Histoire d'une Juste des Nations Par Simone Veil Israël : Le Petit Prince Actualité : Un autre regard sur l'Iran Mémoire : Les “revenants dans la question” Lettres : Un kaddish dans l'écriture N°294 - OCTOBRE 2009 - 3€ M 01907 - 294 - F: 3,00 E Arts : Dessiner l'indicible 3:HIKLTA=\UXUUU:?k@c@t@e@a; N°294 - OCTOBRE 2009 AU SOMMAIRE D’ EXCLUSIF 4- "Soutenir et faire aboutir les projets du Consistoire" Un entretien avec Brice Hortefeux ACTUALITÉ 6- Un autre regard sur l'Iran par Jean-François Colosimo 11- Le petit prince d'Israël par Ami Bouganim 4 LA CHRONIQUE DE GUY KONOPNICKI 16- Réponse à un jeune juif… 11 ÉCONOMIE 19- Le FMI optimiste pour Israël par Philippe Meyer LA VIE DU CONSISTOIRE - 20 6 MÉMOIRE 25- Une Juste des Nations en Pologne par Simone Veil IN MEMORIAM 20 26- Les “revenants dans la question” par Henri Atlan POLÉMIQUE 28- Les accusateurs accusés par Annie Lelièvre OPINION 25 29- Personne n'a empêché pharaon par Paul Giniewski HUMEUR 34 30- Interrogations par V.M. COMMUNAUTÉS 32- Les vraies vocations de l'OSE Un entretien avec Roger Fajnzylberg 27 CHRONIQUE 34- Retour à la Maison de Vie par Albert Bensoussan LES LIVRES 36- par Paul Giniewski et Francine Kaufmann ARTS 40- Dessiner l'indicible par Maurice Arama CINÉMA 41- Une raison de vivre face à la raison d'état par Elie Korchia VERBATIM - 42 40 41 Edité par S.a.r.l. Information Juive le journal des communautés au capital de 304,90 € INFORMATION JUIVE 17, rue Saint-Georges 75009 Paris Editorialiste : Josy Eisenberg Rédaction : 01 48 74 34 17 Administration : 01 48 74 29 87 Fax : 01 48 74 41 97 [email protected] Comité de rédaction : Josy Eisenberg, Michel Gurfinkiel, Victor Malka, Joël Mergui, Philippe Meyer Commission paritaire des journaux et publications : 0708K83580 Collaborateurs : Armand Abécassis, Anne-Julie Bémont, Albert Bensoussan, Paul Giniewski, Hélène Hadas-Lebel, Carol Iancu, Gérard Israël, André Kaspi, Naïm Kattan, Elie Korchia, Odette Lang, Annie Lelièvre, Daniel Sibony. Impression : SPEI Imprimeur - Tél. : 03 83 29 31 84 Fondateur : Jacques Lazarus Gérant de la SARL, directeur de la publication : Philippe Meyer Directeur : Victor Malka [email protected] Chroniqueur : Guy Konopnicki Durée de la société : 99 ans Administration : Jessica Toledano Maquette : Information Juive Photographies : Alain Azria Dépôt légal n° 2270. N°ISSN : 1282-7363 Les textes de publicité sont rédigés sous la responsabilité des annonceurs et n’engagent pas Information juive. Abonnement annuel : 33 € Abonnement de soutien : 46 € Abonnement expédition avion : 37 € ABONNEMENT EN LIGNE SUR WWW.CONSISTOIRE.ORG Les manuscrits nonJUIVE retenusJuin 2008 3 INFORMATION ne sont pas renvoyés. EXCLUSIF UN ENTRETIEN AVEC LE MINISTRE DE L'INTÉRIEUR BRICE HORTEFEUX “Le Consistoire compte parmi les grandes institutions de notre pays.” Brice Hortefeux Le 15 septembre dernier, le Consistoire Central et le Consistoire de Paris invitaient le Ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux à la grande synagogue de la Victoire pour la désormais traditionnelle cérémonie des voeux à la communauté juive de France (cf. le compte rendu de cette visite p. 20). A l'occasion de la nouvelle année juive, le Ministre de l'Intérieur, en charge des Cultes, a accordé à Information Juive un entretien exclusif où il revient sur la situation des juifs de France, leurs préoccupations, et le rôle et la place qu'occupe l'institution consistoriale au sein de la communauté juive et de la société française. OOO I.J : Vous avez déclaré lors de votre venue au Consistoire le 15 septembre pour présenter vos vœux de bonne année à la Communauté juive que la lutte contre l'antisémitisme constituait pour vous un "engagement de la République et un engagement personnel". Quel est votre sentiment depuis votre récente arrivée place Beauvau sur l'état actuel des tensions et des risques antisémites en France ? Brice Hortefeux : Tout d'abord, permettez-moi d'insister sur une vérité : l'antisémitisme est un poison. Il est la négation même des valeurs de la sortes. Il y a eu, ce mois-là, 50 actions violentes caractérisées, contre une dizaine en moyenne mensuelle les années précédentes. Depuis lors, le niveau de ces actes est encore élevé. Cela n'est naturellement pas acceptable. Chaque fois que de tels actes se sont produits, j'ai donné des consignes les plus fermes à l'ensemble des forces de sécurité placées sous mon autorité afin que tous les moyens soient mis en œuvre pour que leurs auteurs soient interpellés et mis à la disposition de la justice. De la même L'antisémitisme est un poison. Il est la négation même des valeurs de la République. République. C'est une insulte à notre société et aux valeurs qui la fondent. Chaque fois qu'un citoyen, quelles que soient ses origines ou sa religion, est atteint dans son être, ses convictions ou sa religion, c'est l'ensemble de la communauté nationale qui s'en trouve offensée. Le Président de la République et l'ensemble du gouvernement seront toujours aux côtés de la communauté juive pour combattre ces délits et ces crimes. Au début de l'année, notre pays a connu, hélas, une montée des actes antisémites. En janvier 2009, on a ainsi déploré 352 actes antisémites de toutes 4 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 manière, j'ai demandé au Préfet de Police, dans l'agglomération parisienne, et à l'ensemble des préfets de France, une mobilisation totale des services de police et de gendarmerie pendant la période des fêtes. Enfin, j'accorde une attention particulière au programme de sécurisation des bâtiments communautaires auquel l'État a consacré près de 7 millions d'euros depuis 4 ans et qui a, d'ores et déjà, permis de sécuriser 349 bâtiments, dont 107 écoles et crèches, 81 associations et centres communautaires et 161 synagogues. I.J : En tant que nouveau ministre en charge des cultes, quel regard portez-vous sur la situation des juifs de France et sur leurs attentes ? B.H. : Les juifs de France sont présents sur le territoire national depuis plusieurs siècles et ont toujours énormément œuvré pour promouvoir les valeurs de la République. Je sais que la deuxième Intifada a fait naître, au début des années 2000, de nombreux doutes concernant l'avenir des juifs en France, lorsqu'un antisémitisme larvé a refait surface et que les pouvoirs publics, à l'époque, n'avaient peut-être pas suffisamment pris conscience de l'ampleur du phénomène. Je veux dire aujourd'hui à tous, et en particulier à la jeune génération, que les juifs ont bel et bien un avenir en France. Ils ne doivent en aucun cas abdiquer devant la menace ou la violence car la République, elle, n'abdiquera jamais devant ceux qui trahissent ses valeurs et protégera toujours ceux qui partagent son idéal. I.J : Quelle est, selon-vous, la place et le rôle du Consistoire au sein de la République ? B.H. : Le Consistoire central et son réseau de consistoires régionaux comptent parmi les grandes institutions de notre pays. Depuis plus de 200 ans, leur histoire se confond avec celle de la République. Ils sont pour l'État des interlocuteurs à la fois incontournables, stables et responsables. EXCLUSIF Ils permettent l'expression de l'unité et de la diversité de la communauté juive, une gestion adaptée du culte dans le pratique apaisée du culte juif dans le cadre de la République - je pense notamment aux difficultés rencontrées Je veux dire aujourd'hui à tous, et en particulier à la jeune génération, que les juifs ont bel et bien un avenir en France. cadre offert par la loi du 9 décembre 1905 et, enfin, l'organisation de la représentation du culte juif auprès des pouvoirs publics. En ce sens, le Consistoire central et son réseau de consistoires régionaux sont les témoins de l'engagement des juifs de France dans le cadre politique et civil de notre pays, sans reniement de leur foi. par certains étudiants pour concilier les obligations liées à leurs études et celles que leur impose leur foi - je plaiderai, auprès des ministres de l'éducation France, récemment créée au sein de la fondation du judaïsme. Ce l'est aussi pour le projet de centre européen du judaïsme dont j'ai demandé qu'il soit porté désormais rapidement à l'ordre du jour d'une réunion interministérielle afin d'en mesurer tous les enjeux. I.J : Quel est votre message à la communauté juive de France qui fête l'arrivée de la nouvelle année ? B.H. : Pour reprendre les mots de Monsieur le grand rabbin de France, I.J : Sur quels projets et dossiers travaillerez-vous en priorité avec cette institution dans les mois à venir ? B.H. : Permettez-moi d'évoquer quatre dossiers. Tout d'abord, le travail mené pour stabiliser la réglementation européenne relative à l'abattage rituel a été fructueux. En 2006, Nicolas Sarkozy, alors ministre d'État, ministre de l'intérieur, s'était engagé, auprès du grand rabbin de France, à en préciser les règles juridiques afin de sécuriser les pratiques. Comme Président de la République, il a tenu ses engagements en faisant en sorte qu'il existe des règles européennes qui correspondent aux souhaits exprimés par le Consistoire. Je pense, ensuite, à la participation active du Consistoire à la réflexion sur les suites à apporter au rapport Machelon, commandé par Nicolas Sarkozy alors qu'il était ministre de l'intérieur. S'agissant des édifices du culte, une circulaire du ministère, publiée en mai dernier, est venue rappeler le droit applicable. Le même travail a été mené pour préciser les conditions de création des carrés confessionnels au sein des cimetières communaux, et il faut en dresser, avec les préfets et les collectivités locales, le bilan d'application sur le terrain. Enfin, parce que je partage l'attachement du Consistoire à une Je m'attacherai autant que possible à soutenir et faire aboutir les projets du Consistoire nationale et de l'enseignement supérieur, pour la mise en place d'un dialogue constructif avec les autorités universitaires. En effet, je ne me résous pas à ce que de brillants éléments soient tentés d'abandonner leurs études en France, pour cause de collusion entre le calendrier universitaire et celui des fêtes rituelles. Par ailleurs, je m'attacherai autant que possible à soutenir et faire aboutir les projets du Consistoire. Ce fut le cas pour la fondation du patrimoine juif de Gilles Bernheim, je voudrais inciter tous les "hommes et les femmes de bonne volonté à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour construire en France la fraternité entre tous ceux et toutes celles qui y vivent, quelles que soient leur religion, leurs convictions politiques et leurs opinions ". Cette période des fêtes de Tishri nous y invite, je crois, tout particulièrement. Bonne année à toutes et à tous ! Propos recueillis par Philippe Meyer INFORMATION JUIVE Octobre 2009 5 ACTUALITÉ UN ENTRETIEN AVEC JEAN-FRANÇOIS COLOSIMO Un autre regard sur l'Iran C'est en spécialiste du fait religieux que Jean-François Colosimo étudie dans le nouveau livre qu'il publie ce qu'il appelle " Le paradoxe persan " (Editions Fayard. 19 E ). Pour les besoins de cette enquête, l'auteur s'est rendu en Iran, aux Etats-Unis et en Israël et s'est entretenu avec des diplomates et Jean-François Colosimo des spécialistes à Harvard, à Tel Aviv mais également à Qom et à Téhéran. Dans l'entretien qu'il nous a accordé, Jean-François Colosimo invite nos lecteurs à un regard différent sur ce qui se passe aujourd'hui à Téhéran et sur la question de savoir où va l'Iran. OOO I.J : Vous évoquez dans votre livre ce que vous appelez " la fascination pour l'Allemagne nazie de l'Iran. Est-ce que cette fascination explique l'antisionisme radical de Téhéran aujourd'hui et son discours de la guerre ? A quoi attribuez-vous la rhétorique violemment antisioniste du régime ? Jean-François Colosimo : Il y a là deux phénomènes bien distincts qu'on ne saurait confondre. Lorsque Reza Pahlavi, un colonel de la Garde cosaque, prend le pouvoir et destitue l'ancienne dynastie des Kadjars, dans les années 1920, il se donne l'Iran est pris en étau entre la Russie, au nord, et l'Angleterre au sud. Dans les années 1930, en raison du pétrole, toutes les puissances européennes se précipitent à Téhéran qui joue de Berlin contre Moscou et Londres. Il y va plus d'un opportunisme tactique que d'une soumission idéologique. Ou d'une adoption de l'antisémitisme, inconnu dans le sentiment populaire. En revanche, l'idéologie est constitutive dans le cas de l'imam Khomeiny qui innove. Khomeiny n'est pas un Les dirigeants actuels savent, dans le même temps, que toute attaque contre Israël reviendrait à la destruction définitive de l'Iran. On est donc face à une partie de poker menteur où le vrai risque est le dérapage incontrôlé dans l'escalade. pour modèle Atatürk et le kémalisme. Il se réclame d'une sorte de nationalisme autoritaire, laïcisé, occidentalisé et moderniste. Avec, pour première conséquence, la volonté d'éradiquer l'islam et ce qu'il suppose d'orientalisation. C'est l'époque des identités collectives reconstruites. A l'instigation d'un historien américain comme Pope, Pahlavi remonte à Cyrus et Darius : la Perse devient l'Iran, redevient la " Terre des Aryens " afin de marquer sa différence d'avec le monde arabo- musulman. Pour autant, ce n'est pas cette mythification du passé qui explique le rapprochement plus tardif avec l'Allemagne nazie. Depuis le XIXe siècle, 6 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 représentant du chiisme traditionnel mais l'inventeur d'un islamisme qui se veut global. Sa première grande intervention publique advient en 1948 pour condamner l'instauration de l'Etat d'Israël. Ses disputes avec le chah, Mohammed Reza, auront pour principal motif dans les années 1960 la coopération alors soutenue entre Téhéran et Tel Aviv. Le régime, après 1979, amplifiera le mouvement, l'appuyant sur un fort sentiment anti- américain. En s'emparant de l'antisionisme qui constitue un référent politique unitaire pour l'ensemble arabo-musulman, principalement sunnite, la république islamique, minoritaire et périphérique puisqu'elle est à la fois perse et chiite, entend revendiquer le leadership sur l'islamisme mondial. Pour autant, là encore, le sentiment populaire suit peu. Les Iraniens sont plutôt fiers au contraire de leur communauté juive qui bénéficie d'un plein droit de culte et dispose d'un siège de droit au parlement. I.J : Tout le monde convient que l'Iran aujourd'hui n'est pas suicidaire. Mais ses dirigeants ne seraient-ils pas irrationnels ? J-F.C. : Pays clé entre l'Est et l'Ouest, l'Iran, jaloux de son identité depuis trois millénaires, a été soumis à une sorte de colonisation rampante à partir de l'époque moderne. Il en a retiré un complexe obsidional et n'a cessé de vouloir recouvrer les attributs de sa grandeur. L'occidentalisation prônée par le Chah et l'islamisation revendiquée par les ayatollahs ne sont que les deux faces de cette même quête. Le programme nucléaire a d'ailleurs été entamé par Mohammed Reza, dés 1960, avec l'appui de Washington. Le refus qu'oppose aujourd'hui la communauté internationale à Téhéran tient d'abord à la nature agressive et inquiétante du régime, mais aussi aux risques de prolifération dans la région. L'Arabie Saoudite, l'Egypte, la Turquie s'armeraient également. Et, en menaçant régulièrement Israël, Ahmanidejad rend le problème encore plus insoluble. Pour les Iraniens, cependant, l'affaire est d'abord symbolique. La bombe est le signe définitif de l'indépendance. Un Iran plus démocratique ne renoncerait pas forcément, pour autant, à chercher à s'en doter. Le tournant autoritaire pris lors ACTUALITÉ des dernières élections ne laisse malheureusement guère espérer de compromis acceptable pour toutes les parties en présence et une résolution rapide de cette crise endémique depuis vingt ans. Un scénario-catastrophe ne semble cependant guère envisageable car il enflammerait durablement la région, et par delà, au moment même où Obama a besoin d'un parfait statut- quo pour sortir d'Irak où la majorité chiite s'est affirmée comme dominante. Au contraire d'être irrationnels, les dirigeants actuels, même si leur rhétorique est apocalyptique, jouent à fond des hésitations du camp occidental. Ils savent, dans le même temps, que toute attaque contre Israël reviendrait à la destruction définitive de l'Iran. On est donc face à une partie de poker menteur où le vrai risque est le dérapage incontrôlé dans l'escalade. I.J : Vous semblez dire qu'il n'y a aucune possibilité pour l'Iran de s'entendre avec Israël parce qu'il s'agirait là alors de "l'abolition de son acte fondateur". Que voulez-vous dire ? J-F.C. : Ce n'est pas l'Iran qui ne peut s'entendre avec Israël. Au contraire, suite à l'alliance périphérique de Ben Gourion, parti à la recherche d'alliés dans le deuxième cercle concentrique autour d'Israël, par delà le monde arabo- sunnite, nommément la Turquie, l'Iran, l'Ethiopie, Tel Aviv et Téhéran, sous le Chah, ont étroitement collaboré. Le sentiment antiarabe de la Perse historique est en effet une constante. Mais il en va tout autrement pour le régime actuel qui a prétention à une double hégémonie, régionale et religieuse. Pour l'asseoir, il lui faut endosser de manière maximaliste la cause palestinienne, être jusqu'au-boutiste, rester le dernier ennemi radical du sionisme. L'islamisme de Khomeiny a repris à son compte, après l'effondrement du marxisme, l'idée d'être l'étendard de la révolution mondiale. Or le conflit israélopalestinien cristallise les passions de l'opinion mondiale comme pouvait le faire autrefois l'Amérique latine. Cette assomption symbolique d'un messianisme actif représentant la totalité des déshérités ne va pas, bien sûr, sans instrumentalisation et une politique d'intérêts immédiats. Y renoncer, ce serait renoncer à la fois au sens même de la révolution islamique et à la puissance négative que garantit le rôle d'absolu perturbateur. 