Bulletin-6V3 12/10/09 14:00 Page 1 Bulletin d’information aux familles Génétique du diabète de l’enfant Programme français de génétique du diabète de l’enfant N° 2 -Octobre 2009 Une nouvelle approche scientifique : interroger l’environnement a la recherche de causes de diabete de l’enfant Vous ou votre enfant, suivi pour un diabète insulinodépendant, avez accepté, sur proposition de votre médecin, de participer à une grande enquête nationale sur les causes génétiques du diabète : près de 3000 enfants de familles françaises, ayant eu un début précoce de leur maladie, nous ont fourni un échantillon de sang ayant permis d’étudier leur ADN exclusivement à la recherche de gènes prédisposant au diabète des enfants. Grâce à eux et à vous, de nouveaux gènes ont été identifiés, dont le Centre National de Génotypage, sous la direction du Professeur Mark Lathrop, confirme actuellement l’implication. Il a fallu deux années pour mener à bien cette analyse, qui améliorera notre compréhension de la prédisposition génétique au diabète de l’enfant. Mais la génétique ne représente qu’une partie des causes du diabète. D’autres facteurs interviennent, notamment des facteurs d’environnement. Vous savez peut-être, votre médecin vous l’a dit et vous l’avez lu, que des virus sont soupçonnés, ou certains composants de l’alimentation… En fait, l’ignorance des facteurs d’environnement est quasi totale dans le domaine du diabète de type 1 dont souffre votre enfant. Si on identifiait de tels facteurs, peut-être pourrait-on éviter la maladie en minimisant l’exposition à certains environnements ou en utilisant des vaccins appropriés. La génétique et l’environnement Beaucoup d’énergie et de crédits sont investis dans la recherche des facteurs génétiques prédisposant au diabète de type 1 de l’enfant. C’est très important. Lorsqu’on aura identifié tous ces facteurs, cela permettra de mieux comprendre ce qui dans notre patrimoine génétique menace certains individus plus que d’autres de développer la maladie. Pourtant, ne l’oublions pas, la plupart des individus génétiquement prédisposés ne deviendront pas diabétiques. Ce fait est bien démontré par le cas des jumeaux vrais: quand l’un a le diabète, l’autre ne le développe que dans 25-35% des cas. C’est beaucoup, bien sûr, en comparaison d’un autre enfant de la population générale qui n’a qu’une chance sur 10.000 de devenir diabétique. Et donc les facteurs génétiques sont importants. Mais en prenant les choses dans l’autre sens, cela veut aussi dire que 65-75% des jumeaux ne développeront pas la maladie, quoique génétiquement prédisposés au maximum (ils ont en commun avec leur jumeau quasiment tous leurs gènes). D’autres observations démontrent le rôle prépondérant de l’environnement. Les enfants immigrants présentent une fréquence de la maladie semblable à celle régnant dans le pays d’accueil, non dans le pays d’origine: c’est donc le nouvel environnement qui compte. Egalement, l’augmentation rapide de la fréquence du diabète avant 10 ans, qui a doublé de 1985 à 2005 dans tous les pays d’Europe où elle a été mesurée, ne peut être attribuée à des facteurs génétiques, car il faut des dizaines de générations pour modifier les caractères génétiques d’une population de façon significative. Ce sont donc des facteurs d’environnement émergents qui sont en jeu dans cette rapide augmentation des cas de diabète, observée par tous les services de pédiatrie européens, notamment dans notre pays. Faut-il le faire avec des idées préconçues? Pour cela il faut faire des hypothèses sur le facteur qui pourrait favoriser la survenue du diabète… et avoir à la fois de l’imagination et du flair. Appelons ce facteur le facteur X, plus exactement les facteurs X, Y, Z, etc. car il est peu probable, et en tout cas pas certain du tout, que le même facteur d’environnement soit en cause chez tous les malades de tous les groupes humains. Quelles hypothèses faire sur X, Y, Z? On a évoqué certains virus, les entérovirus du groupe Coxsackie B, à cause de quelques cas où ces Comment aborder l’environnement? virus ont été retrouvés dans le pancréas d’un ou deux enfants accidentellement décédés au tout début de leur diabète… coïncidence ou cause? Plusieurs enquêtes ont été conduites, avec des résultats discordants, et rien n’a confirmé le rôle de ces virus. Mais peut-on pour autant les innocenter? Probablement pas encore, car il n’est pas facile d’identifier un tel virus, au moment où un jeune enfant devient diabétique, des mois ou des années après que l’infection virale a eu lieu. Il peut en rester la trace sérologique mais celle-ci n’est pas éternelle et il faudrait pour la rechercher avec la résolution suffisante connaître précisément le virus causal, ce qui n’est pas le cas. Recherche négative ne veut pas dire innocence, donc, mais 20 années de travail attentif de plusieurs laboratoiSuite page 2 Bulletin-6V3 12/10/09 14:00 Page 2 Une nouvelle approche scientifique : interroger l’environnement a la recherche de causes de diabete de l’enfant Suite de la page 1 res et équipes n’ont