12e Forum Mondial du Développement Durable Lutter contre le changement climatique peut-il être source de progrès, de stabilité et de sécurité ? 3e session Technologie, économie et société Il est coutume de rappeler que la première révolution industrielle a été rendue possible à partir de la fin du XVIIIe siècle par le charbon, la métallurgie, le textile et la machine à vapeur. Plus tard, à la fin du XIXe siècle est venue la deuxième révolution industrielle qui a trouvé ses fondements dans l’électricité, la mécanique, le pétrole et la chimie. Au milieu du XXe siècle est survenue la troisième révolution industrielle tirant sa source de l’électronique, des télécommunications, de l’informatique, de l’audiovisuel et du nucléaire. Dans chaque séquence l’énergie et les technologies ont joué un rôle essentiel ouvrant la voie à de nouveaux progrès économiques et sociaux. Aujourd’hui, une quatrième révolution industrielle est en marche, fondée sur l’accroissement considérable de la vitesse de traitement de l’information, sur des capacités de mémoire gigantesques et sur le développement massif des réseaux de communication. Ces technologies ouvrent la voie vers un monde interconnecté dans lequel chaque machine, chaque objet, chaque être humain aura la possibilité de communiquer et d’interagir dans des galaxies de systèmes intégrés horizontalement aussi bien que verticalement. Dès à présent, l’information circule en temps réel, les délais sont réduits, les circuits sont raccourcis et les hiérarchies sont bouleversées. La flexibilité est la règle et l’efficacité industrielle y trouve son compte. Les pays qui savent s’adapter et refonder leur modèle productif sur ces nouvelles technologies s’en sortent mieux que ceux restés dépendants de systèmes plus conventionnels. Cette révolution perturbe les sociétés et détruit des valeurs traditionnelles sur lesquelles elles reposent. Beaucoup d’emplois sont condamnés, le savoir est contesté, la hiérarchie n’est plus respectée, la confidentialité n’est plus assurée et la vie privée est sans cesse menacée. Il est sans doute trop tôt pour faire un bilan de cette révolution dans lequel le monde est entraîné mais qui déboussole plus qu’elle ne rassure. Les trois premières révolutions industrielles reposaient sur le développement technologique mais aussi sur la disponibilité de nouvelles formes d’énergie et de cette énergie était résulté un mieux être des populations : le charbon avait permis le développement des usines, l’électricité avait apporté l’éclairage et le confort domestique, le pétrole la mobilité et le nucléaire l’électricité abondante et bon marché. L’énergie, matière première du progrès, avait été rendue accessible grâce à la technologie et était venue supporter la transformation de l’innovation technologique en services et biens d’usage espérés par les populations. La quatrième révolution industrielle s’opère dans le monde du virtuel, dans l’univers dématérialisé de la transmission de l’information. Les premiers à en profiter sont ceux dont les activités sont nées de ces réseaux ou reposent sur ceux : négoce par Internet, réseaux bancaires, traders et tous ceux qui sont vite qualifiés de spéculateurs. Mais l’artisan, l’agriculteur, le citoyen s’inquiète d’une évolution qu’il ne comprend pas et qu’il ne maitrise pas. Dans le même temps, au lieu de lui donner accès à une nouvelle forme d’énergie dont il puisse profiter ou qu’il puisse intégrer ou transformer, on lui demande, au nom de la sauvegarde de l’environnement, du développement durable, de la maitrise du climat… de moins consommer et de se reporter vers des formes d’énergie réputées vertueuses mais plus onéreuses, dispersées et intermittentes. L’énergie apparait en creux alors qu’elle était jusqu’alors la source du progrès. Alors que la stagnation économique entraîne dans beaucoup de pays un chômage persistant, beaucoup de demandent pourquoi, au travers de la préservation de l’environnement en général et de la lutte contre le changement climatique en particulier, on s’obstine à vouloir faire le bonheur des peuples malgré eux, sur des thèmes qui leur semblent aujourd’hui lointains. Ce questionnement est d’autant plus prégnant que la précarité énergétique gagne du terrain : comment faire comprendre aux ménages qui ne peuvent pas payer leurs factures d’électricité, que si le montant de ces factures augmente, c’est pour mieux préserver leur avenir ? Le discours doit donc évoluer : on ne peut plus présenter la frugalité énergétique comme une nécessité imposée par une croissance trop rapide au regard de la limitation des ressources. Il s’agit aujourd’hui de ne pas mourir guéri. Des voies doivent être trouvées pour, de façon crédible, positiver l’effort qui demeure indispensable pour contenir le changement climatique et le faire comprendre. La technologie reste source de progrès et tout particulièrement dans le domaine de l’énergie, qu’il s’agisse de sa production, de son transport ou de son utilisation. De grands défis doivent être relevés et pourront l’être si les interdits qui frappent certaines filières sont levés avec discernement : - La définition d’une filière nucléaire durable (incluant la valorisation complète des ressources en combustible, la lutte contre la prolifération et la maitrise des déchets) ; La poursuite du développement des autres formes d’énergie non carbonées, essentiellement renouvelables ; Le stockage de l’électricité ; La gestion intelligente des réseaux ; Le développement de la filière hydrogène ; Le charbon propre (incluant le captage et le stockage du CO2) ; Le développement des véhicules électriques ou à hydrogène ; La rénovation thermique des bâtiments et plus généralement des quartiers, etc. Tous ces sujets ne doivent pas être sources de gaspillage de fonds publics au gré des vicissitudes de l’opinion, mais doivent être considérés comme des possibilités d’investissements dont le risque et la rentabilité doivent être évalués dans le cadre de politiques cohérentes, axées sur un petit nombre d’objectifs clairement définis. Il se trouve que les objectifs premiers de sécurité d’approvisionnement et de limitation des émissions sont en règle très générale convergents. Il faut en profiter pour bâtir une stratégie qui tout répondant à ces deux préoccupations, contribue à la solution d’autres préoccupations de notre société : - Le redéploiement industriel, la préservation et le développement de filières de haute technologie ; La réduction des inégalités et des situations de précarité ; L’amélioration de la santé publique ; L’amélioration du cadre de vie, par un urbanisme apaisé facilitant le mieux-vivre et la coexistence des citoyens. Il est temps de transformer le diagnostic climatique en un message d’espoir qui ne soit pas synonyme de restrictions et de privations mais porteur d’un nouvel élan dans une société prise par le doute. JPH