Argumentaire Le logement social pour la solidarité et la croissance Sommaire Quelle politique du logement pour demain ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 3 Le logement au cœur des enjeux des prochaines années . . . . . . . . . . . . . p. 4 Quels fondamentaux pour une politique du logement en temps de crise, et pour sortir de la crise ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5 Le logement social, meilleur outil des pouvoirs publics contre la crise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 7 Analyses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 11 Réorienter les interventions publiques dans le logement . . . . . . . . . . . . p. 12 Inscrire le logement dans une dynamique d’aménagement et de développement des territoires . . . . . . . . . . . . . . . . .p. 20 Une mission sociale élargie, des exigences nouvelles . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 25 Soutenir l’accession sociale sécurisée à la propriété . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 30 Poursuivre la rénovation urbaine, relancer la politique de la ville . . . . p. 33 Développement durable et maîtrise de l’énergie : un chantier bien engagé, une évaluation nécessaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 35 Qu’est-ce que le logement social ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 39 Une rencontre réussie entre le social et l’économique . . . . . . . . . . . . . . . . p. 40 Des organismes différents, répondant à une même mission d’intérêt général . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 41 Une mission sociale affirmée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 43 Un acteur économique de premier plan . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 44 Un modèle original de financement à l’efficacité prouvée . . . . . . . . . . . . p. 45 Le logement social en Europe, des approches différenciées, des réalités contrastées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 48 Le logement social pour la solidarité et la croissance 01 Mieux loger les Français, soutenir la croissance et l’emploi par Thierry Bert, Délégué général de L’Union sociale pour l’habitat e logement présente ce paradoxe d’être l’objet d’une activité législative et normative très intense, et d’être depuis des décennies un parent pauvre des politiques et du débat public, une sorte d’impensé aux plans économique, social et de l’aménagement du territoire. L C’est dans cet esprit que l’ensemble des partenaires de l’État, réunis en États Généraux du Logement depuis deux ans, a établi un diagnostic et formulé des propositions communes afin de rebâtir ces fondamentaux, et d’élaborer une politique ambitieuse et réaliste de l’habitat, inscrite dans la durée et la stabilité. Les textes se sont accumulés, les décisions politiques ont évolué, souvent au gré des injonctions des journaux télévisés, la concertation s’est appauvrie. Résultat : les professionnels du logement, dont l’action exige des investissements lourds et une vision à long terme, n’ont plus la capacité d’anticiper, pourtant indispensable. Mais le prochain Gouvernement devra prendre en compte l’urgence à agir face à la crise. Une action immédiate doit être conduite pour répondre aux besoins des populations précarisées, et pour soutenir l’activité et l’emploi. Une sorte de quadrature du cercle, car il ne faudra pas de ce fait aggraver les déficits publics. Un des grands défis de l’État pour les années à venir sera donc de rebâtir avec ses partenaires les fondamentaux d’une politique stable et équilibrée, reposant sur les trois piliers que sont le logement locatif social, le logement locatif privé et l’accession à la propriété. Il aura à jouer à la fois sur la régulation des marchés et sur l’intervention financière. Il devra améliorer la gouvernance nationale et locale des politiques de l’habitat. À cet égard, il aura à prendre en considération, avec une extrême attention, la diversité des territoires. Le meilleur levier possible au service d’un tel défi est le logement social : par son caractère d’intérêt général, il est d’emblée au service des choix de la collectivité ; par son modèle économique, il donne à chaque euro public investi un effet de levier sans commune mesure avec celui des autres secteurs. Et cela dans les deux domaines aujourd’hui cruciaux : celui de la solidarité avec les ménages à revenus modestes, les jeunes et les classes moyennes précarisées par la crise, et celui de la reprise d’une activité économique immédiatement porteuse d’emplois et de recettes pour les budgets publics. Enfin il n’obère pas les budgets à venir, puisque cet investissement de long terme repose sur un endettement porté par les organismes et remboursé par les loyers : investir dans le logement social ne creuse pas les déficits. Encore faut-il permettre que cet effet de levier fonctionne, ce qui suppose que les moyens publics soient maintenus à un niveau cohérent avec l’ampleur des besoins. Heureusement, les budgets publics recèlent des marges de manœuvre et de réorientation vers les investissements les plus efficaces. C’est pourquoi le monde Hlm rappelle à ceux qui aspirent à diriger le pays dans une période particulièrement difficile qu’ils doivent et qu’ils peuvent compter sur ce partenaire irremplaçable, non seulement pour aider les Français à mieux supporter la crise, mais aussi pour apporter à notre pays un supplément de croissance. Il est temps d’oser le logement social ! Le logement social pour la solidarité et la croissance 03 Quelle politique du logement pour demain ? Le logement au cœur des enjeux des prochaines années . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 4 Quels fondamentaux pour une politique du logement en temps de crise, et pour sortir de la crise ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5 Le logement social, meilleur outil des pouvoirs publics contre la crise . . . . . . . . . . . . p. 7 04 Le logement social pour la solidarité et la croissance Le logement au cœur des enjeux des prochaines années Au centre de la question du pouvoir d’achat, le logement représente près du quart de la dépense des ménages, beaucoup plus pour les ménages à revenus modestes – avec un accroissement important des inégalités dans la dernière décennie. La question du logement est essentielle au pacte républicain et au vivre-ensemble, c’est une composante de la crise urbaine et de la fracture territoriale porteuse de fracture nationale et générationnelle. Sa qualité et son adaptation aux besoins des ménages conditionnent largement les possibilités de développement et d’épanouissement personnel, familial et professionnel, la réussite scolaire des enfants, la prise d’autonomie des jeunes, mais aussi le maintien à domicile des personnes âgées ou en situation de handicap. Le logement conditionne plus que jamais la mobilité professionnelle et l’emploi, au point que des entreprises renoncent à se développer ou à s’implanter là où le logement manque, est trop cher, ou de mauvaise qualité. Une récente enquête réalisée par le CREDOC (1) à la demande du MEDEF confirme que le problème du logement dissuade les salariés ou les demandeurs d’emploi à être mobile : 500 000 emplois auraient ainsi été refusés en dix ans du fait d’un problème de logement. Il renvoie également à l’aménagement du territoire. La dérive des coûts fonciers, et l’absence de prise en considération du logement par les politiques d’aménagement du territoire ont engendré un étalement et une périurbanisation accompagnant le départ des ménages les plus modestes et des familles loin des centres, avec des conséquences sur la qualité de vie, la durée et le coût individuel et collectif des transports, le gaspillage des sols et des terres agricoles. Mais on voit aussi, fort heureusement, renaître des territoires dont le dynamisme démographique et/ou économique appelle une réponse logement adaptée. C’est un enjeu et un ressort essentiel du développement durable. Le secteur de l’habitat est identifié comme le plus porteur avec celui des transports pour la maîtrise de l’énergie, la lutte contre l’effet de serre, la prévention du gaspillage de l’eau ou le traitement des déchets. C’est aussi un secteur économique de tout premier plan: le logement représente 23% du PIB. D’une grande diversité, il fait appel à des activités telles que le bâtiment dans toutes ses composantes du gros œuvre à l’équipement et à l’entretien, mais aussi à toutes celles qui portent sur les services en réseaux associés au logement (fourniture de fluides, télécommunications…) et les très nombreuses activités liées à sa production, son financement, sa gestion. Sa bonne santé est essentielle à l’activité économique du pays, une activité de surcroît porteuse d’emplois non-délocalisables: un logement construit représente ainsi entre 1,5 et deux emplois, un logement qui fait l’objet d’une réhabilitation lourde représente jusqu’à un emploi. C’est aussi un creuset d’innovation et un soutien à la constitution de filières françaises performantes et exportatrices, qu’il s’agisse de PME innovant dans le champ du développement durable comme des majors du BTP. Un tel “poids lourd” pèse relativement peu sur les finances publiques. L’ensemble des dépenses de l’État en faveur du secteur représente environ 36 milliards d’euros, soit environ 1,8% du PIB et 3,2% du budget de l’État. Mais en recettes fiscales de toutes sortes, il rapporte autant à la collectivité. Pour toutes ces raisons, il faut cesser de regarder le logement comme une dépense improductive, et le considérer comme un investissement riche en emplois et, si les aides sont bien ciblées, en retours pour la collectivité, comme un investissement structurant et porteur d’avenir pour le pays, ses territoires et ses générations futures. Désendettement oblige, ceci n’exonère pas les pouvoirs publics d’une gestion avisée, ciblée et maîtrisée de son action financière dans ce domaine. Des marges de manœuvre existent, qu’il importe d’exploiter. (1) Note du CREDOC n° 240, juillet 2011 : Le coût du logement pèse sur la mobilité professionnelle. Le logement social pour la solidarité et la croissance 05 Quels fondamentaux pour une politique du logement en temps de crise, et pour sortir de la crise ? La situation de crise des finances publiques ne doit pas déboucher sur un repli de la politique du logement, sauf à redoubler les difficultés des Français en aggravant leurs conditions de vie, à freiner brutalement l’activité et à détruire de nombreux emplois. Il faut au contraire veiller à ce que ce secteur crucial pour l’activité joue au mieux son rôle d’amortisseur de crise. Mais face à l’impératif de désendettement, il est difficile d’augmenter globalement la dépense publique en faveur du logement. Or une partie de cette dépense – les aides à la personne – augmente de manière mécanique car l’accroissement du nombre d’ayants droit suit les pertes d’emploi et l’appauvrissement des ménages. Cela, malgré une sous-actualisation de ces aides pour 2012, aux dépens des personnes concernées. Limiter la dépense publique ne peut consister à cantonner les aides à la cible des ménages les plus défavorisés : de très larges catégories de la population sont touchées par les difficultés de logement et par la situation économique, et ne peuvent se loger dans les conditions du marché. En outre, l’État ne peut se décharger davantage sur les partenaires organismes de logement social, collectivités locales, partenaires sociaux. L’exercice a été trop largement mené ces dernières années pour ne pas risquer de bloquer le système. L’argent prélevé sur les organismes depuis 2011 manquera à la production, le 1 % a déjà été trop largement soustrait à son usage normal – loger les salariés – au risque de compromettre son avenir, et la substitution croissante ces dernières années des collectivités locales aux aides à la pierre de l’État se heurte aux contraintes des finances locales. Il convient donc de rendre plus efficace la dépense publique dans le cadre d’un budget national stable pour le Logement. Plusieurs pistes peuvent être tracées : • La maîtrise des coûts de production doit être considérée comme un impératif et passe par une remise en cause profonde de la logique actuelle de normalisation sans contrôle ni évaluation, par une recherche prioritaire d’efficience de la filière de construction et surtout par une nouvelle politique foncière. 