Avec Jean-Marie CLEMENT Directeur Pédagogique de l’Association pour la Promotion du Droit Hospitalier de I’Economie de la Santé (APDHES) Professeur de Droit Hospitalier et Médical à Paris VIII Conférence prononcée à l’occasion de la @me journée infirmière de Vendée, le 12 mars 1998, organisée par le Centre Hospitalier Départemental de LA ROCHE SUR YON (Vendée) LES DROITS DU PATIENT ’ Mots-clés : Droits - patients - hospitalisé - respect - responsabilité hospitalière. La notion de patient recouvre celle du malade en ce que la personne qui consulte n’est pas obligatoirement atteinte par une maladie. Le fait de visiter un médecin n’est pas exclusivement pour des raisons de maladie, puisque d’abord le diagnostic n’est pas assuré et ensuite parce que l’on peut recourir à un médecin pour des raisons diverses qui n’ont rien à voir avec une maladie, comme par exemple l’interruption de grossesse, la chirurgie réparatrice ou reconstructive et plus généralement à titre préventif pour quelques raisons que ce soit. les exiger au nom du respect de la personne, sujet de droits et non objet de droits. Qn assiste à une modification radicale du droit des patients, ce n’est plus le droit octroyé c’est le droit reconnu, il n’est pas octroyé par les soignants, il est reconnu par ceux-ci comme un droit consubstantiel à la personne soignée. Cette reconnaissance ne va pas se faire extemporanément. On assiste à une lente émergence des droits des patients de 1941 à 1991, puis à partir de cette date la loi va mettre en exergue le droit des patients comme un levier de changement des pratiques professionnelles hospitalières. Jusqu’à la fameuse loi du 21 décembre 1941, l’hôpital était réservé aux pauvres ; ce n’est qu’avec les progrès médicaux significatifs à compter du milieu du XIXe siècle et surtout avec l’avènement d’une véritable protection sociale avec la loi du 5 avril 1928 sur les assurances sociales, que l’hôpital s’ouvre aux malades payant par tiers que sont les caisses d’assurance sociale voire sur leurs propres deniers. Ces derniers, pour les distinguer des autres, étaient appelés les «grands payants » jusqu’en 1941. 1 - LA RECONNAISSANCE DU DROIT DES PATIENTS L’ouverture de l’hôpital à toutes les catégories sociales fut un droit avant d’être un fait car si la loi est promulguée le 21 décembre 1941, les conditions d’hospitalisation, marquées par une profonde promiscuité - les salles étaient communes à 30 voire 40 malades - et une grande vétusté, interdisaient aux classes moyennes et a fortiori supérieures d’être hospitalisées à l’hôpital public. A cela s’ajoutaient les dispositions de réception des patients qui dataient de l’assistance aux pauvres. Or, les progrès médicaux commençaient à rénover les soins hospitaliers et, à compter des années 1950, il n’était plus justifié de considérer l’entrée à l’hôpital comme celle de l’antichambre de la mort. En outre, à compter du début de la décennie 1960, l’introduction de la médecine plein temps obligatoire pour les médecins enseignant dans les facultés de médecine et encouragée pour les praticiens des centres hospitaliers non universitaires, renforce l’image nouvelle de I’hôpital comme un centre de soins performant pouvant rivaliser avec les meilleures cliniques privées. C’est dans La généralisation de la protection sociale avec la création de la sécurité sociale par l’ordonnance du 4 octobre 1946 scelle définitivement l’ouverture de l’hôpital à toutes les couches sociales de la société. Dès lors, l’appréhension des relations entre patients et soignants à l’hôpital va changer car si les pauvres devaient se contenter d’être accueillis, les payants vont exiger des égards. Que l’on ne s’y méprenne pas, les pauvres étaient selon les principes chrétiens qui gouvernaient les hôpitaux, l’objet de toutes les attentions puisqu’ils représentaient la rédemption, mais il est évident qu’entre ces principes et la réalité il y avait des écarts sur lesquels il n’est point besoin d’épiloguer. Les payants ne vont pas revendiquer des égards, mais vont 1 Droits des malades et bioéthique - Jean-Marie CLEMENT BergerLevrault 1996 4 Recherche en soins infirmiers N” 55 - Décembre 1998 ENCONTRE LES DROITS DU PATIENT qui a révélé après la mort de celui-ci la nature des maux dont il souffrait (CA de Paris, Dr Gubler 1997). ces circonstances que l’opinion exigeat une humanisation tant des locaux d’hospitalisation que des relations entre soignés et soignants. Le mouvement aboutit à la publication du fameux décret du 14 janvier 1974 qui fixe les droits des malades tant pour les droits élémentaires qui sont confirmés, que pour l’accession des droits nouveaux qui sont ceux jusqu’alors réservés aux consommateurs extra-hospitaliers. Cela souffre de quelques exceptions dues aux incapacités ou aux situations médicales des patients. Mais dans tous les cas, le juge va intervenir plus vigoureusement à la requête des patients qui ainsi, par une jurisprudence nouvelle, fixe les contours de la protection juridique de la personne hospitalisée. 