8 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 I.J : L'Iran serait-il dans son principe même un ennemi naturel d'Israël ? J-F.C. : Non, il n' y a pas de sentiment antisémite dans le peuple. Un philosémitisme encore vivace existe même chez certains intellectuels du pays. Les juifs en Iran représentent la plus ancienne communauté hébraïque du monde. Ils sont les gardiens du tombeau d'Esther. Les qu'une relation positive entre l'Iran et Israël serait, d'un point de vue géopolitique, à moyen terme, une possibilité tout à fait réaliste. I.J : Lorsqu'il est arrivé au pouvoir Khomeiny avait déclaré que l'arme atomique était interdite parce qu'impie. Il avait ajouté : " Elle représente un péché impardonnable ". De plus, les fatwas Il n' y a pas de sentiment antisémite dans le peuple. Un philosémitisme encore vivace existe même chez certains intellectuels du pays. Les juifs en Iran représentent la plus ancienne communauté hébraïque du monde. synagogues sont là, ouvertes, actives, de même que les écoles de Talmud ou les associations communautaires, caritatives ou culturelles. Et, comme on vient de le voir, l'antisionisme d'aujourd'hui ne fait que de la république islamique condamnent sans appel la bombe atomique. Que s'est-il passé alors pour qu'aujourd'hui on en soit là ? J-F.C. : La guerre avec l'Irak, et l'utilisation d'armes chimiques par Saddam Une vue de Téhéran succéder au pro- sionisme d'hier. Si l'Iran en venait à se reconnaître dans une occidentalisation maîtrisée, une intégration pacifiée à la mondialisation, il nouerait forcément des relations de proximité avec Israël, pour des raisons culturelles et des motifs politiques assez évidents. Il est d'ailleurs des nostalgiques de l'ancienne alliance des deux côtés, même si l'heure est à l'affrontement direct. Zbigniew Brzezinski, l'ancien patron de la diplomatie à la Maison blanche, et l'inspirateur de Barack Obama m' a cependant affirmé Hussein. Puis la menace que représente le Pakistan nucléarisé pour toute la région. Enfin, l'exception faite à l'Inde, à qui l'on a accordé la bombe pour établir un équilibre dissuasif, précisément, avec le Pakistan. Téhéran regarde plutôt de ce côté-là que de la Méditerranée. Mais pour les Iraniens, c'est avant tout une question de souveraineté et d'indépendance, de statut de grande nation qui se nourrit de leur peur ancestrale d'être dominés, leur conviction d'avoir été humiliés, et leur crainte de demeurer faibles, menacés. ACTUALITÉ Cette dimension de psychologie collective, voire parfois de psychose, n'est pas le moindre problème. I.J : Vous rappelez dans votre récit que des hommes comme Dick Cheney, Donald Rumsfeld et Paul Wolfowitz, aujourd'hui opposants farouches du programme nucléaire des mollahs étaient ceux-là mêmes qui ont permis au Chah d'accéder à l'ensemble du cycle nucléaire. A l'époque les ambitions nucléaires de l'Iran étaient vues avec sympathie par les Occidentaux ? J-F.C. : Oui. Le Chah était un grand bailleur de fonds pour le complexe militaro- industriel américain. C'est lui qui a financé Eurodif et l'absence de règlement du contentieux entre Paris et Téhéran explique les vagues d'attentats et de prises d'otages des années 1980. Sous le chah, c'était l'époque du tout- nucléaire et on ne pouvait rien refuser à l'Iran, bras armé de l'Occident au sein du monde musulman. Mohammed Reza entendait certainement rester, à l'instar du Japon, une puissance du seuil : être capable technologiquement de passer du nucléaire civil au militaire sans y passer immédiatement. Seul Israël manifestait quelque inquiétude alors, mais en sourdine. Les conservateurs américains, après 1979, ont évidemment renversé la perspective. Ils ont dés lors voulu sanctuariser l'Arabie Saoudite, leur allié contre les Soviétiques dans la guerre d'Afghanistan et l'adversaire principal de l'Iran. Mais l'attaque du 11 Septembre a montré que le tableau était autrement complexe. I.J : Dans quel sens du chiisme qu'il est un islam de la médiation ? J-F.C. : C'est en effet un islam de l'ouverture à l'histoire, à l'interprétation, à la rédemption, à l'image, et à la femme. Oui. Alors que les sunnites présentent la parole du Prophète donnée Une fois pour toutes, l'islam chiite n'est pas dans la répétition du Coran, Il veut ouvrir la Loi à d'autres dimensions:il en propose une interprétation spirituelle assortie d'une attente (" l'imam caché ").Le chiisme ouvre l'islam sur la poésie, l'imaginaire, l'extase,l'ivresse même. Il peut même se révéler très casuistique, dans une libre adaptation des pratiques aux circonstances. Bref, il semble plus propice à la modernité. Le fait, enfin, qu'il dispose d'un clergé et d'une haute tradition de philosophie spéculative renouvelée à 10 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 l'occasion des Lumières va dans ce sens. Les mollahs de Téhéran ne sont pas les Frères musulmans d'Egypte. Ils ont lu les classiques et lisent ce qui se produit en Occident. Quant au cinéma iranien, il est le quatrième mondial, en volume et en qualité. Le fondamentalisme n'a pas éteint la civilisation persane. Et, d'ailleurs, la sécularisation progresse. La révolution islamique a provoqué l'apparition d'une nomenklatura religieuse inflationniste. C'est pourquoi l'Iran est plus une "mollahcratie " qu'une théocratie. Ces tentation fondamentaliste. Le paradoxe au sein du paradoxe est que le chiisme luimême portait tous les ferments de la réforme attendue, d'une alliance renouvelée entre le Coran Et à la Cité.. Au lieu de quoi, il s'est dénaturé en système de pouvoir. Comme me le disait à Qom, la Ville sainte, le Grand Ayatollah Sanei, une figure toute spirituelle qui a rang de " Source d'Imitation " : " Il temps que la foi chiite soit redécouverte comme une foi ". C'est en effet une urgence pour les Iraniens, pour l'ensemble des musulmans, Le fondamentalisme n'a pas éteint la civilisation persane. Et, d'ailleurs, la sécularisation progresse. enturbannés, que l'on trouve à tous les niveaux de la société, sont plus des fonctionnaires du culte que des témoins de la grande tradition chiite. Avec pour résultat une forme de désacralisation, teintée de scandales et de corruption. Le et pour le monde entier, c'est-à-dire aussi nous- mêmes. Surtout, le peuple iranien vient de montrer, au prix de son sang, qu'on ne pouvait le réduire aux caricatures habituelles. Qu'il a une véritable aspiration à la liberté. Le mouvement démocratique "Une nomenklatura religieuse inflationniste" désenchantement du peuple iranien avec l'islamisme tient aussi à son goût pour la liberté de conscience. I.J : Au terme de votre enquête, vous vous demandez à quel Iran nous aurons affaire demain. Quelle est votre réponse ? J-F.C. : L'Iran, ce creuset et ce laboratoire, qui a été le premier pays au Proche- Orient à mener en 1905 une révolution constitutionnelle, en 1953 une révolution nationaliste, et en 1979 une révolution islamiste, devrait être à l'avantgarde de la modernisation du monde musulman plutôt qu'à la remorque de la mêle les jeunes (60 % des Iraniens sont nés après1979),les intellectuels,les femmes. Un journal féministe est même devenu le premier hebdomadaire du pays, lu y compris par les hommes. Il y a des millions de blogueurs iraniens qui sont au contact du monde. N'oublions pas qu'il a fallu vingt- cinq ans au mouvement populaire pour vaincre le Chah. La fin de la République islamique a commencé. D'où sa virulence actuelle. Il faut traiter fermement le régime, mais il faut aussi faire confiance aux Iraniens, et surtout aux Iraniennes. ACTUALITÉ Le petit prince d'Israël C PAR AMI BOUGANIM e fut un rude été. Il ne passait pas un jour sans un accident, un meurtre, un viol. Une cavalcade de l'horreur qui très vite tourna à la cavalcade du désespoir. On ne savait comment priver les collégiens et les lycéens en vacances de leurs bouteilles de vodkas, on ne savait comment les convaincre de rentrer leurs couteaux. Des crimes gratuits, des crimes de représailles, des crimes horribles. Sur la promenade de Tel-Aviv, dans des quartiers généralement tranquilles, dans des milieux religieusement sourcilleux. Ce n'était plus des règlements de comptes entre criminels ni des balles perdues, encore moins des attentats. C'était un déchaînement de violence sans précédent, me semble-til, dans les annales d'Israël. Nul n'était épargné. Ni les vieux ni les jeunes ; ni les médecins ni les patients. On avait l'impression que chacun pouvait s'improviser vengeur, que le crime rodait dans l'air à la recherche de criminels. Sans parler des procès. D'un président de l'Etat. D'un Premier ministre. D'un animateur de télé. Sans s'attarder sur l'entrée en prison de deux ministres, l'un des finances et l'autre de la santé. On me dit que c'est pire ailleurs, ça ne me console pas. En revanche, oui, je trouve une consolation dans la solidité des tribunaux qui ne se laissent nullement intimider et jugent un ancien président de l'Etat, des ministres, de hauts fonctionnaires et bientôt un ancien Premier ministre. Ce pays, je le crains, est saturé de haine. Malgré ses charmes, ses décors, ses acquis et ses belles gens. Une haine mutuelle, gratuite, inexpugnable. Peutêtre une conséquence de cette variété de colère dont Nietzsche disait que les Juifs étaient des artistes : " Ils ont façonné la sainteté de leur Jéhovah en colère d'après leurs saints prophètes en colère . " Et ce serait cette haine latente qui éclate par-ci par-là. Sur les routes. Dans les bars. Sur les lieux de loisirs. On ne cesserait de tenter de se corriger les uns les autres. On arrête volontiers Communiqué Oren Tolédano, co-directeur de l'Agence juive en France : “Notre objectif : aller à la rencontre de tous les juifs de France” En plus de la gestion de son département qui envoie chaque année 2000 juifs de France en Israël, Oren Tolédano assure depuis quelques mois avec Daniel Benhaïm, la co-direction de l'Agence juive pour Israël. Un emploi du temps chargé que n'empêche pas le jeune homme de se lancer de nouveaux défis comme " la caravane d'Avraham. Détails. I.J : En quoi consiste la caravane d'Avraham avec laquelle vous allez sillonner la France dans quelques jours ? O ren Tolédano : C'est une grande opération d'information et de sensibilisation à Israël. Notre objectif n'est pas seulement de faire la promotion de la Alyah et de renseigner les candidats. Ce que nous souhaitons c'est d'aller à la rencontre de tous les juifs de France pour échanger avec eux sur la question de notre réaction à Israël. Israël a-t-elle encore besoin de nous ? Comment ? Et nous juifs de France, comment, avons-nous besoin d'Israël ? I.J : Très concrètement, comment cela va se dérouler ? O.T : A partir du 26 Octobre, nous allons à la rencontre des juifs de France. La caravane fera escale à Strasbourg, Rennes, Toulouse, Toulon, Lyon, Nants, Marseille sans oublier Paris et la région parisienne. Dans chaque ville, nous proposerons des conférences-débat avec des personnalités comme Nissim Zvili, ancien ambassadeur d'Israël en France ou encore Olivier Rafowicz, porte-parole de l'Armée. Il y aura également Gilles Azoulay, psychiatre de Tsahal. Notre objectif est simple : faire connaître Israël et donner à réfléchir. Nous aurons également la présence exceptionnelle de deux olims qui ont fait un beau parcours en Israël. Un jeune de 16 ans, ex-Naalé qui a remporté la deuxième place à un concours scientifique et un jeune officier d'une unité d'élite de Tsahal. I.J : Où vont se tenir ces rendez-vous avec la communauté ? O.T : Dans les communautés justement. Nous avons travaillé avec Joël Mergui, le président du Consistoire central. Il sera d'ailleurs avec nous à quelques dates. Propos recueillis par Alain Azria INFORMATION JUIVE Octobre 2009 11 ACTUALITÉ sa voiture pour s'expliquer. En pleine route, sans égards pour les piétons, sans se soucier des voitures derrière. On se donne mutuellement des cours de bonne conduite que nul ne respecte vraiment. Souvent le cours tourne à la querelle sur les vertus respectives des conducteurs, de leurs parents et de leurs grands-parents. Souvent encore la querelle dégénère en dispute sur les mérites socioculturels des communautés respectives de chacun. Puis la dispute tourne à la bagarre et l'on oublie vertus et mérites. La meilleure façon de se préserver d'on ne sait quelles représailles est encore de se taire. En toutes circonstances ; en tous lieux. Ni reproche ni remarque. C'est dire la désespérante volatilité de la vie. L'incurie de la police Tous les secteurs de la population seraient touchés. Les ultra-religieux pour lesquels l'Etat existe de moins en moins. Les Arabes qui attendent la disparition de l'Etat. Les laïcs qui lorgnent New York et Wellington. La violence guetterait partout. On n'est jamais sûr qu'on ne sera pas agressé. Chez soi sinon dans la rue. Les pouvoirs publics se révèlent impuissants. Dans tous les domaines. On incrimine l'alcool. L'incurie de la police. Le soleil. On assiste même au plus grégaire des racismes de la part des directeurs des écoles religieuses de Pétah Tikva qui refusent d'admettre des enfants éthiopiens ou des directeurs ultra-religieux qui séparent - par un mur, des entrées séparées, des tenues scolaires de couleurs différentes - entre fillettes ashkénazes et orientales. On ne se décide pas à déceler dans cette cavalcade de la violence les signes d'une déliquescence généralisée. On veut encore espérer, on persiste à souligner les acquis. Les petits coins de paradis dans les moshavim et les kibboutzim. La vibration de Tel-Aviv. L'ingéniosité poétique et technologique. La quête de tout et de rien qui s'illustre dans la quête de Dieu. Pourtant, l'Etat gouverne de moins en moins , dans tous les secteurs. " Les Juifs ", me disait Tobie Nathan avant de quitter Tel-Aviv dont il était passionné, " ne se sont donné un Etat que pour mieux se prouver qu'ils ne peuvent vivre 12 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 ensemble et qu'ils ne se supportent que dispersés parmi les nations ". Il a marqué une pause avant d'ajouter : " Mais là, ce sont les nations qui ne les supportent pas. " Pour une contrée qui se pose en Terre promise, on conviendra avec moi, que c'est un peu trop. Pour ne point parler de Royaume de Prêtres et de Nation sainte. Puis est venu le crash de l'avion qui a coûté la vie à Assaf Ramon. C'est comme si chaque fois qu'on se sent débordés par les événements, qu'on nourrit des doutes, que ça part dans tous les sens et qu'on désespère de la situation, on se donne une nouvelle légende. On en a besoin pour arrêter la cavalcade des menaces, des meurtres et des accidents et pour nous rassurer grand désarroi que les belles paroles sur la douleur commune ne dissipent pas. Les légendes aussi ne persistent pas. Elles passent avec les jours qui se chevauchent on ne sait vers où ni vers quoi. On a besoin de savoir pourquoi. Un besoin pressant. Une communauté de destin fondée sur la seule douleur commune ne résistera pas aux menaces de déliquescence dont les signes précurseurs sont décelables un peu partout. Le berceau de la bravoure hébraïque Ilan Ramon (1954-2003) est un héros national. C'était un pilote de chasse courageux et miraculeux. Il échappe à deux reprises à des accidents d'avions. En 1981, il participe au bombardement de la centrale nucléaire en Irak. Puis il Assaf Ramon sur notre sort. On pleure, on se recueille et on repart, plus ou moins réconciliés les uns avec les autres. Ces légendes ne sont pas moins vitales que les hantises. On n'arrête pas du reste de passer des unes aux autres en un balancement perpétuel entre deux variétés de douleurs : la douleur cathartique et la douleur accablante. On aurait besoin de l'une pour écarter l'autre. Les unes et les autres n'en concourent pas moins à tresser un est choisi pour être le premier astronaute israélien, membre de l'équipe du Columbia. Quand le vaisseau est enfin autorisé à prendre le vol, Ramon prend avec lui nombre d'articles qui témoignent de son amour d'Israël. Une série de petits drapeaux retraçant son parcours jusque-là, du drapeau de sa ville natale Ramat Gan à celui du lycée Blich. Des objets particulièrement emblématiques : de minuscules rouleaux de la Loi ; le ACTUALITÉ dessin d'un enfant de Terezinstadt représentant la terre vue de la lune à propos duquel il avait déclaré : " Je prends avec moi son imagination et son esprit " ; une lettre de son compagnon d'armes, Ron Arad, disparu en captivité chez les chiites au Liban ; une série de mezuzot. C'était le premier astronaute d'un peuple d'astronomes qui n'avaient cessé, pendant trois mille ans, de mesurer la distance entre la terre et le ciel à la recherche de leur Maître. Ramon était chargé de plusieurs missions dont la principale consistait à mener des recherches sur les grains de poussière qui viennent du Sahara, portés par le vent, et couvrent le ciel au-dessus d'Israël pour comprendre leur influence sur le taux des précipitations - une mission pour le Petit Prince d'un Israël tant soucieux du niveau des eaux dans le lac de Tibériade. Pendant quinze jours, il tient le pays en haleine. Il l'associe à son émerveillement, à ses émotions et à ses recherches. C'était l'astronaute d'Israël et ce titre réclamait de lui d'être son guide dans les cieux. Il ne mange pour la circonstance que de la nourriture casher. Le vendredi soir, il allume des bougies. Au bout de quinze jours dans l'espace et alors qu'il se enterrés les Dayan, dans la vallée de Jezréel, le berceau de la bravoure hébraïque. Un peu partout dans le pays, des écoles, des parcs, des institutions, des rues portent son nom. Un astéroïde aussi. Ce n'est pas tant sa prouesse Il était l'ambassadeur de l'Histoire auprès de l'Espace, il est mort après avoir présenté ses lettres de créance. Il a prié Dieu du dessus et du dessous de la voûte céleste, il a vu la Terre promise d'en haut, peut-être avec le regard de Moïse, il s'est arraché à la gravité de la terre pour aller bénir les cieux. disposait à atterrir, le vaisseau spatial se dissout en entrant dans l'atmosphère et Ilan Ramon est entré dans la légende. C'était le 1er février 2003. On l'a enterré dans le petit cimetière de Nahalal, le premier moshav du pays, celui où sont d'astronaute qu'on a voulu perpétuer que son souci de tresser son odyssée dans l'espace avec celle de son peuple. Il était l'ambassadeur de l'Histoire auprès de l'Espace, il est mort après avoir présenté ses lettres de créance. Il a prié Dieu du INFORMATION JUIVE Octobre 2009 13 ACTUALITÉ dessus et du dessous de la voûte céleste, il a vu la Terre promise d'en haut, peutêtre avec le regard de Moïse, il s'est arraché à la gravité de la terre pour aller bénir les cieux. Sept ans plus tard, en septembre 2009, son fils Assaf, qui a voulu perpétuer son souvenir en prenant sa relève, est devenu pilote de chasse à son tour. Il manque de s'écraser une première fois, la seconde a été fatale. Son avion s'est brisé en mille et un morceaux. Il est enterré dans la légende aux côtés de son père. En présence du président de l'Etat, du Premier ministre, des membres du gouvernement, de l'état major au grand complet. De " la grande famille de l'armée de l'air ". On parle de " drame israélien " et du " douloureux tribut à une terre chérie ". De nouveau, on a exhumé le pathos sentimental et patriotique des grands jours de deuil national. Les moments de gloire et les moments d'accablement. Devant les tombes ouvertes où l'on ensevelit de jeunes promesses. De la langue de bois plus ou moins poétisée. Sûrement sincère. Sortie de cœurs désarmés par le destin dont on ne sait qui l'aiguille et quelles sont ses considérations. Là haut, dans les cieux, sillonnés par les avions, les anges et les âmes. On est triste mais la tristesse n'a jamais rien résolu, elle ne fait que sécréter la tristesse. Rona, l'épouse et la mère endeuillée, contrainte de céder à son fils le tombeau qu'elle se réservait aux côtés de son mari, n'a eu d'autre choix que de déclarer : " Je suis prise dans un piège, Assaf mon petit, c'est ma tombe, c'est ma place, vous étiez censés m'enterrer vieille et courtoise, avec un million de petits-enfants derrière-moi. Je suis tellement en colère. On m'a promis de veiller sur Ilan, on m'a promis de veiller sur toi. " Sinon, on ne se posait pas trop de questions ; on se l'interdisait. Ni sur le concours des circonstances qui a conduit à ce drame ni sur les conditions de l'accident. Peut-être le Petit prince héritier ne présentait-il pas les qualités requises pour devenir pilote de chasse ; peut-être ne l'a-t-on déclaré major de sa promotion que pour embellir la légende. On était du reste tellement fier de voir le fils d'Ilan Ramon assurer la relève qu'on a autorisé les caméras à montrer son visage alors que la censure interdit de montrer les traits des pilotes. C'est même le président de l'Etat qui lui a remis ses ailes alors que dans son cœur, dira-t-il plus tard, résonnait l'intervention de Dieu pour arrêter la main d'Abraham s'apprêtant à sacrifier Isaac : " Ne porte pas la main sur ce jeune homme " (Genèse 22, 12 ). Pérès a su trouver les mots pour associer la nation entière au drame et pour le restituer à son registre tout personnel : " Je sais que n'ont pas encore été créés les mots qui peuvent guérir, ne sont pas encore nés les propos qui peuvent consoler, quand toute une nation, tous ses citoyens pleurent aujourd'hui, l'un sur l'épaule de l'autre. Ces [larmes] ne remplacent pas les battements du cœur quand on entend les pas du fils rentrant à la maison de sa base militaire pour le week-end. Ils ne comblent pas l'absence, le lit vide, l'armoire où est remisée la chemise avec les ailes de pilote, le rire qui retentit dans la maison, l'étreinte et le baiser. Le bienvenue et le