06 Le logement social pour la solidarité et la croissance • Le foncier est en effet au centre du problème du coût du logement, et relève d’un véritable changement d’approche. Il ne s’agit plus de se poser la question du montant de fonds publics à apporter pour compenser l’augmentation indéfinie des coûts fonciers, mais de se demander à quel prix doit se situer le foncier pour être compatible avec les revenus des ménages à loger. Autrement dit, la collectivité ne doit plus favoriser la « rente foncière », mais prendre des mesures volontaristes pour lutter contre la rétention et l’inflation du prix des terrains. • La régulation des marchés, est indispensable pour disposer d’une gamme d’offre cohérente avec la capacité contributive des ménages, permettre les parcours résidentiels en évitant les écarts trop importants de prix entre types de logement, et éviter que les aides publiques n’alimentent l’inflation. • L’évaluation territorialisée des besoins doit s’inscrire dans une vision d’aménagement du territoire. Il ne saurait être question, ni « d’arroser » l’ensemble du territoire d’aides uniformes, ni de tomber dans l’excès inverse consistant à nier les besoins en matière de logement de pans entiers du territoire. • Toute aide publique doit être soumise à une exigence renforcée d’efficacité économique et sociale, en privilégiant les dépenses qui débouchent sur une augmentation effective de l’offre, compatible avec les revenus des ménages à loger, et bien localisés. Ceci conduit à supprimer toute aide qui constitue un simple effet d’aubaine, ou qui a un effet inflationniste, et à renforcer le ciblage des aides aux investissements en fonction des besoins locaux et des prix ou loyers de sortie. • Une telle politique suppose un soutien à la mobilisation de l’ensemble des acteurs, des efforts d’organisation et de productivité, la recherche de ressources alternatives ou complémentaires. Or, les changements perpétuels de règles du jeu désorganisent les acteurs, et les « coups d’accordéon » dans la gestion des effectifs des organismes et des entreprises de BTP diminuent la productivité. Il est donc impératif que l’effort de l’État s’inscrive dans un plan débattu avec les partenaires, bien ajusté aux besoins territoriaux, et portant sur une période minimale de cinq ans. Le logement social pour la solidarité et la croissance 07 Le logement social, meilleur outil des pouvoirs publics contre la crise Le secteur Hlm répond à la définition européenne du service d’intérêt général, puisque les organismes Hlm sont spécialement mandatés à cet effet, n’ont pas d’autre activité, sont étroitement réglementés et contrôlés, et que la compensation de leurs obligations de service public est strictement encadrée. Les immeubles restant soumis aux règles Hlm sans aucune limite de durée, ceci garantit le meilleur retour sur investissement. La collectivité s’est ainsi constituée au fil du temps un patrimoine de 4,5 millions de logements qui reste à sa disposition bien au-delà de l’amortissement des logements. Cet effet d’accumulation d’un « patrimoine commun de la Nation » offre à la collectivité un outil puissant au service de politiques qui évoluent en fonction des besoins : logement des salariés, des familles, des rapatriés, et aujourd’hui droit au logement ou accueil des ménages paupérisés. Sans le parc construit, réhabilité et conservé depuis plus d’un siècle, ces politiques seraient encore plus difficiles à conduire. De même, les logements dont la construction est lancée aujourd’hui bénéficieront aux générations futures et aux politiques sociales qui seront décidées, ce qui n’est pas possible avec le secteur privé conventionné, dont les engagements sont temporaires. Les organismes gérant dans la durée les immeubles qu’ils ont construits, sont particulièrement attentifs à la qualité et à la durabilité de leurs logements. Confrontés à la précarité économique des populations logées, ils ont très tôt été soucieux de la maîtrise des dépenses énergétiques – la performance de leur parc existant est 30 % meilleure que celles de l’ensemble du patrimoine résidentiel, et leur production neuve est au-delà des normes. Le logement social pèse relativement peu sur les finances publiques (2) car chaque euro accordé par les pouvoirs publics a un effet de levier très important : les aides de l’État sont complétées par celles des collectivités locales, par les fonds propres des organismes dégagés grâce aux loyers des immeubles amortis, par des apports du 1 %, et surtout par 70 à 75 % de prêts de la Caisse des Dépôts, prêts remboursés grâce aux loyers perçus. Non seulement le coût en aides directes ou fiscales de l’État s’en trouve limité, mais cela n’entraîne pas de dettes pour les budgets ultérieurs, car ce sont les organismes et non les contribuables qui remboursent les emprunts. Par ailleurs les décisions publiques en matière de construction ou de réhabilitation sont rigoureusement ciblées, tant pour la localisation que pour les populations concernées : la construction Hlm fait l’objet d’une programmation territoriale par l’État, en accord avec les délégataires (2) Moins de 12 milliards toutes aides confondues, sur un budget total de 36,3 milliards en 2011. 08 Le logement social pour la solidarité et la croissance des aides à la pierre, et chaque projet fait lui-même l’objet d’un agrément de la puissance publique qui conditionne, non seulement les aides publiques, mais également l’octroi du prêt de la CDC. La collectivité a donc à sa disposition un outil d’une très grande précision, sans comparaison avec les aides à l’investissement privé en locatif comme en accession qui, s’il permet de soutenir l’activité globale de construction, ne fait pas l’objet d’agréments et dépend de décisions individuelles. Le système Hlm est par ailleurs parfaitement sécurisé ce qui est précieux en cette période. En effet l’exemple de l’immobilier aux ÉtatsUnis ou en Espagne, mais aussi le krach immobilier français des années 90, soulignent l’importance d’un système sûr. Protégé par son financement spécifique, des règles prudentielles strictes et des prix encadrés qui assurent qu’il ne reste pas sans clients, il n’a jamais connu de faillite et constitue le placement le plus sûr pour tous les épargnants. Le système Livret A/prêts de la CDC a toujours garanti la disponibilité et la sécurité de l’épargne populaire : en plaçant leurs économies sur le Livret A, les Français se protègent du risque de perdre leurs fonds, tout en assurant le logement de leurs concitoyens et celui des générations futures. Ces caractéristiques lui confèrent un rôle contra-cyclique qui lui permet d’être pleinement opérationnel quand les autres acteurs sont en repli, faute de clientèle solvable pour leur offre, ou faute de crédits bancaires pour accompagner des projets qui semblent risqués aux établissements prêteurs. Face à la crise, le secteur Hlm peut donc remplir deux fonctions fondamentales : être un amortisseur de crise sociale pour les ménages précarisés, soutenir l’activité et l’emploi. Élément central de solidarité, il permet aux ménages modestes, pauvres ou défavorisés, mais aussi aux jeunes, aux salariés, aux familles, aux personnes âgées, de trouver ou garder un logement malgré les aléas économiques. Un logement convenable à un prix modéré atténue les conséquences sociales de la crise. C’est aussi le meilleur moyen d’aider les jeunes à s’insérer socialement et économiquement. Il maintient ou accroît l’activité et l’emploi lorsque les autres acteurs se retirent des territoires : il donne du travail au bâtiment à travers son activité de production ou de réhabilitation, permettant de créer ou de maintenir des emplois moyennement ou peu qualifiés, et non-délocalisables. On voit ainsi des zones en déprise pour lesquelles la rénovation urbaine ou la réhabilitation permettent le maintien d’activités et d’emplois, tout en apportant du mieux-être aux populations. Il favorise l’économie résidentielle, services à la personne ou de proximité, petit commerce. On le voit par exemple dans des territoires où les personnes âgées trouvent des conditions de logement adaptées pour un coût abordable, et contribuent au développement d’emplois, notamment pour les jeunes. Dans les quartiers en difficultés, mais aussi dans les petites villes qui perdent leurs services publics, le logement social reste présent et contribue au lien social et à la vie locale, quand les autres acteurs se retirent. Il accompagne l’implantation et le développement d’activités en aidant les salariés à se loger. C’est d’ailleurs sa vocation originelle d’accompagner l’activité économique et la création d’emplois, et c’est la raison d’être de la Participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) le fameux 1 %. En outre, le logement social dégage – grâce à ses prix ou loyers inférieurs à ceux du marché – un pouvoir d’achat pour les ménages à revenus modestes qui sera consommé, favorisant l’activité locale (3). (3) Des travaux à paraître prochainement, soutenus par la CDC et l’USH, et menés par le groupe DELPHIS et l’Institut d’urbanisme de Paris mesurent ces apports. Le logement social pour la solidarité et la croissance 09 Loin de constituer une dépense socialement nécessaire mais faisant concurrence à des investissements plus productifs, le logement social est un investissement structurant des territoires et un puissant ressort de l’activité et de l’emploi. Le logement social est ainsi un allié précieux pour tout gouvernement qui saura l’utiliser au service d’une ambitieuse stratégie de sortie de crise à travers la politique économique, sociale et de cohésion nationale. Encore faut-il lui permettre de jouer pleinement son rôle, en sachant s’appuyer sur lui, et en maintenant les moyens indispensables à l’effort de production, de rénovation urbaine et de réhabilitation. Or à l’heure actuelle, ces moyens sont gravement menacés : diminution drastique des aides à la pierre, prélèvement important sur les fonds propres des organismes, détournement du 1 % vers des usages sans rapport avec le logement des salariés, augmentation du taux de TVA, concurrence accrue pour les emplois du Livret A. Cette évolution doit être inversée pour retrouver le chemin de la solidarité et de la croissance. Une politique de développement du logement social est donc parfaitement compatible avec la maîtrise des finances publiques, dès lors que ce développement repose sur une meilleure orientation des aides en fonction de leur efficacité économique et sociale, et sur un effort important de maîtrise des coûts. Elle est même de nature à favoriser la relance de l’activité. Pour cela, même si des améliorations sont possibles, les fondamentaux du modèle économique et social du secteur doivent être reconnus et préservés. On peut les résumer ainsi : • le Livret A, qui apporte près des trois-quarts du financement des opérations, et limite en conséquence l’effort de la collectivité ; • des aides publiques, à l’investissement (aides fiscales ou subventions), et aux ménages (APL), dans un dosage équilibré ; • la capacité des organismes à injecter des fonds propres dans la production, grâce à la pérennité du patrimoine et au caractère non lucratif du secteur, ce qui suppose des acteurs spécifiques. Le logement social pour la solidarité et la croissance 11 Analyses Réorienter les interventions publiques dans le logement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 12 Inscrire le logement dans une dynamique d’aménagement et de développement des territoires . . . p. 20 Une mission sociale élargie, des exigences nouvelles . . . p. 25 Soutenir l’accession sociale sécurisée à la propriété . . . p. 30 Poursuivre la rénovation urbaine, relancer la politique de la ville . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 33 Développement durable et maîtrise de l’énergie : un chantier bien engagé, une évaluation nécessaire . . . p. 35 12 Le logement social pour la solidarité et la croissance Réorienter les interventions publiques dans le logement Face à la crise que traverse le pays, optimiser l’intervention publique signifie renforcer la réponse aux besoins en logements abordables partout où sont les besoins, soutenir la croissance et l’emploi, et cela sans aggraver les déficits publics. Cette équation complexe ne peut se résoudre qu’en choisissant parmi les dépenses celles qui ont la plus grande efficacité à la fois en termes de solidarité et en termes d’activité. Ceci exclut un simple report de charges entre acteurs, comme c’est le cas lorsqu’on transfère l’effort vers les collectivités locales ou qu’on « ponctionne » les bailleurs sociaux ou le 1 % pour alléger le déficit de l’État… De même la maîtrise de la dépense publique immédiate ne doit pas reposer sur un report de la dépense sur les années suivantes. Graphique 1 - Aides publiques selon le statut d’occupation (hors aides à la personne) Une politique volontariste du logement doit en conséquence trouver des marges de manœuvre dans une enveloppe budgétaire contrainte, afin de pouvoir développer l’investissement dans le logement abordable. Pour cela chaque euro public dépensé doit avoir un important effet de levier, et la gouvernance des politiques nationale et locales du logement doit être améliorée pour mieux mobiliser l’ensemble des acteurs. État des lieux : moins du tiers des aides bénéficient au logement social 100 % On entend souvent qualifier le logement social de « logement aidé » pour le distinguer des autres secteurs. Il s’agit là d’un abus de langage, car le secteur privé (locatif ou propriétaires occupants) recueille en réalité les deux tiers des aides apportées par l’État, pour un effort global de l’État d’environ 36 Md€. 