12 REFLETS | SEPTEMBRE 2016
DOSSIER
ÉDITORIALISTE INVITÉ
Notre éditorialiste invité, Paul G. Brunet est titulaire d’une maîtrise en administra-
tion publique et est admis au Barreau en 1982. D’abord avocat en pratique privée, il
travaille ensuite dans les contentieux et les municipalités comme expert-conseil. Il a
œuvré pendant environ 30 ans à la direction générale de municipalités au Québec. Il
est confronté très tôt à la maladie de ses proches et s’implique au sein du Conseil pour
la protection des malades (CPM), un organisme fondé par son frère en 1974. Il en est
d’abord le conseiller juridique bénévole puis en devient le directeur bénévole en 2000.
Pour sa contribution à la cause de la justice, il recevait en 2002 la Médaille du Barreau
de Montréal et, la même année, le Prix pro bono Rajpattie-Persaud de l’Association du
Barreau canadien.
Par Paul G. Brunet.
Le dossier de ce numéro de la revue
REFLETS se veut une réflexion sur la réforme
de la santé. Chacun des collaborateurs se
questionnent sur des aspects bien précis
de cette réforme qui en interpelle plus d’un.
Pour ma part, les projets de loi 10 et 20
suscitent mon attention et une certaine
perplexité.
PROJET DE LOI 10
Se voulant rassurant, le ministre de la santé
et des services sociaux, le docteur Gaétan
Barrette, avait indiqué dès le dépôt du projet
de loi, en septembre 2014, que la démarche
était transitoire.
Les objectifs poursuivis par le projet de loi
étaient louables :
• Favoriser et simplifier l’accès aux
services pour la population ;
• Contribuer à l’amélioration de la qualité
et de la sécurité des soins ;
• Accroître l’efficience et l’efficacité du
réseau
Sur le terrain par contre, les actions pour
atteindre les objectifs fixés ne semblent
pas s’être matérialisées. En effet, aucunes
données disponibles n’ont permis à ce jour de
démontrer de façon concluante qu’on a depuis
favorisé l’accès aux soins de santé. Les citoyens
continuent, soit pour des urgences mineures,
soit pour des interventions sélectives, à
attendre par centaines de milliers bien au-delà
des délais acceptables.
La centralisation de l’autorité vers le
ministre, causée par le PL 10, n’a pas non
plus contribué à améliorer la qualité ou la
sécurité des soins. Les comités d’usagers et
les comités de résidents, particulièrement en
hébergement de soins de longue durée, ont
dû commencer à se battre pour conserver
la moindre autonomie face aux nouveaux
comités centraux, les CUCI (comité d’usagers
des centres intégrés). Le ministre avait
promis qu’il ne gérerait pas le réseau. C’est
exactement le contraire qui s’est produit.
Le ministre a beau rencontrer la trentaine de
nouveaux PDG des nouveaux CISSS et CIUSSS
qu’il a lui-même nommés, et ce, tous les mois,
mais son style très directif pourrait avoir annulé
le moindre effet souhaité en vue d’une efficacité
accrue du réseau. En fait, le ministre a décon-
centré l’autorité mais ne l’a pas décentralisée.
Connaissant un peu la personne, rien n’est sur-
prenant à ce chapitre.
Sur l’objectif d’améliorer l’efficience du
réseau, le ministre a déclaré que près de 200
postes de gestionnaires ont déjà pu être libé-
rés. Par contre, les sommes ainsi économisées
ne seront pas réinvesties dans le réseau mais
dirigées plutôt vers le Conseil du trésor dans la
poursuite d’un budget équilibré de l’État.
PROJET DE LOI 20
Mis en vigueur en novembre 2015, ce projet
de loi a pour but d’optimiser l’utilisation
des ressources médicales afin d’améliorer
l’accès aux services de médecine. Au Conseil
pour la protection des malades, nous avons
appuyé le but poursuivi, mais nous avions des
réserves quant aux moyens proposés. Le ministre
proposait en effet de forcer les médecins,
sous peine de pénalité quant à leur
rémunération, à prendre plus de patients en
charge. On sait ce qui est arrivé depuis. Le
ministre a suspendu les pénalités et convenu
de bonifier la rémunération des médecins en
contrepartie d’une plus grande prise en charge
des patients. Dans cette opération, on a eu
l’impression que le gouvernement avait tenté
de rattraper ce qu’il n’avait pas demandé ou
obtenu lors des dernières négociations avec
les médecins. Comment en effet a-t-on pu
permettre aux médecins d’obtenir la parité
de leur rémunération avec leurs collègues des
autres provinces sans qu’on leur demande et
obtienne qu’ils prennent autant de patients
en charge que leurs collègues des autres
provinces?
Et il y a pire. Pour calmer la grogne des
médecins par rapport au projet de loi,
rappelons que le ministre a reporté aux
calendes grecques les pénalités. Encore plus
dramatique, dans une entrevue qu’il accordait
au Journal de Québec du 10 avril 2016, il
concédait que les bonis n’avaient pas créé les
effets positifs escomptés chez les médecins
pour la prise en charge des patients. Bref,
il faut se questionner sérieusement sur les
conséquences de la réforme du système de la
santé au Québec proposée depuis 2014.
SE QUESTIONNER SUR
LA RÉFORME DE LA SANTÉ
Paul G. Brunet. MAP
Avocat
Membre du conseil d’administration
du Conseil pour la protection des malades