d’Asie où la prévalence de l’infection par le VIH1 est très
élevée [1-3]. Une évaluation quantitative du phénomène de
résistance au VIH1 est difficile car la majorité des études
sur les ENI sont transversales ou concernent des petits
groupes d’individus. Toutefois, une étude décennale sur
l’incidence de l’infection par leVIH1 au sein d’une cohorte
de 424 prostituées à Nairobi, Kenya, a documenté que
60 prostituées (14 %) sont restées séronégatives au VIH1
(dans les tests standard) malgré des pratiques à risque
pendant plus de trois ans [1]. Une étude épidémiologique
sur une population de 280 toxicomanes intravasculaires à
Hô Chi Minh Ville, Vietnam, a permis d’identifier 41 toxi-
comanes (14,6 %) demeurés séronégatifs malgré des com-
portements à haut risque pendant plus de 10 ans, révélés par
une séroprévalence entre 80 et 100 % d’autres infections
virales (HBV, HCV, HTLV) transmises par voie sanguine
[4]. De nombreuses études ont essayé d’identifier les méca-
nismes de la résistance au VIH1, mais l’interprétation des
résultats est compliquée par la difficulté à prouver que
l’absence de transmission du VIH1 chez les ENI est réelle-
ment due à une protection ou à une résistance à l’infection
et non à une exposition insuffisante ou à la chance. En effet,
si la probabilité de transmission duVIH1 par transfusion de
produits contaminés est proche de 100 %, la probabilité de
transmission par partage d’aiguilles est de l’ordre de 1 % et
celle par exposition sexuelle est plus faible et très variable.
La probabilité de transmission du VIH1 par contact hétéro-
sexuel a été évaluée entre 0,1 et 0,3 % selon les populations
étudiées et des paramètres tels que la charge virale du
partenaire et la présence ou non de maladies ulcératives [5].
Néanmoins, les études longitudinales qui ont réalisé un
suivi prolongé de groupes d’individus à haut risque d’infec-
tion indiquent l’existence d’une réelle résistance ou d’une
protection contre l’infection par le VIH1 chez les ENI [1,
3]. En outre, des réponses humorales (non détectables dans
les tests sérologiques standard) et/ou cellulaires spécifiques
du VIH1 ont été décelées dans des proportions significati-
ves d’ENI (voir ci-dessous), confirmant que ces sujets ont
été en contact avec le VIH1.
La sensibilité aux infections, y compris à l’infection par le
VIH1, dépend de facteurs génétiques, environnementaux et
immunologiques ; elle varie grandement d’un individu à
l’autre [6]. Il est probable que, au sein de groupes à risque,
les ENI qui sont exposés pendant de nombreuses années
soient sélectionnés soit pour leur résistance naturelle à
l’infection par le VIH, soit pour leur capacité à développer
des réponses protectrices capables de contrôler la réplica-
tion virale initiale et de résoudre une infection naissante.
Les ENI, par conséquent, représentent un sujet d’étude de
la plus grande importance, susceptible de révéler soit des
mécanismes innés de restriction de l’infection par le VIH1,
soit les paramètres d’une réponse immune efficace. En
effet, c’est en étudiant un groupe d’ENI qu’une mutation du
corécepteur CCR5 qui bloque l’entrée duVIH1 a été décou-
verte (voir ci-dessous) [7]. Nous passerons en revue les
résultats les plus significatifs de la littérature concernant les
facteurs de protection d’hôte innés ou acquis qui ont été
associés à la résistance auVIH1 ainsi que quelques données
de notre laboratoire. Le tableau 1 résume les mécanismes
potentiels qui ont été identifiés jusqu’à maintenant. Seules
quelques références représentatives parmi le très grand
nombre de publications sur le sujet sont mentionnées.
Mécanismes innés de protection contre
l’infection par le VIH1
Restriction cellulaire de l’infection
Une corrélation entre la résistance des ENI à contracter le
VIH1 et une résistance à l’infection in vitro a été recher-
chée, avec des résultats apparemment discordants. Alors
qu’une sensibilité réduite des cellules d’ENI à être infec-
tées in vitro par le VIH1 a été mise en évidence par diverses
études, d’autres n’ont pas trouvé de différences significati-
Tableau 1.Facteurs d’hôte impliqués dans la protection contre l’infection par le VIH1
Facteur ENI Références
Sensibilité réduite à l’infection in vitro : résistance T CD4+
(associée ou non à mutations du CCR5)
Partenaires de sujets VIH1+, toxicomanes i.v. [3, 8]
Sensibilité réduite à l’infection in vitro : inhibition par T
CD8+ (CAF, b-chimiokines, a-défensines ? autres ?)
Partenaires de sujets VIH1+, prostituées,
hémophiles, toxicomanes i.v.
[8, 9, 11-13, 33]
Types HLA Prostituées, partenaires de sujets VIH1+ [18, 20]
Activation NK Toxicomanes i.v. [24]
Anticorps anti-CD4, -CCR5, -HLA Partenaires de sujets VIH1+, toxicomanes i.v. [25-28]
Réponse spécifique humorale Partenaires de sujets VIH1+, prostituées,
toxicomanes i.v.
[34-36, 38, 40]
Réponse spécifique T CD4 Partenaires de sujets VIH+, prostituées,
toxicomanes i.v.
[34, 41, 42]
Réponse spécifique T CD8 Partenaires de sujets VIH1+, prostituées,
toxicomanes i.v.
[2, 21, 43, 53]
revue
Virologie, Vol. 9, n° 1, janvier-février 2005
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