Les rencontres du journal Entretien n °17 25/10/2011 Selim Ben Abdesselem Sélim Ben Abdesselem a été directeur du Centre d’accueil et d’orientation pour mineurs Isolés demandeurs d’asile de France terre d’asile à Boissy-Saint-Léger. Depuis le 24 octobre 2011, il a été élu député à l’Assemblée nationale constituante de Tunisie, tête de liste du parti Ettakatol pour la circonscription France-nord. 1) Vous venez d'être élu à l'Assemblée nationale constituante tunisienne. Au niveau politique, quelle analyse faites-vous des résultats du scrutin? Quel avenir se dessine pour la Tunisie? Selim Ben Abdesselem : La volonté des Tunisiens s'est clairement exprimée, nous devons accepter ce verdict. D’après la tendance, la majorité absolue a été obtenue par Ennahda. Notre parti Ettakatol se situe en troisième position derrière le CPR, nous sommes les deux principales forces d’opposition. Cette opposition va s’organiser dans le gouvernement d’union nationale ou hors du gouvernement. Notre volonté est de faire entendre nos propositions, sans trahir nos électeurs, en respectant nos éléments de campagne tout en préservant l’intérêt national. Il est vrai que les Tunisiens doivent maintenant s’adapter à un système démocratique, c'està-dire avec une majorité et une opposition qui peuvent critiquer la majorité. Ce qui ressort fortement du scrutin, c’est la volonté de rupture des Tunisiens et notamment la rupture avec des partis qui ont participé au gouvernement de transition. Entretien n°17 Les rencontres du journal Entretien n °17 25/10/2011 Selim Ben Abdesselem L’opposition tunisienne doit à présent s’organiser et travailler de concert, mais également s’ouvrir aux partis indépendants qui n’ont pas récolté beaucoup de voix et aux électeurs qui ne sont pas représentés après ce vote. Pour l’instant, il est important que le calme revienne en Tunisie, pour que la démocratie s’installe. Les débats de l’année à venir dans l’Assemblée constituante doivent se passer de manière respectueuse pour que les tendances minoritaires puissent défendre leurs positions. Sur le plan économique et social, il faut se rappeler que la révolution est née de demandes fortes, conséquences du chômage et de la précarité. Dans ces domaines, des réponses doivent êtres apportées rapidement. C’est pour cela que Ettakatol est prêt à travailler avec tout le monde, cependant nous serons intransigeants sur certains points comme le droit des femmes par exemple. Si opposition il doit y avoir, nous serons une opposition responsable mais nous utiliserons notre droit de critique sur des points que nous n’approuverons pas. De nombreux défis sont à relever pour l’avenir de la Tunisie, et notamment ceux de la pauvreté et du chômage, mais également celui de l’éducation qui est la base pour faire progresser le pays. Comme je l’ai dit, le retour à la sécurité est primordial puisqu’il y a des armes qui continuent de circuler à travers le pays. L’armée tunisienne doit être renforcée et doit avoir les moyens de défendre son pays et notamment ses frontières puisque la situation n’est pas vraiment stable dans les régions voisines et l’existence de groupes terroristes est bien réelle. De plus les Tunisiens doivent retrouver confiance dans leur police et leur armée ; cela est fondamental pour le retour du calme et de la sécurité. 2) Le CNT en Libye proclame la Charia comme loi fondamentale, en Tunisie le parti de la Ennahda est largement en tête des premières élections démocratiques, existe-t-il au niveau régional un basculement vers l'Islam extrémiste? S.A. : La proclamation du CNT est inquiétante et préoccupante. Notre parti Ettakatol prône une séparation du religieux et du politique. Nous craignons que ce soit une interprétation dure de la Charia qui soit appliquée en Libye et que les conditions de vie pour les femmes se durcissent. Entretien n°17 Les rencontres du journal Entretien n °17 25/10/2011 Selim Ben Abdesselem En Tunisie, c’est une vision tolérante de l’Islam qui a prévalu depuis l’indépendance en 1956, et nous comptons rester dans cette vision et ne pas basculer dans l’Islam extrémiste. Quand les Libyens voteront, nous devons espérer que les tendances extrémistes et radicales ne l’emporteront pas sur l’esprit révolutionnaire qui a prévalu ces derniers mois dans tout le monde arabe. 3) Vous vivez en tant que Tunisien en France, où allez- vous prendre résidence pour assumer vos nouvelles responsabilités? S.A. : Durant la prochaine année, j'aurai deux résidences, en France et en Tunisie. Je pense cependant être la plupart du temps à Tunis, mais dès que j’aurai du temps libre, je voyagerai dans toute la Tunisie. Tunis n’est pas le reflet exact de ce qui se passe en Tunisie, et je tenterai de tenir compte de toutes les régions tunisiennes, car elles sont très différentes. Je suis porte-parole des Tunisiens de l’étranger, mais je suis également élu de la nation et je défendrai les valeurs de Ettakatol dans un gouvernement d’union nationale ou dans l’opposition. D’autre part je vais rendre compte de mon mandat dans ma circonscription, celle de France-nord, et je vais tenter de nous faire connaître de manière plus large, au plus grand nombre. Pour conclure, je serai donc partagé entre la Tunisie et la France. Entretien n°17