Les cataclysmes célestes
Les cataclysmes célestes
Département d'Astrophysique, Géophysique et Océanographie
Faculté des Sciences
Université de Liège
1/18
Au cours de l'histoire de la Terre, des phénomènes naturels ont occasionné des
extinctions massives d'espèces tant animales que végétales. Même si les causes
de ces grandes extinctions ne sont pas encore parfaitement élucidées, des
hypothèses existent pour la plupart. Dans certains cas, de grands cataclysmes
d'origine astronomique sont montrés du doigt. Si l'impact d'astéroïde est le plus
célèbre, d'autres phénomènes d'origine parfois plus lointaine et moins
populaire constituent aussi de bons candidats. Il y est notamment question
d'impact cométaire, d'explosions d'étoiles massives en supernovae, ou encore
du bombardement de notre planète par le redoutable faisceau très énergétique
lié au phénomène des sursauts gamma. Nous proposons de dresser un
inventaire de ces catastrophes célestes, en les associant à certaines grandes
extinctions, tout en évoquant les perspectives et les risques pour l'avenir.
Les cataclysmes célestes
1. Evolution et diversité
Il y a encore peu de temps, la vision traditionnelle
de l'évolution était celle d'un cône de diversité. Il était
(faussement) admis que les êtres vivants descendent
d'êtres primitifs en petits nombres, le tout allant dans le
sens de toujours plus de variétés, sans qu'il y ait
d'interruptions significatives dans ce processus de
spéciation (processus de formation de nouvelles espèces).
Dans cette vision simpliste de l'évolution, les
branches interrompues correspondent à la disparition
d'une espèce. On parle alors d'extinction, définie
comme étant la disparition complète d'une espèce ou d'un
groupe d'espèces. On considère qu'une espèce est éteinte
lorsque le dernier individu meurt. Dans le schéma ci-
contre, les extinctions sont illustrées par les traits
horizontaux interrompant certaines branches de l'arbre de
la diversité.
Toutefois, s'il est vrai que localement dans des branches données on observe à certains
moments des augmentations de la diversité des espèces, globalement cela est faux. On se rend
compte en effet qu'au cours du temps, l'évolution de la biodiversité n'est pas monotone dans le sens
de l'augmentation. Des interruptions brutales (à
l'échelle de l'évolution) et massives (en terme de
nombre d'espèces) ont ponctué l'évolution de la
diversité des espèces. Ces discontinuités portent le
nom de Grande Extinction ou d'Extinction
de Masse, définie comme étant l'extinction d'une
fraction significative des espèces peuplant la Terre,
du point de vue marin ou continental, voire les deux.
Dans le schéma ci-contre, l'évolution de la
diversité apparaît en effet comme étant plus
chahutée et disparate, par rapport à ce qui était
suggéré dans le schéma précédent. Ce schéma
illustre, en-bas, un épisode de diversification et de
multiplication des espèces qui s'est produit il y a
environ 540 millions d'années appelé explosion du
Cambrien. Une évolution du type « cône de
diversité » s'en est suivie, mais elle fut interrompue
par une première extinction de masse, interrompant ainsi une multitude de branches de l'arbre de
l'évolution. A partir de là, les branches ininterrompues peuvent continuer à se ramifier et à
progresser, permettant ainsi à la diversité de progresser à nouveau, et ce jusqu'à la prochaine Grande
Extinction.
Au travers des âges géologiques, on a pu dénombrer cinq extinctions de masse, qui se
2/18
1. Cône de diversité.
2. Évolution plus réaliste de la biodiversité.
Les cataclysmes célestes
sont avérées décisives pour l'évolution globale de la diversité des espèces. Leur existence est révélée
par les archives fossiles, montrant la disparition de groupes d'espèces qui n'ont manifestement pas
laissé de descendants. Sans ces événements particuliers, la biodiverstié serait totalement différente
de ce qu'elle est aujourd'hui, ce qui justifie qu'on se penche plus spécifiquement sur celles-ci.