au revoir. " Les tombes de Nahalal recèleraient autant de légendes, presque toutes. Le petit cimetière figure dans le circuit qui conduit au cimetière des kabbalistes à Safed, où sont enterrés R. Isaac Louria et ses disciples, de même qu'au cimetière de Kinneret, surplombant le lac, où sont enterrés le doyen des pionniers, A. D. Gordon et la poétesse Rahel (Bluwstein, 1890-1931). Dans tous ces cimetières, les visiteurs laissent leurs vœux ou leurs hommages. C'est comme ça, ça durera peut-être. Je ne sais quoi. Cette poésie qui s'insinue dans le deuil qui, lui aussi, est condamné à passer. On a enterré Assaf aux paroles d'un chant de Shlomo Artsi ; on avait enterré Ilan aux paroles d'un chant de Rahel : Entends-tu ma voix, au loin, m'entends-tu, qui que tu sois, voix qui crie, voix qui pleure, voix qui te transmet, à travers temps, ses salutations. Ilan Ramon 14 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 Dans un petit cimetière pastoral surplombant la vallée de Jezréel… A.B. INFORMATION JUIVE Octobre 2009 15 LA CHRONIQUE Réponse à un jeune juif né après la chute du mur V ingt ans depuis la chute de ce foutu mur de Berlin… Jusque-là j'avais aimé l'Allemagne de la même manière que François Mauriac, qui l'adorait au point d'être heureux qu'il en existe deux. Le triomphe de la démocratie était un bonheur, mais il était difficile de ne pas frissonner en entendant la foule scander Wir sind ein Volk, nous sommes un peuple, un seul peuple. Les grandes perspectives du Berlin impérial n'étaient plus coupées par le béton et les barbelés, aujourd'hui encore je cherche les traces de cet autre monde en marchant dans la Friedrich Strass sans être interrogé par les Vopos de Check Point Charlie. Vingt ans… J'ai longtemps voyagé en pays aujourd'hui disparus, la République Démocratique Allemande, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et, bien sûr, l'URSS. En septembre 1989, je rentrais d'un tournage en Tchécoslovaquie, les murs de Prague n'étaient pas encore repeints, une de ces écoles de commerce, dont les diplômes rassurent les chefs d'entreprises, parce qu'ils attestent des limites d'un savoir réduit à quelques techniques de vente. Le développement des études commerciales est pour moi une énigme. Pour ma génération, les études étaient le moyen d'échapper au commerce. Nous venions d'un petit monde de juifs immigrés qui n'avaient pu faire d'études, parce qu'ils devaient travailler tôt pour vivre et que la guerre n'avait pas tardé à les rattraper. Le mot commerce me renverra toujours l'image d'une vieille bagnole bourrée de schmatess à vendre sur les marchés. Les boutiques, les vitrines à décorer. Confection, cuir et fourrure. Traites et morte saison ! Tout ce que nous étions pressés de fuir dans les études et l'engagement politique. Dans ce monde-là, le communisme était l'horizon de beaucoup de juifs. Il ne s'exprimait pas seulement par la présence de nombreux juifs dans les cellules du PCF. Le sionisme lui-même était associé à un rêve égalitaire et Le mot commerce me renverra toujours l'image d'une vieille bagnole bourrée de schmatess à vendre sur les marchés. les touristes ne se bousculaient pas devant la tombe du Maharal. Ma dernière fille est née à ce moment-là. Nous avons donc fêté ses vingt ans. Il y avait, parmi ses copains, un jeune juif plutôt sympathique. Tard dans la soirée, il m'a interpellé avec toute la fougue de sa jeunesse, en me sommant de m'expliquer sur une monstruosité dont il avait entendu parler. À en croire la rumeur, j'avais appartenu au Parti communiste. Je me sentais piégé comme Elia Kazan, contraint de s'expliquer devant le FBI longtemps après son exclusion. Ma posture était d'autant plus fâcheuse que ce jeune homme parlait avec une assurance justifiée par l'étendue de son inculture. Si j'ai bien compris, il est étudiant dans 16 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 collectiviste. Peut-être aurais-je dû dire d'abord ceci à mon jeune contradicteur. Lui dire ce qu'éprouvent ces pionniers à la retraite que je rencontre en Israël. Ou encore, ces camarades de mon âge qui étaient partis au kibboutz, à la fin des années 60. Il leur semblait alors impensable que des juifs connaissent la misère sur leur propre terre, que le système économique d'Israël soit aussi cruel que ceux des pays de la diaspora. Ils croyaient que les principes d'égalité et de solidarité s'imposeraient naturellement dans un État juif. Ces sionistes étaient aussi communistes que nous. Parce que le judaïsme se trouve être l'origine spirituelle du communisme, ne serait-ce que par le rappel quotidien de l'esclavage d'Égypte. J'aurais peut-être dû commencer par là pour répondre à ce jeune juif, qui, s'il est dépourvu de culture politique contemporaine, a tout de même appris que le peuple juif avait été esclave en Égypte, qu'il remercie chaque jour la main puissante par laquelle les enfants d'Israël ont été libérés de l'esclavage pour devenir des hommes libres. Avant les humiliations, l'antisé-mitisme, la misère qui ont conduit les juifs à s'enflammer pour le socialisme, à former les premier cadres du parti bolchevick, il y avait cette scène primitive de libération des esclaves. Cette prière répétée pendant des siècles par les ancêtres de Trotski, Zinoviev, Kamenev, London, Kriegel, Krasucki, Konopnicki, et tous les autres. L e communisme était, aussi, une histoire juive. J'ai tout de même pu recommander un film récent à mon jeune interlocuteur. L'affiche Rouge de Robert Guédiguian. Je suis né de cette histoire, celle de deux juifs, mon père et ma mère, qui s'engagèrent, comme les Rayman, Elek, Schapiro, Boczow, dans les organisations communistes pour combattre l'occupant nazi. À ce moment-là, une relation forte s'est nouée entre le parti communiste et les juifs de France. Cette relation a perduré, dans les grandes villes et les quartiers populaires de Paris. Elle s'est défaite à mesure des chocs et des ruptures, des procès antisémites, qui visaient des juifs communistes de Moscou, Prague et Budapest. Le sentiment de solidarité avec Israël s'est ensuite affirmé, il était assez puissant chez tous les juifs, y compris les anciens dirigeants communistes, pour provoquer la rupture avec l'URSS et le parti qui, sur ce point, était totalement aligné sur Moscou. Mais l'histoire demeure. On ne peut comprendre les engagements de 1942 en jugeant les hommes sur la base des idées qui se sont formées après 1967, ou, pis encore, dans les années de déclin du monde communiste. La quasi-disparition de la chronologie DE GUY KONOPNICKI dans l'enseignement de l'histoire la rend indéchiffrable. Ce jeune homme sait vaguement que Staline était un monstre. Il avait déjà assassiné beaucoup de juifs en 1945, il avait même commencé par les anciens dirigeants de la Révolution, a continué par les écrivains, les intellectuels, les militants juifs polonais réfugiés en URSS. Mais en 1945, pour la majorité des juifs, il était le vainqueur de Stalingrad, il avait écrasé le nazisme et l'Armée Rouge était entrée dans Berlin. Pour les juifs qui sortaient de la guerre et recherchaient ce qui restait de leurs familles, l'ennemi absolu ce n'était pas l'URSS mais l'Angleterre, qui interdisait l'accès de la Palestine, parquait les réfugiés dans les camps à Chypre. L'Angleterre qui emprisonnait et condamnait à mort les combattants sionistes. C es gens ne pouvaient penser en s'appuyant sur ce que tout le monde sait aujourd'hui de Staline, de l'URSS et du communisme. Sait ou croit savoir ! Ce jeune juif qui m'a interpellé a été nourri d'une soupe fadasse qui remplace les livres d'histoire, les romans et les films, tout ce qui nous permet de comprendre le passé, de le découvrir sans cesse, à chaque nouvelle lecture. Je commence à dater. Je m'alimente toujours de lectures, de livres et de journaux, et je dois m'expliquer devant une nouvelle génération nourrie de ce concentré d'histoire servi à toute vitesse dans les journaux télévisés, de cette somme d'idées reçues qui finissent par se transformer en doctrine obligatoire de la modernité. Berlin-Est, un vieux juif allemand, exclu du PC, auquel il avait adhéré en 1932 en faisant le coup de poing avec les chemises brunes de Goebbels… Manfred, un vrai " yeke ", un juif de Berlin, qui se souvenait de la splendeur de cette grande synagogue dont la RDA avait reconstruit la façade sur Oranienburg strasse. Manfred, réfugié en France en 1935, s'était engagé en 1939 dans la Légion étrangère. Après la débâcle de 40, il avait pu s'embarquer pour l'Afrique du Nord. Il avait combattu de Lybie en Italie, il était revenu une première fois, en Allemagne, en soldat français… Sa famille exterminée, il ne parvenait pas à s'intégrer en France. En 1950, il est rentré à Berlin, chez lui, rêvant de construire une nouvelle Allemagne. Derrière le mur, Manfred avait perdu bien des illusions. Il décrivait avec un extraordinaire humour les délires du système communiste. Il redoutait pourtant ce jour qui s'approchait, qu'il n'a pas vu, celui de la réunification. Au loin, à l'Ouest une enseigne lumineuse défiait Berlin-Est, celle de coca-cola. Manfred m'a dit qu'il ne regrettait rien. Il aurait pu rester en France, en 1950, trouver un bon petit boulot, vivre une bonne petite vie. Il a choisi de suivre son rêve, ses convictions. Instructeur du peuple, il a été chargé de rééduquer le peuple allemand, en lui rappelant les horreurs du nazisme. Il donnait aussi des cours de marxisme. Suspect de déviationnisme, il s'est retrouvé au placard. Un emploi d'archiviste, dans un service chargé de préparer un musée des années noires 1933-45, musée qui ne devait jamais voir le jour. On le sortait tout de même deux ou trois fois par an, pour l'emmener dans quelques écoles où il expliquait aux enfants comment le nazisme avait fait le malheur de l'Allemagne. Il était, bien sûr, surveillé par la STASI, dont il saluait les agents quand il les repérait. Il savait ce qu'étaient devenus ses rêves de jeunesse et ne regrettait aucun de ses combats. Un jeune juif né après la chute du mur de Berlin ne peut comprendre mon ami Manfred, juif berlinois, communiste affrontant les hordes nazies avant 1933, soldat de la France libre, instructeur du peuple de la RDA, vieil homme au regard malicieux, qui me racontait, à cinquante mètre du mur, la vie d'autrefois, autour de la synagogue de l'Oranienburg strasse. Ce monde que j'ai vu s'achever relève aujourd'hui du roman. Il me reste donc à répéter un mot d'Aragon, à ce jeune juif qui m'interpelle : " commencez donc par me lire ". Cette histoire, j'essaye de la transmettre, depuis Au chic ouvrier, de romans en polars. Je vais donc continuer. GK J'apprends encore, en lisant les deux livres d'Orlando Figes, La Révolution Russe (Folio) et Les Chuchoteurs (Denoël). L'histoire des hommes, pendant la révolution puis, sous Staline. Des destins d'hommes, de Russes, de Juifs, d'Ukrainiens ou de Lettons… Orlando Figes peut fouiller dans des archives qui étaient bouclées, il y a vingt ans, il peut aussi réunir des témoignages et écrire ce qui jadis se chuchotait. Vingt ans, donc. J'avais rompu avec le communisme bien avant 1989. Je me passionnais toujours pour son histoire, je voyageais dans les pays de l'Est, sauf quand on me refusait le visa. C es pays disparus… Quelques années avant la disparition du mur, dans les rues vides de INFORMATION JUIVE Octobre 2009 17 REPÈRES Finkielkraut et le Talmud A l'occasion de la parution de son livre Un cœur intelligent ( Editions Stock ) , Alain Finkielkraut évoque pour le mensuel Transfuge son amour de la littérature. Il déclare entre autres: "Tandis que la littérature dispute à la philosophie le monopole de la question" qu'est-ce que ? ", le Talmud s'efforce de répondre à la question : "qu'est-ce qui m'incombe?". Ily a cependant un point commun entre l'approche talmudique et l'approche littéraire : le rejet de la pensée massive, l'amour des détails. Comme l'écrit Lévinas " la loi orale est une casuistique. Elle s'occupe du passage du principe général incarné par la Loi à son exécution possible, à sa concrétude ". Le Talmud, dit-il encore, " surveille le général à partir du particulier ". La formule s'applique également à la littérature ". 7.500.000 d'Israéliens Selon des chiffres rendus publics par les Services israéliens de la statistique, la population israélienne était évaluée, à la fin de l'année 2008, à 7.500.000 personnes dont 5.634.000 juifs. On compte 1.500.000 Arabes dans le pays. Les sabras - les citoyens nés dans le pays - sont, eux, évalués à 4 millions de personnes, soit 71 % de la population juive. Ils n'étaient que de 35¨% au moment de la création d'Israël. 21% de la population israélienne sont installés dans la région de Tel Aviv. Par ailleurs, au cours de l'année dernière, on a enregistré 156.923 naissances soit 3 ,5 % de plus qu'en 1007. Les service officiels de la statistique ajoutent que les Israéliens ont pris l'habitude de se marier de plus en plus tard. Ainsi 92 % des hommes âgés entre 25 et 29 ans sont aujourd'hui célibataires. Chez les femmes, cette proportion est de 42%. 18 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 Israël en Afrique La première visite d'un ministre israélien des Affaires étrangères en Afrique subsaharienne depuis près de vingt ans s'est déroulée sans incident. Notre excellent confrère Jeune Afrique, observe dans son numéro du 13 septembre que des accords symboliques ont été signés "qui confirment le processus de normalisation entre Israël et l'Afrique amorcé au début des années 1990. Le journal ajoute : " Reconnu par une trentaine de capitales africaines au milieu des années 1960, l'Etat hébreu avait fait l'objet d'un ostracisme diplomatique quasi complet au lendemain des guerres israélo-arabes de 1967 et 1973. Aujourd'hui, une douzaine de pays du continent entretiennent des relations diplomatiques avec lui, malgré les diatribes anti-israéliennes du " Guide " libyen Mouammar Kaddafi, président en exercice de l'Union africaine (…). De fait, même lorsque les relations diplomatiques étaient au plus bas, les échanges commerciaux n'ont jamais cessé. Ils ont atteint près de 3 milliards de dollars en 2008. Pour l'Afrique, l'expertise technologique israélienne est particulièrement précieuse, que ce soit en matière agricole et hydraulique ou de sécurité et de défense. L'existence de commu-nautés juives en Ethiopie (es Falashas), au Nigéria ou en Ouganda explique aussi la solidité des liens israélo- africains " Une place Ben Gourion En présentant au centre communautaire de Paris ses vœux de Roch Hachana à la communauté juive de Paris, Bertrand Delanoë a confirmé son intention d'inaugurer une place Ben Gourion dans la capitale. L'événement aura lieu aussitôt que le président israélien Shimon Pérès pourra se rendre à Paris. Allah Akbar à la synagogue Cela paraît irréel et c'est pourtant vrai : la population musulmane dans les banlieues de Washington a tendance à grossir. On parle d'une population musulmane de 7 millions de personnes pour l'ensemble des Etats-Unis. Dans “Des lieux de culte pour tous les hommes...” ces banlieues de la capitale américaine, on construit de plus en plus de mosquées pour répondre aux besoins des fidèles musulmans. Mais cela ne semble pas suffire. Les musulmans ont été amenés à louer des salles à la veille du ramadan. Deux rabbins chefs de congrégations ont décidé de céder leurs deux synagogues aux fidèles musulmans pour leurs prières du vendredi : " Quand les prières musulmanes s'achèvent, nous préparons les salles pour le début de la prière du chabbat " a déclaré l'un des rabbins. Il ajoute : " Le prophète Isaïe a dit que nos lieux de prière devraient devenir des lieux de culte pour tous les hommes ". De son côté, un des chefs de la communauté musulmane a déclaré en commentant l'événement : " De même qu'il y a des catholiques de Noël et des juifs de Hanouka, il y a des musulmans de ramadan " Une initiative identique a été prise par la communauté juive en Virginie. Ces relations se sont développées de telle sorte que désormais des rabbins prennent la parole devant les fidèles musulmans et des imams le font à la synagogue. ECONOMIE Le FMI optimiste pour Israël A près une année 2009 de déprime économique généralisée, marquée par la plus forte récession mondiale jamais enregistrée depuis l’après-guerre, les espoirs de reprise globale pour 2010 nés des mesures de relance hors-norme prises par les gouvernements tout autour de la planète, et encore rappelées lors du récent sommet du G20 à Pittsburgh, ont ravivé un optimisme global. Que celui-ci puisse paraitre quelque peu excessif est probable, mais il n’en demeure pas moins que les signaux permettant israélien, après un recul de 0,1% cette année. Ces prévisions du FMI sont en ligne avec celles de la Banque d’Israël qui table de son coté sur un taux de croissance de +2,5% pour 2010. De tels chiffres feraient pâlir d’envie les dirigeants des principales économies mondiales. Même avec une croissance de -0,1% en 2009, Israël reste en effet encore largement à la tête des pays industrialisés, devant les Etats-Unis (-2,7%), les pays de la zone Euro (-4,2%) et le Japon (-5,4%). Il en va de même pour les prévisions 2010 qui tablent sur +0,8% pour les EtatsUnis, +1,7% pour le Japon et seulement +0,3% pour l’Europe. Parmi Le FMI prévoit pour 2010 une croissance de +2,4% du Produit Intérieur Brut israélien, contre +0,8% aux Etats-Unis et +0,3% en Europe. d’être plus serein pour l’année à venir se multiplient de semaine en semaine. Ainsi, le Fonds Monétaire International (FMI), que l’on ne peut pas taxer de démagogie ou d’optimisme par nature, tant ses prises de positions et ses critiques pendant la crise ont été jugées justes et crédibles par la plupart des observateurs, a revu à la hausse ses prévisions de croissance pour l’économie mondiale lors de sa récente assemblée annuelle qui s’est tenue à Istanbul les 6 et 7 octobre derniers. Même s’il demeure prudent, signalant que “les facteurs de récession s’atténuent mais la reprise s’annonce timide”, pour l’ensemble de l’économie mondiale, le FMI table sur une croissance de 2,5% l’an prochain (au lieu des 1,9% prévus jusque là), après un recul de 1,4% attendu cette année. L’économie israélienne n’échappe pas à cet optimisme renforcé de la part de la principale institution économique et financière au monde. Bien au contraire. Dans ses Perspectives de l’économie mondiale publiées le 1er octobre, le FMI prévoit pour 2010 une croissance de +2,4% du Produit Intérieur Brut les principales économies de la planète, seules la Chine et l’Inde devraient selon le FMI faire mieux, avec respectivement des taux de croissance attendus à +8,5% et +6,5%. Cette exceptionnelle performance attendue pour l’économie israélienne résulte certes du scénario de reprise mondiale, particulièrement importante pour une petite économie très ouverte sur l’extérieur et très dépendante des marchés étrangers, mais surtout de fondamentaux domestiques qui, non seulement, n’ont pas trop souffert de la crise mais qui offrent aujourd’hui des bases particulièrement solides pour la reprise à venir. Le secteur immobilier israélien n’est pas aussi dévasté qu’il l’est aux EtatsUnis, n’ayant pas souffert préalablement des mêmes excès ; le secteur bancaire israélien a nettement mieux résisté à une crise financière qui a d’abord frappé les établissements mondiaux les plus exposés aux abus du secteur immobilier et les plus dépendants d’activités financières spéculatives et volatiles ; le secteur technologique israélien demeure un fer de lance hors du commun qui PAR PHILIPPE MEYER continue d’innover et de créer des richesses. Il se maintient aux premières places mondiales de sa catégorie offrant ainsi à l’économie israélienne dans son ensemble des raisons solides pour conserver et développer le dynamisme