90 % 80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 0% 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 10 % ■ Locatif social ■ Locatif privé ■ Propriétaires occupants (4) Prêts à taux modérés assis sur le Livret A. Montant des aides publiques hors aides à la personne (graphique 1) Pour les seules aides à l’investissement et à l’exploitation – subventions, aides fiscales ou aides de circuit (4) – le poids du locatif social a décru de près de 40 % du total au milieu des années 1990 à 20 % au début des années 2000 ; avec le plan de cohésion sociale et le PNRU, le social est remonté à 29 % des aides en 2009. Les propriétaires occupants sont les principaux bénéficiaires des différentes aides : Le logement social pour la solidarité et la croissance 13 prêts aidés ou aides fiscales pour l’investissement ou la maintenance des logements. Répartition des aides à la personne (graphique 2) On observe une baisse presque continue des aides à la personne aux propriétaires occupants (mesures d’économie, érosion des barèmes et baisse du volume des prêts avec APL) : 7 % des aides en fin de période. La part croissante du locatif privé – 55 % du total en fin de période – coïncide avec la généralisation des aides au début des années 1990 et la mise en place d’un barème d’aide unique en 2001. Le secteur locatif social représente 36 à 38 % de ces aides depuis une dizaine d’années. Montant total des aides publiques (graphique 3) Ces évolutions contrastées donnent, en 2009, une répartition en trois tiers des 36,3 Md€ d’aides publiques : • 11,9 Md€ pour le locatif social: 33% • 12,3 Md€ pour le locatif privé: 34% • 12,1 Md€ pour les propriétaires: 33%. Depuis le début des années 1980, la part du locatif social a fortement diminué, malgré une remontée en fin de période, du fait notamment des aides fiscales et de circuit liées à une augmentation de la production. Ce désengagement de l’État vis-à-vis du secteur Hlm comparé aux deux autres ne s’est pas encore traduit par une baisse de la production, grâce à un relais des autres aides (fonds propres et aide des collectivités) qui atteint ses limites, mais aussi au prix de tensions sur les loyers aux dépens des ménages à revenus modestes ou bas qui peinent à accéder aux logements récents. Il ne faut pas sousestimer non plus l’effet retard inhérent au secteur immobilier: la production ne peut que se ressentir à terme de la baisse des aides. Graphique 2 - Aides à la personne selon le secteur d’occupation 100 % 90 % 80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % Propriétaires occupants Locatif social 33 % 33 % 20 % 10 % 34 % Locatif privé 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 0% ■ Locatif social ■ Locatif privé ■ Propriétaires occupants 14 Le logement social pour la solidarité et la croissance Graphique 3 - Toutes aides publiques selon le statut d’occupation (hors hébergement) 100 % 90 % 80 % 70 % 60 % 50 % 40 % 30 % 20 % 10 % 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 0% ■ Locatif social ■ Locatif privé ■ Propriétaires occupants Le modèle du logement social repose sur un dispositif de financement des Hlm avantageux pour la collectivité, qui a également permis de limiter les effets du désengagement de l’État. Le modèle économique français du logement social repose en effet sur un triptyque original. • Des prêts assis sur le Livret A, remboursés par les organismes grâce aux loyers perçus, assurent l’essentiel du financement des opérations (70 à 75 %). L’avantage est de minimiser les subventions au profit des emprunts. Mais il tient aussi à ce que, à la différence, par exemple, d’un partenariat publicprivé (PPP), ce n’est pas la collectivité qui rembourse, mais l’organisme, et cela ne pèse ni sur les budgets publics, ni sur la dette. • Des aides complémentaires, fiscales et en subventions, venant de l’État, des collectivités locales, et des partenaires sociaux à travers Action logement (le « 1 % logement »). Et des aides à la personne, qui permettent aux locataires de faire face aux loyers d’équilibre des opérations. • Des organismes spécialisés et strictement réglementés à cette fin qui réinvestissent leurs résultats et gardent les logements sans limite de durée : les immeubles amortis financent la production nouvelle à travers les fonds propres apportés aux opérations. L’encadrement réglementaire des Hlm, leur système de garantie et leur dispositif d’autocontrôle assurent une sécurité maximale. Ce modèle trouve sa limite, avec des coûts de production croissants, et des subventions publiques en recul accompagnées d’une ponction de l’État sur les fonds propres. Ceci porte atteinte à la capacité de production – après des années de production record, un repli s’amorce – et, en faisant pression sur le loyer d’équilibre des opérations, rend l’offre moins accessible à des populations précarisées, tandis que les aides à la personne s’érodent. Avec des besoins qui augmentent, cela rend nécessaire et urgente la recherche de marges de manœuvre. Heureusement, celles-ci existent. Une part importante du budget de l’État, constituée d’aides à guichet ouverts n’est pas maîtrisée. Les aides à la personne sont tributaires de la situation économique et sociale et augmentent naturellement, leur augmentation étant cependant contenue par des restrictions dans la définition des ayants droit et dans les barèmes, aux dépens des ménages modestes. Les aides fiscales au secteur privé dépendent de choix d’opérateurs, qui répondent assez mal aux attentes de la collectivité (localisation et niveau de prix notamment) : l’explosion des aides fiscales qui en découle reporte de plus une charge importante sur les budgets futurs, et alimente l’inflation foncière (5). Les aides au secteur Hlm qui font l’objet d’une programmation et d’un agrément au coup par coup, optimisant à la fois la localisation et les contreparties sociales, sont au contraire parfaitement maîtrisées quant au coût budgétaire et au ciblage (6). Elles ont de plus un effet de levier en termes de loyer sans rapport avec celui du secteur privé, du fait du modèle économique déjà décrit. Une étude, réalisée en 2006 dans le cadre du Conseil national de l’habitat, avait montré qu’entre le Robien (à l’époque le Scellier n’existait pas) et le PLUS, l’effet sur la baisse de loyer d’un euro dépensé par l’État variait en faveur de l’efficacité du PLUS de 0,10 € à 3,70 € de baisse de loyer pour un euro public dépensé. On ne peut que regretter que cet exercice n’ait pas été réitéré. (5) Selon le récent rapport de l’Inspection générale des finances sur les niches fiscales, le ministère du Logement est celui qui a le plus de dépenses fiscales avec 12,5 Mds en 2010 (à comparer aux 450 millions d’aides à la pierre) et les dépenses fiscales qui croissent le plus vite. (6) Les aides de l’ANAH sont également attribuées sur dossier et en fonction de critères sociaux et/ou environnementaux. Le logement social pour la solidarité et la croissance 15 Réorienter les aides publiques en fonction de leur efficacité sociale et économique Dégager des marges de manœuvre à l’intérieur de l’enveloppe des 36 milliards actuels signifie donc diminuer les dépenses mal ciblées au plan territorial, ou au regard des revenus des ménages à loger, voire qui ont un effet inflationniste, pour renforcer celles qui permettent de produire, là où existent des besoins, une offre réellement abordable et d’une qualité environnementale contrôlée. Cela signifie privilégier le logement social, dont la relance répondrait à la fois à l’impératif de solidarité et à l’objectif de soutien à l’activité et à l’emploi, sans écarter toute autre forme d’aide (locatif privé, accession) si l’on renforce leurs contreparties sociales. Un tel projet doit s’inscrire dans une durée minimale de cinq ans, pour permettre une montée en puissance de la production, et viser à résorber en quelques années le déficit identifié par les experts de plus de 600 000 logements sociaux. Dans une note récente, l’OFCE (7) montre qu’une relance de la construction Hlm aurait, par rapport à d’autres actions sur le logement, des avantages en termes de localisation, de loyers, de croissance mais aussi en termes de coût pour la collectivité. Une réorientation des aides doit donc s’envisager sans tarder, mais une optimisation durable nécessite d’améliorer les outils de pilotage, par une meilleure connaissance des besoins diversifiés des territoires (voir chapitre suivant) mais également par une évolution du cadre de la Loi organique relative aux lois de Finances (LOLF). La LOLF devrait intégrer des indicateurs relatifs à la dépense des collectivités locales, et aux transferts sur d’autres partenaires (prélèvement sur le 1 % et les organismes). Elle devrait comporter une mesure des effets de levier de la dépense, en termes d’activité et de contreparties sociales ou environnementale. Elle devrait intégrer des indicateurs d’efficacité de la dépense fiscale, retracer les recettes fiscales apportées par le secteur, comme d’éventuels effets inflationnistes. Ceci permettrait de mieux orienter et proportionner les aides en fonction de leur efficacité sociale environnementale et économique, d’opérer un pilotage dans la durée en jouant sur la gamme des actions possibles en fonction de la situation sociale mais aussi économique, et de prendre en compte le caractère cyclique des marchés immobiliers. Maîtriser les dépenses en agissant sur les coûts de production Agir sur des coûts de production est aujourd’hui un impératif absolu : pour donner aux aides publiques leur efficacité maximale en évitant tout gaspillage et tout effet inflationniste, et pour proposer des prix de vente et des loyers plus bas pour les ménages. On le sait, la charge du logement s’est aggravée pour les ménages, mais a creusé aussi les inégalités : les catégories supérieures gardent des taux d’efforts modérés, les victimes étant ceux qui ne disposent pas d’un patrimoine, et ceux dont les revenus sont modestes ou bas. Cela est dû à l’érosion des revenus des catégories qui sont touchées par la précarité, et à la pénurie de logements compatibles avec leur revenu. Ceux qui veulent accéder à la propriété pour la première fois subissent la concurrence des ménages qui ont déjà un bien à revendre, et sont moins sensibles à l’effet prix. Sans compter que certaines aides (crédit d’impôt TEPA) ont favorisé les plus hauts (7) 05/10/2011 - S. Levasseur - OFCE (Centre de recherche en économie de Sciences-Po) - Cherté du logement : le logement social est-il la bonne solution ? 16 Le logement social pour la solidarité et la croissance revenus. En dix ans, les prix de vente ont augmenté de 135 % dans l’ancien et ceux du neuf de 96 %, à comparer avec une hausse générale des prix d’environ 20 %. L’usage de la réglementation à des fins de régulation des marchés est donc incontournable si l’on veut à la fois renforcer l’offre à des prix accessibles, et ménager les aides publiques en agissant sur les coûts et en évitant les effets inflationnistes. LE PREMIER DOMAINE OÙ DES MARGES DE PROGRÈS EXISTENT EST LE FONCIER tant la France est en retard sur son approche de la question. En effet, la collectivité, dont les efforts sont souvent à l’origine de la valorisation foncière (classement en zone constructible, création d’infrastructures de transports, d’équipements culturels. sportifs etc.) laisse aux propriétaires le bénéfice entier de la valeur créée, allant jusqu’à devoir « racheter » cette valeur à travers le prix lorsqu’elle acquiert le terrain ou subventionne la surcharge foncière pour produire des logements sociaux. Ce véritable « enrichissement sans cause » n’est pas indissolublement lié au droit de propriété, comme le montrent d’autres pays d’Europe (Pays-Bas, Allemagne par ex) qui gèrent mieux le foncier tout en respectant la propriété privée. Et la France elle-même n’a pas hésité à mener des réformes hardies, face à un impératif d’intérêt général, nourrir la population : remembrement rural, obligation d’exploitation des terres agricoles. L’impératif de loger les Français exige aujourd’hui un même volontarisme. Beaucoup d’outils de régulation existent, et ne demandent qu’à être utilisés, quitte à faire l’objet d’adaptations. Mais la culture de la production foncière s’est effritée et beaucoup d’acteurs publics et privés ne sont plus formés à leur usage. Cela rend indispensable l’intervention d’opérateurs puissants d’intérêt général, tels que les Établissements publics fonciers, qui regroupent les compétences nécessaires, et dont la généralisation serait utile. Mais cela ne doit pas empêcher les collectivités territoriales ni les organismes de logement social de s’impliquer davantage. Les ZAD avec un prix des terrains gelés permettent à la collectivité d’anticiper un risque d’inflation des prix et d’acheter à un prix modéré. Les opérations d’aménagement et les projets urbains partenariaux (PUP), permettent de mieux employer le foncier. La fiscalité est un outil intéressant, mais il faut savoir ce que l’on vise : modérer les prix et dissuader la rétention, ou simplement mieux partager la plusvalue entre le propriétaire et la collectivité. Le second objectif n’est pas illégitime, mais ne permet pas d’enrayer l’inflation. La fiscalité doit en toute hypothèse évoluer avec une révision des valeurs locatives, et avec une imposition des plus-values incitant à mettre ou remettre sur le marché des biens immobiliers, alors qu’elle incite aujourd’hui au contraire à la rétention. Elle peut aussi favoriser le logement social, comme c’est le cas pour l’exonération des plus-values de cession pour le logement social, qui était totale pour les personnes physiques, et partielle pour les entreprises. Ce dispositif était d’un coût modeste, et a permis des baisses de prix significatives, car n’étant ouvert que pour deux ans, il incitait les vendeurs à négocier le prix pour en bénéficier. Il est souhaitable de le remettre en œuvre pour une nouvelle période de deux ans. Un équivalent urbain de l’obligation d’exploiter les terrains agricoles peut aussi se faire par la fiscalité. La taxe sur le foncier non bâti pourrait être considérablement renforcée dans les périmètres où un besoin de construire est identifié. Après un délai pour que le propriétaire puisse construire ou céder le terrain, elle pénaliserait la rétention dans ces zones, pouvant aller jusqu’au niveau de la TFPB sur la valeur du bâti que le COS permet de construire. Les PLU offrent deux dispositifs intéressants : les secteurs de mixité sociale, qui imposent dans un périmètre un quota défini par type de logement (locatif social, accession sociale), et les emplacements réservés au logement social. L’avantage de ces dispositifs outre leur effet sur la mixité, est d’imposer aux opérateurs un rétro-calcul limitant la part du foncier à un niveau compatible avec les prix de sortie. Il pourrait être prévu que la collectivité locale délibère, non plus pour décider de tels secteurs, mais pour décider de ne pas en faire. Et la loi pourrait prévoir que toutes les communes de la loi SRU établissent sur leur territoire de tels dispositifs à un niveau conforme à leurs objectifs de production de logement social. La loi SRU s’est en effet révélée un puissant outil de mobilisation des collectivités, et d’incitation à l’action foncière. Il s’agit désormais de garantir son application complète, si nécessaire en renforçant les sanctions, et notamment le pouvoir de substitution des préfets en matière de droit de préemption urbain, ou en prévoyant l’accueil de ménages à bas revenus dans le secteur privé. Il est aussi souhaitable de l’adapter à l’évolution des besoins : pondération en faveur des PLAI ou PLUS plutôt que des PLS, augmentation du taux dans les zones tendues, extension à de nouveaux territoires où l’on observe une croissance démographique soutenue. Les politiques de l’habitat devant s’envisager au niveau du bassin de