provinces arabes de l’Empire ottoman, alors en plein déclin, entre les deux grandes puissances
européennes sorties victorieuses de la Première Guerre mondiale.
Après l’éclatement définitif de l’Empire ottoman en 1920, les cartes sont redessinées. La
France devient puissance mandataire de la Syrie et du Liban, et les Britanniques placent sous
leur administration la Palestine et l’Irak. La division du Moyen-Orient en plusieurs États, qui
s’est faite au détriment des populations, a régulièrement été remise en cause et revient
désormais en force dans les discours des jihadistes de l’EIIL.
« Pour l’EIIL, Sykes-Picot illustre le caractère impérialiste de la division du Moyen-Orient et la
trahison des promesses occidentales de l’instauration d’un royaume arabe indépendant »,
explique Pierre-Jean Luizard, directeur de recherches au CNRS et spécialiste de l’Irak, à
Libération.
« L’EIIL entend restaurer le califat sunnite dans toute la région »
La prise de plusieurs villes syriennes d’abord, puis de Fallouja en janvier et de Mossoul en juin
par les jihadistes de l’EIIL, constitue ainsi à leurs yeux le début de l’expansion de la suprématie
sunnite sur des territoires aujourd’hui gouvernés par les chiites. « L’État islamique en Irak et au
Levant ne reconnaît absolument pas les frontières, ni irakiennes ni syriennes, et entend
restaurer le califat sunnite dans toute la région », indique Myriam Benraad, politologue
spécialiste de l’Irak, à JOL Press.
Dans un premier temps, les jihadistes souhaitent ainsi conquérir un maximum de provinces et
villes stratégiques d’Irak et de Syrie afin de créer un État islamique à cheval sur les deux pays,
rallier les populations sunnites syro-irakiennes et apparaître comme une alternative crédible
aux gouvernements de Bachar al-Assad et de Nouri al-Maliki.
Dans un second temps, leur objectif est l’instauration d’un califat : « la période de domination
des Califats omeyyade de Damas, puis abbasside de Bagdad [au VIIème et VIIIème siècle après
J.-C., ndlr] constitue en effet aux yeux des islamistes, et pas seulement des jihadistes, un
véritable âge d’or de l’Islam, qui contraste avec la faiblesse actuelle du monde
musulman », explique à JOL Press Romain Caillet, chercheur à l’Institut français du Proche-
Orient et spécialiste du salafisme.
« Cette décadence correspond selon eux à une période qui doit précéder le retour d’un "Califat
suivant la voie prophétique" comme l’annonce un hadith [parole rapportée, ndlr] attribué au
Prophète », précise le chercheur.
Vers la fin des frontières héritées de Sykes-Picot ?
Onze ans après l’invasion de l’Irak par les États-Unis, les frontières du Moyen-Orient pourraient
encore bouger. La fin des frontières définies par Sykes et Picot n’est cependant pas pour tout
de suite.