qui la caractérise depuis des décennies. Par ailleurs, les finances publiques israéliennes affichent une situation plus saine qu’ailleurs, même si elles ont comme partout été frappées par les mesures de relance décidées par le gouvernement pour compenser le choc de la crise. Il convient bien sûr de rester prudent quant à ces perspectives de sortie de crise, tant les incertitudes restent fortes au niveau mondial comme au niveau intérieur israélien, et notamment pour ce qui concerne l’impact social de la crise et l’évolution du marché du travail qui demeure fébrile. Le FMI prévoit à cet égard, malgré son scénario de reprise, la poursuite de la hausse du taux de chômage qui atteindrait 8,6% l’an prochain après 8,2% en 2009. Il s’agit là du facteur de préoccupation principal qui pourrait à lui seul briser les perspectives optimistes qui règnent actuellement. Malgré ces incertitudes sociales qui sont autant de risques majeurs qu’il faudra surveiller de près dans les mois à venir, les perspectives économiques israéliennes demeurent au beau fixe. Dernier facteur encourageant en date, une récente étude de l’agence d’information économique Dun & Bradstreet montre que les pertes économiques que feront subir cette année les fêtes de Tichri à l’économie israélienne (plus de trois semaines de ralenti) devraient s’élever à environ 12 milliards de shekels, soit près de 1,5% du Produit Intérieur Brut. Même si un tel impact est loin d’être insignifiant , il est inférieur de moitié à celui de l’an dernier alors que de nombreux jours de fêtes ont coïncidé cette année avec le Chabbat qui est de toute façon chômé en Israël. Il n’y a pas de petites économies … INFORMATION JUIVE Octobre 2009 19 LA VIE DU CONSISTOIRE Le Ministre de l'Intérieur invité au Consistoire pour présenter ses vœux à la communauté juive L e Consistoire Central et le Consistoire de Paris ont accueilli le Ministre de l'Intérieur, en charge des cultes, pour la cérémonie des vœux de bonne année à la communauté juive. Brice Hortefeux a été chaleureu-sement accueilli par les très nombreux responsables communau-taires réunis dans la salle Jérusalem de la synagogue de la Victoire. Ouvrant la cérémonie, le Président du Consistoire Central Joël Mergui a surtout insisté sur l'étroite concertation avec le bureau des Cultes du ministère de l'Intérieur sur quatre dossiers majeurs : la préservation au niveau européen des normes relatives à l'abattage rituel, l'entretien du patrimoine juif de France, les carrés confessionnels dans les cimetières, et la conciliation des dates d'examens et du calendrier juif. Il a aussi rappelé le projet de construction du centre européen du judaïsme dans le 17ème arrdt de Paris. Dans son allocution, le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim a insisté sur la notion d'exemplarité pour les Juifs à l'égard de leurs frères, de tous leurs frères, quelles que soient leurs origines. Il a estimé qu'au-delà de la liberté et de l'égalité, la fraternité était certainement ce qui manquait le plus dans notre société, mais qu'il ne doutait pas que le Ministre, en dépit de ses lourdes responsabilités, saurait mettre à profit cette valeur essentielle dans la conduite de ses missions. Le Grand Rabbin de Paris David Messas a exprimé toute la confiance de la Communauté juive dans le nouveau Ministre de l'intérieur, et a insisté sur la notion de vivre ensemble, cette volonté de respecter chacun dans ses croyances et ses convictions. Il a également insisté sur le profond respect du judaïsme vis-àvis de la laïcité républicaine. Brice Hortefeux n'a pas manqué de rappeler que le Consistoire était "la plus ancienne institution représen-tative juive du monde" qui a "toujours joué un rôle fondamental dans la structuration et la gestion de la communauté juive", sachant trouver un juste 20 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 équilibre entre l'unité et la diversité. "Ma présence parmi vous se veut, d'abord le signe de l'attachement des pouvoirs publics à cette grande institution qu'est le Consistoire central et son réseau de consistoires régionaux". Le Ministre a par la suite fait le point sur les différents dossiers évoqués. Concernant l'abattage rituel, il a évoqué la stabilisation de la législation européenne sur le sujet et l'édiction de règles communes aux différents pays européens. La question de l'aménagement du calendrier des examens pour les étudiants pratiquants sera étudiée de près. Par ailleurs, le Ministre a annoncé qu'une réunion interministérielle se tiendrait prochainement afin de faire avancer le projet de création du plus grand centre européen du judaïsme, qui pourrait voir le jour dans le 17ème arrondissement de Paris. Rappelant l'engagement sans faille de l'Etat, comme de son "engagement personnel" aux côtés de la communauté juive pour combattre l'antisémitisme, il a donné des consignes de fermeté aux forces de l'ordre pour interpeller tous les auteurs d'actes antisémites. "Les Juifs ont un avenir en France" a-t-il conclu, car ces derniers ont l'estime, la reconnaissance et la confiance de l'Etat et de la République. LA VIE DU CONSISTOIRE Cérémonie à la mémoire des Déportés à la synagogue de la Victoire L a Cérémonie annuelle à la mémoire des Déportés s’est déroulée dimanche 13 septembre à la synagogue de la Victoire dans le cadre des 10 jours du Consistoire, en présence de nombreuses personnalités. On notera la venue de Madame Simone VEIL, Monseigneur André VINGT-TROIS, Monsieur Pierre LELOUCHE, Madame Dina KAWAR Ambassadeur de Jordanie, Monsieur Osman Koruturk, Ambassadeur de Turquie, la represantante de la Région Ile de France, de la Mairie de Paris et de l'Assemblée Nationale, plusieurs maires d’arrondissements et de la Région Parisienne, le Général Gouverneur militaire de Paris, les Associations des fils et filles de déportés, l’Ambassadeur d’Israël, le Président du CRIF, le Président de l'AIU et le Directeur Général de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Le Président du Consistoire Joël Mergui a tenu à rendre un vibrant hommage aux déportés rescapés, en insistant sur l'ardente nécéssité de répéter inlassablement le message de la Mémoire et les témoignages de l'Horreur. "Ils sont notre drapeau, notre phare, et nous devons nous inspirer de leur courage et de leur persévérance". Le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim a rappelé avec émotion l'horreur de la machine exterminatrice nazie et la volonté criminelle et barbare "d'effacer non seulement la présence des juifs mais le mot juif luimême". "Nous sommes ici pour apporter un démenti définitif à ce qu'a été le projet des nazis, à savoir qu'il ne reste plus aucune trace du peuple juif assassiné", a-t-il également affirmé. Le Grand Rabbin de Paris David Messas a rappelé la nécessité de rester vigilant et de continuer à témoigner devant la résurgence de l’antisémitisme et le développement du négationnisme. La cérémonie a pris fin avec “le El Malé Rahamim”, prière pour les disparus de la Shoah. Installation du Rabbin Michaël Azoulay à Neuilly-sur-Seine Q uelques mois après son arrivée à Neuilly, la cérémonie officielle d’installation de Mon-sieur le Rabbin Azoulay s’est déroulée à la synagogue de la rue Ancelle dimanche 13 septembre 2009 devant une foule importante et en présence de très nombreuses personnalités, parmi lesquelles le Maire de Neuilly, les autorités ecclésiastiques et académiques, de nombreux élus. Le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim a rendu un vibrant hommage au Grand Rabbin Blum et a précisé que la mission d'un Rabbin est marquée par l'urgence de l'action et la patience de la réflexion, deux points qui caractérisent le Rabbin Azoulay. Le Président du Consistoire Joël Mergui a relevé les qualités humaines et professionnelles du Rabbin Azoulay, acquises par un parcours universitaire complet et brillant et lui a demandé de tout faire pour faire vivre ensemble les composantes de cette Communauté plurielle aux sensibilités différentes. Le Grand Rabbin de Paris David Messas a dressé une feuille de route au Rabbin Azoulay : savoir être rigoureux tout en allant à la rencontre des fidèles et être à leur écoute. Donation au Consistoire de la synagogue de la rue du Fbg St-Honoré L e 10 Septembre 2009, "l'Association des Israélites d'Oranie en France" représentée par son Président Monsieur Joseph Benazera, accompagné de Messieurs Raymond Bunan, Charles Bunan et Patrick Atthar a solennellement fait donation de la Synagogue du 218-220 rue du Fbg St Honoré à Paris au Consistoire de Paris Ile de France, représentée par son Président Monsieur Joël Mergui. Cet acte s'inscrit comme l'a déclaré le Président Benazera dans la volonté d'assurer la pérennité de la Synagogue, et des traditions, coutumes et de l'héritage liturgique et cultuel des juifs oranais. Pour la Communauté des Israélites d'Oranie en France, la garantie que leur patrimoine matériel et spirituel soit conservé et transmis en héritage à leurs enfants et petits-enfants passe par l'Institution consistoriale. Le Président Joël Mergui a rappelé que c'est avec la plus grande détermination que le Consistoire a le souci de préserver le patrimoine culturel et historique de nos communautés. La Synagogue Elie Dray, inaugurée en juin dernier, est un complexe de 220 m² composé d'une salle de culte proprement dite et d'une extension de 150 m² de salles de conférences et de Talmud Thora. Cette synagogue réunit plus de 200 personnes chaque Chabbat, dont de nombreux jeunes que le Président Benazera souhaite intégrer à la Commission administrative. Elle dispose d'un programme d'activités riche et varié auquel le Rabbin Shélomo Zini apporte une contribution majeure. Cette séance de signature était emprunte d'émotion et de joie. Emotion parce qu'au delà de la donation physique du bâtiment, il s'agissait pour les dirigeants de la communauté d'accomplir un devoir de transmission et de pérennisation de leurs valeurs et de leur culture ; et joie parce que le Consistoire devenait le garant pour l'avenir et pour la jeunesse, de la préservation de ce riche patrimoine. INFORMATION JUIVE Octobre 2009 21 LA VIE DU CONSISTOIRE Kippour 5770 : plus de 500 offices organisés à travers la France L es synagogues de Paris et d’Ile de France ont connu une fréquentation en hausse avec plusieurs dizaines de milliers de personnes. Le Grand Rabbin de France Gilles Bernheim s'est rendu à la synagogue de La Victoire pour Kol Nidré et Néhila, et a participé par ailleurs aux prières de SaintLazare (Berit Chalom), de la synagogue de l'AIO (Oranais) rue du Faubourg SaintHonoré, et de l'office consistorial de l’Hôtel Méridien dans le 17ème arrdt organisé par Elie Korchia. Le Président du Consistoire Joël Mergui était quant à lui à l'office de l'Ecole Rabbinique rue Vauquelin pour Chaharit, puis à la Synagogue de la rue Notre Dame de Nazareth, à la synagogue de la Place des Vosges, à la Synagogue de la rue de La Roquette et a terminé par la Synagogue de la rue des Tournelles. Le Maire de Paris Monsieur Bertrand Delanoë a tenu à se rendre dans la synagogue du Grand Rabbin de Paris David Mesas. M. Goasguen est venu saluer la Communauté à la disposition de laquelle il avait mis la Salle des Fêtes de la Mairie pour y célébrer l'office consistorial du 16ème arrdt organisé par David Amar. Matinée de réflexion au Beth Hamidrach de Paris En province, ce sont des centaines d’offices qui ont été organisés par les communautés consistoriales à travers la France. Les présidents de communauté et les rabbins ont eu l'occasion de passer un message unitaire à l'ensemble des juifs de France ainsi qu'aux centaines d'élus venus leur rendre visite. Les services du Consistoire Central, avec l'aide du Grand Rabbinat de France, ont pu aider de nombreuses communautés à assurer leurs offices en envoyant des rabbins et des officiants ou encore en prêtant des Sifré Torah. On citera notamment les communautés de Angers, Bastia (où 150 personnes sont venues à la synagogue, et ce pour la première fois depuis plus de vingt ans), Belfort, Brest, Châlons-sur-Saône, Clermont Ferrand, Compiègne, Ile de La Réunion, La Rochelle, Limoges, Perpignan, SaintCyr les Ecoles, Saint-Quentin, Tahiti, Tarbes, Troyes, Verdun. 22 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 A l'initiative du Grand Rabbin de Paris David Messas, le Beth Hamidrach des Rabbins de Paris, animé par le Rav Ariel Messas, a réuni jeudi 24 septembre 2009 plus de soixante cadres religieux de Paris et sa région, invités à suivre une matinée d'étude et de réflexion ayant pour thème les fêtes du mois de Tichri. Après les interventions du Rav Ariel Messas, du Grand Rabbin Michel Gugenheim, et du Dayan Jermyahu Kohen, Av Bet din de Paris, le Grand Rabbin de Paris a traité du thème de l'homme en prière le jour de Kippour et de la puissance des mots qu'il prononce. Le Président du Consistoire Joël Mergui a finalement adressé un message de bénédiction et de félicitation à l'égard du corps rabbinique. LA VIE DU CONSISTOIRE Commémoration du Yskor de la Shoah L e Grand Rabbin de France Gilles Bernheim et le Président du Consistoire Joël Mergui sont intervenus au cimetière de Bagneux le dimanche 27 septembre lors de la Commémoration du Yiskor de la Shoah organisée par l'USJF et présidée par Henri Batner. Le Grand Rabbin de France a déclaré que « pour Israël, la mort de six millions de Juifs, c’est la disparition des forces, des énergies qui auraient pu contribuer à la genèse d’une spiritualité supplémentaire dans l’État juif », et d’jouter « Je n’oublie pas que l’extermination du judaïsme européen a détruit une partie importante des forces vives et créatrices du peuple juif. C’est au sein de ce judaïsme d’Europe centrale et orientale que sont nés les grands courants de vitalité religieuse, intellectuelle, politique de la société juive des deux derniers siècles. (…) Ce monde disparu était un monde étonnant de richesse, de complexité, de subtilité et de ferveur. » (…) « Nous devons nous employer à restituer à ces victimes, dont les nazis voulaient effacer jusqu’à la trace, leur pleine intégrité et surtout leur identité de vivants. ». Le Président du Consistoire a exprimé sa colère « de voir que récemment, un homme qui a exprimé publiquement sa volonté de bruler des livres juifs aurait pu devenir le dirigeant de la culture dans le monde, et que par ailleurs le dirigeant d’un Etat puisse continuer de remettre en cause l’existence même de la Shoah. Face à cela, il faut continuer encore et toujours d’écouter les témoignages des survivants et se souvenir de ce qu’on a voulu effacer : le Peuple juif, ses valeurs, son éthique, sa morale, sa Torah. A l’occasion de Yom Kippour, nous serons présents dans nos synagogues pour dire que ce judaïsme qu’on a voulu effacer, ne s’effacera pas. Nous seront présents pour faire mentir ceux qui ont dit qu’en brulant des livres il n’y aura plus de juifs. Ce soir, demain, les livres juifs et la Tora juive seront ouverts partout dans le monde». Avant-première du film “Le Concert” au profit du centre du 17ème arrdt L e Consistoire de Paris organise le 15 octobre à Paris la projection en avant-première du film “Le Concert” réalisé par Radu Mihaileanu et dont la sortie nationale est prévue le 4 novembre. La projection aura lieu au Publiciscinémas à Paris en présence de l’équipe du film et de nombreuses personnalités. Les bénéfices de cette soirée seront consacrés à la construction du centre européen du judaïsme dans le 17ème arrondissement de Paris. Rappelons que ce projet majeur pour le Consistoire vise à créer le plus grand centre du judaïsme en France destiné à proposer à la communauté juive de Paris, d’Ile de France et de tout le pays une offre exceptionnelle dans le domaine cultuel, culturel, intellectuel et artistique. Un lieu unique de rencontres, d’échanges et de débats qui constituera un centre unique en Europe qui sera également le symbole des valeurs républicaines de la communauté juive. Le programme comprend notamment une surface utile de 4800 m2, un pôle cultuel comprenant une synagogue indispensable dans cet endroit de la Capitale, un pôle culturel destiné à accueillir des activités artistiques, littéraires et sportives, une bibliothèque, un pôle jeunesse, un espace multimédia, des espaces administratifs et associatifs, des salles polyvalentes, d’exposition et de réception. INFORMATION JUIVE Octobre 2009 23 LA VIE DU CONSISTOIRE Commission des travaux de l'ACIP : Soyez informés … Nous sommes tous concernés ! PAR DOROTHY BÉNICHOU KATZ (*) A rrivée au terme de quatre ans à la tête de la commission des travaux du Consistoire de Paris, je souhaite vous adresser un aperçu du travail réalisé en collaboration avec de nombreux acteurs. Les synagogues et les centres communautaires de l'ACIP représentent environ 60 000 m2 à entretenir au quotidien, mais également à maintenir en l'état et à rénover. Dans ce patrimoine, une cinquantaine de sites a bien plus de 30 ans, dont une vingtaine qui sont quasiment centenaires. Pour avoir la maîtrise des travaux de sécurisation, l'ACIP a signé une convention avec le préfet de la région Ile de France et le préfet de Paris en 2005. Le recours à des financements publics, dans le cadre de l'article 13 de la loi 1905, a constitué un appoint appréciable bien qu'insuffisant. Au niveau local, nous travaillons avec les présidents des communautés et leurs équipes de bénévoles qui font un formidable travail de sensibilisation auprès de leurs préfectures ou municipalités. Grace à leurs actions souvent déterminantes (par exemple en obtenant l'échelonnement des travaux de mises aux normes), de nombreux conflits ont été résolus entre nos communautés et les communes qui sont juridiquement responsables en cas de sinistre. Sur nos sites classés, les services de Conservation du patrimoine cultuel et religieux, les conservateurs et conservatrices du patrimoine, la Direction des Affaires Culturelles de la Ville de Paris, le conservateur des œuvres d'art religieuses et civiles et les mairies d'arrondissement sont des partenaires précieux et sans faille pour les gros travaux d'extérieur mais aussi à l'intérieur par exemple : la restauration des grands candélabres de la Teba à la Victoire et la réfection totale de l'oratoire tunisien de la Victoire ou les fenetres de la synagogue donnant sur la place des Vosges selon le respect absolu de la construction d'origine du batiment . Grace à notre Av Beth Din Yrmiahou Kohen, la conformité Halakhique de nos mikvaot est systématiquement réalisée. Ainsi, 8 mikvaot ont bénéficié de travaux d'adaptation et d'embellissement pour un coût de 68 000 euro, 3 nouveaux mikvaot ont été construits (Saint Brice, 24 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 Champigny et Vitry). Le mikvé de la Varenne est en cours de réalisation. Nous sommes des ERP (établissements recevant du public), donc nous devons faire preuve au quotidien d'une réelle rigueur, d'une vigilance constante et parfois d'une grande réactivité. Voici quelques exemples: - 32 sites, soit 4000m2, ont nécessité des interventions pour les toitures et l'étanchéité, - 19 sites ont fait l'objet de consolidation en gros œuvre, ravalement, rampes handicapés, - 30 sites ont bénéficié d'une réfection électrique, - 8 sites ont eu un remplacement total ou partiel du système de chauffage, soit une enveloppe des dépenses incontournables de 203 777 euros en 2006, 480 261 euros en 2007 et 360 940 euros en 2008. Dans un autre domaine, 36 sites ont été remis en conformité incendie et ont reçu un avis favorable des commissions de sécurité, pour un coût de 96 626 euros en 2006, 169 669 euros en 2007 et 69 882 euros en 2008. Pour le seul 1er trimestre 2009, 144 856 euros de travaux ont déjà été réalisés. Moyennant souvent le recours à l'emprunt, il a été possible de