vie, et la compétence habitat étant au niveau intercommunal, il est aussi souhaitable que le PLU soit élaboré à ce niveau, ou, à défaut que le PLU soit conforme au PLH, et non plus seulement compatible. Le logement social pour la solidarité et la croissance 17 On doit aussi chercher un progrès dans un renouveau de l’aménagement, notamment mais pas seulement les ZAC, et le secteur Hlm peut utiliser de nouveaux outils tels que les PUP (projets urbains partenariaux), ou d’autres qui pourraient être mis en œuvre (PUP renforcés, Secteurs de projet, SCI de construction réunissant des organismes Hlm et des opérateurs privés). La VEFA est une solution de complément intéressante, dans les situations où les organismes ne peuvent accéder directement au foncier. Elle a également permis dans le cadre du plan de relance, de maintenir l’activité et l’emploi dans le bâtiment, grâce au rachat par les organismes Hlm d’opérations auxquelles les promoteurs renonçaient au moment de la crise des subprimes. Mais elle ne doit pas être un prétexte pour écarter les Hlm du foncier au motif que la VEFA serait possible. Enfin le foncier public doit être davantage mis à la disposition de l’offre de logements sociaux. Aujourd’hui, l’immobilier de l’État est géré et arbitré sous l’égide du Ministère des finances. On peut comprendre le souci de dégager des recettes les plus élevées possibles pour désendetter l’État, mais où est l’intérêt de dégager ces recettes si de l’autre côté on doit apporter plus de subventions pour la surcharge foncière ? Il serait souhaitable que les choix s’opèrent en prenant en compte les deux enjeux, ce qui plaide pour une décision mieux concertée, avec consultation des acteurs de l’habitat. FREINER L’INFLATION NORMATIVE Les normes de construction sont nécessaires et utiles pour garantir la sécurité et la qualité des logements, ainsi que leur adaptation aux besoins et aux attentes des ménages. Mais la machine normative s’est emballée, les normes techniques sont largement initiées et écrites par les industriels qui en viennent à définir les besoins, le contrôle politique fait défaut, quand il n’aggrave pas le phénomène dans une surenchère émotionnelle (un accident = une nouvelle norme). Le problème vient moins de chaque norme prise séparément, que de leur mise en cohérence. Ainsi de la compatibilité des normes thermiques et des normes antiincendie (problème des balcons rapportés, de l’habillage bois) ou celle les normes handicap, croisées avec les normes thermiques et d’étanchéité (balcons, portesfenêtres, siphons de douche) : la compatibilité ne se résout qu’au prix de surcoûts élevés. L’ensemble des surcoûts dus aux législations récentes, et notamment handicap et réglementation thermique, peut atteindre 20 %, et aboutit à un effet d’éviction par le prix. Sans compter des incompatibilités en termes de qualité d’usage. Ainsi ces mêmes normes handicap imposent une largeur de couloir, des portes, une taille des WC, etc., au détriment des pièces à vivre, notamment des chambres qui ne peuvent accueillir un deuxième enfant. Il paraît urgent de revisiter l’empilement des normes et de réfléchir, non seulement avec les techniciens du bâtiment, mais avec les maîtres d’ouvrage, les représentants des usagers et des élus, afin de chercher le meilleur équilibre possible entre les exigences normatives, les véritables besoins des usagers, et bien entendu les aspects économiques. On doit aussi, comme le font d’autres pays (Canada, Belgique) rechercher des compromis entre normes 18 Le logement social pour la solidarité et la croissance techniques et gestion de proximité. Ainsi pourrait-on, par exemple, déroger aux 100 % des logements accessibles aux personnes en fauteuil roulant, mais mieux assurer par la gestion la disponibilité des logements accessibles aux demandeurs handicapés. PESER SUR LES COÛTS DE CONSTRUCTION Au-delà des normes, ils intègrent l’augmentation du prix des matières premières en lien avec la demande des pays émergents. Mais l’efficience de la filière de production peut être améliorée, qu’il s’agisse des grandes entreprises ou des PME, des entreprises générales ou spécialisées. Les Entreprises générales du bâtiment affirment ainsi qu’une baisse de 20 % des coûts de production est possible (maîtrise du foncier compris). Le secteur Hlm peut être un puissant levier d’une stratégie volontariste de baisse des coûts, une véritable « locomotive de progrès ». Il est dès à présent un levier essentiel pour la constitution de filières performantes dans le domaine du développement durable (bois, photovoltaïque…). Il a participé au programme CQFD et développe, à partir des résultats, des formules de systèmes constructifs et d’industrialisation ou semiindustrialisation. À partir de l’expérience menée dans le cadre d’opérations pilotes, il souhaite développer la conceptionréalisation, ce qui suppose que le système soit pérennisé au-delà du terme prévu à la fin de 2013. L’utilisation des accords-cadres entre maître d’ouvrage, maître d’œuvre et entreprises est une voie importante, qui nécessite cependant un apprentissage des acteurs et ne peut être généralisée immédiatement. Une fidélisation des PME locales peut permettre de renforcer leur efficacité en ayant plus de visibilité sur leur carnet de commande futur. Mais cela passe également par la visibilité de la maîtrise d’ouvrage et exige donc, une fois de plus, une programmation publique sur 5 ans. Enfin les architectes peuvent jouer un rôle important, en intégrant un objectif économique en amont. Nombre d’entre eux savent déjà le faire, mais ce devrait être un thème plus central de leur formation initiale. LE COÛT DU LOGEMENT POUR LES MÉNAGES Il peut être mieux maîtrisé par les moyens évoqués plus haut, mais il est nécessaire d’agir aussi sur les loyers du parc existant. Dans le parc social existant, la question des taux d’efforts se pose essentiellement pour les ménages à faibles ressources, car le patrimoine n’offre pas suffisamment de très bas loyers pour répondre à cette demande croissante, et qu’en outre ces bas loyers se trouvent davantage dans un patrimoine obsolète ou des quartiers déjà paupérisés. Mais il n’y a pas lieu d’agir sur tous les loyers Hlm, car pour les représentants des classes moyennes le taux d’effort est normal, et les surloyers corrigent l’avantage de ceux, peu nombreux, qui dépassent les plafonds de ressources. Certains envisagent de régler le problème des bas revenus par des loyers indexés sur les ressources. Mais c’est le rôle des aides à la personne d’assurer cette meilleure adéquation, sauf à substituer, à la solidarité nationale, une solidarité entre locataires à revenus modestes. Les expériences étrangères montrent d’ailleurs les effets pervers, notamment sur l’entretien du patrimoine, des systèmes de loyers fonction du revenu: à territoire pauvre, insuffisance des recettes d’exploitation, ou appel aux subventions de fonctionnement… Mais il faut néanmoins agir au niveau des loyers qui dépassent les plafonds des aides à la personne, et qui sont souvent des PLA ou des PLUS récents. L’affectation privilégiée du produit des surloyers sur une partie des logements pour les ramener à un loyer compatible avec le plafond des aides à la personne peut avoir un effet analogue à celui d’une aide à la pierre. Cette diminution pourrait être effectuée pour une période de 10 ans (durée moyenne de séjour en Hlm) pour éviter de maintenir sans limite un avantage à des ménages dont la situation s’améliore. Une telle action est déjà pratiquée par certains organismes. Pour les organismes dont la clientèle est très largement constituée de ménages à faibles revenus et n’ont guère de surloyers, un allongement de la durée du prêt permettrait de telles baisses. Le Mouvement Hlm doit aussi répondre aux autres ménages qui ne peuvent se loger dans les conditions du marché, et offrir des parcours résidentiels à ses locataires, en accession ou en locatif intermédiaire. Il faut pour cela envisager une intervention plus importante des Hlm dans le secteur intermédiaire, là où celui-ci manque au point de pénaliser les classes moyennes, les salariés et les familles à revenus moyens, de plus en plus rejetées hors des centresvilles. Une intervention renforcée dans le secteur intermédiaire pourrait bénéficier de prêts du Livret A (si nécessaire en relevant les plafonds de ce livret, voire en remontant le taux de centralisation). Les PLI sont difficiles à équilibrer en zones très tendues – c’est-à-dire là où ils ont leur place – et ils nécessitent des moyens complémentaires, par exemple sous forme de foncier, ou de 1%. Cet appui supplémentaire trouverait sa contrepartie en Hlm par le contrôle de la collectivité sur les plafonds de ressources et de loyers, et par une politique d’attribution privilégiant l’accueil des salariés qui «font fonctionner la ville» (salariés des entreprises de services urbains, autres salariés, infirmières, enseignants, chercheurs, artistes…) et la sortie par le haut des ménages logés en Hlm et dont la situation s’améliore. Le logement social pour la solidarité et la croissance 19 Améliorer la gouvernance pour soutenir la mobilisation des acteurs Les États Généraux du Logement, qui réunissent 33 organisations représentant les différents acteurs de l’habitat ont démontré au niveau national et territorial que la volonté commune des acteurs permet de dégager des propositions sur les enjeux fondamentaux, et d’améliorer la réponse aux besoins par une meilleure chaîne d’acteurs Il y a un consensus des acteurs de l’habitat sur la responsabilité essentielle de l’État, garant des grands équilibres et de la solidarité nationale, et qui doit retrouver son rôle de stratège : il doit notamment se réapproprier les enjeux du long et très long terme, et relancer une politique d’aménagement du territoire dans laquelle le logement serait traité comme un investissement structurant. Ces acteurs convergent également sur la nécessité de reconnaître le rôle des collectivités locales dans la mise en œuvre des politiques de l’habitat en tenant compte de la diversité des besoins locaux. Ces collectivités doivent pouvoir s’organiser autour d’un chef de file disposant des moyens nécessaires. L’intercommunalité semble le meilleur niveau, en cohérence avec les bassins de vie, mais le rôle du département peut s’imposer, en zone rurale ou comme niveau de mise en cohérence : il n’y a pas lieu d’imposer une solution unique pour des territoires différents. Le dialogue État-Collectivité doit pouvoir s’exprimer dans une nouvelle approche des zonages, qui ne répondent plus à la diversification des besoins et nécessitent des approches plus fines. Des marges d’adaptation autour de valeurs pivots devraient pouvoir être dégagées de façon concertée entre l’État local, les collectivités et les opérateurs. Ceci passe naturellement par une meilleure connaissance des marchés locaux et des besoins réels, et par la constitution d’outils d’évaluation des effets locaux des politiques du logement. C’est l’un des enjeux, mais aussi un bon moyen de développer la coopération des différents acteurs locaux qui détiennent souvent des informations, mais celles-ci sont insuffisamment partagées. Ce n’est pas un hasard si les États Généraux en Région, et si le Réseau des acteurs de l’habitat mettent souvent l’accent sur les moyens de connaissance à développer en commun. C’est une condition d’efficacité de l’action, mais aussi l’occasion d’un dialogue et d’une acculturation commune d’acteurs venant d’horizons différents, ayant des intérêts parfois concurrents, mais dont la convergence des pratiques est nécessaire. L’enjeu de la connaissance n’est pas une question simplement technique, mais un objectif politique. Les services fiscaux qui sont des sources incontestables d’information doivent y contribuer. En coopération avec les pouvoirs publics – collectivités et État local – les organismes de logement social peuvent apporter leurs connaissances en amont des politiques de l’habitat et leurs compétences à leur mise en œuvre. Ils peuvent coopérer entre eux et avec les acteurs privés pour favoriser un fonctionnement plus équilibré des marchés, développer les opérations mixtes. La coopération des acteurs doit aussi prendre en compte le rôle du monde associatif, et bien entendu celui des habitants eux-mêmes : on ne peut envisager l’avenir des politiques locales de l’habitat sans associer les citoyens. Mais au-delà du niveau local, la nécessité d’un niveau de cohérence plus large se fait sentir. Le niveau régional paraît pertinent pour croiser les objectifs locaux avec les enjeux économiques, de transports, de développement durable, et des politiques en faveur des jeunes. À ce niveau l’État est représenté, des instances de concertation ou de réflexion existent : CRH, CESER, et le monde Hlm est organisé en Associations régionales. On doit donc envisager qu’à ce niveau puisse être abordée la question des liens activité-emploi-logement autour du rôle d’Action-logement, la mutualisation de certains moyens – entre Hlm par exemple –, etc. Les États Généraux du Logement en Région ainsi que les réseaux régionaux des acteurs de l’habitat sont un bon point d’appui pour développer de telles stratégies concertées. Au niveau local comme au niveau régional, les acteurs publics et privés doivent pouvoir innover et adapter les dispositifs aux besoins : en matière de zonage comme on l’a vu mais aussi de priorités d’accès, de mobilité, ou en matière de contreparties sociales aux aides au secteur privé et à l’accession. Cette politique doit reposer sur une plus grande confiance dans les responsables politiques locaux et dans les acteurs de l’habitat, avec un développement de la contractualisation et du contrôle a posteriori. Ce qui suppose une réforme parallèle de l’État local, qui doit disposer des marges de manœuvre pour négocier, et des compétences stratégiques nécessaires. Les prérogatives ainsi confiées aux responsables politiques locaux doivent être exercées au bénéfice du meilleur logement de nos concitoyens, dans le respect des lois de solidarité, en particulier en direction des plus fragiles et de ceux qui mobiles, peuvent être mal prises en compte : l’État doit exercer réellement son contrôle de légalité, et pouvoir « reprendre les rênes » aux collectivités gravement défaillantes. 