omni-
vore. Son régime alimentaire varie en fonction de la
saison. Elle se nourrit de plantes, fruits, baies,
champignons et divers invertébrés (Luiselli, 2003 ;
Maran, 2004). En captivité, la fréquence de la dis-
tribution de la nourriture et le type d’aliment propo-
sé dépend étroitement de la saison considérée.
Kinixys belliana nogueyi s’alimente beaucoup en
saison des pluies. A cette période, les tortues sont
nourries deux à trois fois par semaine avec des
végétaux, fruits (davantage de fruits de saison),
champignons, escargots, vers de terre et souri-
ceaux. La consommation de proies vivantes au
tout début de la saison humide a une influence
décisive sur la reproduction de l’espèce. Elle per-
met aux tortues d’optimiser leur réserve énergé-
tique (indispensable aux efforts reproductifs des
semaines à venir) et d’assurer également pour les
femelles la production d’œufs correctement calci-
fiés. En période sèche, les animaux mangent peu
ou pas tout. Ils sont nourris tous les trois jours à
base de végétaux (endives, trèfles, pissenlits, laite-
rons, plantain), de fruits (bananes, melons, pêches,
fraises, poires etc.…) et de champignons (champ-
ignons de Paris et pleurotes). L’alimentation carnée
(escargots, vers de terre et souriceaux) est distri-
buée une fois tous les quinze jours. Des os de sei-
che sont laissés dans le terrarium en permanence
à disposition des tortues. Aucun complément
minéral ou vitaminique n’est distribué dans l’ali-
mentation.
En phase d’acclimatation, il est relativement diffi-
cile de faire accepter aux tortues des plantes sau-
vages (trèfle, plantain, pissenlit…). Cependant,
après quelques semaines de captivité, elles finis-
sent par les manger. La salade et les fruits sont
distribués en petites quantités et de manière
occasionnelle car ils sont la cause de diarrhées
difficiles à soigner.
L’observation des habitudes alimentaires de nos
tortues en captivité souligne leur tendance à
apprécier un seul type d’aliment (champignons,
tomates ou fruits). Ces préférences sont suscepti-
bles de leur occasionner de sérieux problèmes de
santé car ces aliments sont d’un point de vu nutri-
tionnel peu équilibrés. L’alimentation doit être la
plus variée et la plus saine possible. Une liste de
végétaux recommandés pour cette espèce est
mentionnée par Van Pelt & Van Putten (2006).
La distribution d’aliments carnés engendre une
agressivité entre les adultes présents dans le
même terrarium. Les morsures sont fréquentes et
localisées sur les membres et la tête. Une sur-
veillance des animaux est nécessaire et si leur
ardeur belliqueuse persiste, une disposition simple
consiste à les séparer et à leur proposer des
rations individuelles.
3. Résultats
3.1 Comportement
Espèce craintive et discrète par excellence, la
Cinixys de Bell de l’Ouest est principalement acti-
ve le matin et en soirée. Entre ces deux pics d’ac-
tivité intense (thermorégulation, recherche de la
nourriture et accouplement), elle demeure immobi-
le sous un tas de feuilles sèches ou dans sa
cachette. Elle s’expose uniquement pour se chauf-
fer sous la lampe et s’alimenter. Dérangée, elle ren-
tre complètement la tête et les membres dans sa
carapace. Elle défèque et produit ainsi une odeur
nauséabonde sensée décourager les prédateurs
potentiels. Elle sort de sa torpeur passagère sous
l’effet d’une augmentation de l’hygrométrie notam-
ment lorsque le terrarium est vaporisé d’eau tiède.
L’introduction d’un aliment mobile (vers de terre,
escargots) ou inerte mais appétissant (morceau de
tomate) provoque aussi une réaction quasi immé-
diate : elle quitte son abri et se précipite sur sa
proie. Elle se baigne régulièrement.
