encore plus grandes pour quantifier l’imputabilité de la
pathologie à chacun des facteurs (1, 3-7).
En cas d’expositions multiples, deux types de pon-
dération peuvent être effectués : la pondération peut
porter sur la probabilité de survenue et la reconnais-
sance en maladie professionnelle (apportionment by
cause) et/ou sur la réparation du dommage (apportion-
ment by impairment) (3). En effet, d’une part le risque
est défini par deux éléments : la probabilité de surve-
nue d’un dommage et d’autre part les pathologies sont
définies soit par des critères qualitatifs (par exemple,
des cellules cancéreuses sont présentes ou absentes),
soit par des critères quantitatifs (déficit auditif,
broncho-pneumopathie chronique obstructive...) (1,
2). Ainsi :
— pour les affections secondaires à des expositions
multiples et définies par des critères qualitatifs, l’aug-
mentation des doses accroît la probabilité de survenue
mais n’influence pas la gravité. La pondération porte
sur la seule probabilité de survenue car la gravité du
dommage est indépendante de l’origine profession-
nelle ou non ;
— pour les affections secondaires à des expositions
multiples et définies par des critères quantitatifs,
l’approche est plus complexe car l’augmentation des
doses accroît la probabilité de survenue ainsi que la
gravité de l’atteinte (1). Il faut fixer les critères de
reconnaissance en maladie professionnelle puis établir
les règles de pondération de la déficience.
Cet article n’aborde que les maladies définies par
des critères qualitatifs en rapport avec deux facteurs
environnementaux : l’approche théorique de la proba-
bilité de causalité pour une substance peut-elle être
étendue à des probabilités pondérées pour deux subs-
tances ? Quand il existe deux expositions, par exemple
professionnelle et non-professionnelle, la probabilité
pondérée peut-elle quantifier le rôle respectif de cha-
cun des facteurs à l’origine d’une maladie telle qu’un
cancer ?
Trois aspects sont examinés : les applications
actuelles pour certaines nuisances dans quelques
pays ; l’utilisation pour le cancer bronchique en cas
d’exposition à l’amiante et tabagisme associé ; l’adap-
tation éventuelle au système français pour renforcer
l’équité et la cohérence de la reconnaissance des mala-
dies professionnelles.
LES APPLICATIONS DE LA PROBABILITÉ
DE CAUSALITÉ
Certains pays et juridictions utilisent la probabilité
de causalité pour reconnaître, voire indemniser, des
maladies dont la survenue est favorisée par une expo-
sition professionnelle. Quelques applications tiennent
compte d’expositions associées. Le recours à la proba-
bilité de causalité est variable en fonction des nuisan-
ces, des données disponibles, des connaissances scien-
tifiques, mais aussi en fonction de la législation en
vigueur dans les différents pays.
Cancers bronchiques et rayonnements ionisants
Les premières applications de la probabilité de cau-
salité à visée de reconnaissance en maladie profession-
nelle ont porté sur le lien entre de nombreux types de
cancers et les expositions aux rayonnements ionisants
pour deux raisons : 1) les relations dose-réponse sont
mieux connues que pour les autres expositions, 2) les
doses individuelles peuvent être estimées. L’Agence
internationale de l’énergie atomique a proposé des
modèles mathématiques pour calculer la probabilité de
causalité en cas de survenue de cancer après exposition
aux rayonnements ionisants (8).
Les utilisations les plus élaborées ont été dévelop-
pées aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. En effet, la
reconnaissance et l’indemnisation sont fonction de la
probabilité de causalité calculée pour la victime. Ce
calcul de la probabilité tient compte du type de cancer,
du temps écoulé entre l’exposition et la survenue de la
maladie, du sexe, du tabagisme éventuel...
— Le gouvernement américain, sur avis du NIOSH,
utilise le calcul d’une probabilité de causalité pour de
nombreux types de cancers chez les sujets ayant été
exposés aux rayonnements ionisants (9). Le pro-
gramme de calcul est proposé au public, sur Internet,
sur le site www.cdc.gov/niosh/ocas/ocasirep.html. Il
tient compte du tabagisme pour la survenue de cancer
bronchique. En fonction du modèle retenu, additif ou
multiplicatif, un coefficient est introduit pour pondérer
la probabilité de causalité. La valeur est majorée ou
minorée en fonction du sexe et de l’intensité du taba-
gisme : ce coefficient de pondération varie de 4,7 chez
l’homme non-fumeur à 0,16 chez la femme tabagique
à plus de 40 cigarettes par jour. Quand le tabagisme
n’est pas quantifié, le coefficient est de 0,42 chez
l’homme, de 0,35 chez la femme. De plus la valeur de
la probabilité sert pour le calcul de l’indemnisation.
— Au Royaume-Uni, la reconnaissance des cancers
bronchiques chez les salariés des centres nucléaires de
production d’électricité (British Nuclear Fuels) tient
également compte du tabagisme selon une méthode
analogue (10, 11). Un facteur de générosité est intro-
duit dans le calcul des probabilités de causalité. La
valeur de la probabilité de causalité permet de recon-
naître l’origine professionnelle de l’affection et de
moduler son indemnisation.Ainsi, la maladie est com-
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