encore mené à rien en suivant la piste entérovirale. Il faudra pour conclure de nouvelles techniques, de nouvelles enquêtes prospectives, de nouvelles façons de poser la question. A l’inverse d’une infection causant la maladie, la raréfaction des infections de la petite enfance a été considérée par certains comme une cause possible de diabète autoimmun. Selon cette hypothèse, le système immunitaire, moins sollicité par les maladies infectieuses de la petite enfance, deviendrait plus porté à développer des maladies autoimmunes dont le diabète. Cette hypothèse que défendent de nombreux immunologistes n’a pas de fondement épidémiologique chez le jeune nourrisson européen. En effet si la tuberculose, le rhumatisme articulaire ou d’autres maladies sont à peu près éteintes, ainsi que les graves infections bactériennes, en revanche la vie en crèche, maternelle, milieu urbain expose énormément de jeunes enfants aux infections virales communautaires et dire que les infections ont diminué à cet âge n’est donc que partiellement vrai. Même il y a 40 ans, ni la tuberculose, ni les staphylocoques, ni les streptocoques ne faisaient partie du quotidien de nombreux enfants de moins de 3 ans. Or c’est avant cet âge, le plus souvent que se déclenche l’attaque autoimmune comme l’a révélé l’étude de jeunes frères ou sœurs ou enfants de patients diabétiques. Les autoanticorps anti-cellules à insuline apparaissent souvent dans les toutes premières années. Continuons donc à évoquer des facteurs d’environnement auxquels les enfants sont exposés tôt dans la vie… ce n’est pas facile. Assez vite les hypothèses sur X, Y ou Z se sont trouvées limitées. Les chercheurs n’y ont plus consacré d’énergie et de curiosité concrète. De plus, on ne peut pas reconstituer de conditions environnementales humaines au laboratoire, pour tester si elles rendraient diabétiques des souris! Alors que les manipulations génétiques de ces animaux continuent d’enchanter les expérimentateurs, mettant en lumière excessivement la part de génétique dans la maladie… mettant d’explorer l’histoire personnelle du patient diabétique suivant 5 grands axes : 1) avant la naissance du futur diabétique ; 2) lorsque le futur diabétique était un bébé ; 3) la vie médicale du futur diabétique ; 4) les habitudes de vie et l’environnement du futur diabétique ; 5) les parents et proches du futur diabétique. Résumé Notre vision des causes du diabète peut se résumer à : être avec les “mauvais” gènes au mauvais endroit au mauvais moment. Ni les gènes ni l’endroit ni le moment ne suffisent à donner le diabète, il faut la conjonction des trois catégories de facteurs. Grâce à l’analyse génétique (voir numéro précédent du journal en 2007), nous avons caractérisé plus de 2000 enfants diabétiques. Nous allons bientôt pouvoir regarder si les enfants porteurs des variations génétiques a, b, c, d ont développé leur maladie en étant dans les environnements x,y, z… Une aventure nouvelle va commencer: l’étude en parallèle des gènes et de l’environnement. ■ Le projet de recherche Que proposer? Grâce au soutien du Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC 2008), de l’INSERM, de NovoNordisk France, de l’Association de Recherche sur le Diabète (ARD), les équipes des professeurs Bougnères et Valleron se sont lancées dans une étude “à l’aveugle” de l’environnement des enfants diabétiques, en relevant des données dans les mois et années qui précèdent le diagnostic de la maladie. Une étude “à l’aveugle” veut dire une étude sans idée préconçue, sans hypothèse sur tel ou tel facteur suspecté de favoriser la maladie. La méthode est simple en apparence: elle revient à identifier des centaines de caractéristiques de l’environnement dans lequel a vécu le futur diabétique, en remontant à la grossesse de sa mère, et jusqu’à la déclaration du diabète. Vivait-il près d’une rivière, d’un champ de maïs, était-il allé au bord de la mer en vacances, y avait-il un chien à la maison, etc.? Même si beaucoup de paramètres environnementaux échappent, plusieurs centaines/milliers peuvent être déterminés chez un individu donné grâce à deux approches parallèles : la première consiste, grâce à la géo-localisation (type GoogleMap) de l’adresse du diabétique à différents moments de sa vie (la grossesse de sa mère, sa naissance, le diagnostic de son diabète), à attribuer automatiquement à chaque individu des données environnementales relatives à la faune, à la flore, aux pollutions chimiques et physiques, à la biodiversité etc. recensées dans des bases de données publiques ou privées. Répartition des La seconde utilise un question2300 premiers patients géolocalisés naire d’environ 800 questions persur la carte de l’occupation des sols Histogramme du recrutement par centre participant : Pour obtenir plus d’informations sur le Programme « Etude Génétique et Environnementale du Diabète de l’Enfant », contactez : Sophie Le Fur INSERM U561 - Hôpital Saint-Vincent de Paul- 82, avenue Denfert Rochereau - 75014 PARIS - Téléphone : 0140488246 Email : sophie.le-fur@ inserm.fr