2. Les 5 Grandes Extinctions
La figure ci-dessous retrace les ères et périodes géologiques, en illustrant les principaux
événements auxquels elles correspondent du point de l'évolution de la diversité des espèces peuplant
la Terre.
Dans le cas de chaque
Grande Extinction (indiquée
par un trait épais), les
principaux groupes
d'espèces affectés sont
indiqués.
La ligne du temps
verticale est exprimée en
millions d'années (avec le
présent en haut). Les noms
des ères et des périodes
géologiques sont indiqués.
On y relève également des
événements importants pour
la diversité, tels que
l'apparition des reptiles,
celle des mammifères, ou
encore celle de l'homme.
La courbe brisée à droite
illustre l'évolution du
nombre de familles
d'espèces (et non le nombre
d'espèces!), augmentant de
gauche à droite au cours du
temps. Les extinctions de
masse coïncident avec les
brusques diminutions du
nombre de familles
d'espèces recensées, tant
animales que végétales. En
bas de cette courbe,
l'explosion du Cambrien,
correspond à l'augmentation
spectaculaire du nombre de
familles d'espèces dans le milieu marin.
3/18
3. Les cinq Grandes Extinctions au travers des âges géologiques.
Les cataclysmes célestes
En remontant cette ligne du temps, de l'époque la plus récente à la plus ancienne, on
dénombre ainsi les extinctions de masse suivantes:
1. Crétacé-Tertiaire ( extinction KT ): - 65 millions d'années
C'est la plus étudiée des crises majeures. Elle provoqua la disparition d'environ 75% des espèces,
mais de façon sélective. En milieu marin, par exemple, les ammonites et les belemnites sont
anéanties, et les récifs coralliens sont très touchés. Sur les continents, la végétation se renouvelle
(pic de fougères). Les dinosaures et les ptérosaures (reptiles volants) disparaissent, ce qui favorise
l'émergence des mammifères. Toutefois, le caractère soudain de ces disparitions reste controversé.
Les preuves en faveur d'un impact météoritique sont nombreuses (cratère de Chicxulub, Mexique),
mais les causes terrestres probables abondent également: volcanisme, refroidissement global.
Notons que ces évenements terrestres pourraient avoir été déclenchés par un grand impact.
2. Fin du Trias ( extinction du Norien ): - 199 à - 214 millions d'années
Moins connue que les autres, cette crise dure environ 15 millions d'années. Elle entraîne la
disparition d'environ 75% des espèces marines, la régression des récifs et un recul important des
mollusques. Sur les continents, les effets sont plus variés: forte réduction de la diversité des plantes
à pollen, net recul des amphibiens, alors que les crocodiles, les reptiles volants et les dinosaures se
diversifient.
Les niveaux océaniques semblent avoir été bas à cette époque, avec un réchauffement climatique
entraînant une forte aridité. D'importantes éruptions volcaniques ont eu lieu, et on relève également
un impact météoritique (cratère du Manicouagan au Québec).
3. Permien-Trias ( extinction PT ): - 245 millions d'années
Cette crise est la plus grave de toutes: selon les estimations, 95% des espèces marines ont alors
disparu. Certains groupes (par ex. les trilobites) disparaissent définitivement. Cette crise a aussi
touché les flores continentales, avec une disparition progressive due à un pic d'aridité. On observe
un net recul de la diversité des insectes et près de 70% des familles de vertébrés disparaissent. Parmi
les reptiles, qui venaient d'apparaître, 89 genres sur 90 disparaissent.
4. Fin du Dévonien ( extinction du Dévonien ): -365 millions d'années
Cette crise a conduit à la disparition d'environ 75% des espèces marines. En revanche, les plantes et
les arthropodes1 continentaux ne semblent pas affectés.
A cette époque, une vaste aire océanique (appelée paléothétys) se referme, modifiant les courants
marins et la circulation atmosphérique. Le climat se réchauffe et une élévation importante du niveau
des mers amène des eaux peu ou pas oxygénées sur les plateaux continentaux.
