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En effet, au plan international, le contrôle prudentiel des banques est devenu une préoccupation
majeure après la faillite en Allemagne de la Bankhaus Herstatt en 1974 et la résurgence des crises
financières. Il est frappant de constater que la France s'est trouvée approximativement en phase, vers
1979, avec les Etats-Unis qui commençaient à réformer leur système de contrôle bancaire et l'Angleterre
qui en créait un pour la première fois de son histoire. La période 1979-1997 a été particulièrement
importante avec l'invention par le Comité de Bâle au sein du G-10 du ratio international de solvabilité
(ratio Cooke) qui allait révolutionner la supervision bancaire à partir de 1993. Bien qu'incomplet, mal
conçu et fruste, cet instrument de contrôle réglementaire a néanmoins défriché le terrain. Il a aussi posé
les bases d'une régulation future incomparablement plus sophistiquée, où régulateurs et régulés
s'accorderaient, en poursuivant un objectif global de stabilité financière, sur un système global
d'adéquation du capital (économique et pas seulement réglementaire) à l'ensemble des risques que doivent
gérer les banques (accord Bâle 2 de 2006).
Pour mettre en place un système de contrôle et de supervision efficace, les efforts de l'Etat en
France ont porté sur l'aménagement de structures bancaires et financières capables d'accueillir la
réglementation prudentielle et une supervision par pilotage des ratios de solvabilité des établissements.
L'action publique a conduit un programme ambitieux de réforme dans trois domaines essentiels: l'ouverture
du marché financier, la formation d'une structure cohérente des taux d'intérêt, l'égalisation des conditions
concurrentielles. La première condition a été largement satisfaite. En revanche, l'Etat n'a pas complètement
déréglementé les taux créditeurs sur le marché des dépôts et de l'épargne. Il n'a pas non plus rempli
complètement la troisième condition de sorte que les imperfections de la concurrence bancaire sont restées
un facteur puissant d'inefficacité et ont rendu plus difficile le contrôle prudentiel et la supervision bancaire.
L'analyse des réalisations conduit donc à une évaluation mitigée où les réussites côtoient de sérieux
dysfonctionnements. La présente étude examine, dans une première section, la manière dont les conditions
requises pour un contrôle prudentiel des banques ont été satisfaites au tournant des années 1980. Puis, dans
une deuxième section, nous analysons le nouveau cadre de l'activité bancaire mis en œuvre, essentiellement
du point de vue de la répartition des fonctions et de l'architecture du système de supervision et de sécurité
financière. La troisième section étudie le dispositif prudentiel et la façon dont ont été remplacées les normes
de caractère national par le ratio européen de solvabilité.
1. Les conditions d'efficacité du contrôle prudentiel des banques
La première condition requise est l'ouverture du marché financier. Si les crédits bancaires étaient le
seul instrument de financement externe de l'investissement des entreprises, il serait difficile de réaliser les
arbitrages nécessaires en vue d'une allocation efficace des ressources. Il faut donc que les entreprises (de
taille suffisante) puissent arbitrer entre les sources de financement, et choisissent soit d'émettre des titres de
fonds propres, soit des titres de dette. Ces derniers sont constitués d'emprunts obligataires sur le marché des
titres ou de prêts contractés auprès des banques. Les marchés et les intermédiaires financiers doivent être en
mesure d'offrir une gamme complète d'instruments. Comme ces actifs doivent être comparables pour
éclairer les choix de financement et d'investissement entre capitalisation et endettement, entre finance
directe et finance intermédiée, les instruments privilégiés par des subventions, des bonifications de taux, des
exonérations fiscales et d'autres avantages administratifs ne peuvent qu'introduire des distorsions dans les
termes d'arbitrage. Une allocation efficace des ressources financières n'est pas compatible avec un système
de financement administré, principal obstacle à une canalisation optimale des ressources vers les occasions
profitables d'investissement.
Les lois de 1941 et 1945 marquaient encore profondément l'organisation de l'industrie et l'activité
bancaires en France au début des années 1980. Mais le cadre général qu'elles dessinaient pour les banques
commerciales ne recouvrait que quelque 40% des dépôts et des crédits. Le Trésor, et dans sa mouvance, les
établissements financiers du secteur public à statut légal spécial, les réseaux coopératifs ou mutualistes,
avaient un rôle prépondérant dans le système de financement administré de l'investissement. C'est pourtant
dans ce contexte très hétérogène et disparate qu'ont été forgées les ébauches du contrôle prudentiel.
En 1980, l'organisation et la réglementation du système bancaire et financier étaient marquées par
trois caractéristiques principales: un statut spécial de la profession de banquier qui limitait relativement le
rôle des banques, une réglementation dirigiste du crédit qui tenait lieu de réglementation prudentielle, et un