1 .l - L’intimité ne se limite pas à la confidentialité des bilans médicaux, car elle embrasse l’ensemble de la vie du patient et tout soignant doit être convaincu que sa discrétion dans les gestes quotidiens afférents aux soins est la reconnaissance de l’être unique qui, malade, est obligé de s’en remettre à des tiers pour vaincre sa maladie. - La liberté de penser ne s’arrête pas aux portes de l’hôpital et pour cela l’administration hospitalière ne doit pas privilégier une pensée plutôt qu’une autre. C’est ainsi que tout signe religieux ou identifiant une pensée politique ou philosophique voire syndicale est interdit en présence des malades. Ces derniers pour exercer librement leur liberté de penser doivent pouvoir disposer des moyens de son exercice, c’est-à-dire des moyens d’information (presse écrite et parlée, télévisuelle) qu’ils pourront se procurer à titre payant, de même des moyens de communication (téléphone, télécopie) et enfin du droit de réception. - La confirmation des droits élémentaires Le patient hospitalisé n’a pas un statut inférieur dès qu’il franchit l’enceinte hospitalière, il reste une personne et, à ce titre, il continue à bénéficier des droits élémentaires qui sont ceux de se déplacer librement, d’avoir son intimité préservée et de pouvoir continuer à exercer sa liberté de penser. Comme tous les principes, ceux-ci souffrent de quelques exceptions qui concernent les hospitalisés sous contrainte et les mineurs. Ces droits élémentaires s’avèrent de mieux en mieux respectés et les difficultés n’apparaissent que lorsqu’il y a une contradiction entre l’état médical du patient et l’exigence de ces droits. Cette contradiction est flagrante dans le cas des incapables majeurs et des mineurs. 1.1.1 - LES PRINCIPES - L’hospitalisé est libre d’aller et venir certes dans les limites de son état médical. Cela ne peut remettre en cause quoi qu’il arrive, sa liberté de quitter l’hôpital malgré la contre - indication médicale. II devra cependant signer sa volonté de départ ou en tout état de cause la manifester librement devant les soignants qui attesteront par écrit ce fait. Sauf cas exceptionnels que nous examinerons ci-dessous, on ne peut hospitaliser et retenir contre son gré une personne à l’hôpital. 1.1.2 - LES EXCEPTIONS - - L’intimité est un droit élémentaire qui protège tout être humain et cela se traduit à l’hôpital par la reconnaissance du caractère privatif de la chambre d’hospitalisation lorsqu’elle est individuelle (arrêt de la cour d’appel de Paris, Chantal Nobel, 1986). Ce droit est préservé par le secret professionnel qui s’impose à tous les personnels et pas seulement aux médecins, même si pour ceux-ci le secret médical est fondamental pour préserver la franchise des relations entre patients et praticiens - ce principe vient d’être rappelé avec éclat à propos de la condamnation du médecin d’un ancien président de la République Les hospitalisés sous contrainte, que ce soit d’office ou à la demande d’un tiers qui relèvent des dispositions de la loi du 27 juin 1990, ne peuvent bénéficier pleinement des droits élémentaires exposés ci-dessus. II reste cependant que si leurs mouvements sont contenus dans les limites fixées par le médecin, le secret de leurs correspondances ne peut être transgressé, comme l’a rappelé très clairement la cour européenne des droits de I’Homme dans un arrêt désormais célèbre : Herczegfalvy/Autriche, 24 septembre 1992, req. no 48~~991/300/371. - Les mineurs ne peuvent bénéficier de la liberté de mouvement et leur intimité est amoindrie par l’obligation de surveillance qui incombe à l’hôpital. 