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apprendre à réagir de manière constructive dès qu’il consomme de nouveau l’alcool : appeler
à l’aide son médecin au plus vite en cas de rechute. Cet apprentissage lui permet de
progressivement se déculpabiliser de la rechute (qui est de toute façon attendue), d’éviter les
conséquences catastrophiques d’une rechute qui s’étale dans le temps et, in fine, de parvenir à
la maîtrise de sa consommation d’alcool. D’une certaine manière, cette intention de s’abstenir
d’alcool le plus longtemps possible et d’appeler à l’aide un professionnel au plus vite,
constitue l’application d’un des principes fondamentaux du modèle des Alcooliques
Anonymes qui prône « vingt-quatre heures à la fois ! ».
La consommation contrôlée telle qu’envisagée dans ce colloque laisse planer le doute sur la
manière dont on peut la proposer à la personne demandeuse. Sans précision, elle revient à
proposer une consommation modérée à laquelle très peu ou pas de personnes qui ont été
dépendantes de l’alcool peuvent encore prétendre.
Par contre, il est une définition stricte de la consommation contrôlée en tant que traitement de
l’alcoolisme. En tant que traitement, la consommation contrôlée est une consommation
prescrite par le thérapeute en accord avec le patient. Au sens premier du terme, il s’agit d’une
prescription d’alcool au même titre que le médecin prescrit un médicament. Par exemple, le
médecin prescrira une bière par jour pendant le repas du soir ; ce qui signifie de la prendre
uniquement à ce moment précis et de boire une seule bière, pas deux, mais aussi la boire
même si un soir il n’y a pas d’envie de la prendre! Le caractère obligatoire et contraignant de
la prescription doit être respecté au même titre que pour tout médicament.
Cette consommation contrôlée thérapeutique fonctionnera d’autant mieux que la personne
réunit les conditions suivantes :
• Moindre gravité de la dépendance du patient
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,
• Précédé par un sevrage et une période d’abstinence (la plus longue possible). A noter
que le baclofène, de par son effet anti-craving, permettrait d’envisager cette approche
de consommation contrôlée sans sevrage !
• Suivi régulier par un professionnel
• Implication personnelle du patient (par ex, carnet de self-help ou participation
régulière à un groupe d’entraide comme les AA ou Vie Libre, etc.)
• Capacité à la compliance (par ex, personnalité obsessionnelle)
• Précédé d’un parcours de soins qui montre le désir du patient de reprendre le contrôle
de sa vie. Le fait d’avoir déjà mis en place dans sa vie des éléments signifiant le
changement psychothérapeutique et mettant en évidence l’amélioration de sa qualité
de vie sont un plus également !
En guise de conclusion, cette attention renouvelée sur le traitement de l’alcoolisme par la
consommation contrôlée d’alcool a le mérite de remettre en cause le tabou de l’abstinence.
Cependant, cette focalisation sur le produit alcool pourrait conduire certains à perdre de vue
que les patients hospitalisés et dépendants de l’alcool, s’ils souhaitent maîtriser leur
consommation d’alcool, ont avant tout besoin de se soigner et se centrer sur leur mal-être
plutôt que de réduire leur attention à arrêter la consommation d’alcool…
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Sanchez-Craig, M., Annis, H. M., Bornet, A. R., & MacDonald, K. R. (1984), “Random assignment to abstinence
and controlled drinking: Evaluation of a cognitive-behavioural program for problem drinkers”, Journal of Consulting
and Clinical Psychology, 52, 390-403.