20 Le logement social pour la solidarité et la croissance Inscrire le logement dans une dynamique d’aménagement et de développement des territoires Les territoires se transforment et se différencient sous l’effet combiné des dynamiques démographiques, des mutations du système productif, des transformations sociétales et des nouveaux modes de vie : des besoins en logements et en logements sociaux sont constatés partout. Or, la programmation du logement social est aujourd’hui inscrite dans un zonage territorial, élaboré pour l’investissement locatif privé, qui ne rend pas compte de cette diversité et s’avère inadapté à la conduite d’une politique publique qui nécessite une vision de moyen et long terme. La Bourgogne : des besoins de nature très différente selon les territoires bourguignons Les besoins en logements sociaux varient très largement selon les territoires bourguignons, parfois jugés trop hâtivement homogènes dans leur ruralité et leur évolution démographique. L’avenir du logement social est certes conditionné par le devenir des villes qui ont accompagné l’histoire industrielle de la région et qui constituent aujourd’hui autant de sites d’implantation des logements ouvriers, en location ou en accession : depuis la fin du XXe siècle, cet essor ouvrier qui avait porté, tant la dynamique démographique des territoires que le développement des villes dans des espaces ruraux densément peuplés s’est tari au rythme de la désindustrialisation et de l’exode rural. Aujourd’hui, la diversité des besoins en logements des territoires bourguignons est réelle. Certains territoires urbains désindustrialisés, ou ruraux en déclin démographique, doivent intégrer une logique de décroissance de leur patrimoine locatif social parfois conjointement avec le développement d’une accession sociale à la propriété. Tous sont percutés par les évolutions sociétales, vieillissement, éclatement des familles, diffusion de l’automobile et de la propriété, et ont engagé une requalification patrimoniale intense, associant démolition-reconstruction, réhabilitation et lutte contre la précarité énergétique. Mais ce pari ne pourra être tenu sans un projet fort de développement porté par les collectivités et la Région. Les grandes aires urbaines de la Région ont quant à elles à répondre aux besoins nouveaux des ménages et à l’arrivée d’habitants à petits revenus. Des situations territoriales hétérogènes L’Ile-de-France et Paris ; les capitales régionales et les grands pôles urbains dans lesquels le logement social permet de disposer d’une offre pour l’ensemble des catégories qui ne peuvent se loger sur le marché, mais, dont une part présente des vulnérabilités urbaines et sociales manifestes. Les territoires dynamiques dans lesquels le logement social est historiquement peu présent : les territoires du littoral qui connaissent de fortes mutations, conséquences de leur attractivité et de la transformation de leur économie (transformation de l’activité portuaire, économie de flux, développement touristique…), des zones rurales qui connaissent un développement économique et/ou démographique rapide, des villes moyennes ou petites connaissant un renouveau économique, certaines zones frontalières. Des territoires frappés par des mutations économiques et sociales fortes : les anciens grands bassins industriels, des villes moyennes qui ont connu une histoire marquée par Le logement social pour la solidarité et la croissance 21 la mono-industrie ; des petites villes et des espaces à dominante rurale affectés par les aléas de la politique agricole commune ; des espaces frontaliers affectés par la disparition des frontières dans le cadre de l’espace Schengen, dans lesquels l’offre locative sociale doit être renouvelée et adaptée. Les régions et les collectivités d’Outre-mer enfin qui cumulent des handicaps structurels liés à l’insularité et l’éloignement, un contexte économique et social difficile, des enjeux d’aménagement structurants, la persistance de l’habitat insalubre et des risques naturels récurrents. Ces différences de dynamiques territoriales entretiennent des dynamiques de besoins très différentes. Des besoins en logement partout mais des besoins différenciés y compris à l’intérieur d’un même territoire Besoins liés à l’accroissement du nombre de ménages par croissance démographique, estimés à 170 000 à 180 000 logements par an (8). Mais également, et tout autant, besoins liés à la baisse de la taille des ménages, en l’absence même de croissance démographique, ce qui signifie qu’un territoire en stagnation démographique a également des besoins liés à la croissance du nombre de ménages : là aussi, environ 180 000 logements par an. Besoins liés à l’évolution de l’offre existante au travers des changements d’usage (transformation de logements en locaux d’activité), des démolitions, de la transformation de résidences principales en résidences secondaires dans les secteurs touristiques : environ 75 000 logements annuellement, dont 50 000 pour compenser la démolition hors ANRU. Nord-Pas-de-Calais : des besoins soutenus portés par le renouvellement de l’offre et la diminution de la taille des ménages La région Nord-Pas-de-Calais compte plus de 4 millions d’habitants, avec une évolution annuelle moyenne de 0,1 % par an, portée très largement par le solde naturel, avec un solde migratoire particulièrement défavorable chez les 25-29 ans. Si la taille moyenne des ménages demeure plus importante que celle constatée sur le reste de la France, elle a fortement diminué entre 1999 et 2008 (-0,84 % par an), contribuant largement aux besoins en logements. Entre 2008 et 2020, il est envisagé une croissance du nombre de ménages (et donc de résidences principales) de l’ordre de 1,1 % par an, faisant passer les ménages de 1,6 million à près de 1,8 million. Ainsi, malgré un faible dynamisme démographique, les besoins en logements sont globalement importants sur la Région. Par ailleurs, parmi les 23 % de logements sociaux que compte la Région, la vacance est faible et majoritairement portée par la vacance technique, imputable aux nombreux projets de renouvellement urbain de la Région, constituant également un facteur important de besoins en logements. Mais ce portrait recouvre des réalités très hétérogènes. En effet, sur les 15 zones d’emplois que compte la Région, la part de logements sociaux varie, en 2008, de 8,7 % à 45 %. Par ailleurs, d’un point de vue de dynamique, les besoins en logements et en particulier en logements sociaux identifiés, sont très variables. Ainsi, sur l’ensemble de la Région, afin de répondre aux besoins, le taux de logements sociaux pourrait aller d’un niveau inchangé pour certains territoires qui accueillent d’ores et déjà un nombre important de logements sociaux (ce qui nécessite cependant de produire en locatif social) à une hausse de 3 points de la part de logements sociaux d’ici 2020 pour d’autres territoires dont la fonction résidentielle a tendance à s’accentuer. Mais les besoins sont également des besoins qualitatifs : en termes de prix qui constitue de plus en plus une dimension essentielle de la réponse aux besoins de nos concitoyens, de confort, de localisation, de taille de logement, de performance énergétique, etc. Ces besoins ne peuvent être satisfaits par la seule croissance du nombre de logements mais nécessitent une action sur l’ensemble de l’offre existante, publique et privée. Il convient enfin de prendre en considération les besoins liés aux politiques de développement territorial, qui entendent faire de l’habitat un outil pour l’aménagement durable du territoire, et ne pas abandonner les secteurs déprimés socialement et économiquement ; renouveler l’offre, y compris dans les marchés non tendus, afin de revaloriser un centre-ville, un centrebourg, de lutter contre l’habitat (8) Estimations présentées par Guy Taieb, économiste, dans le dossier « Territoires et besoins en logement » de la revue Habitat et société, juin 2011. indigne et plus largement le « mal logement » ; créer une offre locative dans les marchés où elle est peu présente ou proposer une offre d’accession sociale à la propriété là où les ménages modestes, et notamment les jeunes ménages ne peuvent plus accéder à la propriété ; lutter contre la ségrégation territoriale en diversifiant l’offre dans les quartiers sensibles et en reconstituant une offre mixte dans le centre-ville… 22 Le logement social pour la solidarité et la croissance Des réponses différentes à apporter en matière de logement, notamment social parc existant, de ses besoins en réhabilitation ou en renouvellement doit constituer une dimension fondamentale des politiques publiques du logement. Environ 26 millions de nos concitoyens n’ont pas accès au logement social sur leurs territoires, alors même que globalement, depuis 10 ans, la part relative du logement social dans les résidences principales régresse ou au mieux s’érode légèrement, selon les sources. Les pistes d’action souhaitables En effet, 90 % des logements sociaux sont concentrés dans un peu plus de 2 000 communes, regroupant 60 % de la population. L’action du Mouvement Hlm et des politiques publiques volontaristes sont donc nécessaires si l’on veut infléchir la tendance et répondre véritablement à l’ensemble des besoins. Ceux-ci appellent la production de nouveaux logements sociaux, en locatif et en accession, avec des objectifs quantitatifs et qualitatifs, notamment en termes de prix. Mais la production neuve représentant dans le meilleur des cas 1 % de l’offre existante, et 80 % des logements de 2030 étant déjà construits, la prise en compte du Développer un volume de production de logements sociaux suffisant pour faire face aux nouveaux besoins tant en locatif qu’en accession sociale à la propriété, mais également renouveler et adapter l’offre sociale existante, dans le cadre des politiques territoriales de l’habitat élaborées sous la responsabilité des collectivités territoriales et en collaboration avec les services de l’État. Permettre aux acteurs des territoires d’adapter les règles nationales, notamment en matière de zonages, qu’il s’agisse du zonage régissant les paramètres du logement social (plafonds de prix ou de loyers, plafonds de ressources…) ou servant à la territorialisation des politiques de l’État en matière de construction neuve (type zonage Scellier) de manière concertée entre l’État local, Midi-Pyrénées : des besoins en logements sociaux variables selon les territoires mais importants dans une région attractive La région Midi-Pyrénées fait partie des régions ayant connu les plus forts taux de construction neuve en France dans la dernière décennie, en particulier en HauteGaronne. Mais les huit départements qui la composent sont très diversement engagés dans cette dynamique résidentielle, alors que le parc social reste globalement peu présent (moins de 9 % des résidences principales). L’explosion démographique de l’aire urbaine toulousaine nécessite une production soutenue de logements, notamment sociaux pour répondre aux besoins des nouveaux ménages. Mais cela ne saurait masquer les dynamiques qui animent les autres territoires Midi-Pyrénéens. Une forte attractivité, certes plus mesurée que celle de Toulouse, caractérise plusieurs autres territoires. Parfois, il s’agit du renforcement d’une dynamique touristique accompagnée ou pas d’un profil démographique vieillissant. Parfois, l’attraction s’exerce aussi auprès de familles qui s’éloignent de l’aire toulousaine pour augmenter leur pouvoir d’achat logement. Ailleurs, la recomposition de la fonction économique de territoires ruraux ou monoindustriels appelle une réponse spécifique à même d’éviter au parc social existant de se déqualifier. Pour d’autres villes enfin, les enjeux sont de consolider une armature urbaine secondaire, animée par leur pôle d’équilibre, grâce à un renforcement de l’attractivité du parc social. les collectivités et les organismes Hlm au sein de leurs Associations régionales. Améliorer la connaissance des besoins en logement dans et par les territoires. L’État rencontre des difficultés grandissantes à territorialiser la politique du logement. Cela nécessite une rupture dans la logique qui a prévalu jusqu’à présent, pour ancrer territorialement l’approche des besoins en logement, afin de produire une connaissance pouvant bénéficier tant aux politiques locales que nationales. Ce qui implique que les acteurs des politiques publiques (État, collectivités territoriales, organismes Hlm au sein de leurs associations régionales) développent une connaissance partagée des besoins. Tenir compte de l’interdépendance des différents segments du marché. Cette connaissance ne doit pas être cloisonnée mais elle doit permette d’inscrire résolument la réflexion sur les besoins en logement sociaux dans celle sur les besoins en général. Cette réflexion sur les besoins doit également reposer sur une observation de l’offre existante, trop souvent négligée, de ses caractéristiques, de son évolution et de ses capacités d’adaptation. Enfin, l’évaluation territorialisée des besoins doit être inscrite dans une approche prospective des dynamiques des territoires. Le logement social pour la solidarité et la croissance 23 L’Ile-de-France et l’Outre-Mer : deux situations d’exception qui appellent des réponses spécifiques LA RÉGION ILE-DE-FRANCE présente des caractéristiques bien spécifiques. Sur moins de 3 % du territoire national, elle loge près 19 % de la population française (soit environ 12 millions d’habitants) pour seulement 10 % de la construction totale de logements. Elle représente près de 30 % du PIB national et 22 % des revenus des ménages, mais en dépit d’un secteur social important (plus de 1 200 000 logements locatifs sociaux, 140 organismes Hlm, 24 000 salariés et 4 milliards d’euros d’investissements en production de logements sociaux), elle recense près de 400 000 demandeurs de logement social et 65 % de la demande nationale DALO. Ces particularités sont le fruit de l’histoire politique et administrative française, ainsi que de du statut de région capitale. Une forte attractivité, un contexte institutionnel très morcelé et en évolution, des compétences éclatées en matière d’urbanisme et d’habitat, une gouvernance politique et de grands projets encore en devenir (Paris métropole, Grand Paris (9)), en font, pour ce qui concerne notamment la politique du logement, le prototype même d’un territoire tendu. Phénomène aggravé par la répartition inégale du parc Hlm sur l’espace régional avec des concentrations fortes sur des territoires très spécialisés, un foncier insuffisamment mobilisé et des besoins en rénovation urbaine très importants. Malgré ces handicaps, l’activité de production de logements sociaux est en augmentation significative depuis plusieurs années. Les organismes Hlm franciliens ont lancé entre 2005 et 2010 près de 106 000 logements sociaux et restent très mobilisés pour contribuer à l’essor économique et social de la région. Ils concourent ainsi non seulement au quart de la production nationale de logements sociaux mais aussi, bon an mal an, à 30 ou 40 % de la construction neuve totale en Ile-de-France. Au-delà de ces chiffres et de réalisations remarquables, en relation avec les collectivités locales et l’ANRU, en matière de renouvellement urbain, de désenclavement de nombreux quartiers populaires, voire aussi de recherche architecturale novatrice, les organismes Hlm sont fortement confrontés à un délitement du tissu social particulièrement sensible, à la persistance de « ghettos » urbains et au creusement d’inégalités entre villes et à l’intérieur même de nombre d’entre elles. Leurs efforts les conduisent donc à la recherche permanente d’innovations en matière urbaine et sociale, au développement d’une offre très diversifiée de logements permettant de répondre au plus près tant à l’accroissement de la demande en provenance de personnes de plus en plus paupérisées mais aussi d’une classe moyenne qui peine chaque jour davantage à se loger aux conditions du marché immobilier et qui est contrainte de s’éloigner de plus en plus des cœurs des villes, renforçant ainsi l’encombrement des systèmes de transports avec ce que cela comporte d’atteintes à l’environnement naturel et spatial. (9) Le « Grand Paris » dépasse de loin la simple problématique des réseaux de transports. Il concerne la géographie urbaine, sociale et économique du bassin parisien au sens extensif du terme. Visant à susciter un développement économique et urbain structuré défini et réalisé conjointement par l’État et les collectivités territoriales, il prévoit des contrats de développement territorial (CDT) entre l’État et les communes ou EPCI, dont le territoire est compris dans un des grands territoires stratégiques de l’Ile-de-France et notamment autour des gares du réseau Grand Paris-Express. Chaque contrat définit un projet stratégique de développement durable du territoire avec des objectifs aux priorités affirmées, notamment en matière d’urbanisme, de logement, de lutte contre l’étalement urbain. Ils participent à l’objectif de construire chaque année 70 000 logements géographiquement et socialement adaptés en Ile-de-France. 24 Le logement social pour la solidarité et la croissance OUTRE-MER : ACTUALITÉ ET ENJEUX DE LA CRISE DU LOGEMENT Dans un contexte économique et social particulièrement difficile, l’intensité de la crise en Outre-mer reste dans les régions de La Réunion, de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Guyane, de Mayotte et des collectivités d’Outre-mer comme la Polynésie ou la Nouvelle-Calédonie notamment, une préoccupation majeure des collectivités locales et des organismes de logement social. Ici, probablement encore plus qu’ailleurs, l’accès à un logement décent revêt un enjeu de cohésion et de justice sociale de premier plan. Les cadres législatif, réglementaire et surtout du financement du logement social dans les départements et régions d’Outre-mer (avec la Ligne Budgétaire Unique, LBU) et dont le ministère de l’Outre-mer détient la compétence, ont connu ces dernières années de fortes évolutions. Celles-ci ont rendu plus complexe l’acte de construire avec une évolution de la réglementation de la construction pas toujours adaptée à ces territoires, des dispositions législatives fortement contraintes par l’insuffisance des moyens mobilisables (traitement de l’habitat insalubre, droit au logement opposable dans un contexte de forte pénurie…) ou encore plus récemment la réorientation de la défiscalisation vers le logement social. Des besoins élevés, une offre rare et chère… Avec une population totale de près de 2,7 millions d’habitants, les besoins sont estimés à 100 000 logements sur l’ensemble de l’Outremer. 80 % des ménages ultra-marins sont éligibles au logement social, avec des revenus en moyenne de moitié inférieurs aux revenus des ménages métropolitains, des taux de chômage records de 22 à 30 % dans la plupart de ces régions et un taux de chômage des jeunes avoisinant 60 %, contre 23 % en métropole. La production globale de logements a connu une forte contraction malgré la relance de la construction de logements sociaux engagée ces deux dernières années par les organismes de logement social avec l’appui des plans locaux de relance à l’initiative des collectivités locales. La faiblesse des moyens disponibles pour la lutte contre l’habitat insalubre, les difficultés liées à l’équilibre des opérations, aux procédures du Logement Évolutif Pour un « Plan logement » adapté à l’Outre-mer L’ampleur des besoins, la persistance de l’habitat insalubre et la prégnance des risques naturels rendent indispensable la mise en œuvre d’un plan pluri annuel concerté entre les organismes, l’État et les collectivités locales et adapté à chaque région et collectivité ultra-marine : • La politique sociale du logement Outre-mer doit rester une priorité de la solidarité nationale, avec une Ligne Budgétaire Unique confortée comme socle de son financement. • La mobilisation des aides de l’État doit faire l’objet d’une meilleure prise en compte des taux d’effort des ménages de manière à préserver leur pouvoir d’achat et d’une mise en perspective des parcours résidentiels : locatif social et intermédiaire, accession, logement des jeunes et des seniors... • Les réalités environnementales et les enjeux de développement durable doivent pouvoir se traduire dans une réglementation technique de la construction qui reste aujourd’hui peu adaptée, coûteuse et complexe. Social (LES) et à la mobilisation du PTZ+, et enfin l’absence d’un produit d’accession sociale adapté à ces territoires, ont contribué sans conteste à la faiblesse d’une offre diversifiée et à la panne des parcours résidentiels. Ces fortes contraintes sur le secteur du logement social, aggravées par la faible disponibilité de terrains constructibles à des prix compatibles avec l’équilibre des opérations, ont été à la source de prix de revient élevés ne permettant pas des taux d’effort compatibles avec les ressources des ménages à loger. Remettre en perspective la politique sociale du logement Outre-mer. Plus globalement, dans des régions marquées par la faiblesse des politiques foncière et d’aménagement urbain, avec des contraintes liées aux risques naturels, l’urgence de développement d’une offre plus diversifiée et une meilleure anticipation des besoins actuels et futurs des territoires ultra-marins est indispensable… Si la LBU doit rester le socle du financement du logement social, la politique du logement Outremer doit pouvoir être posée dans des termes actualisés afin de mieux prendre en compte les dynamiques territoriales différenciées. Cette politique du logement doit faire l’objet d’une meilleure concertation au plan local, à l’aune d’un état des lieux actualisé pour que soit adapté, simplifié et mis en œuvre le légitime accès à un logement décent des habitants de l’Outre-mer. Le logement social pour la solidarité et la croissance 25 Une mission sociale élargie, des exigences nouvelles Des difficultés croissantes pour se loger pour une part importante des ménages La hausse des dépenses de logement est une tendance lourde. Les prix de l’immobilier ont été multipliés par 2,5 depuis 1998. Les loyers du parc privé ont connu une augmentation plus modérée en moyenne nationale mais avec de fortes disparités territoriales. Les loyers parisiens ont doublé en 20 ans pour dépasser 23 euros/m2/mois. Les revenus des ménages n’ayant pas suivi la même progression, le taux d’effort pour se loger a augmenté, cette hausse touchant plus fortement les deux premiers quintiles de revenus. Dans les zones les plus tendues, le parc locatif privé ainsi que l’accession à la propriété sont inaccessibles ou demandent un taux d’effort difficilement soutenable pour la majeure partie de la population. Face à ce coût trop élevé et faute d’un nombre de logements sociaux suffisant pour accueillir à la fois les ménages à revenus simplement modestes et les ménages pauvres qui sont prioritaires, une large part des classes moyennes ne peut se loger à des conditions acceptables dans les villes chères et doit s’exiler en périphérie de plus en plus lointaine. Un parc social qui a pour vocation de répondre à tous ceux qui ne peuvent se loger aux conditions du marché De par la loi, le logement social a pour fonction de loger à un prix modéré tous ceux qui ne peuvent y parvenir par le simple jeu du marché. C’est pourquoi les plafonds de ressources prévus par la loi permettent, en théorie, à 64 % de la population d’y prétendre (soit 2 050 euros par mois pour une personne seule à Paris), mais cette proportion est ramenée à 33 % si on exclut les ménages propriétaires de leur logement. Dans l’esprit de la législation, le parc Hlm s’adresse donc à une population à revenus modérés, mais pas exclusivement à sa composante la plus pauvre. Les constructions des années 19501960 répondaient à l’impératif de loger une population croissante et diversifiée : employés, ouvriers, familles rapatriées, migrants venus du monde rural ou d’ailleurs, retraités, jeunes ménages, fonctionnaires… Les reportages de l’époque rappellent l’espoir suscité par ces Hlm, synonymes de confort, d’espace et de modernité. Depuis, le secteur Hlm a profondément évolué mais l’ambition de mixité sociale et d’équilibre des quartiers et des immeubles reste intacte. Aujourd’hui, de par la hausse du coût des logements sur le marché conjuguée à une augmentation des inégalités dans un contexte de crise économique, le logement social correspond toujours aux besoins d’une large part de la population. Le logement social est désormais envisagé à la fois comme un logement pérenne, une solution d’accueil pour les nouveaux ménages jeunes ou arrivant sur le territoire, mais aussi comme un recours face aux aléas de la vie (veuvage, perte d’emploi, divorce…). 26 Le logement social pour la solidarité et la croissance Jeunes : un défi pour le logement social Particulièrement touchées par la montée de la précarité de l’emploi et la pénurie de logements à loyers abordables, les jeunes générations cumulent les difficultés pour accéder à un logement autonome, qui conditionne pourtant largement leur intégration sociale et professionnelle. Si la situation des jeunes est hétérogène (stagiaires, étudiants, jeunes en formation professionnelle ou en alternance, salariés, chômeurs, jeunes chassés du domicile familial, etc.), ils ont en commun d’avoir des ressources et un statut précaires, de connaître une forte mobilité aussi bien géopgraphique que sociale, voire de susciter la méfiance des bailleurs. Les conditions d’accès et le coût des logements du parc locatif privé sont de plus en plus inadaptés aux ressources des jeunes. Le taux d’effort net des jeunes locataires du secteur libre atteignait en moyenne 20 % en 2002, mais l’augmentation de la charge brute et la diminution des revenus conduisent aujourd’hui à des taux d’effort net de l’ordre de 40 % dans le parc locatif privé. Dans le même temps, la part des ménages de moins de 30 ans locataires dans le parc social a diminué de moitié en vingt ans. Particulièrement en zones tendues, qui concentrent une partie des lieux d’étude, de formation et d’emploi, nombre d’organismes Hlm peinent à accueillir les jeunes ménages, qui ne sont pas ciblés dans les catégories prioritaires. La forte baisse de la proportion du parc social occupée par des jeunes ménages est aussi liée à la baisse du taux de rotation et au vieillissement de la population logée. Conscients que l’accueil des jeunes dans le parc locatif social représente non seulement un enjeu de mixité sociale, mais également un devoir de loger les nouveaux ménages, les organismes Hlm se mobilisent en faveur du développement d’une offre de logements répondant à leurs besoins (petits logements bien desservis ou à proximité des centres, offre spécifique comme des résidences universitaires et foyers de jeunes travailleurs), de formules locatives plus adaptées (location directe en meublé, colocation…), et de partenariats renforcés sur les territoires, notamment avec les associations pratiquant l’intermédiation locative. C’est un thème de travail très important pour le monde Hlm, mais aussi pour les États Généraux du Logement, à travers leurs travaux nationaux et en régions. Cette sécurisation vaut aussi dans le cadre de l’accession sociale sécurisée à la propriété, qui aide les ménages sous plafonds de ressources à acquérir un logement à prix maîtrisé et qui bénéficient de nombreuses garanties. Le Mouvement Hlm doit absolument continuer à être un outil de progrès social et de sécurité dans une société dans laquelle la stabilité de l’emploi et des revenus est incertaine. Un accueil croissant de ménages en situation précaire Depuis près de 40 ans, le parc Hlm joue un rôle croissant d’accueil de ménages à faibles revenus et pauvres. En 1973, 12 % des ménages locataires Hlm appartenaient au quart de la population aux plus faibles ressources (10) ; en 2006, cette proportion est passée à plus de 40 %. Dans certaines zones, la disparition très rapide d’un parc locatif privé à bas loyers provoque une grave crise du logement abordable. Les nouveaux entrants sont plus fragiles économiquement, à cause de la (10) En intégrant les aides au logement. précarisation du travail, de la baisse de revenus d’une partie importante de la population (retraites, emplois à temps partiel), et de l’accroissement du nombre de familles monoparentales. Ces tendances sont renforcées par le départ des locataires Hlm appartenant au quart le plus élevé des revenus, soit vers l’accession à la propriété, soit par l’effet du surloyer imposé aux ménages. Depuis 2008, de nouvelles demandes au titre de la loi sur le Droit au logement opposable (DALO) sont apparues : ce dispositif oblige l’État à reloger les demandeurs considérés, par recours, comme des populations prioritaires. Il le fait presque exclusivement dans le parc locatif social, ce qui augmente nécessairement la pression sur le parc Hlm. C’est particulièrement vrai en Ile-de-France où s’exercent 65 % des recours. À partir du 1er janvier 2012, le DALO sera ouvert à tous les demandeurs de logement social dont l’attente dépasse un délai fixé localement. Ceci pourrait se traduire par une augmentation du nombre des recours, notamment en Ile-de- France et dans les grandes agglomérations. La politique dite du « Logement d’abord » initiée en 2009 par l’État conforte cette tendance : l’objectif est de privilégier l’accès direct au logement, sans passage obligatoire par l’hébergement des ménages proches de l’autonomie comme des plus vulnérables. Là encore, le parc social est le principal outil mobilisé par l’État. La mise en œuvre de cette politique nécessite le développement d’une offre diversifiée adaptée aux besoins et notamment d’un parc de logements d’insertion, de pensions de famille et de logements-foyer. Des moyens de solvabilisation et d’accompagnement social conséquents, le cas échéant pluridisciplinaires, sont également nécessaires. La mise en œuvre de cette politique connaît des difficultés liées pour partie à l’augmentation des sans-abri et des besoins d’hébergement, ainsi qu’à des difficultés dans le pilotage de cette réforme. À travers ces évolutions, se trouve réinterrogée la question de la mixité et du « vivre-ensemble » dans le parc social. Pour le Mouvement Hlm, il s’agit de préserver les acquis des opérations de rénovation urbaine en Le logement social pour la solidarité et la croissance 27 matière de diversification sociale et d’éviter de renforcer les concentrations de difficultés dans les quartiers en zones urbaines sensibles par la mise en œuvre de politiques d’attributions fines. Il s’agit également d’organiser l’accueil des nouveaux entrants, y compris les plus fragiles, dans des ensembles immobiliers bien localisés et dans des environnements sociaux favorables. L’accès au logement des personnes vulnérables sur les territoires : revoir la gouvernance des dispositifs locaux L’accès au logement des ménages défavorisés sur les territoires fait aujourd’hui l’objet d’une superposition de dispositifs qui se sont accumulés, depuis la loi Besson du 31 mai 1990, en fonction des politiques publiques et pour répondre à l’accroissement des ménages en difficulté de logement. Le fonctionnement de ces politiques connaît également un déficit de partenariat entre l’État et les collectivités territoriales : ceci rompt avec l’esprit de la loi Besson car la lisibilité des priorités sur les territoires fait défaut, ainsi que la cohérence des politiques et des moyens. L’État a des difficultés à faire fonctionner les dispositifs qui relèvent de sa responsabilité propre, qu’il s’agisse des « Services intégrés d’accueil et d’orientation » mis en place pour le Logement d’abord, ou des nouvelles Commissions de coordination de prévention des expulsions (CCAPEX). Ces dispositifs, à l’origine tournés vers le parc privé et le parc public, visent aujourd’hui essentiellement l’accès au logement social par le biais d’une multiplicité de filières et de procédures qui tendent à se rigidifier (réactivation du contingent préfectoral, accords collectifs d’attributions, contingent Action logement dédié au DALO…). Leur bon fonctionnement nécessiterait une gouvernance renouvelée entre l’État, les collectivités locales et les opérateurs – bailleurs sociaux, associations –, en fonction des compétences et responsabilités de chacun en matière d’hébergement, de logement et de politiques sociales. L’élargissement du cœur de métier des organismes et le renforcement de la gestion sociale Évolutions économiques et sociétales, marchés immobiliers en crise, politiques publiques renforcent le rôle des organismes d’Hlm vis-àvis de demandeurs ou de locataires dans des situations, ponctuelles ou persistantes, de précarité sociale, familiale et économique et parfois de dépendance ou de souffrance « psycho-sociale ». Le modèle qui prévalait d’un parcours de vie linéaire : plein emploi avec une progression salariale régulière pour le travailleur, parcours résidentiel ascendant de la location (notamment dans le parc social) à l’accession à la propriété est aujourd’hui en panne. À cette régularité succèdent désormais des parcours de vie heurtés, rythmés par des ruptures fréquentes, dans l’emploi ou le cadre familial et dans les itinéraires résidentiels. Le logement social devient un élément essentiel de sécurisation pour des ménages isolés ou fragiles 28 Le logement social pour la solidarité et la croissance Des politiques d’attribution pour permettre l’égalité de traitement La procédure, de l’enregistrement de la demande à la tenue de la Commission d’attribution des logements (CAL), associe les bailleurs sociaux et différents acteurs disposant de droits de réservation sur les logements (maires, préfectures, CIL - comités interprofessionnels du logement). Elle fait l’objet d’un encadrement législatif et réglementaire. Le manque de logements impose des arbitrages permanents, effectués de façon collégiale. Les conditions d’accès fixées par la loi sont la nationalité française ou, pour les personnes étrangères, un titre de séjour régulier, des conditions de ressources et l’obligation de ne pas être propriétaire d’un logement adapté à ses besoins. Par ailleurs, cinq publics sont définis comme prioritaires : les personnes en situation de handicap, les mal-logés et/ou défavorisés, les personnes hébergées temporairement, les personnes mal-logées reprenant une activité après une période de chômage de longue durée, les victimes de violence conjugale. De plus, depuis 2007, le dispositif DALO (Droit au logement opposable) fixe à l’État une obligation de résultats en matière de logement. Ces demandeurs sont considérés « ultra-prioritaires » et les organismes doivent loger les candidats désignés par les préfets. Dans ce contexte normé et contraint, les bailleurs doivent aussi être en permanence attentifs à la mixité sociale des villes et des quartiers. Pour la mise en œuvre de ces règles et priorités, les organismes définissent des orientations d’attribution, élaborent un règlement intérieur de leur commission d’attribution. Ils formalisent également des procédures pour favoriser l’égalité de traitement. Par ailleurs, ils sont engagés dans des démarches visant à : • Mieux informer les demandeurs : leurs sites internet présentent le plus souvent les conditions et règles d’attribution des logements et comportent fréquemment des informations sur leur patrimoine. Certains organismes informent par internet sur les logements disponibles (lorsqu’ils ne sont pas réservés). • Simplifier les procédures de demande grâce au formulaire unique d’enregistrement, à une liste nationale de demandes, à la limitation des pièces à fournir et à l’enregistrement sur Internet. • Améliorer la transparence par le biais d’une gestion partagée de la demande, associant le plus souvent les réservataires et le bailleur (un seul dossier pour un traitement plus égalitaire entre demandeurs et une meilleure répartition entre les opérateurs et les territoires). • Objectiver le choix du candidat par des méthodes de priorisation de la demande. Appelées à se développer, elles ne remplacent pas l’analyse qualitative puis le choix collégial en dernière instance. • Mettre en place une politique visant à favoriser les mutations pour rechercher une meilleure adaptation des logements à la taille et aux revenus des familles. face à un marché du travail incertain et à un marché immobilier sélectif. Pour les bailleurs sociaux, il s’agit d’organiser leurs interventions de manière à ce que le ménage ne bascule pas, à la moindre rupture, d’une situation de fragilité à celle de l’exclusion. La crise actuelle renforce encore ces préoccupations. Le cœur de métier des organismes d’Hlm, produire et gérer un patrimoine et les rapports locatifs qui y sont attachés, s’adapte et s’élargit afin de prendre en compte en temps réel les difficultés de leurs locataires et demandeurs confrontés à la perte d’emploi, à la baisse de leur niveau de vie et aux difficultés de la vie quotidienne. Les organismes renforcent leurs capacités d’anticipation et de prévention des difficultés locatives par une veille et un suivi des ménages vulnérables, des réponses plus réactives, individualisées et adaptées à la diversité des situations des locataires ou demandeurs, qu’ils soient jeunes, âgés, handicapés, avec des problèmes de santé ou simplement en difficulté sociale. La prévention des impayés et des expulsions est un enjeu central de cette gestion, dans un contexte où les dépenses de logement représentent aujourd’hui une part très importante des revenus des ménages compte tenu d’une insuffisante évolution de l’APL et de l’augmentation des charges connexes – chauffage, eau chaude, éclairage – corrélative à celle des coûts de l’énergie. Cette gestion fine est complexifiée par les phénomènes de surendettement dont sont victimes les locataires qui souscrivent des crédits pour faire face aux charges de la vie quotidienne, et qui ne disposent pas ou peu de capacités de remboursement. Les organismes organisent les itinéraires résidentiels au sein du parc social de ménages qui n’ont pas la capacité de le quitter, soit pour des raisons d’absence d’offre abordable, soit en raison de la précarité de leur situation. Ils intègrent des objectifs de mutation interne dans leurs politiques d’attribution et accompagnent des mouvements locatifs favorisant une meilleure adéquation du logement à la situation des ménages, qu’il s’agisse du niveau de la quittance, de sa taille, ou de son confort. Ils sont à l’origine d’expérimentation de bourses d’échange du logement sur internet, qui sous leur contrôle facilitent les mutations à l’initiative des locataires. Ces itinéraires au sein du parc sont également facilités par les fichiers partagés de la demande qui permettent la prise en compte par l’ensemble des bailleurs sociaux des demandes de changement de logement exprimées par les locataires. Le logement social pour la solidarité et la croissance 29 Des partenariats à renforcer sur les territoires Apporter des réponses aux ménages vulnérables ne peut reposer sur le seul bailleur social qui doit s’appuyer sur les compétences spécialisées présentes sur un territoire ou les susciter si nécessaire. Les organismes jouent un rôle essentiel de repérage des situations, d’interpellation des dispositifs et partenaires compétents et parfois même de coordination des interventions pour permettre l’accès et le maintien dans le logement : acteurs des secteurs social et médico-social (services départementaux d’action sociale, coordinations gérontologiques, maisons départementales des personnes handicapées), du milieu sanitaire (centres médicopsychologiques), de l’insertion. Ils se rapprochent des conseils généraux en charge des politiques sociales et du FSL. Le renforcement du partenariat avec les associations est indispensable pour permettre l’accueil dans de bonnes conditions de publics fragilisés : diagnostic partagé sur les sorties d’hébergement vers le logement, développement du bail glissant, propositions communes pour la mise en œuvre des SIAO, appui aux associations qui contribuent à l’accompagnement social, développement de formules de logement accompagné (type résidences sociales, maisons relais etc.). D’ores et déjà, les associations et les organismes Hlm mènent ensemble de nombreuses actions ayant permis de reloger 19 000 ménages sortant de centres d’hébergement et de réinsertion sociale en 2010. Personnes âgées : l’enjeu du maintien à domicile Elles représentent une part non négligeable des locataires du parc social (environ 25 %). Il s’agit souvent d’anciens locataires, parfois présents depuis l’origine de l’immeuble, qui sont fréquemment concentrés dans les ensembles immobiliers anciens et bien localisés. Leur proportion devrait s’accroître rapidement sous le double effet du vieillissement des locataires en place et d’une demande de personnes âgées modestes ou défavorisées, souhaitant un logement moins cher et/ou plus fonctionnel au moment du passage à la retraite. Ces ménages devraient être touchés par des phénomènes de pauvreté, liés à l’évolution des retraites, et à l’augmentation des ménages composés d’une seule personne. Les bailleurs sociaux deviennent un acteur important du maintien à domicile notamment des ménages à bas et très bas revenus. D’ores et déjà, ils améliorent le confort de leur parc, développent des produits nouveaux adaptés à la diversité des besoins des personnes âgées, dans un souci de maîtrise des coûts pour les locataires. Ils adaptent leur gestion à leurs locataires âgés, ce qui constitue leur valeur ajoutée par rapport au parc locatif privé. Ils s’impliquent également dans la mise en place de services à la personne en lien avec les partenaires (11). La question de la prévention des impayés et des expulsions appelle une attention particulière compte tenu de l’enjeu majeur que présente aujourd’hui le maintien dans le logement. Les organismes qui font face à une augmentation des impayés et des abandons de créance au titre des procédures de rétablissement personnel interviennent dès l’apparition du premier incident de paiement auprès du locataire débiteur dans une logique d’aide à la résolution de ses difficultés. Cette prévention repose sur une mobilisation cohérente de l’ensemble des partenaires impliqués, sous l’égide de l’État. La réforme récente montre ses limites : la suppression de la CDAPL ne permet plus de concertation partenariale sur les impayés juste constitués. Les CCAPEX, censées organiser la coordination des acteurs, sous l’égide des préfets et des présidents de conseils généraux, ne sont pas toujours effectives, Quand elles le sont, elles interviennent trop tardivement pour des situations très dégradées. L’articulation avec les procédures de traitement du surendettement et les commissions Banque de France reste largement insatisfaisante. (11) Rapports de Muriel Boulmier : « Adaptation de l’habitat au défi de l’évolution démographique » (2009) ; « Bien vieillir à domicile : enjeux d’habitat, enjeux de territoires » (2010). 