5 Recherche en soins infirmiers N” 55 - Décembre 1998 a imposé que le médecin fasse la preuve de cette information qu’une décision de la même cour du 14 octobre 1997 a quelque peu atténuée en ajoutant que la preuve de l’information par le médecin peut être apportée par tout moyen (ce qui exclut les seuls documents écrits et réhabilite le colloque singulier basé sur l’oralité). 1.2 - l’accession aux droits du consommateur Le consommateur a des exigences qu’un usager du service public s’interdit de revendiquer. Le consommateur, fort de l’argent qu’il dépense pour accéder aux prestations sollicitées, est plus acerbe dans ses critiques et plus déterminé dans ses demandes de réparation lorsque le service s’est avéré de mauvaise qualité. - La qualité des soins ne manque pas d’être au centre des recours exercés par les patients tant à l’encontre des médecins que de leurs consultants (infirmiers(ères), kinésithérapeutes, etc.). La loi exige cette qualité qui se traduit par l’évaluation de tout acte médical depuis la loi du 31 juillet 1991 et par l’accréditation imposée à tout établissement de santé par l’ordonnance hospitalière du 24 avril 1996. La qualité des soins est passée du strict minimum qui est l’obligation de moyens à une exigence de résultats dans les cas pathologiques les mieux maîtrisés lorsque les échecs s’avèrent patents. Certes, cette obligation de résultats ne concerne pour l’instant que des cas peu nombreux, mais le fait qu’elle puisse être reconnue par le juge démontre l’évolution considérable des mentalités. Cette évolution de la jurisprudence marque l’avènement d’un droit des patients en tant que consommateurs de soins dans le sens où un consommateur a plus de droits qu’un simple bénéficiaire de prestations. Peu à peu la notion d’usager du service public s’estompe au profit de la notion de client d’un établissement de soins. Cela participe à une mise en exergue du droit des patients. Le patient est devenu un véritable consommateur de soins tout au moins si l’on considère les exigences de consentement, d’informations et de qualité des soins. - Le consentement est devenu un credo dans la revendication des patients. II est vrai que pour optimiser le bénéfice de la thérapie, il faut en général que le malade y adhère pleinement. Or, comment peut-on adhérer à un protocole de soins si le thérapeute ne divulgue pas la nature de la pathologie? Le code de déontologie impose aux médecins le consentement du patient puisque l’article 36 dudit code (décret du 6 septembre 1995) précise que « le consentement de la personne examinée ou soignée doit être recherché dans tous les cas ». Or, on ne peut consentir sans être informé, ce qui est une revendication constante des patients vis-à-vis de leur médecin. - L’accès aux informations médicales est une difficulté pour le patient qui pourtant bénéficie des dispositions en ce sens de la loi hospitalière du 31 juillet 1991 et de ses décrets d’application. Le malade a accès à son dossier médical par I’intermédiaire d’un médecin qu’il aura préalablement désigné pour recevoir les informations contenues dans ce dossier. La difficulté réside dans la nature des informations divulguées et leur contenu, en d’autres termes, faut-il que tout le dossier soit transmis, une partie de celui-ci ou une synthèse, ce qui est encore différent. Aux termes de l’article L 145-8 du Code de la Santé Publique issu du I de l’article 77 de la loi du 18 janvier 1994 : « Dans le respect des règles déontologiques applicables, les chirurgiens-dentistes, les sagesfemmes, les médecins et les établissements de santé publics et privés communiquent au médecin (choisi par le malade) une copie ou une synthèse des informations médicales qu’ils détiennent concernant le patient et qu’ils estiment utile d’insérer dans le dossier de suivi médical ». Les malades doivent être informés directement par leur médecin avant et après la thérapie et une décision de la cour de cassation (25 février 1997) II - LA MISE EN EXERGUE DES DROITS DU PATIENT La reconnaissance des droits du patient vient de changer de nature car elle n’est plus acceptée, mais elle est imposée par le législateur. Celui-ci semble même parier sur l’intervention des malades ou de leurs représentants pour faire évoluer les institutions hospitalières. Le patient n’est plus supporté, il est espéré comme levier de changement dans des institutions fortement empreintes de l’immobilisme que leur confère un corporatisme très présent. A un usager quelque peu passif du service public hospitalier fait de plus en plus place un client revendicatif et qui plus est participatif. On constate que le service public incapable de se transformer, alors que les techniques n’ont cessé d’accroître les 6 Recherche en soins infirmiers N” 55 - Décembre 1998 LES DROITS DU PATIENT domaine hospitalier. Le directeur de I’ARH nomme ces usagers, entérinant ainsi le choix du préfet. A ces usagers s’ajoute un représentant des familles de patients en hospitalisation de long séjour qui depuis la loi du 31 juillet 1991 a une voix consultative dans le Conseil d’administration de l’établissement. contradictions entre son fonctionnement et les exigences de nouveaux modes de gestion, en appelle aux patients pour entreprendre les modifications organisationnelles des structures. Cette intrusion de l’usager en tant que tel est révélatrice d’une organisation en perte de sens. Depuis la loi du 21 décembre 1941, I’Etat après avoir pris le parti d’intervenir directement dans le fonctionnement des hôpitaux avec la création d’une autorité directoriale qu’il nomme et peut sanctionner, entraînant en contrepartie l’effacement des pouvoirs du président du Conseil d’Administration, favorise I’intervention directe des patients en mettant en exergue leurs droits dans diverses instances. Cette évolution complète ou accompagne une transformation des jugements administratifs car l’on constate que le juge administratif s’aligne sur le juge judiciaire et devient plus longanime que celui-ci quant à la mise en cause de la responsabilité médicale. - L’ordonnance du 24 avril 1996 crée une nouvelle instance, la commission de conciliation, qui doit recueillir toutes les doléances des malades ou de leur famille. Cette commission, qui pour l’heure n’a pas d’existence puisque le décret d’application n’a pas été publié, devrait être composée des représentants des usagers au Conseil d’Administration auxquels s’adjoindraient le directeur de l’établissement, le président de la Commission Médicale d’Etablissement et le directeur du service des soins infirmiers. La commission devrait connaître les litiges entre les malades et I’établissement afin de permettre une conciliation évitant ainsi un contentieux long et aléatoire pour les parties. 2.1 - l’intervention des patients dans les instances Lorsqu’en 1945 s’est posée l’homologation de la loi vichyste du 21 décembre 1941, les pouvoirs publics ont installé dans la commission administrative des hôpitaux des représentants de la sécurité sociale qui venait d’être créée au nom de la représentation des usagers. Depuis cette date, les différentes réformes hospitalières ont augmenté la représentation des caisses de sécurité sociale dans l’instance délibérante qui s’est dénommée Conseil d’Administration depuis la loi du 31 décembre 1970. - Enfin, l’ordonnance du 24 avril 1996 prévoit que l’accréditation obligatoire de chaque établissement de santé devrait largement reposer sur les enquêtes de satisfaction effectuées auprès des malades. Ces enquêtes organisées par des organismes totalement indépendants devraient permettre de mieux connaître les avis des malades sur les qualités hôtelières et médicales des établissements qui les ont accueillis. L’ordonnance hospitalière du 24 avril 1996 a supprimé les représentants de la sécurité sociale dans les Conseils d’Administration des établissements publics de santé et lui a substitué une représentation à part entière des usagers. On est passé d’une représentation indirecte par représentants des caisses de sécurité sociale à une représentation directe des usagers. Désormais, l’ordonnance du 24 avril 1996 accroît considérablement l’intervention des patients dans les différentes instances de l’hôpital. 2.2 - L’alignement du juge administratif sur le juge judiciaire * Le juge judiciaire a très vite reconnu la responsabilité du médecin ou de la clinique, selon qu’il s’agissait d’un acte médical ou d’un acte non-médical, vis-à-vis du patient. On cite souvent l’arrêt de la cour de cassation de 1835 (affaire Thouret-Noroy) où le procureur général Dupin concluait : «Pourquoi donc les médecins et les chirurgiens seraient-ils seuls exempts de cette responsabilité naturelle qui pèse à la fois sur toutes les fonctions publiques et sur toutes les professions ? ». Dans ce cas pour la première fois, un médecin allait être condamné sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Ce n’est qu’en 1936 que le juge judiciaire reconnaît en droit privé le caractère - Deux représentants des usagers sont désormais membres du Conseil d’Administration des différents établissements publics de santé. Ils représentent un faible pourcentage des administrateurs mais leur présence effective indique que les pouvoirs publics comptent sur eux pour faire évoluer les structures hospitalières. Ces usagers sont désignés par le préfet de département qui les choisit sur une liste d’association de consommateurs parmi les plus autorisées à intervenir dans le 2 L’évolution de la responsabilité médicale en secteurs hospitaliers publics et privés - Cyril CLEMENT thèse Paris 8 - 1997. 7 Recherche en soins infirmiers N” 55 - Décembre 1998 contractuel de l’acte médical. La faute est depuis lors constamment sanctionnée par le juge sans que celuici s’interroge sur le degré de gravité de celle-ci, contrairement au juge administratif qui distingue une faute lourde pour sanctionner l’hôpital dans le cas d’un acte médical. On constate alors une différence de traitement selon le juge, le juge judiciaire duquel relève le contentieux entre les malades et les médecins ou les cliniques privées et le juge administratif auquel échoit le contentieux entre les malades et les hôpitaux et leurs médecins. Or depuis 1990, le juge administratif a abandonné la notion de faute lourde et a été au-delà des jugements civils puisqu’il condamne en outre pour une absence de faute lorsque le risque est avéré. médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont I’existente est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l’exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l’état initial du patient comme avec l’évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d’extrême gravité. » Le juge administratif après avoir été longtemps le protecteur parfois abusif de l’administration n’est-il pas en train de basculer dans l’excès en protégeant les patients pour des risques qui, certes pour l’instant d’extrême gravité, pourront dans l’avenir être beaucoup plus discutables, ne serait-ce que parce que la médecine présente un risque que nul ne peut méconnaître !... - C’est avec le jugement du CE Dame V. du 10 avril 1992 que les juges du Palais Royal abandonnent la notion de faute grave pour lui substituer celle de faute tout simplement, sans qualification. II faut tout de même préciser que la faute doit revêtir une certaine gravité pour être reconnue et surtout indemnisée. Dès lors, le juge administratif s’aligne sur le juge judiciaire qui est cependant dépassé avec la mise en œuvre du concept de responsabilité sans faute. CONCLUSION - La notion de responsabilité sans faute est apparue avec l’arrêt de la CAA de Lyon - Cornez du 21 décembre 1990 - auquel le CE a apporté une consécration avec l’arrêt Bianchi du 9 avril 1993. Dans l’arrêt Cornez, les juges condamnent les Hospices Civils de Lyon pour « l’utilisation d’une thérapeutique nouvelle entraînant un risque spécial pour le malade alors qu’une telle thérapeutique ne s’imposait pas pour des raisons vitales ». Dans l’espèce Bianchi, le Conseil d’Etat admet la responsabilité hospitalière sans faute pour les actes médicaux dont les risques sont connus mais dont la réalisation est exceptionnelle. C’est au nom de la jurisprudence Bianchi que la CAA de Lyon a dans un arrêt - Hôpital Joseph Imbert d’Arles du 30 septembre 1993 - condamné le centre hospitalier parce que : «lorsqu’un acte II est devenu naturel de disserter sur le droit des patients, or voici seulement quarante ans, il n’était guère imaginable que le malade puisse être identifié comme une personne pouvant bénéficier de tous les privilèges juridiques y afférents. L’évolution du droit des patients a permis fort heureusement de passer du malade objet de droits au malade sujet de droits. Nous ne pourrons que nous réjouir de ce changement, mais il ne faudrait pas que cela entraîne un juridisme excessif dans les relations entre patients et médecins. Si les praticiens sont dans la hantise du procès que risque de leur intenter le malade, on va voir apparaître une médecine sans risque, c’est-à-dire stagnante dans ses recherches. Cela se fera au détriment des malades. Là encore, il faudra rechercher et trouver le juste milieu, équilibre entre les droits du patient et la liberté thérapeutique du médecin. 8 Recherche en soins infirmiers N” 55 - Décembre 1998