Pendant la période d’estivation, les tortues ne
bougent pas et ne s’alimentent pas pendant une à
deux semaines d’affilée. De temps en temps, elles
sortent, grignotent un aliment et boivent longue-
ment avant de rejoindre leur cachette. Les tortues
qui estivent ont toujours un point d’eau à disposi-
tion. L’hygrométrie du terrarium est élevée grâce à
la présence d’un bac d’eau. Dans la nature,
Kinixys belliana nogueyi estive en s’enterrant dans
un endroit abrité et humide de manière à éviter au
maximum une déshydratation qui pourrait lui être
fatale. En captivité, il faut donc veiller à ne pas sou-
mettre les animaux en estivation à une atmosphè-
re trop sèche.
Il existe une hiérarchie dans le groupe qui se traduit
par la domination d’un ou plusieurs individus. Ce
phénomène est particulièrement marqué dans l’un
des groupes constitué uniquement de femelles. Si
ces dernières s’alimentent en même temps, il est
particulièrement difficile pour la plus dominée d’ac-
céder à la nourriture. Elle est obligée d’attendre le
départ des autres femelles ou de se contenter d’un
aliment trouvé à l’écart du groupe. D’où l’impor-
tance de disperser la nourriture à différents
endroits dans le terrarium de manière à offrir la
possibilité à toutes les tortues de s’alimenter cor-
rectement.
Cette hiérarchie peut être momentanément remise
en cause. Une femelle et un mâle dominant ont été
déplacés en même temps dans un nouveau terra-
rium. Au cours des premiers jours, la femelle se
montre très agressive et dominatrice vis-à-vis du
mâle. Elle le poursuit, lui mord les pattes (le mâle
perd quelques écailles) et lui inflige des coups de
carapace. Au bout d’une semaine, cette agressivi-
té a cessé.
Pour assurer leur domination, les mâles se battent
également entre eux. Ces affrontements se termi-
nent le plus souvent par des simulations d’accou-
plement mais ils peuvent être très violents (blessu-
res importantes) en période de reproduction. Il est
préférable d’élever séparément les mâles pour évi-
ter aux dominés un stress prolongé.
Les femelles se baignent
longuement pendant
les jours qui précédent
la ponte.
Photo Marc Asensio.
23
Chéloniens 3 • septembre 2006
3.2 Accouplement
Les tortues sont séparées dans trois terrariums (un
pour les mâles et deux pour les femelles). Pour
provoquer les accouplements, les individus des
deux sexes sont réunis de mai à novembre. Les
deux mâles ne sont jamais mis ensemble dans le
même bac. À partir du mois de mai et corrélative-
ment avec la mise en présence dans le même bac
d’un mâle et de plusieurs femelles, une vaporisa-
tion importante est effectuée. L’augmentation sou-
daine de l’hygrométrie provoque un redoublement
d’activité et stimule les ardeurs sexuelles des
mâles pour les femelles.
La maintenance en groupe de Kinixys belliana
nogueyi (un mâle pour plusieurs femelles) est envi-
sageable toute l’année à condition d’offrir beau-
coup d’espace et de nombreuses cachettes aux
tortues. Les animaux doivent pouvoir s’isoler faci-
lement sans entrer en contact avec leurs congénè-
res. Il faut donner la possibilité aux tortues poursui-
vies lors des parades d’accouplement de fuir et de
s’abriter.
Les premiers essais d’accouplement s’observent à
partir du mois de juin. Ils sont peu fréquents et
relativement peu violents à cette période. L’activité
sexuelle du mâle augmente progressivement à
mesure que les semaines s’écoulent. Les ten-
tatives d’accouplement augmentent de juillet
à octobre et se poursuivent jusqu’en janvier.
Pendant cette période d’activité sexuelle
soutenue, le mâle se déplace beaucoup
dans le terrarium. Il ne se nourrit pas ou de maniè-
re très anecdotique. Il perd entre 10 et 15% de son
poids. Il demeure constamment à proximité des
femelles. Chaque déplacement de ces dernières
est associé à une tentative d’accouplement, prin-
cipalement le matin et le soir (période d’activité des
femelles) ou après une humidification.
Nos observations corroborent parfaitement celles
déjà effectuées en captivité (Bels & Libois, 1983).
La parade d’accouplement commence par une
reconnaissance olfactive des femelles. En fonction
de la réceptivité de celle-ci, les tentatives d’accou-
plements sont plus ou moins fructueuses. Si elle
n’est pas consentante, la femelle replie la partie
postérieure articulée de sa carapace qui de ce fait
empêche toute tentative de coït. Le mâle lui donne
alors des coups de carapace de face, de dos ou de
côté, suivant leur position respective. Cette straté-
gie ne donne pas lieu à de véritables chocs comme
il est coutume de l’observer chez les tortues du
paléarctique (ex : Eurotestudo hermanni). Le mâle
cherche avant tout à intimider la femelle et à arrêter
sa fuite. Le cou tendu à son maximum et la gueule
grande ouverte, il tente également de lui mordre les
membres et la tête sans cependant jamais lui infli-
ger de blessures profondes. Une fois que le mâle a
réussi à immobiliser momentanément sa
partenaire, il lui monte dessus. D’après
nos observations, le coït dure
entre 10 et 15 minutes.
Pendant l’accouplement,
le mâle émet de
petits cris.
Il est important d’aménager des barrières visuelles
pendant la période d’accouplement (cabanes,
racines, plantes en plastique etc.…) car outre l’o-
dorat, la vue déclenche systématiquement une
tentative d’accouplement. Cet engouement du
mâle est à l’origine de stress chez la femelle qui,
fortement perturbée, ne se nourrit pas correctement.
Le ralentissement de la fréquence des accouple-
ments correspond à la reprise du comportement
alimentaire du mâle. Il faut un mois pour que ce
dernier reprenne son poids initial.
3.3 Ponte
Les pontes sont déposées en octobre pour les
plus précoces et entre les mois de décembre et
février pour la majorité (voir tableau 1). La femelle
se nourrit abondamment les semaines qui précé-
dent la ponte et stoppe toute prise alimentaire
quelques jours avant le dépôt des œufs. La pério-
de de ponte est marquée par un changement radi-
cal de son comportement. Elle est nerveuse et
agressive envers ses congénères. Une semaine
avant la ponte, ses déplacements sont plus fré-
quents et plus désordonnés dans le terrarium. Elle
cherche manifestement à fuir. Son activité est mar-
quée par des périodes d’activité soutenue entre-
coupées de longues périodes de repos sous la
lampe chauffante ou dans l’eau.
La femelle recherche avec opiniâtreté un site de
ponte approprié. Elle demeure longuement dans le
pondoir mis à sa disposition. Elle hume le substrat
avant de se décider à entamer le creusement du
nid. Il n’est pas rare qu’elle en creuse plusieurs qui
sont abandonnés par la suite. Ce comportement a
été observé jusqu’à une semaine avant la ponte. Si
la terre est trop sèche, elle commence à creuser
Accouplement.
Photo Marc Asensio.
A droite : Femelle humant
le substrat avant la ponte.
En bas : Position de la femelle
lors de la ponte.
Photos Marc Asensio.
25
Chéloniens 3 • septembre 2006
24
• Chéloniens 3 • septembre 2006
avec ses membres avants et poursuit son labeur
avec ses membres arrières. Elle débute le creuse-
ment du nid en fin de journée. Ce dernier est en
forme de chaussette (voir Schéma 1). Son entrée
mesure entre 8 et 10 cm. de diamètre, sa profon-
deur verticale est de 13 à 15 cm. et la profondeur
de sa chambre oscille entre 4 et 5 cm. Van Pelt &
Van Putten note que la profondeur du nid atteint
entre 16 et 17 cm. La durée de la ponte varie entre
4 et 6 heures. Une fois la chambre de ponte termi-
née, la femelle dépose de 2 à 6 œufs (voir
tableau 1). Ces derniers sont blancs, sphériques
ou elliptiques et à coquille dure. Ils mesurent en
moyenne de 38 à 45 mm de long pour une
largeur de 30 à 34 mm et un poids qui varie
entre 14 et 30 grammes. Une seconde ponte
est possible à un mois d’intervalle de la pre-
mière.
Si la femelle ne trouve pas de site de ponte
approprié, elle peut également déposer ses
œufs à même le substrat du terrarium. Il est
donc indispensable de veiller à ce que ce site
soit adapté pour éviter ce problème ou toute
rétention d’œuf (affection potentiellement
fatale). La profondeur de la zone de ponte
doit être au moins égale à la longueur de la
carapace de la femelle.
La femelle perd entre 10 et 15% de son poids
initial au moment de la ponte. Elle le récupè-
re au bout de 15 à 21 jours. Sa plus impor-
tante prise de poids s’effectue seulement
deux jours après la ponte lorsqu’elle s’abreu-
ve longuement pour compenser les pertes
hydriques occasionnées par le dépôt de ses œufs.
Dans le cas d’une seconde ponte, la reprise de
poids est encore plus rapide.
3.4 Incubation
Les œufs sont récoltés une fois que la femelle a
quitté le site de ponte. Ils sont déposés dans une
boîte sur de la Vermiculite® humidifiée et placés
dans un incubateur artificiel (type Jäger ou bain
marie). Si l’on tient compte des données bibliogra-
phiques, la durée d’incubation en captivité varie de
120 à 170 jours (Van Pelt & Van Putten, 2006).
D’après nos observations personnelles, elle est
comprise entre 130 et 191 jours. Aucune informa-
tion n’est disponible concernant la durée d’incuba-
tion des œufs en milieu naturel.
Malgré des pontes régulières d’une année sur
l’autre et un nombre conséquent d’œufs pondus
(66 œufs en 3 ans), les résultats en matière d’éclo-
sion sont particulièrement faibles. À ce jour, nous
avons obtenu l’éclosion de treize juvéniles sur un
total de vingt-huit œufs fécondés. Huit sont morts
dans l’œuf à différents stades de développement,
certains juste avant l’éclosion. En 2003, l’impossi-
bilité de maintenir une hygrométrie suffisante a
entraîné une élévation de la température qui a été
fatale pour les juvéniles. Les problèmes liés aux
incubateurs ont été résolus en 2004 et ont permis
Année Date
de ponte
Nombre
d’œufs
Individu
2003 16/10/2003 6F1
09/12/2003 4F1
10/12/2003 4F2
02/12/2003 4F1
10/12/2003 4F2
Sous Total 22
2004 29/02/2004 4F3
29/05/2004 3F4
08/12/2004 6F1
19/12/2004 4F1
Sous Total 17
2005 23/01/2005 4F2
24/01/2005 4F1 (double ponte)
14/05/2005 3F3
Sous Total 11
2006 02/01/2006 1F4
15/01/2006 1F4
22/01/2006 4F1
01/02/2006 1F4
04/03/2006 5F1 (double ponte)
19/03/2006 4F2
Sous Total 16
Total 66
Tableau 1 : fréquence et nombre d’œufs par ponte.
Tableau 2 : Synthèse des incubations (VH : Vermiculite® humide ; VS : Vermiculite® sèche).
Tableau 3 : Synthèse des résultats (N : éclosion naturelle ; A : éclosion assistée).
Année Incubation Nombre d'œufs Substrat T°C-hygrométrie
2003 Jäger 14 6VH 30,5 °C - 80 %
8VS 30,5 °C - 80 %
Bain marie 8VH 30,0 °C 60-90 %
2004 Jäger 13 7VS 30,5 °C - 80 %
6VH 30,5 °C - 80 %
Bain marie 4VH 30,0 °C 60-90 %
2005 Jäger 3VH 30,5 °C - 80 %
Bain marie 8VH 29,0 °C - 80 %
2006 Jäger 3VH 29,0 °C - 80 %
Bain marie 13 VH 29,0 °C - 80 %
Année Incubation Nombre d'œufs Nombre d'œufs
fécondés
Nombre éclosion /
Durée d'incubation
2003 Jäger 14 6 4 1/130 jours (N)
8 0 -
Bain marie 82 -
2004 Jäger 13 7 0 -
6 5 5/191 jours (N),
180 jours (A),
183 jours (A),
186 jours (A),
189 jours (A)
Bain marie 4 0 -
2005 Jäger 32 -
Bain marie 84 3/143 jours (N),
148 jours (N),
152 jours (A)
2006 Jäger 3 - En cours d'incubation
Bain marie 13 11 En cours d'incubation
3/135, 150
et 151 jours (N)
Schéma 1 : coupe d’un nid de
Kinixys belliana nogueyi (dessin Hélène Fuggetta).
1 / 7 100%

Elevage et reproduction en captivité de Kinixys belliana nogueyi

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !