Nucléaire : Et l'atome sauva le climat
sous la barre des 2°. Seule solution : quadrupler le recours aux énergies peu carbonées d'ici 2050. Un crédo que
défend le climatologue Jean Jouzel, vice-président du Giec et accessoirement directeur de recherche au CEA [1] : «
Il faut quitter notre mode de développement, construit autour des combustibles fossiles, pour aller vers une société
sobre en carbone. Il existe des solutions - l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, le nucléaire pour les
pays qui l'acceptent - qu'il faut mettre en oeuvre tout de suite. [2] »
Sur le grill ou irradié
Le 9 janvier 2015, Michel Alberganti, journaliste scientifique sur France Culture, organise dans son émission «
Science publique » une table ronde autour du thème : « 2015, année climatique ? ». Parmi ses invités figure un
certain Michel Petit, présenté comme « correspondant de l'Académie des sciences, membre de l'association
Sauvons le climat et ancien membre du bureau du Giec ». La bouche pleine de ronds de jambe, Petit précise : «
Sauvons le climat est convaincu qu'il ne faut pas, pour des raisons idéologiques et d'a priori, se priver de l'énergie
nucléaire qui nous semble être effectivement l'une des rares façons bien éprouvées de produire de grandes
quantités d'énergie. » Avant de marteler avec un flegme déconcertant que le nucléaire est : « l'une des possibilités
de continuer à pouvoir assurer un développement normal de l'économie et du bien-être de chacun de nous, et en
même temps de réduire ces fameuses émissions de GES. »
On pense à Tchernobyl, au saccage écologique et humain dû à l'extraction de l'uranium au Niger, aux 22 000
ouvriers de la sous-traitance se mangeant 80 % des doses collectives annuelles d'irradiation en France, aux 15 000
m3/an de déchets radioactifs et on se dit que « le bien-être de chacun de nous » est un concept tout relatif.
Incidemment on apprend que l'association Sauvons le climat à laquelle appartient Petit est fille d'un obscur Groupe
argumentaire sur le nucléaire, lui-même émanation d'une certaine Association des Retraités du groupe CEA (Arcea).
La devise d'Arcea ? Dynamisme, solidarité, ouverture. « Dynamisme, en termes de défense du Nucléaire », précise
Jacques Penneroux, président de la structure [3].
Il faudrait habiter Mars pour ne pas être informé : le mois prochain se tiendra à Paris la 21e conférence sur le
changement climatique (Cop21). Voilà plus de vingt piges, depuis le sommet de Rio de 1992, que les dirigeants de
ce monde se réunissent régulièrement pour s'entendre sur un sérieux coup de frein aux émissions de GES. Bilan
des parlottes : « Malgré des négociations dont la durée totale cumulée dépasse une année complète, les émissions
de [GES] ont augmenté de plus de 60% sur la période. [4] » Un tel fiasco prêterait à rire si le destin de l'humanité ne
reposait pas tout entier dans un plateau de la balance. Dans l'autre : les zélateurs de l'atome et leurs relais
politiques. Lors de sa dernière convention annuelle en mars 2015, la Société française d'énergie nucléaire (Sfen)
invitait Sir Peter Ricketts, ambassadeur du Royaume-Uni et Christian Masset, secrétaire général du ministère des
Affaires étrangères et du Développement international. Dans la ligne de mire de la Sfen : le projet franco-britannique
Hinkley Point C prévoyant la construction de deux réacteurs nucléaires de type EPR dans l'Ouest anglais et la
fameuse Cop21. Tout à sa mobilisationclimatique derrière un pupitre en Plexiglas, Masset répéta l'antienne : «
Parce qu'il est évident que le nucléaire fait partie des solutions. Et c'est tout le sens du partenariat du Royaume-Uni
et de la France. Parce que nous sommes deux pays à l'avant-garde de la lutte contre le dérèglement climatique.
Parce que nous sommes deux pays mobilisés pour la société à bas carbone. »
Sous le tapis, les poussières radioactives
S'il paraît bien évident qu'une centrale nucléaire ne produit pas de GES lors de son fonctionnement, la quantification
des émissions de CO2 du cycle nucléaire, de l'extraction à la fission du minerai, est beaucoup moins reluisante. « La
filière nucléaire prise dans son ensemble induit des émissions notables de [GES] liées au cycle de vie de la centrale,
depuis sa construction jusqu'à son démantèlement, et au cycle de vie du combustible, importé en France du Niger ou
du Canada. Au final, le bilan carbone de la filière nucléaire, s'il est difficile à chiffrer, n'est pas du tout négligeable ! »,
précisait le Réseau Action Climat dans sa plaquette Face à la menace climatique, l'illusion du nucléaire. Le 10
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