reconstruire et d'agrandir la synagogue d'Asnières détruite par la tempête de 1999, de réaliser l'extension du centre communautaire du Perreux et ses salles de Talmud Thora. Grace à la dynamique communauté de Vincennes l'agrandissement de la synagogue, l'acquisition et l'aménagement du Centre Communautaire fonctionnent bien. Au Kremlin Bicêtre, une belle salle des fêtes est en cours de finition. A Paris 19e, la synagogue Michkenot Israël a inauguré son auditorium et sa salle des fêtes… Enfin, le siège du 17 rue St Georges a fait l'objet d'un rafraichissement ô combien indispensable tant pour les permanents, qui au quotidien font un travail épatant, que pour tous les publics qui sollicitent chacun de nos services. Du RDC au 5e étage, sols, murs et éclairage ont été refaits du mieux possible, avec, comme toujours, un souci maximum d'économie. Néanmoins le 1er étage n'est pas encore fait à ce jour et il manque une ventilation indispensable au service des divorces qui est sous les toits. Durant cette présidence aux travaux, mon objectif a été d'être à l'écoute. De ne pas laisser en souffrance les demandes souvent bien légitimes. Ce parcours a été émaillé de nombreuses rencontres, de contacts passionnants avec les responsables bénévoles lors des visites à Sarcelles, place des Vosges, St Ouen L'Aumône, Villiers le Bel, Les Tournelles, Garges les Gonesse, Nazareth, Doudeauville… et d'autres… il reste encore beaucoup à faire. Mon mandat n'aurait pas été possible sans les "artisans" permanents et incontournables qui ont œuvré chaque jour "au chevet" de cette passionnante mission : sur tous les terrains avec moi et au quotidien les 3 indispensables : Daniel Sandler, Asnath Saada et Ilan Baruch, et puis Simon Marec Gladys Akoka, Alain Samama, le service de protection de la communauté juive (SPCJ) et…forcément le service comptabilité de l'ACIP. A chacun, je vous dis franchement merci et bravo. -(*) Présidente de la commission des travaux du Consistoire de Paris. Formation des professeurs de Talmud Torah Une formation de tous les professeurs et des directeurs des Talmudei Torah a eu lieu dimanche 13 septembre à l'école rabbinique de France de la rue Vauquelin à Paris. A cette occasion, les livres du Maître associés aux nouveaux ouvrages mis en circulation lors de la récentre rentrée de début septembre et édités sous la direction du Président de la Commission Talmud Torah David Amar (cf. notre numéro précédent) ont été remis aux professeurs ainsi qu'une sacoche au logo du Consistoire pour chacun et chacune d'entre-eux. Le président du Consistoire Joel Mergui était présent pour inaugurer ces nouveaux ouvrages et s'adresser à tous les enseignants pour les encourager dans cette tache majeure au service de l'avenir même de la communauté. MEMOIRE Une Juste des Nations en Pologne PAR SIMONE VEIL* Les Editions du Cerf publient un ouvrage de Larissa Cain consacré à Irena Adamowicz " Une juste des Nations en Pologne ". Larissa Cain est elle-même né en Pologne, elle a été enfermée dans le Ghetto de Varsovie et a survécu à la guerre. Son livre rappelle ce que fut l'itinéraire d'Irena Adamowicz, catholique polonaise fervente, devenue à vingt ans membre d'un mouvement de jeunesse sioniste et laïc, le Haschomer Hatzaïr. Dans la Pologne occupée elle a participé au sauvetage des juifs. Décédée en 1972, elle a été reconnue comme Juste des nations en 1988. Nous publions ci-dessous avec l'autorisation des Editions du Cerf (que nous remercions) la préface que Mme Simone Veil, membre de l'Académie française, a donnée à cet ouvrage. C omment Irena Adamowicz, jeune polonaise, catholique fervente, a-t-elle pu s'impliquer corps et âme pour aider les Juifs au moment même où ils étaient haïs, pourchassés, parqués dans des ghettos, avant d'être exterminés? Comment a-t-elle pu s'imprégner des idéaux sionistes au point d'aider ses camarades à rejoindre clandestinement la Palestine, au point de se rendre ellemême plus tard en Israël ? C'est cette part de mystère que, dans ce récit, Larissa Cain a tenté d'élucider en interrogeant tous ceux qui ont connu Irena Adamowicz, ceux qui l'ont vue dans le rayonnement de ses vingt ans, au moment où, cheftaine scoute, elle a partagé l'expérience d'un kibboutz au fin fond de la Pologne, créé par des membres de l'Hashomer Hatsaïr. Cette expérience a été si forte pour elle qu'elle a guidé toute sa vie future, et surtout son engagement pendant la guerre. Engagement politique, notamment aux côtés de Joseph Kaplan, un des leaders qui préparèrent l'insurrection du ghetto de Varsovie. Irena lui servait d'agent de liaison pour rassembler les forces et fédérer les mouvements de résistance au sein des différents ghettos de Pologne, mais aussi pour faciliter les contacts entre l'Organisation juive de combat et la résistance polonaise dont elle faisait partie. Engagement humanitaire aussi, puisqu'elle avait pour mission de visiter les orphelinats et que, à ce titre, elle put obtenir les autorisations nécessaires pour entrer dans le ghetto de Varsovie. Engagement moral enfin, car jamais elle ne ménagea ses forces pour accueillir et aider ceux qui, à l'époque, étaient considérés comme la "Lie de la terre ", pour reprendre l'expression d'Arthur Koestler. De tels destins méritent d'être racontés aux jeunes générations, car ils fournissent l'exemple d'engagements spontanés, inattendus, aucunement obligatoires, et pourtant réalisés avec une ferveur et une simplicité admirables. Irena Adamowicz appartenait à un mouvement, à un réseau, mais sa volonté et sa ténacité lui ont permis de se faire accepter par les réseaux de résistance juive qui ont pu lui confier des missions délicates, qu'elle seule polonaise, catholique, au-delà de tout soupçon, pouvait exécuter. Que des femmes, en un temps où la barbarie était presque la règle, en un temps où l'héroïsme aurait dû voir se lever tant d'hommes qui sont pourtant restés impassibles, aient eu le courage de défier les autorités, afin de venir en aide à ceux qui, dans toute l'Europe, étaient pourchassés, déportés, et exterminés, voilà une leçon que nous devons retenir du récit de la vie d'Irena Adamowicz, voilà aussi une leçon pour les générations à venir. Irena Adamowicz fait partie de ces consciences isolées qui ne faiblirent pas alors que l'Europe sombrait dans le chaos et le déshonneur. Elle mérite une place dans le Panthéon de l'humanité. Merci à Larissa Cain de l'avoir tirée de l'oubli. -*de l'Académie française. INFORMATION JUIVE Octobre 2009 25 IN MEMORIAM Les “revenants dans la question” I l est difficile de parler de Stéphane Mosès au passé après plus de 50 ans de fraternité. Vous me pardonnerez de parler en mélangeant parfois le présent et le passé. Je laisse à d’autres, plus compétents, le soin de parler du contenu de son œuvre. Je me contenterai d’égrener quelques souvenirs. Nous nous sommes suivis un peu partout pendant tout ce temps, d’abord à Paris, et dans la vallée de Chevreuse, à Orsay qui était un petit village avant l’Université qui l’a fait connaître depuis, ensuite au Maroc, et bien sûr à Jérusalem, et encore à Paris. Tout cela avait commencé quand nous étions étudiants, lui à l’École Normale Supérieure en littérature et philosophie, moi à la Faculté de médecine et à la Faculté des sciences, et s’est poursuivi au moins jusqu’à notre dernier séder de Pessah ensemble à Paris il y a deux ans. Nous étions en fait très différents, par nos histoires personnelles, par nos caractères et nos centres d’intérêt, mais nos échanges étaient pour cela d’autant plus intéressants et enrichissants, autour des textes juifs anciens que nous découvrions ensemble et où nous cherchions des significations pertinentes pour notre existence. Nous n’étions pas nombreux à suivre ce cheminement à cette époque, dans les années 50, dans notre petite communauté d’Orsay, moitié scoute, moitié hippie avant l’heure. Manitou Léon Askénazi avait qualifié cette situation de “clandestinité de la pensée juive”. Les sources judéo-allemandes de cette modernité du début du siècle, à part Freud et Kafka, c’est-à-dire Rosenzweig, Scholem, Benjamin, que Stéphane fera connaître par la suite, 26 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 PAR HENRI ATLAN n’étaient appréciées que d’une poignée de spécialistes, tout comme l’œuvre d’Emmanuel Levinas. Le tout était recouvert par l’ombre de Jean-Paul Sartre, qui avait déclaré de façon péremptoire que le marxisme était “l’horizon indépassable de la modernité”! Cela se traduisait, sur la Rive Gauche de la Seine, par l’idée que si l’on n’était pas marxiste, éventuellement mâtiné Et c’est dans ces textes hébreux – que Levinas appelait les “papiers d’identité” du peuple juif – que nous allions chercher des ouvertures, études et pratiques, Tora et mitzvot, mais en refusant de se laisser enfermer dans cet autre conditionnement que peut constituer l’orthodoxie institutionnelle. La mode n’était pas encore à la ‘hazara bitchouva, “revenir dans le retour”, expression assez abusive pour Notre découverte de la tradition était en fait découverte de questionnement. Revenir à la question était pour nous le mouvement même du revenir au retour vers la tradition d’un peu de psychanalyse, on ne pouvait être qu’un débile ou un salaud [au sens sartrien du terme]. Nous voulions échapper à ce conditionnement idéologique en évitant autant que possible d’être trop débiles ou salauds. Henri Atlan désigner la conversion au judaïsme traditionnel, étude et pratique, de Juifs jeunes et moins jeunes pour qui c’était une découverte. Parler de retour est évidemment un euphémisme puisqu’il s’agit de personnes censées revenir à une tradition qu’ils n’ont jamais connue et donc jamais quittée. Certes, leurs parents ou leurs grands-parents l’avaient probablement quittée. Mais ce que l’on découvrait alors était bien différent car il n’était pas possible de supprimer purement et simplement une ou deux générations d’assimilation à la culture occidentale, à celle des Lumières et à la pensée critique. C’est pourquoi cette expression, ‘hazara bitchouva, avait pour nous une connotation beaucoup plus historique de retour aux racines, qu’intellectuelle et religieuse de conversion à l’orthodoxie. Ceci fut à l’origine d’un malentendu profond, un parmi d’autres, dans notre rencontre avec les différentes parties de la communauté juive et de la société israélienne. En effet, en parallèle avec ce IN MEMORIAM mouvement de ‘hazara bitchouva, donc, chez des jeunes Israéliens jusque-là élevés dans le sionisme laïque antireligieux qui se trouvaient convertis à une orthodoxie religieuse sans questions, se produisait un mouvement en direction opposée, de sortie du monde fermé des yechivot vers une existence laïque, considérée comme une libération du joug des mitzvot. C’est au niveau de la langue que se trouvait pour nous le malentendu. En effet, ce double mouvement de la laïcité vers la religion et de la religion était pour nous le mouvement même du revenir au retour vers la tradition, à tel point que l’expression “revenir dans le questionnement” devait s’appliquer non pas à ceux qui abandonnaient la tradition mais au contraire à ceux qui, comme nous, découvraient ou redécouvraient cette tradition de questionnement. Malentendu parce qu’en réalité, il est malheureusement exact que revenir à la tradition, dans une conversion religieuse telle que nous l’observons le plus souvent, consiste en effet à ne plus Stéphane Mosès vers le monde laïque, s’est traduit par un jeu de mot sur le sens de tchouva, qui veut dire en effet “retour”, et même “repentir ”, mais veut dire aussi “réponse”, réponse à une question. “Revenir dans le retour ”,‘hazara bitchouva, est interprété dans ce jeu de mot de façon ironique comme “revenir dans la réponse”, en soulignant ce caractère de la croyance religieuse qui croit posséder les réponses aux questions. Au contraire, ceux qui quittent le monde fermé des croyances religieuses – où les réponses sont censées être données – se dénomment eux-mêmes, à la fois par dérision du mouvement contraire et par leur propre sentiment de libération, ‘hozrim bicheéla, “revenant dans la question”, c’est-à-dire au questionnement que les réponses de la religion avaient arrêté. C’est là qu’il y avait pour nous malentendu car notre découverte de la tradition était en fait découverte de questionnement. Revenir à la question vouloir poser de questions, en se réfugiant dans l’abri des réponses toutes faites. Parmi les quatre enfants de la Haggadah, c’est “celui qui ne sait pas poser de questions” qui est le cas le plus fréquent dans le monde religieux. C’est celui qui ne voit pas ou ne veut pas voir les questions gênantes. Nous étions donc en porte-à-faux, en nous percevant comme ‘hozrim bicheéla, “revenant dans la question”, alors que nous étions engagés dans un mouvement qui ressemblait à celui des ‘hozrim bitchouva, qui semblaient “revenir ” non seulement “dans le retour”, mais “dans la réponse”. Bien plus récemment, à propos de notre approche de l’étude de ces textes visant à découvrir ou revenir à une sorte de nouvelle authenticité par-delà les credos religieux, Stéphane avait parlé de “déconstruction de Dieu”. C’est une expression bienvenue “déconstruction de Dieu”, et très pertinente quand on se rappelle qu’il n’existe pas en hébreu de mot pour “Dieu”, ou plutôt qu’il existe beaucoup de noms et d’expressions qui sont invariablement détournés de leur sens quand ils sont traduits banalement par ce mot Dieu, dérivé du grec Theos ou Zeus. Le questionnement critique ne portait pas seulement sur certaines formes d’orthodoxie, mais aussi sur cette fausse modernité que l’historien des religions Gilles Kepel avait appelé la “revanche de Dieu”, qui a pris chez nous la forme du nationalisme religieux messianique, où l’on retrouve les caractéristiques du mouvement de Sabbataï Zvi et de ses errances. Et bien sûr, dans le contexte de la guerre interminable entre Israël et le monde arabo-musulman, il était difficile – et c’est toujours difficile – de supporter les effets des erreurs politiques de gouvernements israéliens successifs, en réponse le plus souvent aux erreurs au moins aussi grosses, sinon pires, des gouvernements et dirigeants arabes bloqués dans leur refus. Et pourtant, il faut souligner à quel point Stéphane était très sensible à toute forme de récupération idéologique de ces critiques. Et cela le conduisait à riposter fortement aux expressions d’une intelligentsia antisioniste à la fois juive et non juive. Véhiculées parfois par certains de nos amis, ces expressions reviennent, encore et encore, au nom d’une exigence de pureté morale, à refuser purement et simplement au seul peuple juif le droit à son auto-détermination. Stéphane aurait pu dire de lui-même comme Abraham dans la Genèse, guer vetochav anokhi, “je suis étranger et résident”, déraciné et installé. Ce cheminement servira de source d’inspiration pour les générations futures, et d’abord celles de ses enfants et petits-enfants. -NDLR : Cet article est tiré du livre “Retours. Mélanges à la mémoire de Stéphane Moses“ publié par les Editions de l’Eclat dans le cadre de la Bibliothèque des Fondations. Il est publié ici avec l’accord de l’auteur et de l’éditeur, que nous remercions. INFORMATION JUIVE Octobre 2009 27 POLÉMIQUE Les accusateurs accusés PAR ANNIE LELIÈVRE D ans le "Nouvel Observateur" paru le 23 juillet, Denis Olivennes, directeur du journal, a commenté les suites du procès Fofana. L'article a choqué bien des juifs. Pourtant il ne fait que reprendre les arguments de la défense et des magistrats : contestation de l'appel et stigmatisation des associations juives qui ont protesté. En fait l'indignation qu'a suscitée ce texte tient à sa rhétorique plus qu'à son contenu. Et tout d'abord "l'attaque", brutale, sans préambule, avec cette citation qui s'impose de plein fouet : "Il faut tout refuser aux juifs comme nation et tout leur accorder comme individus"... Ecrite il y a deux siècles par le marquis de Clermont-Tonnerre et par l'abbé Grégoire pour plaider en faveur de l'émancipation, cette "maxime" sonne mal aux oreilles des juifs d'aujourd'hui. Car ici sous l'effet d'une étrange coïncidence, elle définit l'antisionisme selon lequel, précisément, il faut tout refuser aux juifs comme nation. blique. C'est alors qu'il conclut avec condescendance : "Le Crif aurait été bien inspiré de s'en souvenir"... L'accusation va loin... Elle présuppose l'ingratitude ainsi que le mépris envers la République. Bien sûr, la stratégie de Denis Olivennes c'est de focaliser ses critiques sur le Crif sans jamais désigner les juifs. Mais comme les juifs partagent, dans leur majorité, la position du Crif pour ce qui est de l'appel et du procès public, ils se sentent impliqués dans cette accusation. Cependant Olivennes fait une "exception" pour la famille de la victime : "personne ne peut reprocher aux parents d'Ilan Halimi de juger insuffisante la condamnation des bourreaux de leur fils"... Une petite "concession" qui n'ira pas plus loin... Elle est vite rattrapée par la pire des menaces sur les associations sous prétexte que par leur action, elles "prennent le risque d'alimenter l'antisémitisme" ! Mais Denis Olivennes ne semble pas sensible aux échos regrettables qu'induit sa citation. Il invoque "l'émancipation" comme le cadeau suprême que l'humanisme a fait aux juifs et qui, par extension aux autres communautés, fonde la Répu- Qu'Olivennes se rassure : l'antisémitisme n'a pas besoin d'être alimenté ; il s'alimente tout seul ! Telle une maladie mentale qui renaît sans raison et qui génère, elle-même, les ingrédients de son délire. Mais le journaliste, quant à lui, alimente bel et bien le cliché ! Celui du juif qui aggrave son cas... ODASEJ Cependant son article protège ses invectives sous l'argumentation. C'est ainsi qu'il défend le principe d'individualisation des peines pour juger le "gang des barbares" selon le "caspar-cas" et non sur le critère de "l'antijudaïsme"... L’ Œ U V R E D ’A S S I S TA N C E S O C I A L E A L’ E N FA N C E J U I V E est une association reconnue d’utilité publique par décret du 28 mai 1919 Pa r c e q u ’ u n e n f a n t h e u r e u x devient un adulte qui a de meilleures chances de construire son avenir et celui de la communauté L’ODASEJ a pour mission d’aider les enfants et les adolescents défavorisés ou en difficulté sur le territoire national Leur avenir est entre vos Transmettez mains votre nom à un programme de solidarité… Perpétuez la mémoire de vos parents … … Faites un legs ou une donation à l’ODASEJ Que vous ayez des héritiers ou non, vous pouvez faire un legs ou une donation en faveur de l’ODASEJ en exonération des droits de succession ou de mutation Pour un rendez-vous confidentiel Appelez Tony SULTAN Tél. : 01 42 17 07 57 • Fax : 01 42 17 07 67 ODASEJ ESPACE RACHI, 39, RUE BROCA, 75005 PARIS 28 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 Ce légalisme minutieux est d'ailleurs récurrent chez tous les opposants à l'appel. Car pour eux l'antisémitisme des "barbares" doit être évalué avec précision, selon des degrés, des nuances... Ainsi lors de l'émission "C dans l'air", un représentant de la magistrature a rappelé un épisode du procès où un membre du "gang" que l'on interrogeait sur ce point, répondit négligemment : "J'aime pas les feujs"... Alors l'intervenant eut un haussement d'épaules qui voulait dire : "Pas de quoi s'inquiéter"... Comme si l'expression même de la haine des juifs était exonérée par la grâce du "verlan"... Rien à faire. Il existe une discordance absolue entre le légalisme de la magistrature et la souffrance des juifs qui défendent la mémoire d'un des leurs massacré. Cette situation déclenche comme un procès contre eux. C'est ainsi qu'Olivennes considère que le Crif "a manqué à son devoir en exigeant bruyamment un appel du parquet dont il n'avait pas à se mêler"... L'adverbe "bruyamment" et la formule "ne pas se mêler" ont la posture hautaine que prennent les réprimandes... C'est à propos du crime qui fait honte à la France que le Crif est rappelé à l'ordre ! Le principe d'inversion est ainsi consommé... les accusateurs accusés... Et quant au "progressisme", le voilà qui s'égare, dévié à contresens. OPINION L'état du monde en 2009 : Personne n'a empêché pharaon… Q uel est l'état du monde ?Sur toile de fond d'une mobilisation générale contre la "colonisation", c'est-à-dire la présence juive à Jérusalem et en JudéeSamarie, on assiste à de multiples manifestations de connivence avec les pires excès antisémites et avec la mise hors-la-loi de l'Etat juif. Qu'on en juge. Le 20 août, le président de la Confédération helvétique se rend à Tripoli pour " exprimer ses excuses au peuple libyen pour l'arrestation injuste de diplomates libyens par la police de Genève. " Le fils du colonel Kaddafi, Hannibal, et son épouse avaient été PAR PAUL GINIEWSKI 270 morts. Les gouvernements de Londres et d'Edinburgh ont invoqué dans un document commun la nécessité de " ne pas nuire " à des relations " étendues et profitables " à Tripoli " (2). Le rédacteur en chef du Temps suisse avait contesté : " Le retour en grâce de Kaddafi doit tout au pétrole". En même temps, une crise se développe entre Israël et la Suède. Le 17 août, un journal suédois avait accusé Tsahal de se servir de cadavres de Palestiniens pour trafiquer leurs organes. Jérusalem proteste et le gouvernement suédois refuse de condamner l'allégation, arguant de la liberté de parole. Pourtant, quand un journal suédois avait publié des caricatures de Mahomet jugées offensantes dans le Les hitlériens aussi brûlaient des livres juifs ou enjuivés, en attendant de brûler des Juifs. arrêtés en juillet 2008 et accusés d'avoir maltraité leurs domestiques. Aussitôt, deux Suisses sont arrêtés à Tripoli. Le colonel Kaddafi aurait déposé une requête devant l'ONU pour démanteler la Suisse. Hannibal déclare " Si j'avais une bombe atomique, je radierais la Suisse de la carte ". Le quotidien 24 Heures qui rapporte ces détails et pèse le pour et le contre des excuses du président suisse, constate : " Les volumes de nos exportations en Libye ont chuté de 70% depuis 2008 " et " les livraisons de pétrole libyen de 88% " (1). Et " La Suisse à genoux devant Kaddafi ", titre Le Temps du 21 août à la " une ". Fin août, la Grande-Bretagne libère un Libyen, ancien chef de la sécurité des lignes aériennes libyennes, condamné en 2001 à la prison à vie pour sa participation à l'attentat de Lockerbie, la destruction d'un vol d'un Boeing de la Panam en 1998, qui fait monde musulman, la Suède s'était-elle aussi… - officiellement excusée. Dans la sphère internationale règne la loi des " deux poids et deux mesures ". La diffamation des Juifs est permise, celle des musulmans ne l'est pas. Un autre pays scandinave, la Norvège, entame en ce moment une année de célébration du centenaire d'un de ses écrivains, Knut Hamsun. Il reçut le Prix Nobel en 1920 mais fut par la suite un collaborateur notoire des nazis. Il fit don de son Prix Nobel à Goebbels. En 2009, avoir été un nazi ne fait pas obstacle à être un héro national. La Norvège annonce aussi qu'elle désinvestit en Israël. Elle vend les parts détenues par son Fonds de pensions dans la firme israélienne Elbin, en représailles des matériels électroniques de cette firme équipant la " barrière de sécurité ". Ainsi, non seulement on pro- teste contre une mesure-phare d'autodéfense israélienne contre l'infiltration de terroristes. On punit Israël pour le crime de se défendre contre eux. Le pire pourrait se produire, ou s'est produit, le 17 septembre, quand l'UNESCO élira son directeur général. Le candidat soutenu à fond par le président Hosni Moubarak et une majorité de pays, était le ministre égyptien de la culture, dont les propos avaient naguère fait scandale : il brûlerait de ses propres mains les livres israéliens, s'il en découvrait dans une bibliothèque du Caire. En 2009, annoncer qu'on brûlerait des livres juifs ne fait pas obstacle à l'exercice d'une haute fonction internationale dans le domaine de la culture. Les hitlériens aussi brûlaient des livres juifs ou enjuivés, en attendant de brûler des Juifs. Dans l'indifférence à peu près générale. Rien ne ressemble plus à l'humanité d'aujourd'hui que l'humanité du temps d'Hitler. On dit que la Shoah a été un crime contre l'humanité. Elle a été un crime de l'humanité. Mais comment le monde civilisé en est-il arrivé là, comment le monde civilisé peut-il se conduire aujourd'hui comme il se conduit ? La réponse se trouve peut-être dans une anecdote subtile et significative du folklore arabe. On raconte qu'on demanda un jour à Pharaon qui l'avait fait Pharaon. Il répondit : " Je me suis fait tout seul. Personne ne m'a empêché de devenir Pharaon "… -(1) " Un an de crise " et " Pertes sonnantes ", 24 Heures, 21 août 2009, p3. (2) Marc Roche : " La polémique sur la libération du Libyen ", Le Monde, 2 septembre 2009. INFORMATION JUIVE Octobre 2009 29 HUMEUR Interrogations OOO Il est bon, il est heureux que l'ancien ministre égyptien de la culture, M. Hosni ait été battu dans la course au poste de directeur général de l'Unesco. Cela aurait, en vérité - s'il avait réussi - constitué un exemple navrant donné à tous ceux qui voudraient demain s'essuyer les pieds sur les livres en hébreu et la culture d'Israël ou encore à ceux qui souhaiteraient imiter les dérapages devenus quotidiens de M. Mahmoud Ahmadinejad. Il faut se féliciter de ce qu'une sorte de coup de frein ait été ainsi donné à ce genre de déclarations insultantes pour tout un peuple à travers le monde. Les candidats à ce genre de dérapage sauront désormais qu'il leur en coûtera cher, que cela en tout cas a un prix. Et qu'il ne suffit pas que l'on confie, après coup, pour éteindre l'incendie et pour faire taire les protestations, à une plume élyséenne (bien complaisante en l'occurrence) le soin de démentir des propos violemment antisémites pour se fabriquer du même coup on ne sait quelle virginité politique et pour s'offrir un brevet de respectabilité.. C'est à propos de tels cas que le texte de la Bible dit : " Et tout le peuple entendra et… " tirera les leçons! OOO Qui prendra l'initiative de réfléchir sérieusement à la transmission du judaïsme à l'heure de la nouvelle civilisation, celle d'Internet ? Qui nous dira comment on peut désormais faire face à ce robinet permanent de paroles et de textes où il y a plus de boue et de vomissures que de pépites d'or ? Comment faire face au déchaînement de frustrations, de peurs et de fantasmes que l'on y observe chaque jour ? C'est le monde de l'àpeu-près, de la calomnie et du n'importe quoi. Racisme, mensonges, perversités et irresponsabilité à tous les étages. Un rendez-vous d'un grand nombre de tarés. Et quand le fils dit à son père : je l'ai lu sur Inter30 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 C'est le monde de l'à-peu-près, de la calomnie et du n'importe quoi. Racisme, mensonges, perversités et irresponsabilité à tous les étages. net, que peut-on répondre? Comment faire face à cette " déesse aux cent bouches " quand on veut, ainsi que l'ont fait nos pères, éduquer, former, célébrer, transmettre ? Les ultra- orthodoxes en Israël (les harédim) auraient-ils donc raison d'interdire dans leurs foyers et dans leurs bureaux Internet sous prétexte qu'il serait la " nouvelle idolâtrie " du vingt-et-unième siècle ? OOO Le directeur du journal Marianne écrit dans son éditorial du 12 septembre : " Il serait évidemment absurde, et même injuste de comparer Netanyahou à Ahmadinejad. Quoique… " Ce quoique signifie, si on comprend bien, que la comparaison peut, malgré tout, être instruite et défendue. Sans doute la déclaration du chef du gouvernement israélien menaçant de rayer l'Iran de la carte a-telle dû nous échapper. On ne peut pas, comme Marianne, tout savoir OOO Quiconque s'est un jour intéressé à la poésie juive du Moyen Age connaît sans doute le chant traditionnel du chabbat : Yedid Nefech Av Harahmane. Des générations de juifs séfarades, et singulièrement, au Maroc, le connaissent par cœur pour l'avoir entonné dans des veillées de bakkachot (supplications) ou encore à la table du vendredi soir, et l'ont enseigné à leurs enfants. Pourquoi vous en parle-t-on ici ? Un homme qui, au sortir de vingt-huit ans de service dans les rangs de Tsahal, a consacré depuis des années sa vie à rechercher et à identifier parmi des ruines du vieux cimetière de Safed les tombes des maîtres kabbalistes, de ceux en particulier qui ont été les compagnons de route du Ari ( Isaac Luria Ashkénazi ) a retrouvé ces jours-ci la tombe de l'auteur de ce poème : Rabbi Elazar Azkari. HUMEUR L'homme, Eliyahou Bentovim, raconte qu'un jour il a retrouvé non loin de la tombe de Luria, l'inscription Mazaltov. " Je savais qu'il s'agissait du nom que portait la femme du kabbaliste Azkari ". Quelques jours après, il devait repérer la tombe du rabbin lui-même. On pouvait y lire : " Le saint rabbi Elazar. 1600. ". Nous savions, a ajouté Eliyahou Bentovim , qu'il s'agissait là de la date de son décès. " Alors je me suis assis auprès de la tombe et je n'ai pas cessé de lire des psaumes ". Le grand rabbin de Safed Chmouél Eliahou a confirmé qu'il s'agissait là en effet de la tombe du poète et kabbaliste. OOOIl se présente comme docteur en ethnologie et " spécialiste des déserts et des populations qui y vivent ". Le titre de son livre est excellent : " Le désert des prophètes ". Il donne envie d'aller plus loin. Mais on se rend bien vite compte de ce que ce titre est la seule bonne trouvaille de l'auteur .Parce que pour le reste, M. Philippe Frey a manifestement mis les pieds dans un secteur qu'il ne connaît guère, quel que soit le sentiment qu'il cherche à donner à son lecteur. On se rend bien vite compte des bourdes, des à- peu-près et des contre- vérités qu'il assène sur un ton omniscient. Un exemple, page 17, (sans doute le plus cruel) : le Tanakh, à en croire notre singulier spécialiste " comprend la Torah mais également la Mishna, le Talmud et le Midrash ". Et afin que nul n'en ignore, M. Frey ajoute que " les protestants reprennent exactement les mêmes textes que les juifs ". Ce qui signifie, si on sait lire, que la Bible des protestants comprend également la Mishna, le Talmud et le Midrash. Page 15, l'auteur signale imprudemment qu'en hébreu on appelle le prophète " le neviim ". Page 52, il parle de " la miniane ". Il n'est pas grave que M. Frey ne connaisse pas les subtilités de la langue de la Bible. Ce qui l'est en revanche c'est qu'il cherche à donner, tout au long du livre, une impression contraire. A propos de l'épisode de la sortie Quiconque s'est un jour intéressé à la poésie juive du Moyen Age connaît sans doute le chant traditionnel du chabbat : Yedid Nefech Av Harahmane. d'Egypte, M. Frey écrit - et avec quelle délicatesse : " Apparemment tous les juifs étaient loin de quitter l'Egypte les poches vides : l'épisode du Veau d'or où chacun faisait fondre son or le laisse en tout cas penser ". Par ailleurs, à en croire l'auteur, il n'y a dans ce qu'il appelle l'Ancien Testament " aucune prophétesse ". M. Frey n'a pas dû lire toute la Bible. Sans quoi il aurait entendu parler d'une certaine Myriam. Et de Déborah. Quant aux 150 Psaumes, " ils font partie de l'Ancien testament chrétien et de la Torah juive " (page 130). A lire M. Frey on dirait que la Torah n'a fait que reprendre ces psaumes des textes du christianisme, une sorte de copié-collé.. Et cela évoque l'histoire de cet enfant catholique qui entend des juifs récitant des psaumes et qui dit à son père : -Quoi, les juifs ont, eux aussi, leurs psaumes ? Et on passe sur les dizaines de fois où ce curieux écrivain traite les juifs de " racistes " et évoque " le mythe d'une nation israélienne constituée" La page blanche supporte évidemment, sans protester, toutes les bêtises qu'un auteur tel que Philippe Frey lui confie. La seule question que pose ce livre est celle de savoir par quel mystère il a pu trouver un éditeur parisien pour y croire et pour accepter de promouvoir un tel tissu de sottises. Peut-être cherche-t-il à augmenter le nombre d'ignorants ? OOOUn homme de religion a cherché naguère à vendre, à des enchères publiques et au plus offrant, son châle de prière (le tallith). Sans doute l'homme se considérait-il comme un saint et sa sainteté était censée s'étendre jusqu'à ses vêtements. La vente publique eut bien lieu. Et quelle que soit l'interprétation et les justifications que l'on donne à la chose, je veux bien être pendu haut et court s'il ne s'agit pas là purement et simplement d'un acte d'idolâtrie. Avoda zara, ni plus ni moins, même si le vendeur est un homme de religion et l'objet de la vente un tallith. V.M INFORMATION JUIVE Octobre 2009 31 COMMUNAUTÉS "Les vraies vocations d'une institution quasi-centenaire : l'OSE" UN ENTRETIEN AVEC ROGER FAJNZYLBERG * de consultations médicales, psychologiques et paramédicales. OOO I.J : Où en est l'OSE aujourd'hui ? C'est une jeune centenaire ! Roger Fajnzylberg : Presque, puisque l'OSE est née à Saint-Pétersbourg à la fin de l'année 1912 ! Avec, dès juin dernier, une première réunion internationale, nous préparons les manifestations qui marqueront cet évènement, non pas comme une simple commémoration mais comme un hommage à celles et ceux qui ont apporté leur aide aux Juifs d'Europe dans les exils, les pogroms, la Shoah ainsi qu'aux Juifs d'Afrique du Nord pour sortir de la misère puis s'installer en France. Pour mieux faire connaître nos missions présentes et futures, nous montrerons quelle a été la qualité de ses prises en charges médicales et éducatives. Les communautés juives des pays d'Europe de l'est et du centre, dont les régimes soviétiques avaient contrarié l'identité, retrouvent actuellement leur histoire passée. L'OSE, qui a été très présente dans ces pays, va leur rendre leur histoire. I.J : Pourquoi dites-vous que l'année 2008 aura été riche pour l'OSE ? R.F. : En 2008, nous avons relevé un défi, celui de la prise en charge du polyhandicap, en intégrant le Centre Raphaël, fondé il y a 7 ans par le rabbin Elmkayes, à qui je rends hommage. Nous avons ouvert le second accueil de jour, Joseph Weill, pour personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, à Paris dans le XIIe arrondissement et créé la première unité pour " jeunes " patients pris en charge dès 50 ans. Nous avons porté la capacité de l'ESAT Jules et Marcelle Lévy, qui emploie des travailleurs handicapés, de 50 à 65 places. Nous avons commencé à travailler sur des projets qui prendront plusieurs années et puis, dans chacun de nos établissements accueillant des enfants, il se passe toujours quelque chose de neuf. Aider des jeunes à s'en sortir, ce n'est pas banal. Un pari à chaque fois renouvelé. 32 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 L'appui moral et le soutien aux survivants de la Shoah aux anciens enfants cachés à qui nous devons offrir des conditions de vie à la mesure de la redevance morale dont toute la communauté et la nation doivent les entourer. La place de l'OSE est de plus en plus globale, autour de la prise en charge médicale, éducative et psychologique de la famille tout entière. Roger Fajnzylberg I.J : Dans quels domaines en particulier s'exercent vos activités ? R.F. : L'enfance et la santé d'abord. Nous offrons une variété de prises en charge qui vont du conseil éducatif aux soins, en passant par le suivi individuel éducatif et social ou encore le placement en maison ou en famille d'accueil, en fonction de constats tels l'impossibilité de développement normal au sein de la famille biologique ou l'impératif de protéger l'enfant dans un contexte de mesure administrative ou judiciaire. Plus de 1000 enfants sont ainsi suivis chaque année. La maladie d'Alzheimer : les personnes dont l'état permet un maintien à domicile bénéficient d'un accueil quotidien au sein de deux centres de jour. Ils se situent pour l'instant à Paris mais nous oeuvrons pour en développer d'autres en couronne parisienne ou dans les métropoles de province. Le handicap : avec la prise en charge de travailleurs handicapés au sein de notre Esat ou de personnes handicapées ne pouvant pas travailler dans notre centre d'activité. La santé : avec le centre Elio Habib, modernisé il y a moins de trois ans et qui dispose d'un plateau technique dentaire et I.J : Quel type d'actions menez-vous auprès des populations fragilisées ? R.F. : Nous avons la chance d'avoir des institutions juives qui agissent dans des domaines variés. Notre orientation, à l'OSE, n'est pas de vouloir ou de savoir tout faire et nous travaillons en complémentarité avec de nombreuses institutions. Notre savoir-faire réside dans le domaine médical et dans la prise en charge des troubles psychologiques. Il est dans le domaine éducatif pour aider les enfants à préparer leur vie d'adultes. Il est dans l'aide aux parents, en particulier pour les familles fragilisées par des conflits dont il faut éviter que les enfants deviennent les victimes. I.J : Que faites-vous par exemple dans le domaine du handicap ? R.F. : Cette prise en charge s'est imposée à l'OSE au point que nous disposons aujourd'hui à Paris de trois établissements. Il s'agissait d'abord de reprendre, avec l'ESAT, le CAT de l'association Naguilah et donc, de développer un cadre de travail salarié pour amener les travailleurs handicapés à une autonomie maximale. Pour ceux qui ne peuvent travailler, nous avons créé ensuite un centre valorisant chacun dans des activités variées tout en donnant aux parents la possibilité de vivre normalement, sans culpabilité ni angoisse. Enfin, la reprise du Centre Raphaël nous a conduits à comprendre les problématiques du multi-handicap et de travailler sur des projets pour des adultes polyhandicapés. COMMUNAUTÉS Aucune structure n'existe, dans la communauté juive , en dehors de la région parisienne. L'OSE pourrait en développer en province. J'appelle les parents, les rabbins ou les présidents de communauté confrontés à ce problème à prendre contact avec nous. I.J : Parlez-nous de l'action que vous conduisez au sujet des anciens enfants cachés et de la mémoire de la Shoah. R . F. : L'accueil des survivants de la Shoah et des anciens enfants cachés est pour nous une mission fondatrice. Il est au cœur de notre raison d'être. Au delà de l'assurance de leur donner les conditions d'une prise ne charge matérielle leur permettant d'adoucir leurs vieux jours, l'OSE apporte un soutien médical, une mise en relation sociale à travers la Pause Café du service Ecoute-Mémoire-Histoire ou des groupes de parole qui permettent d'exprimer les souvenirs et les cauchemars. L'OSE aide chaque enfant caché à reconstituer son parcours, par la consultation d'un dossier ou à travers le travail du service Archives et Histoire. Nous avons vécu un temps fort l'an passé autour d'Elie Wiesel, à l'occasion de la célébration de son 80e anniversaire car nous avons, à cette occasion, célébré l'anniversaire de chacun des survivants mai également nous avons salué la mémoire des disparus. I.J : Pourquoi avez-vous adopté de nouveaux statuts ? R . F. : L'OSE a beaucoup évolué depuis 1951 et 1955, dates auxquelles nos statuts actuels font référence. Un colloque sur Immigration juive et action sociale. En 1866, la France compte 90 000 juifs. Un demi-siècle plus tard, au lendemain de la première guerre mondiale, le recensement affiche le chiffre de 150 00 juifs dont 1/3 d'étrangers. On évalue à 300 000 le nombre de juifs en Ce qui change : d'une partn la définition du statut de membre par rapport à celui du donateur. Ensuite la composition des organes exécutifs de l'association et notamment la géométrie du Conseil d'administration. Nous avons d'anorexie…Ce service travaillera en liaison étroite avec les écoles de la communauté Nous ouvrons en octobre une extension de nos services Enfance à Notre savoir-faire réside dans le domaine médical et dans la prise en charge des troubles psychologiques. Il est dans le domaine éducatif pour aider les enfants à préparer leur vie d'adultes. Il est dans l'aide aux parents, en particulier pour les familles fragilisées par des conflits. décidé de constituer un Conseil scientifique et de nous doter d'un Comité d'honneur. Enfin dans une association très professionnalisée, nous avons précisé les responsabilités du directeur général et le fonctionnement du bureau auprès du président. I.J : Quels sont vos projets pour l'avenir ? R.F. : Ils sont nombreux et je sais que certains nous reprochent de vouloir trop en faire. Quand je vois tout ce qu'il reste à faire pour répondre aux situations de malheur ou de détresse, je me dis que nous devons être exigeants avec nousmêmes. Nous venons d'ouvrir le Centre Georges Lévy, à Paris XIIe, pour orienter et prendre en charge, dans le domaine médical, dentaire et psychologique, des enfants et des adolescents, " addicts " par exemple à leur écran ou des jeunes qui souffrent de boulimie ou France à la veille de la seconde guerre mondiale, chiffre auquel il faut ajouter les 110 000 juifs d'Algérie. De 1945 à 1965, la population juive en France passe de 225 000 à 600 000 personnes. Comment accueillir ces populations déracinées qui ont tout quitté ? Comment aider les survivants de la Shoah à reconstruire leur vie ? Comment l'action sociale a permis aux rapatriés d'Afrique du Nord à s'installer et s'intégrer en France ? Créteil afin de mieux faciliter la prise en charge des enfants du 94. Nous sommes bien placés pour reprendre le Café des Psaumes de la rue des Rosiers. Nous travaillons aussi de plus en plus en partenariat avec des associations israéliennes, qui se situent dans les mêmes domaines d'action que l'OSE. Enfin, nous travaillons à des projets de nouveaux accueils de jour pour personnes âgées atteintes d'Alzheimer dans l'ouest parisien, dans les départements de la couronne parisienne et en province. En conclusion, nous souhaitons nous mettre plus encore au service des communautés en province et notre président, Jean-François Guthmann comme moi-même, sommes disponibles pour tout contact à cet effet. -*Directeur général de l'œuvre de Secours pour l'enfance Mercredi 28 octobre, la Fondation Casip-Cojasor organise un grand colloque sur " L'immigration juive en France : Accueil et intégration, du XIXe siècle aux années 1960 ". Réunissant de jeunes chercheurs et des historiens connus, cette journée de réflexion marque le point d'orgue des activités marquant le bicentenaire de la Fondation Casip Cojasor. (Hôtel de ville de Paris. de 9h à 17h. Réservation obligatoire au 01 44 62 13 81. INFORMATION JUIVE Octobre 2009 33 CHRONIQUE Retour à la Maison de Vie PAR ALBERT BENSOUSSAN L e mois d’Elloul, entre les Selihot et l’approche des Yamim Noraïm, ces “jours redoutables”, nous invite à penser à ceux qui ne sont plus et à leur rendre visite à leur dernière demeure. C’est à mes yeux une autre forme de réunion de famille, car il ne me convient pas de distinguer entre les vivants et les morts. Ces derniers habitent une Maison de Vie – Beth ha’hayim - , toute une cité jardin où je me suis, donc, rendu, accompagné de ma grande sœur et de mes deux neveux. Pantin est l’un des plus grands cimetières de Paris, avec pas moins de deux cent mille tombes. Et qui associe autour de son corps qui repose là-dessous les membres de sa famille qui ont péri dans les camps. Pour un mort dans la tombe, des quatre et des cinq s’inscrivent sur la dalle, partis en fumée, mais ici convoqués. Alors oui, c’est bien une maison de vie, parce qu’ils sont inscrits pour l’éternité au registre des vivants. Immensément présents. Ce cimetière, en vérité, est mégapole populeuse et archive de mémoire. Jean-Claude, mon neveu, n’a jamais admis que son grand-père fût mort, et il soutient qu’il revient lui parler de temps à autre. Son vieux pépé s’assoit alors sur son lit, qu’il sent tanguer dans la nuit, il Il voit bien que la mort s'abolit et que tous vivent devant nous, en nous, pour nous… contiennent plusieurs locataires à demeure. Certains sous forme de rappel mémorieux, comme on le voit quand le défunt, qui fut un rescapé des rafles, lui prend la main, le caresse et lui parle. Et donc, ce jour-là de début septembre, dans la chaleur caniculaire du cimetière, parti en éclaireur, mon neveu avait du Prière au Kotel 34 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 mal à retrouver la tombe des anciens ; pourtant si près, il était bien au carré 213, mais où, dans quelle rangée, toutes ces sépultures de marbre noir se ressemblent ! Et soudain il a entendu chuchoter à son oreille : retourne-toi donc, mon fils, Je suis là. Et voilà : Claudy avait le nez sur le marbre et son baiser sur la pierre chaude voulait rejoindre la joue mal rasée du géniteur de son père. Mon neveu n’aime pas le cimetière, mais là, cette fois, il voit bien que la mort s’abolit et que tous vivent devant nous, en nous, pour nous… Claudy avait échappé à la rafle et aux camps parce qu’en mars 1941 sa maman, Juliette, avec une audace folle, avait quitté Paris en portant son nourrisson dans ses bras, et elle avait traversé la France en droite ligne pour gagner Marseille et la nef salvatrice. Le souvenir légendaire rapporte que dans le train et l’interminable nuit, un officier allemand s’était levé pour lui céder la place, quelle ironie ! Et donc Claudy, de quatre mois à quatre ans, avait grandi au milieu de nous, à Alger, qui allait devenir la capitale de la France Libre. Et moi, le dernier de la famille, celui que mon père appelait son Benjamin, je m’étais trouvé détrôné par un petit frère, mais sans être en rien privé de gâteries. Parce que mon père n’était que tendresse et douceur, et ma mère une de ces juives vaillantes dont on célèbre les vertus chaque vendredi soir. Et puis ce petit je l’ai toujours porté dans mon cœur, presque comme s’il avait été ou mon frère, ou même mon enfant. Je nous revois au soir du Chabbat, tous debout pour accueillir les anges de la paix et faire le kiddouche, mais mon père voyait toujours sa longue jambe entravée, saisie et enserrée par le plus petit de nous tous, haut comme trois pommes. Toujours il se pressait contre CHRONIQUE la cuisse de mon père et c’est ainsi qu’il reçut le judaïsme, de peau à peau, comme par capillarité. Mon neveu est très juif, même s’il n’est guère regardant sur la religion. Qu’importe, dit-il, son pépé lui a tout donné de ce verbe fabuleux et de cette foi dans la vie qui descendait de son cœur jusqu’à ce tronc étreint par l’enfant… Chacun d’entre nous a coiffé sa kipa et j’ai récité de joyeux psaumes, d’abord le premier qui brosse le portrait du juste — heureux cet homme Ashré ha-ich qui ne suit pas le chemin des méchants, cet homme juste et bon, ce père aimé de Dieu ; et puis le dernier chant qui rameute tout l’orchestre des instruments bibliques et fait entendre à deux reprises le fracas joyeux des cymbales – tseltsal : les deux tsadé se font face comme les deux disques de cuivre lxlx et le lamed propage la retentissante sonorité de l’entrechoc — ; ensuite nous avons déposé des pierres pour papa, maman et mon grand frère Fraïm. Et nous étions heureux. Apaisés… Alors nous avons entrepris de retrouver la tombe de Juliette, la maman de Jean-Claude et d’Yves, qui les a quittés alors qu’ils étaient encore si gosses. Depuis si longtemps, nul ne savait plus la retrouver. Nous sommes allés tout au bout des carrés juifs, et même nous nous sommes partagés en équipes d’arpenteurs, d’explorateurs, d’ahuris meraglim, rien à faire, le champ d’honneur nous était hostile. Et ainsi est passée encore une heure sous le soleil accablant. Nos yeux pleuraient dans la sueur. Jusqu’à ce que soudain un homme noir surgisse, que personne n’avait vu. C’était un rabbin, ou plutôt un envoyé, un messager miraculeux – la mère avait-elle eu pitié de ses deux orphelins ? – qui nous a permis, sur un simple coup de téléphone, de localiser exactement l’emplacement : zone, priait, le fameux Echet ‘hayil qui, au soir du Chabbat, vante les vertus de la femme et mère du foyer, en clamant d’emblée : “La femme vaillante, qui la trouvera — mi yimtsa ?-”, laborieuse, soucieuse du bien de tous, mère nourricière et source de miel, alors oui “ses fils se lèvent pour l’acclamer”… Et ses deux fils, en effet, se tenaient droit devant elle, fiers devant la tombe retrouvée, cette dalle égarée, cette femme lointaine… Puis le rabbin a béni le mari de cette mère exceptionnelle qui avait su braver la peur de l'Allemand et sauver son enfant, et il a béni toute la famille une fois de plus Je nous revois au soir du Chabbat, tous debout pour accueillir les anges de la paix et faire le kiddouche. rangée, numéro de pierre tombale ; mieux, il nous y a conduits et nous l’avons retrouvée, Juju, notre chère disparue qui fut responsable de nos larmes primordiales, elle qui mourut si jeune, un soir de Kippour qui nous couvrit tous, ô Dieu terrible en action hlyli arvn la, de sel et de soufre… Alors le rabbin a récité les prières nécessaires, et même, parce qu’on l’en sur ce tas de pierres sous lequel reposait la maman de mes neveux depuis plus d'un demi-siècle. Mais qu'était-ce en fin de compte tout ce sable ? Une infinie mémoire. Un amour infini. C'est donc joyeusement que nous nous sommes lavés les mains en sortant. Allons, nos morts sont en bonne santé ! INFORMATION JUIVE Octobre 2009 35 LIVRES Un livre-clef sur le djihad : “Anatomie d'un désastre” U n auteur inconnu, qui signe d'un pseudonyme, Enyo (le nom de la déesse grecque des batailles) dévoile dans un livre récent, Analyse d'un désastre (1) les vérités sur la Quatrième Guerre mondiale qui oppose l'anti-civilisation de la terreur islamiste à la civilisation. Enyo serait une " éminente responsable des renseignements ", ancienne diplomate, qui " travaille actuellement au sein d'une organisation internationale ". conscience. Car l'Islam a pour vocation de subjuguer le monde, pour son bien ". S'agirait-il d'une Arabe ? La bibliographie du livre est précédée de cette note : " les ouvrages dans la langue maternelle de l'auteur ont été supprimés de cette bibliographie ". Or, sur les centaines d'ouvrages mentionnés, pas un seul n'est en arabe. dent veut ignorer que pour ses ennemis, nul traité de paix n'a de valeur juridique durable, et n'est qu'une trêve, qui doit permettre de se renforcer ou d'assurer " la progression de l'islam plus efficacement que la guerre ". humilié, " comme si l'islam n'avait pas inventé, lui, l'humiliation des dhimmis et ne se sentait pas humilié pour la seule raison qu'il se trouve depuis plusieurs siècles dans l'incapacité matérielle d'exercer son pouvoir d'humiliation ". De même, l'Occident prend pour argent comptant les " pieuses contrevérités ", les subterfuges qui endorment " la vigilance de l'ennemi ". En 1983, le Hezbollah assassine quarante-huit parachutistes français ; il participe à la série d'attentats qui ont ensanglanté Paris en 1985 et 1986 ; il assassine l'attaché militaire français à Beyrouth. Mais en 2002, le président de la République française assiste au sommet de la francophonie à Beyrouth, à côté des représentants du Hezbollah. A Molenbeek, quartier de Bruxelles, " une police islamique fait appliquer la charia tandis que policiers, élus locaux et journalistes belges détournent les yeux ". Anatomie d'un désastre énumère de nombreux exemples de démission équivalents. A coup sûr, le livre sera rejeté par beaucoup de gens. Mais peut-être serat-il quand même un peu mieux reçu qu'un livre au contenu similaire qui aurait été signé Pierre Lurçat, Raphaël Israeli ou Paul Giniewski. On le taxerait de " parti- pris pro-israélien " et d' " arabophobie viscérale " puisque toute description juive ou israélienne des horreurs de l'extrémisme arabo-islamiste est récusée a-priori. L'atout dont l'Occident se prive Quel est le désastre ? L'islamisme livre une guerre à mort à la civilisation. L'Occident veut l'ignorer. Au lieu de résister, il fait tout ce qui peut conduire à sa propre destruction. C'est une guerre d'extermination. Le terrorisme, dans 'esprit de la formule de Clausewitz " est un acte de violence destiné à contraindre l'adversaire à exécuter (la) volonté de l'attaquant ". Et quels sont cette volonté et l'objectif ? " La conversion ou l'assujettissement de toute l'humanité ", la " réislamisation des musulmans et l'islamisation du monde ". Et les djihadistes ont parfaitement bonne 36 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 Or l'Occident, qui connaît peu ou méconnaît complètement la pensée de ses ennemis, se prive par là de ses meilleurs atouts, car " l'art de connaître le génie du général ennemi et celui de la nation qu'il commande, renferme l'art de vaincre l'un et l'autre ". L'Occi- le moyen de prétendre au statut de combattants légitimes, en qualifiant de " politiques " leurs mobiles. Après l'attentat contre le World Trade Center et le Pentagone, le 11 septembre 2001, les Américains ont été rapidement et universellement condamnés pour avoir riposté. Les agresseurs sont peu à peu devenus des vengeurs de l'islam Un danger plus grave que le Djihad armé nous menace : l'islamisation pacifique De même encore, quand les djihadistes invitent, par lettre, le président Jacques Chirac ou les Britanniques à se convertir " tout en promettant de purger le monde des cancers de la liberté et de la démocratie ", l'Occident croit qu'il s'agit d'une fanfaronnade, d'un enfantillage. Il ne discerne pas là " l'application orthodoxe du droit de la guerre islamique qui impose d'inviter par la prédication l'ennemi (à se convertir) avant de déclencher contre lui la guerre ". Les victimes condamnées L'inertie, l'abdication de l'Occident, son aveuglement volontaire sont les aspects les plus déconcertants, pour un esprit rationnel, du désastre décrit et annoncé. Les Nations unies sont devenues l'auxiliaire inconscient des terroristes. En reconnaissant la légitimité de la lutte anticoloniale, on a fourni aux terroristes Les mythes du conflit israélo-arabe Bien entendu, le livre aborde par différents biais le conflit israélo-arabe, l'un des premiers fronts du djihad, et qui résume tout le vis-à-vis entre la civilisation et la barbarie. La politique arabe des pays d'Occident est un aspect éloquent de leur abdication devant l'ennemi. Ils ont intériorisé tous les poncifs, tous les mythes anti- LIVRES israéliens. D'où une série de faux axiomes légitimant des pseudo-solutions. Par exemple, qu'il suffirait de satisfaire les exigences légitimes de ceux qui recourent au terrorisme, pour mettre fin au djihad. Or, " celui qui cède n'a jamais assez cédé, ou devra toujours recommencer, que la doléance originelle soit ou non fondée. L'argument des revendications à prendre en compte est d'ailleurs celui des partisans de 'l'apaisement' munichois lorsque Hitler soulève la question des Sudètes". C'est élémentaire, mais il faut le rappeler indéfiniment. Comme aussi le fait que les Palestiniens ont été des " pions soviétiques dans la déstabilisation du bloc occidental ". Ils ont utilisé et utilisent un verbiage marxisant pour " faire passer leur terrorisme pour une révolution populaire sinon prolétarienne ". Et ils acquièrent une immense audience partout en revêtant " un antisémitisme censuré depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale des oripeaux présentables de l'antisionisme ". Aucun autre groupe terroriste n'a jamais cumulé de tels atouts. La presse occidentale répercute les élucubrations anti-israéliennes de la presse arabe. Les soldats du Tsahal sont accusés de viols de femmes palestiniennes. Les medias consacrent plus de temps et d'espace " à la mort d'un terroriste palestinien (qu'à) celle de cent Irakiens innocents ". On filme abondamment les " charniers " fabriqués par les Palestiniens avant l'arrivée des caméras, lors de l'opération israélienne Rempart à Jenine, en 2002. Etc, etc. le terrorisme et les mouvements terroristes s'armer comme Hitler remilitarisait la Rhénanie en 1936". Faire la guerre signifie abandonner l'idéologie des soi-disant " camps de la paix " selon laquelle la guerre serait toujours la pire des solutions. Au nom de cette idéologie, la France a longtemps choisi " d'être un sanctuaire pour les terroristes en échange de la tranquillité ". Faire la guerre, c'est mener un véritable contre-Djihad ", comprendre que le centre de gravité de l'adversaire, avant ses chefs et ses finances, c'est sa foi et donc, empêché l'islamisme d'accéder à toutes formes de souveraineté Le livre D'Enyo comporte d'autres analyses et mises en garde encore. Notamment sur les réalités de l'intégrisme. Le 11 mars 2002 par exemple, " lorsque des petites filles d'une école primaire (d'Arabie Saoudite) fuient leur bâtiment en flammes, insuffisamment voilées, la police les refoule dans l'incendie ". Et "en 2007, un tribunal saoudien condamne à 6 mois de prison et 200 coups de fouets une femme qui a eu l'impudence d'avoir été victime d'un viol collectif ! " Et un danger plus grave que le Djihad armé nous menace : l'islamisation pacifique, qui prétend ne viser qu'à faire des musulmans vivant en Occident de bons Un livre qui fait froid dans le dos, à la mesure de l'épouvantable désastre qu'il décrit. et imposer au Djihad des revers militaires à l'échelle du globe. Dans chaque pays, il faudrait "ôter aux musulmans le moyens de s'opposer à la souveraineté démocratique, et aider tous les musulmans qui (…) en ont fait le choix ". Faire la guerre, c'est entrer dans la logique en partie irrationnelle de l'adversaire qui, lorsqu'il détient la souveraineté, a pour devoir traditionnel d'humilier les dhimmis et par conséquent, concevoir des structures d'humiliations plus efficaces que l'enfermement pour traiter les terroristes, par exemple " les faire garder par des femmes (pour) les avilir à leur propres yeux ". citoyens, mais qui, en fait, leur " apprend à 'apprivoiser' les législations occidentales pour permettre l'extension de la charia ", de sorte qu'elle devienne progressivement la loi du pays. L'arme la plus redoutable n'est pas la bombe du terroriste, mais " la démographie et la prédication ". Un livre qui fait froid au dos, à la mesure de l'épouvantable désastre qu'il décrit. Paul Giniewski -(1) Enyo, Anatomie d'un désastre, " L'Occident, l'islam et la guerre au XXIe siècle ", Denoël, 2009, 426 p, 24 Euros. Pour vaincre : faire la guerre Dans ces conditions, que faire ? Existe-t-il des moyens d'enrayer le désastre, d'en limiter l'envergure, d'inverser la débâcle déchaînée ? Il existe des recettes pour gagner et Anatomie d'un désastre les suggère. Le choix est entre céder au Djihad ou bien accepter la réalité de la lutte à mort et livrer combat. Faire la guerre signifie ne plus nier la menace, recourir à la force, pour l'éradiquer, ne plus laisser " les Etats soutenant INFORMATION JUIVE Octobre 2009 37 LIVRES L'Étoile du matin d'André Schwarz-Bart : Un Kaddish dans l'écriture I l faut savoir gré à Simone Schwarz-Bart d’avoir plongé dans les manuscrits restés épars dans le bureau de son époux, André Schwarz-Bart, disparu juste avant Kippour 2006, et d’en avoir extrait les chapitres d’un projet de livre (“le naufrage d’un livre” comme il l’appelait) pour nous offrir un nouveau chef d’œuvre près d’un demi siècle, jour pour jour, après la parution du Dernier des Justes. Ceux qui ont aimé Le dernier des Justes, ce roman désormais classique qui valut en 1959 à son auteur, alors inconnu, le prix Goncourt, retrouveront dans L’Étoile du matin la poésie