5. Ordovicien-Silurien ( extinction de l'Ordovicien ): - 440 millions d'années
Cette crise aurait causé la disparition d'environ 85% des espèces.
Un refroidissement global s'est produit, avec formation d'un inlandsis (immense calotte glaciaire)
sur les continents. En conséquence, le niveau marin a fortement baissé et la teneur des eaux en
dioxygène aussi. Lors de la déglaciation qui suivit, les plates-formes continentales furent inondées
d'eaux mal oxygénées. Un sursaut gamma relativement proche pourrait être à l'origine de cette
grande extinction, qui a surtout touché les espèces proches de la surface.
1 Embranchement d'invertébrés, comprenant notamment les insectes, les crustacés, et les arachnides.
4/18
Les cataclysmes célestes
Une question importante se pose, suite au constat de ces événements:
« Quelle est l'origine de ces Grandes Extinctions? »
On peut déjà distinguer deux grandes catégories de causes: les causes terrestres et les causes
extra-terrestres. Pour les premières, on pourrait parler notamment du volcanisme, dont l'activité
importante à ces époques a pu occasionner des bouleversements climatiques de grande envergure,
susceptibles d'être fatals à de nombreuses espèces. Toutefois, il sera question ici d'un exposé relatif
aux causes extra-terrestres d'extinction de masse: des événements astronomiques violents,
destructeurs, et suffisamment puissants pour affecter l'écosystème planétaire
dans sa totalité.
3. Les événements astronomiques importants
A ce jour, on pense que certaines grandes extinctions pourraient avoir une origine
astronomique. Ces causes sont évidemment toujours controversées. En résumé, ils s'agit des
extinctions de masse suivantes, associées aux catastrophes astronomiques indiquées:
l'extinction KT : impact météoritique (cratère de Chicxulub, au Mexique)
l'extinction du Norien : impact météoritique (cratère de Manicouagan, au Québec)
l'extinction PT : impact météoritique (cratère de Bedout, en Australie)
l'extinction de l'Ordovicien : sursaut gamma
Ce constat nous amène à la question suivante:
« En quoi consistent ces événements astronomiques? »
Ci-dessous, nous allons discuter d'événements susceptibles d'affecter significativement la vie
sur Terre, en insistant sur ceux qui sont supposés à l'origine d'extinctions de masse. Nous
aborderons aussi les autres causes plausibles de grande extinction d'origine astronomique, en faisant
le point sur les risques encourus par notre planète de connaître de telles crises à l'avenir.
3.1. Les grands impacts
On pourrait d'abord discuter du cas de l'impact météoritique2, à savoir la collision entre
la Terre et un astéroïde. Dans le cadre de ce scénario, l'astéroïde entre dans l'atmosphère terrestre,
animé d'une grande vitesse, et sa taille est telle qu'il n'est pas totalement consumé avant d'atteindre
le sol. La collision avec la croûte terrestre libère alors une quantité prodigieuse d'énergie, qui
soulève des masses de matière énormes dans l'atmosphère. Si l'impact a lieu sur un continent, il en
résulte alors un cratère, dont le diamètre et la profondeur dépendent de la taille et de la composition
2 Quelques notions de vocabulaire: les astéroïdes sont des fragments de roche interplanétaire, parmi lesquels
certains sont susceptibles d'entrer en collision avec la Terre: on les appelle géocroiseurs s'ils passent à proximité
de notre planète. La météorite est le fragment qui atteint le sol, si l'astéroïde n'a pas été pulvérisé et consumé dans
l'atmosphère, et le météore est le nom donné au phénomène lumineux qui accompagne la combustion d'un
astéroïde dans l'atmosphère. Par exemple, les étoiles filantes sont en fait des petits météores engendrés par
l'incursion dans l'atmosphère de petits grains interplanétaires, dont la taille est de l'ordre d'une tête d'épingle.
5/18
1 / 18 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !