Vous ou votre enfant, suivi pour un diabète insulinodépendant, avez accepté, sur proposition de votre
médecin, de participer à une grande enquête nationale sur les causes génétiques du diabète : près
de 3000 enfants de familles françaises, ayant eu un début précoce de leur maladie, nous ont fourni
un échantillon de sang ayant permis d’étudier leur ADN exclusivement à la recherche de gènes pré-
disposant au diabète des enfants.
Grâce à eux et à vous, de nouveaux gènes ont été identifiés, dont le Centre National de Génotypage,
sous la direction du Professeur Mark Lathrop, confirme actuellement l’implication. Il a fallu deux
années pour mener à bien cette analyse, qui améliorera notre compréhension de la prédisposition
génétique au diabète de l’enfant.
Mais la génétique ne représente qu’une partie des causes du diabète. D’autres facteurs interviennent,
notamment des facteurs d’environnement. Vous savez peut-être, votre médecin vous l’a dit et vous
l’avez lu, que des virus sont soupçonnés, ou certains composants de l’alimentation… En fait, l’igno-
rance des facteurs d’environnement est quasi totale dans le domaine du diabète de type 1 dont souf-
fre votre enfant. Si on identifiait de tels facteurs, peut-être pourrait-on éviter la maladie en minimi-
sant l’exposition à certains environnements ou en utilisant des vaccins appropriés.
Beaucoup d’énergie et de crédits sont investis dans la recherche des
facteurs génétiques prédisposant au diabète de type 1 de l’enfant. C’est
très important. Lorsqu’on aura identifié tous ces facteurs, cela permet-
tra de mieux comprendre ce qui dans notre patrimoine génétique menace
certains individus plus que d’autres de développer la maladie. Pourtant,
ne l’oublions pas, la plupart des individus génétiquement prédisposés
ne deviendront pas diabétiques. Ce fait est bien démontré par le cas des
jumeaux vrais: quand l’un a le diabète, l’autre ne le développe que dans
25-35% des cas. C’est beaucoup, bien sûr, en comparaison d’un autre
enfant de la population générale qui n’a qu’une chance sur 10.000 de
devenir diabétique. Et donc les facteurs génétiques sont importants.
Mais en prenant les choses dans l’autre sens, cela veut aussi dire que
65-75% des jumeaux ne développeront pas la maladie, quoique géné-
tiquement prédisposés au maximum (ils ont en commun avec leur
jumeau quasiment tous leurs gènes). D’autres observations démontrent
le rôle prépondérant de l’environnement. Les enfants immigrants pré-
sentent une fréquence de la maladie semblable à celle régnant dans le
pays d’accueil, non dans le pays d’origine: c’est donc le nouvel envi-
ronnement qui compte. Egalement, l’augmentation rapide de la fréquence
du diabète avant 10 ans, qui a doublé de 1985 à 2005 dans tous les pays
d’Europe où elle a été mesurée, ne peut être attribuée à des facteurs géné-
tiques, car il faut des dizaines de générations pour modifier les carac-
tères génétiques d’une population de façon significative. Ce sont donc
des facteurs d’environnement émergents qui sont en jeu dans cette rapide
augmentation des cas de diabète, observée par tous les services de
pédiatrie européens, notamment dans notre pays.
Faut-il le faire avec des idées préconçues? Pour cela il faut faire des
hypothèses sur le facteur qui pourrait favoriser la survenue du diabète…
et avoir à la fois de l’imagination et du flair. Appelons ce facteur le fac-
teur X, plus exactement les facteurs X, Y, Z, etc. car il est peu proba-
ble, et en tout cas pas certain du tout, que le même facteur d’environ-
nement soit en cause chez tous les malades de tous les groupes humains.
Quelles hypothèses faire sur X, Y, Z? On a évoqué certains virus, les
entérovirus du groupe Coxsackie B, à cause de quelques cas où ces
virus ont été retrouvés dans le pancréas d’un ou deux enfants acciden-
tellement décédés au tout début de leur diabète… coïncidence ou cause?
Plusieurs enquêtes ont été conduites, avec des résultats discordants, et
rien n’a confirmé le rôle de ces virus. Mais peut-on pour autant les inno-
center? Probablement pas encore, car il n’est pas facile d’identifier un
tel virus, au moment où un jeune enfant devient diabétique, des mois
ou des années après que l’infection virale a eu lieu. Il peut en rester la
trace sérologique mais celle-ci n’est pas éternelle et il faudrait pour la
rechercher avec la résolution suffisante connaître précisément le virus
causal, ce qui n’est pas le cas. Recherche négative ne veut pas dire inno-
cence, donc, mais 20 années de travail attentif de plusieurs laboratoi-
La génétique
et l’environnement
Comment aborder
l’environnement?
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Bulletin d’information aux familles
Génétique
du
diabète
de
l’enfant
Programme français
de génétique
du diabète
de l’enfant
N° 2 -Octobre 2009
Une nouvelle approche scientifique :
interroger l’environnement
a la recherche de causes de diabete de l’enfant
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res et équipes n’ont encore mené à rien en suivant la piste entérovirale. Il faudra
pour conclure de nouvelles techniques, de nouvelles enquêtes prospectives, de
nouvelles façons de poser la question. A l’inverse d’une infection causant la mal-
adie, la raréfaction des infections de la petite enfance a été considérée par cer-
tains comme une cause possible de diabète autoimmun. Selon cette hypothèse,
le système immunitaire, moins sollicité par les maladies infectieuses de la petite
enfance, deviendrait plus porté à développer des maladies autoimmunes dont
le diabète. Cette hypothèse que défendent de nombreux immunologistes n’a pas
de fondement épidémiologique chez le jeune nourrisson européen. En effet si
la tuberculose, le rhumatisme articulaire ou d’autres maladies sont à peu près
éteintes, ainsi que les graves infections bactériennes, en revanche la vie en crè-
che, maternelle, milieu urbain expose énormément de jeunes enfants aux infec-
tions virales communautaires et dire que les infections ont diminué à cet âge
n’est donc que partiellement vrai. Même il y a 40 ans, ni la tuberculose, ni les
staphylocoques, ni les streptocoques ne faisaient partie du quotidien de nom-
breux enfants de moins de 3 ans. Or c’est avant cet âge, le plus souvent que se
déclenche l’attaque autoimmune comme l’a révélé l’étude de jeunes frères ou
sœurs ou enfants de patients diabétiques. Les autoanticorps anti-cellules à insu-
line apparaissent souvent dans les toutes premières années. Continuons donc
à évoquer des facteurs d’environnement auxquels les enfants sont exposés tôt
dans la vie… ce n’est pas facile. Assez vite les hypothèses sur X, Y ou Z se sont
trouvées limitées. Les chercheurs n’y ont plus consacré d’énergie et de curio-
sité concrète. De plus, on ne peut pas reconstituer de conditions environne-
mentales humaines au laboratoire, pour tester si elles rendraient diabétiques
des souris! Alors que les manipulations génétiques de ces animaux continuent
d’enchanter les expérimentateurs, mettant en lumière excessivement la part de
génétique dans la maladie…
Le projet de recherche
Que proposer? Grâce au soutien du Programme Hospitalier de Recherche Cli-
nique (PHRC 2008), de l’INSERM, de NovoNordisk France, de l’Association de
Recherche sur le Diabète (ARD), les équipes des professeurs Bougnères et Val-
leron se sont lancées dans une étude “à l’aveugle” de l’environnement des enfants
diabétiques, en relevant des données dans les mois et années qui précèdent le
diagnostic de la maladie. Une étude “à l’aveugle” veut dire une étude sans idée
préconçue, sans hypothèse sur tel ou tel facteur suspecté de favoriser la mal-
adie. La méthode est simple en apparence: elle revient à identifier des centaines
de caractéristiques de l’environnement dans lequel a vécu le futur diabétique,
en remontant à la grossesse de sa mère, et jusqu’à la déclaration du diabète.
Vivait-il près d’une rivière, d’un champ de maïs, était-il allé au bord de la mer
en vacances, y avait-il un chien à la maison, etc.?
Même si beaucoup de paramètres environnemen-
taux échappent, plusieurs centaines/milliers
peuvent être déterminés chez un
individu donné grâce à deux
approches
parallèles : la
première
consiste, grâce à
la géo-localisation
(type GoogleMap)
de l’adresse du diabé-
tique à différents moments
de sa vie (la grossesse de sa
mère, sa naissance, le diagnostic
de son diabète), à attribuer auto-
matiquement à chaque individu
des données environnementales
relatives à la faune, à la flore, aux
pollutions chimiques et phy-
siques, à la biodiversité etc.
recensées dans des bases de
données publiques ou privées.
La seconde utilise un question-
naire d’environ 800 questions per-
mettant d’explorer l’histoire personnelle du patient diabétique suivant 5 grands
axes : 1) avant la naissance du futur diabétique ; 2) lorsque le futur diabétique était
un bébé ; 3) la vie médicale du futur diabétique ; 4) les habitudes de vie et l’envi-
ronnement du futur diabétique ; 5) les parents et proches du futur diabétique.
Résumé
Notre vision des causes du diabète peut se résumer à : être avec les “mauvais”
gènes au mauvais endroit au mauvais moment. Ni les gènes ni l’endroit ni le
moment ne suffisent à donner le diabète, il faut la conjonction des trois catégo-
ries de facteurs.
Grâce à l’analyse génétique (voir numéro précédent du journal en 2007), nous
avons caractérisé plus de 2000 enfants diabétiques. Nous allons bientôt pou-
voir regarder si les enfants porteurs des variations génétiques a, b, c, d ont déve-
loppé leur maladie en étant dans les environnements x,y, z… Une aventure nou-
velle va commencer: l’étude en parallèle des gènes et de l’environnement.
Suite de la page 1
Une nouvelle approche scientifique :
interroger l’environnement
a la recherche de causes de diabete de l’enfant
Répartition des
2300 premiers patients géolocalisés
sur la carte de l’occupation des sols
Pour obtenir plus d’informations sur le Programme « Etude Génétique et Environnementale du Diabète de l’Enfant », contactez : Sophie Le Fur
INSERM U561 - Hôpital Saint-Vincent de Paul- 82, avenue Denfert Rochereau - 75014 PARIS - Téléphone : 0140488246 Email : sophie.le-fur@ inserm.fr
Histogramme du recrutement
par centre participant :
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