et la vigueur, l’ironie et l’humour yiddish, la maîtrise de la composition romanesque, qui enchantèrent des millions de lecteurs à travers le monde. Car s’il intègre certains des éléments et des thèmes qui sous-tendent le cycle antillais de La mulâtresse Solitude, resté inachevé (ou en tout cas inédit), L’Étoile du matin est bien dans la veine et dans le sillage du Dernier des Justes. Pourtant cette fois, le Kaddish du narrateur révolté, esquissé dans la dernière page du roman de 1959 (“ Et loué. Auschwitz. Soit. Maïdanek. L’Éternel. Treblinka. Et loué…”), est devenu un Kaddish de soumission, de libération – presque d’espoir – dans la bouche du héros de L’Étoile du matin, Haïm Schuster, notre contemporain, un Kaddish qui clôt le roman… Dans sa “Petite note d’introduction”, Simone Schwarz-Bart nous confie que le dernier chapitre de ce roman posthume lui a été dicté d’un trait par André quelques semaines avant sa mort: “Il termina ce passage sur ses mots ; un titre possible : “l’étoile du matin”. Ce fut tout. Il avait un air mystérieux et paraissait tout jeune, joyeux, apaisé” . Le récit central accompagne une famille juive hassidique de Pologne, dont le 38 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 PAR FRANCINE KAUFMANN dernier descendant combat dans le Ghetto de Varsovie, réchappe d’Auschwitz, erre entre l’Afrique, Paris, Jérusalem et Tel Aviv, pour revenir en pèlerinage à Auschwitz avec Sarah, la jeune femme dont il attend un enfant, et là, laisser monter un Kaddish. Entre le prologue et la première partie du livre – un conte fantastique qui fait revivre la foi vibrante et les mœurs du judaïsme de Pologne – une note de travail est insérée qui donne la clé du Kaddish prononcé à Auschwitz par Haïm Schuster : “Le Kaddish lui-même n’est pas une réconciliation avec Dieu, mais une soumission, une réconciliation avec l’idée que le peuple juif se fait de Dieu, idée sans laquelle le peuple juif n’est plus, est condamné. Dieu, le véritable Dieu n’intéresse pas Haïm ; ce qui intéresse Haïm c’est un Dieu inventé par le peuple juif ; et peut-être, à force de l’inventer, Dieu deviendra-t-il réel, ce Dieu-là” . Le prologue (et quelques passages du livre) introduisent la narration dans une perspective transhistorique, adoptant “le point de vue de Sirius” pour décrire la Shoah et les horreurs du XXème siècle où culmina la cruauté de l’histoire humaine. Le ton – délibérément proche des romans de science fiction – illustre les menaces d’une fin du monde nucléaire que l’humanité prise de folie risque d’attirer sur sa tête. Il constitue une mise en abyme du comportement humain, observé à la fois par l’historien de l’avenir (l’an 3000 dans le roman) et par un Dieu pour qui la terre et son histoire ne sont rien de plus qu’une grouillante goutte de sang observée dans un microscope. Dans les notes de Schwarz-Bart, l’historien est une mutante, une femme qui fait des recherches sur la planète Terre et retrouve dans les souterrains de Yad Vachem des manuscrits qui gardent la trace du Grand Massacre. Elle porte un nom précis : Linemarie. Lorsqu’on sait que le nom complet de Simone est : Line Marie Simone née Brumant, on comprend que l’épouse-écrivain d’André se soit considérée comme investie d’une mission d’exécuteur testamentaire, chargée d’exhumer le manuscrit inachevé d’André et de lui donner vie. Dans l’épilogue, la Linemarie de l’an 3000 s’interroge “sur l’étrange folie de cet homme qui avait consacré sa vie à remplir ces milliers de feuillets de son écriture, sans jamais pouvoir écrire le mot “Fin”. “Et elle comprend (ce que la deuxième partie du livre révèle plusieurs fois explicitement) que l’écriture in-finie que s’était imposée l’auteur du Dernier des justes, sans jamais pouvoir y mettre un point final, constituait un Kaddish perpétuel pour sa famille et pour sa civilisation à jamais anéanties : “Peut-être était-ce là son véritable objectif : non pas écrire un livre, mais demeurer en contact avec les disparus, leur ménager un espace de vie sur la terre, en son esprit, jour après jour, jusqu’à sa disparition d’icibas…” LIVRES L'Affiche rouge Par Benoit Rayski OOO C'est une nouvelle édition de ce livre, revue et augmentée d'une nouvelle préface que notre ami Benoît Rayski propose à ses lecteurs. Lors de sa première publication en 2004, le livre avait été salué par la critique. Rayski a voulu reconstituer le monde d'où venaient ces combattants à peine sortis de l'adolescence. De jeunes juifs pour l'essentiel, des petites gens modestes et courageux. Rayski a arpenté les cimetières où ces combattants furent enterrés avec d'autres résistants. Voici ce que Rayski écrit en guise de préface à cette nouvelle édition : " J'ai tenté de rendre justice dans ce livre, à ceux de l'Affiche Rouge, au monde d'où ils étaient issus, un monde juif, ouvrier et rouge, aux quartiers populaires, de vrais quartiers populaires, où l'on ne brûlait ni les voitures ni les écoles, où l'on frappait pas à coups de barre de fer et où l'on ne violait pas les filles parce qu'elles avaient l'outrecuidance de porter une jupe " Ce livre reparaît alors que le cinéaste Robert Guédiguian rend à son tour hommage à ces soldats de l'Armée du crime. ( Ouvrage publié sous la direction d'Alexandra Laignel-Lavestine. Editions Denoël 13 euros) Le Midrach Rabba sur Ruth. Et sur Esther OOO Ce livre est annoncé comme le premier d'une série visant à fournir aux lecteurs francophones les midrashim relatifs aux cinq Rouleaux : Ruth, Esther, Le Cantique des Cantiques, Les Lamentations et l'Ecclésiaste. Maurice Mergui qui a, avec Frédéric Gandus traduit une partie des textes et qui a assuré l'édition de ce travail, considère que, malgré l'importance de leur contenu, ces textes n'avaient jamais été traduits en français. Dans l'introduction qu'il donne à ce travail, l'auteur rappelle que le midrash est fort mal connu du grand public. Luimême le définit comme une " modalité d'interprétation du texte biblique qui apparemment est hors de la raison, préscientifique, énigmatique jusque dans son usage des règles du monde ordinaire ". Cet exercice, ajoute-t-il, " est d'une créativité foisonnante " La lecture du Midrash Rabba sur Ruth, faite en compagnie des auteurs est enrichissante, de même que celle du Rouleau d'Esther. On doute pourtant, qu'elle soit mise ici .à la portée du lecteur moyen qui n'a pas auparavant lu et réfléchi dans " une lecture naïve " de ces deux ouvrages. ( Editions Gallimard. Collection Tel 8 E 50 ) Retours, Mélanges à la mémoire de Stéphane Mosès OOO Patricia Farazzi et Michel Valensi qui animent les Editions de l'Eclat ont pris l'initiative de coordonner un livre de mélanges à la mémoire du regretté Stéphane Moses. Le livre qui a pour titre " Retours " réunit un certain nombre de contributions d'auteurs qui, tous, connaissant l'œuvre et l'apport philosophique de Moses. Citons parmi ces contributions Marc Crépon, Julia Kristeva, Guy Petitdemange, Emmanuel Mosès, Henz Wismann, Liliane Klapisch entre autres. Le livre met en lumière le parcours intellectuel de celui qui, au lendemain de la guerre, succéda à Léon Askénazi à la direction de l'Ecole d'Orsay. On sait que Mosès a profondément marqué les études sur le judaïsme moderne et qu'il a accompagné en France la découverte d'auteurs aussi importants que Walter Benjamin ou Franz Rosenzweig. Le livre s'attarde naturellement sur ce que fut " le retour au judaïsme " de Mosès. Rappelons que Stéphane est décédé à l'automne 2007. Notons dans la contribution de Julia Kristeva cette formule : " Rarement, et peutêtre jamais, un être humain ne m'a donné, autant et aussi bien que Stéphane Mosès, la certitude que l'humanité est une voix, un regard, un sourire, une écoute : accueillante et malicieuse, donc hospitalière, cette voix saisit immédiatement votre vulnérabilité, la plus intime, mais c'est pour retenir et favoriser votre capacité de vivre, de survivre par cet acte original qui s'appelle penser ". INFORMATION JUIVE Octobre 2009 39 ARTS Dessiner l'indicible B oris Taslitzky est ce dessinateur incomparable dont le talent, salué avant-guerre, s'est fortifié dans les engagements politiques des années trente, les grèves de 36, la lutte contre la menace fasciste, la gangrène raciste, la guerre d'Algérie et la dictature au Chili… Peintre réaliste et social, Boris Taslitzky (1911 - 2005) a accompagné l'histoire en mouvement et laissé sur les événements vécus, des images fortes. Prisonnier en 1940, évadé, repris dans la Zone sud, livré par Vichy aux Allemands, il a ramené de sa vie dans l'enfer concentrationnaire de Buchenwald un témoignage inestimable. Des dessins tracés sur de mauvais papiers, au verso de tracts ou des affiches arrachés dans le stalag. Images dérobées où resurgit le quotidien de ses compagnons d'infortune, les baraques lépreuses et la " cour des Miracles " à l'heure de l 'appel. Fragments d'un passé rendus par un trait vif, intelligent. Images au réalisme incisif puisées dans la lumière de la géhenne. Dessins pathétiques tendus comme miroir à notre humanité vite oublieuse. Cent onze dessins fins ; sobres et précis ; en noir et en blanc et qui habillent de dignité la détresse des déportés. L'ensemble est désormais préservé au Musée de la Résistance nationale grâce à la commission du Fonds régional d'acquisition des musées, du Ministère de la culture et de quelques mécènes. Le Musée d'Art et d'Histoire du judaïsme a présenté cet ensemble en 2006. Un bel album réunit et reproduit dans leur " jus ", à l'échelle des originaux le plus souvent, cette moisson ramenée de l'enfer. Des textes les 40 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 PAR MAURICE ARAMA accompagnent, ceux de Jorge Semprun et de Julien Caïn, ses compagnons d'infortune à Buchenwald. Annette Wieworka, Lionel Richard, Christophe Cognet et Maurice KriegelValrimont apportent leurs éclairages et les analyses nécessaires à cette édition. A partir de ses dessins, Boris Taslitzky a peint, en 1945, une vaste fresque sur le Petit Camp de Buchenwald que le Musée national d 'Art moderne conserve désormais. Le regard de Taslitzky rejoint celui de Walter Spitzer qui dans des mémoires poignantes " Sauvé par le dessin " livre d'autres éclairs sur l'enfer de Buchenwald. Comment rendre l'indicible ? L'art de Zoran Music passé par Dachau celui de David Olère revenu de Birkenau Auschwitz et d'autres palettes ont hurlé leur douleur et rappelé sur la toile ou le papier leurs cauchemars. Le monde est sourd. L'indifférence chasse les ténèbres nazies. La pensée entre dans la glaciation. Le Mémorial de Caen présente Survivre, une exposition sur les Enfants et les dérives meurtrières du totalitarisme. Ce que l'homme a fait aux enfants juifs pendant la Shoah, à ceux du Biafra, du Rwanda, du Cambodge, du Darfour, hier et aujourd'hui, est présenté au Mémorial de Caen avec sobriété et intelligence. La clarté du propos trouve appui sur une iconographie poignante. Des témoignages venus des plus grands musées mémoriaux du monde : dessins d'enfants, jouets, objets et œuvres amplifient le sombre dossier du meurtre massif des enfants. " Le pire serait de croire, par confort ou paresse, que l'humanité s'est guérie de ses folies après la Seconde Guerre mondiale " écrit, dans son introduction, Gérard Rabinovitch, commissaire scientifique de l'exposition. Les discours venus d'un Orient pas si lointain, ne dissipent nullement ses appréhensions. Boris Taslitzky ; 256 pages ; 200 illustrations, juxtaposition de la totalité des œuvres clandestines de Boris Taslitzky ; Préface de Jorge Semprun et Julien Caïn ; textes de Annette Wieworka, Lionel Richard, Christophe Cognet et Maurice Kriegel-Valrimont ; postface de Guy Krivopissk. Biro éditeur avec le soutien de la Fondation de la Shoah. 39 € Survivre ; les enfants dans la Shoah ; M é m o r i a l d e C a e n Esplanade Général Eisenhower - BP 55026 - 14050 Caen Cedex 4 - Tél. 33 (0)2 31 06 06 47 Exposition présentée tous les jours jusqu'au 31 décembre 2009. Walter Spitzer Sauvé par le dessin Favre éditeur 19 € CINEMA Une raison de vivre face à la raison d'état L e film d'espionnage est un genre assez peu habituel dans notre pays, contrairement à ce qui peut exister outreAtlantique, d'où l'originalité certaine qui se dégage du nouveau film de Christian Carion, à qui l'on devait déjà l'agréable reconstitution d'une trêve en plein noël 1914 dans les tranchées (Joyeux Noël, sorti en 2005). Au moyen d'un scénario précis, qui n'hésite pas à prendre des libertés par rapport à la réalité historique et qui a pu bénéficier d'une interprétation de haut niveau -principalement portée par un impressionnant Emir Kusturica- le réalisateur d'Une hirondelle a fait le printemps (joli premier film qui réunissait Mathilde Seigner et Michel Serrault) adapte avec intelligence et efficacité un livre récent de Serguei Kostine, "Adieu Farewell". PAR ELIE KORCHIA ministres communistes dans le gouvernement Mauroy de mai 1981. Notons à ce sujet que dans le premier volume de son Verbatim, Jacques Attali avait rappelé à quel point l'affaire Farewell avait été déterminante dans les premiers rapports de pouvoir entre Mitterrand et Reagan, étant précisé qu'en décryptant les quelque 3000 documents miraculeusement transmis à la DST par la " taupe " russe, les contre-espions français ont alors pu évaluer à deux ans le retard technologique du camp communiste sur le camp occidental ! Récit d'une affaire qui a fortement affaibli les services secrets sovié-tiques au tout début des années 80, le film commence au moment où Pierre Froment (Guillaume Canet), jeune ingénieur français en poste à Moscou pour une grande société française, est contacté par un homme qui se présente comme un colonel du KGB, Grigoriev (Kusturica). Celui-ci se déclare prêt à communiquer aux services français des informations cruciales qui sont de nature à neutraliser la campagne de pillages des secrets industriels et militaires occidentaux, orchestrée jusqu'alors de main de maître par l'URSS et ses fameux espions. Dans la réalité, l'obtention de ces secrets, dévoilés par le colonel Vladimir Vetrov (qu'on avait affublé du nom de code anglais " Farewell " pour brouiller les pistes et qui finit exécuté en 1985) permit à François Mitterrand, tout nouvellement élu, de démontrer à Ronald Reagan qu'il était un bon Occidental, en dépit de la présence de Dans le rôle de celui par qui le scandale arrive, et qui va permettre à nos autorités de démasquer la logistique du KGB dans plus 16 pays, Emir Kusturica, le célèbre réalisateur serbe du Temps des gitans, double Palme d'or au festival de Cannes, occupe ici tout l'espace de fiction du film et parvient à imposer sa présence jusque dans ses silences. Idéaliste jusqu'au bout des ongles, son personnage en quête existentielle refuse tout autre paiement que quelques bouteilles de Cognac ou quelques disques de Léo Ferré, sans oublier quelques CD de Queen pour son fils unique, un adolescent en pleine tourmente qui ne rêve que de Walkman et de Levi's. Face à lui, Guillaume Canet est une fois de plus convaincant en petit ingénieur français qui prend peu à peu gout à la mission qui lui est confiée et au jeu de l'espionnage, alors même que cela le place dans une situation plus que délicate avec sa jeune épouse… Ayant bénéficié d'un très beau travail en matière de décors, que ce soit la ville de Moscou qui a été fidèlement reconstituée en Ukraine ou encore le fameux bureau ovale de la Maison Blanche que le réalisateur a bâti dans une usine désaffectée d'Ivry sur Seine (située avenue Lénine !) le film se concentre avec justesse sur le point de vue humain en contant avec habileté, face à des enjeux géostratégiques tout puissants, la course contre la montre et la fin tragique d'un agent idéaliste pour qui raison de vivre et raison d'Etat sont finalement devenus antinomiques. Cependant, même s'il s'agit à l'évidence d'un film plaisant, qui revisite avec un savoir-faire certain une histoire passionnante et quelque peu oubliée - alors même qu'on célèbrera le 9 novembre prochain les 20 ans de la chute du mur de Berlin - il faut bien reconnaître que nous sommes encore loin de la maestria d'un Mankiewicz (dans l'Affaire Cicéron) ou encore de la subtilité d'un Martin Ritt (dans L'espion qui venait du froid). Car il manque en effet une certaine amplitude à ce film d'espionnage qui aurait mérité sans doute un peu plus de folie et de profondeur de champ, d'autant plus lorsqu'on peut compter sur la présence d'un premier rôle comme Emir Kusturica, dont la prestation fera date dans la carrière de Christian Carion, metteur en scène populaire qui entend privilégier plus que tout le divertissement dans son œuvre. INFORMATION JUIVE Octobre 2009 41 VERBATIM MICHEL SCHIFRES. Chroniqueur : " Seul le modèle social français risque de nous rester sur les bras. Mystérieusement, personne n'en veut ". JEAN DUHAMEL. Auteur : " Le temps où l'on puisait essentiellement les bêtisiers dans les maternelles est révolu. Les enfants n'ont jamais été aussi gavés d'informations, et pourtant, l'intelligence moyenne semble s'appauvrir " YAZID SABEG. Haut-commissaire à la diversité : " L'Etat n'a pas à se prononcer sur la tenue vestimentaire des Français ". ABDELWAHAB MEDDEB. Poète. Professeur : " Contre l'antisémitisme maladif nourri par Al-Jazira, je rappelle aussi à tout musulman que l'islam émane du judaïsme. Les juifs ne peuvent pas être nos ennemis, car ils sont nos pères ". JOSÉ MARIA AZNAR. Ancien chef du gouvernement espagnol : " Les Arabes nous demandent de nous excuser de ceci, de nous repentir de cela. Mais, jusqu'ici, aucun Arabe n'est venu me présenter ses excuses pour l'occupation de l'Espagne " Philosophe : " Va-t-on confier les rênes de l'agence culturelle mondiale à un homme qui, lorsqu'il entend le mot culture, sort ses ciseaux ou son briquet ? " MARTINE AUBRY. Premier Secrétaire du PS : " Il faut être un homme pour ne penser qu'à la présidentielle " ABDOLKARIM SOROUSH. Philosophe iranien : PEER STEINBRÜCK. BERNARD-HENRI LÉVY. paix en éliminant le venin de la haine. Lui-même ne regrette-t-il pas aujourd'hui de l'avoir craché ? " Ministre allemand des finances : " La politique c'est davantage que du glamour et du divertissement " EDOUARD BALLADUR. Ancien Premier ministre : " Par principe, je fais confiance à la liberté " MARCEL GAUCHET. Philosophe de l'éducation : " Les disciplines littéraires sont parmi les plus touchées par le phénomène de la perte de sens ". " Le pouvoir au nom de la religion pourrit aussi bien le pouvoir que la religion. C'est un honneur de gouverner un peuple libre, heureux, intelligent, pas un peuple triste et emprisonné " WALID JOUMBLATT. Chef des Druzes libanais : " Il nous faut des armes antichars et antiaériennes… Je pense que nous pouvons trouver ce type d'armes en Russie ou en Chine ". PETER SLOTERDIJK. Philosophe allemand : ROGER COHEN. Editorialiste au New York Times : "Avec l'énorme moyen de pression que constitue la contribution américaine au budget de l'Unesco, faisons impitoyablement pression sur lui ( Farouk Hosni, candidat égyptien) pour qu'il combatte le fanatisme antisémite qui contamine tant de jeunes Arabes ; pour qu'il contribue à l'ouverture du dialogue ; pour qu'il s'efforce d'ouvrir davantage les esprits arabes à la science et à l'éducation ; et pour qu'il épouse, enfin, la cause de la 42 INFORMATION JUIVE Octobre 2009 " L'impôt progressif sur le revenu représente le seul progrès moral substantiel depuis les Dix Commandements " PATRICK DESBOIS. Directeur du Service des relations avec le judaïsme au sein de l'épiscopat : " Je suis sidéré de rencontrer autant de haine en France, quand soixante ans après la Shoah, on déterre des morts juifs " COLUM MCCANN. Ecrivain irlandais : " Le monde est en morceaux, mais nous devons l'aimer parce que nous n'en avons pas d'autre "