Par ailleurs, l’acquisition de gènes plasmidiques ou transpo-
sables code pour des protéines d’efflux de l’érythromycine chez
les staphylocoques et les pneumocoques.
Relation efflux-virulence chez Pseudomonas aeruginosa
(O. Join-Lambert, Paris)
P. aeruginosa est une bactérie opportuniste responsable d’in-
fections nosocomiales et d’infections des voies respiratoires
chez les sujets atteints de mucoviscidose. La multiplicité des
facteurs de virulence et l’existence de systèmes d’efflux à large
spectre expliquent la multirésistance aux antibiotiques.
!Systèmes d’efflux chez P. aeruginosa. P. aeruginosa se
caractérise par sa résistance naturelle à de nombreux antibio-
tiques et par sa grande facilité à développer des résistances sous
traitement. Cela est dû à l’imperméabilité de sa membrane
externe et à l’existence de pompes d’efflux. On décrit cinq sys-
tèmes de pompes chez P. aeruginosa, appartenant toutes à la
famille RND : MexAB-OprM, MexCD-OprJ, MexEF-OprN,
MeXY-OprM, MexJK-OprM. Sur le plan génétique, ces
pompes sont organisées en opérons chromosomiques formés
de trois gènes, le premier codant pour une protéine de fusion
membranaire (MexA, MexC, MexE, MexJ, MexX), le second
pour un transporteur (MexB, MexD, MexF, MexK, MexY), le
troisième pour une protéine de membrane externe (OprM,
OprN, OprJ). Les trois protéines associées forment un canal
traversant la membrane interne, l’espace périplasmique et la
membrane externe. In vitro et in vivo, l’exposition aux anti-
biotiques et, en particulier, aux fluoroquinolones est respon-
sable de l’émergence de mutants d’efflux. La surexpression
d’un système d’efflux engendre l’acquisition d’un phénotype
de multirésistance, diminuant la sensibilité de la bactérie à
d’autres antibiotiques que le seul substrat initial (tableau II).
!Fonctions naturelles des pompes d’efflux. Le nombre de
gènes codant pour des systèmes d’efflux de la famille RND est
très élevé chez P. aeruginosa (dix systèmes contre quatre chez
E. coli). La pompe MexAB-OprM est exprimée de façon consti-
tutive chez les souches sauvages, contrairement aux systèmes
MexCD-OprJ et Mex EF-OprN. Cela suggère que la mise en
route de ces pompes pourrait représenter un coût pour la bac-
térie et que leur activation serait réservée à des situations de
lutte et de survie de la bactérie.
!Relation efflux-virulence chez P. aeruginosa. L’étude de
l’expression de la virulence chez des mutants isogéniques de
PAO1 (souche sauvage) de référence a montré que les systèmes
d’efflux interféraient avec la régulation de la virulence par
quorum sensing (cf. infra) et avec la capacité d’exprimer un
phénotype invasif.
!Facteurs de virulence de P. aeruginosa.Il existe deux types
de facteurs de virulence :
"Les facteurs associés à la bactérie, composant la structure
bactérienne (flagelles, pili, adhésines, lipopolysaccharides, algi-
nate).
"Les facteurs de virulence extracellulaires sécrétés (protéases,
hémolysines…). La production de certains agents de virulence
extracellulaires est régulée par le quorum sensing.
!Régulation par quorum sensing de l’expression de viru-
lence de P. aeruginosa. Il s’agit d’un système permettant aux
bactéries de communiquer entre elles pour réguler la synthèse
de leurs facteurs de virulence, grâce à l’action d’auto-induc-
teurs appelés homosérines lactones (LHS).
On distingue deux types de quorum sensing chez P. aerugi-
nosa :le système las (lasI, lasR : régulateur transcriptionnel de
la synthèse d’élastase) et le système rhl (rhlI, rhlR : régulateur
transcriptionnel de la synthèse de rhamnolipides). Les gènes
las I et rhl II codent pour une enzyme responsable de la syn-
thèse d’un auto-inducteur. Lors de l’augmentation de la popu-
lation bactérienne, ces auto-inducteurs se fixent aux activateurs
transcriptionnels Lasr et RhlR. Chaque complexe auto-induc-
teur-activateur transcriptionnel induit alors l’expression de
gènes de virulence dépendant de son système respectif.
In vivo, le quorum sensing pourrait être impliqué dans le
passage de la phase de colonisation bactérienne à la phase d’in-
fection aiguë par P. aeruginosa.
Inhibiteurs des systèmes d’efflux chez les bactéries
(J.M. Pagès, Marseille)
Les systèmes de pompes, regroupés en six familles, jouent un
rôle clé dans la détoxification de la cellule.
Dans le domaine de l’antibiothérapie, ces systèmes ont diffé-
rentes fonctions :
"expulser les antibiotiques hors de la cellule cible ;
"accroître le potentiel d’autres mécanismes de résistance (par
inactivation enzymatique de l’antibiotique ou modification de
la perméabilité membranaire), ce qui est à l’origine de la
multirésistance ;
"faciliter l’adaptation des bactéries in vivo ;
"favoriser l’émergence de mutants de cibles.
!Mécanismes d’efflux et cibles potentielles. La mise en
action des mécanismes d’efflux entraîne une modification
notable de la sensibilité des bactéries aux antibiotiques et
l’apparition de phénotypes de résistance. Face aux risques
d’impasse thérapeutique, différentes études sont menées
à la recherche de molécules capables de bloquer ces
mécanismes de transport et de restaurer l’activité des antibio-
tiques expulsés.
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La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVIII - n° 2 - mars-avril 2003
RÉUNIONS
Systèmes d’efflux Antibiotiques exportés
MexAB-OprM Quinolones, tétracyclines, chloramphénicol,
triméthoprime, β-lactamines, inhibiteurs
des β-lactamines
MexXY-OprM Tétracyclines, érythromycine, aminoglycisides
MexJK-OprM Tétracyclines, érythromycine
MexCD-OprJ Quinolones, érythromycine, C3G
MexEF-OprN Quinolones, chloramphénicol, triméthoprime
Tableau II. Antibiotiques exportés par les systèmes d’efflux de
P. aeruginosa.