30 Le logement social pour la solidarité et la croissance Soutenir l’accession sociale sécurisée à la propriété L’accession est souvent présentée comme une des solutions à la crise du logement, voire comme une alternative avantageuse à la location. Le Mouvement Hlm considére qu’il n’y a pas lieu de mettre en opposition ces deux modes d’accès au logement. Il a une tradition importante d’accession sociale à la propriété dans le neuf (activité de promotion et de prêt immobilier) qu’il souhaite développer. Les dernières années sont marquées par l’instabilité avec pour point de départ la crise amorcée en 2008 entraînant une baisse du marché immobilier en 2009 et sa prolongation au moins jusqu’en 2012 (malgré la courte reprise du seul premier semestre 2010). Ce marché est de plus en plus difficilement accessible aux personnes à ressources modestes. En effet, il est largement « dopé » par les ventes aux investisseurs qui de ce fait alimentent les prix à la hausse et concurrencent fortement les primo accédants et, en particulier les plus modestes d’entre eux. Les prix ont également été poussés à la hausse par les aides aux plus hauts revenus (loi TEPA, PTZ sans plafonds de ressources). Les familles qui constituent le « cœur de cible » des Hlm dans l’accession (entre 2 et 3 Smic pour un couple avec un enfant) sont les plus pénalisées par ce marché. Soit, s’ils sont locataires Hlm, ils le restent durablement et concourent ainsi à la faible mobilité du parc locatif social. Soit ils achètent un logement qui ne correspond que très imparfaitement à leurs vœux : taille réduite, logement de qualité médiocre, ou en lointaine périphérie exigeant de longs et coûteux déplacements, allongement de la durée d’endettement. Qu’est-ce que l’accession sociale sécurisée, telle que la mettent en œuvre les organismes de logement social ? 1. L’accession sociale s’adresse aux ménages disposant de ressources modestes ; elle concerne les ménages disposant de ressources inférieures à 135 % des plafonds PLUS ; l’accession très sociale concerne des ménages sous ces plafonds PLUS. 2. L’accession sociale concerne principalement des candidats primo-accédants ; c’est une offre de parcours résidentiel proposée notamment aux locataires Hlm qui le souhaitent et le peuvent 3. L’accession sociale est inscrite dans les politiques locales de l’habitat. Elle participe à la mixité urbaine et sociale. 4. L’accession sociale est sécurisée. Elle offre aux ménages à ressources modestes, en cas de difficultés, une possibilité de retour au statut locatif : garanties de rachat, de revente et de relogement, actions de conseil et d’information sur les conséquences de l’acquisition ; accompagnement dans leur plan de financement pour leur garantir un endettement maximum de 30 %. 5. L’accession sociale répond aux exigences de qualité et de développement durable. 6. Les opérateurs Hlm proposent une large palette de services après-vente (contrats de maintenance, garanties d’équipements) ; ils assurent le plus souvent les fonctions de syndic de copropriétés selon des règles de transparence et d’exigence de qualité de services. 7. Les opérateurs Hlm offrent des dispositifs adaptés aux ménages les plus modestes, tels que la location-accession, et l’acquisition progressive via des SCI de capitalisation. 8. L’activité de promoteur social est à but non lucratif ; les résultats sont réinvestis dans la production nouvelle, les services aux clients et les missions sociales. Le logement social pour la solidarité et la croissance 31 Le Mouvement Hlm renforce son rôle en faveur de l’accession à la propriété sous toutes ses formes En 2010, plus de 23 000 ménages sont devenus propriétaires de leur logement grâce aux organismes Hlm : • 70 % via l’acquisition d’un logement neuf produit par le Mouvement Hlm, • 30 % par l’achat de leur logement Hlm. Pour favoriser cette accession sociale sécurisée, l’existence de produits à taux de TVA réduite est indispensable Après avoir fortement mobilisé le Pass-Foncier, les organismes Hlm s’orientent vers une utilisation importante du prêt social locationaccession (PSLA) qui, outre ses avantages fiscaux, permet une démarche d’apprentissage de la propriété et un parcours entièrement sécurisé. Toutefois, des améliorations sont encore nécessaires pour que ce produit devienne le fer de lance d’un développement de l’accession sociale. Notamment les conditions initiales de financement de l’acquéreur devraient se voir garanties jusqu’à la levée d’option effective. En complément du PSLA, la poursuite d’une politique d’habitat équilibré et la recherche d’harmonie dans les territoires de la politique de la ville nécessite le maintien durable d’un produit d’accession à taux réduit de TVA qui a été mis en place en visant plus spécifiquement ces quartiers. D’une manière générale, il apparaît souhaitable que les collectivités locales qui optent pour un volontarisme affirmé en termes de mixité sociale soient incitées à le faire et que les documents d’urbanisme et de planification traitent de façon systématique de ce sujet (par exemple, en intégrant un volet accession sociale sécurisée de droit dans les programmes locaux de l’habitat et en améliorant leur Dotation globale de fonctionnement en fonction des populations accueillies). L’accession sociale dans le cadre de la vente Hlm Après l’engagement global de mise en vente signé entre l’État et l’Union sociale pour l’habitat en décembre 2007, les organismes Hlm ont pris, dans le cadre des conventions d’utilité sociale signées avec l’État, des engagements sur les mises en vente liées aux besoins et aux réalités de chaque territoire. Ces derniers ont permis d’accroître le nombre de ventes de 52 % en 2010, passant ainsi en un an de 4 500 à 7 000. Mais cette activité étant en lien direct avec le contexte économique et la capacité des ménages à acquérir leur logement et à l’entretenir, il est vraisemblable que l’aggravation de la crise ne facilitera pas un accroissement continu de ces ventes. D’autant que le maintien du PTZ pour les locataires qui acquièrent leur logement Hlm a été assorti, dans la Loi de Finances, de conditions restrictives qui limiteront très fortement son efficacité. L’Europe et l’accession : la France en retard ? Pas plus que pour le locatif, il n’existe de « modèle européen » pour l’accession. Si la proportion de propriétaires est souvent élevée dans les pays d’Europe du sud (82 % en Espagne, 76 % en Grèce, 70 % en Italie). Elle est plus faible en Allemagne (43 %), ou en Suisse (35 %) et la France occupe une position moyenne avec 58 % de propriétaires. L’Union européenne reconnaît l’accession sociale comme partie intégrante du service d’intérêt général du logement social justifiant de règles particulières, dans le cadre de critères sociaux (attribution à certaines catégories d’accédants, sécurisation, accompagnement…). 32 Le logement social pour la solidarité et la croissance Les principes de la « vente Hlm » En toute hypothèse, la vente Hlm ne peut être envisagée de façon systématique, a fortiori comme un moyen de financement ordinaire de l’offre nouvelle. D’une part, le parc effectivement cessible est limité, d’autre part il faut retirer du prix de vente, outre les frais de commercialisation, mise en copropriété, la décote offerte au locataire, rembourser les emprunts en cours, indemniser les réservataires ou ceux qui ont apporté une subvention. Et il faut aussi prendre en compte la perte de loyers futurs. Tout ceci réduit d’autant les fonds propres qui peuvent être apportés à des opérations nouvelles et les chiffres avancés par les tenants de la vente forcée (la vente d’un logement permettrait d’en produire deux ou trois) sont erronés. Les principes pour réussir la « vente Hlm ». 1. La vente Hlm est pour le locataire une opportunité, jamais une obligation. 2. La vente est un élément de diversité de l’offre d’habitat social dans un territoire donné ; elle exige le parfait accord des collectivités territoriales concernées. 3. Inscrite dans des politiques locales de l’habitat, elle n’est pas opportune dans toutes les circonstances ni pour tous les types de logements : par exemple lorsque le logement locatif social est insuffisant, ou lorsque des risques de copropriétés dégradées existent. 4. La décision de vendre est du ressort de l’organisme Hlm propriétaire, c’est une composante de sa stratégie patrimoniale, en relation avec la politique territoriale ; réinvestis dans le patrimoine et les services, les produits de la vente n’ont qu’un caractère accessoire dans le financement de la production nouvelle. 5. Comme toute production d’accession sociale, un dispositif de sécurisation peut exister : garanties de rachat, de revente et d’éventuel relogement. S’adressant à des ménages acquérant pour leur occupation personnelle ou celle de leurs ascendants ou descendants, elle comporte des clauses visant à éviter les dérives spéculatives et les dérives d’utilisation des biens vendus. 6. Le corollaire de la sécurisation est que l’organisme vérifie la validité du projet d’accession du locataire, notamment concernant son plan de financement. 7. Dans les immeubles où des logements sont vendus, entraînant la création d’une copropriété, les incidences de ce changement pour les ménages doivent être parfaitement maîtrisées, qu’ils aient choisi de rester locataires ou de devenir propriétaires : charges maîtrisées, maintenance garantie, travaux provisionnés. Vendre mais aussi gérer Les organismes Hlm sont attentifs à favoriser le succès du parcours des ménages accédants, dont ils assurent sur le long terme la sécurisation des acquisitions. Ils sont donc très impliqués dans le fonctionnement et la gestion des copropriétés provenant de leur parc ou de leur production en accession sociale dans le neuf. Il devient impératif que le législateur opte pour une convergence, ou pour le moins une compatibilité, des réglementations Hlm et des copropriétés dans l’esprit des travaux de la commission présidée par Dominique Braye, comme des propositions des États Généraux du Logement. En effet, parce que les organismes Hlm veulent jouer tout leur rôle dans la création de copropriétés durablement harmonieuses issues de la production neuve et de la vente Hlm, il est primordial que la réglementation leur facilite cette démarche. Le logement social pour la solidarité et la croissance 33 Poursuivre la rénovation urbaine, relancer la politique de la ville Des quartiers d’habitat social connaissant des évolutions contrastées Plus d’un million de logements Hlm construits dans les années 1950 et 60 sont concentrés dans des quartiers à dominante d’habitat social qui correspondent aujourd’hui à la fraction du parc la plus dépréciée. Ils font l’objet depuis trente ans de politiques publiques spécifiques, et les organismes Hlm ont été des opérateurs de premier rang aux côtés des collectivités locales pour requalifier ces quartiers et apporter à leurs habitants une qualité de vie quotidienne tout en favorisant le lien social. Les efforts réalisés n’ont pas toujours eu les résultats escomptés face aux effets dévastateurs des crises socioéconomiques de ces dernières décennies et à la difficulté d’infléchir les tendances lourdes à la ségrégation socio-spatiale dans ces quartiers populaires, même si des réussites indiscutables ont vu le jour en permettant à de nombreux habitants de « s’en sortir ». Ces divers constats ont conduit, depuis le début des années 2000 à réorienter les interventions publiques vers des transformations en profondeur pour redonner à ces territoires une attractivité résidentielle, atténuer leur spécialisation sociale et y introduire des fonctions urbaines plus diversifiées. C’est un chantier au long cours qui nécessite de la continuité et de la cohérence entre les politiques aux différents niveaux territoriaux. Ces quartiers connaissent des situations différenciées du point de vue de leur taille, du poids et du rôle du logement social, de leur localisation par rapport aux dynamiques de la ville, de leur peuplement, du type d’organisation urbaine, de leur image et de la qualité de l’habitat. On y observe également des écarts prononcés en termes de ressources des ménages. 2,7 fois plus élevée que celui de leur agglomération et la dépendance aux prestations familiales y est plus grande. Le taux de chômage y est deux fois plus élevé. De même, les ménages les plus autonomes au plan économique ont tendance à quitter ces quartiers, accélérant leur spécialisation de plus en plus sociale. La politique de rénovation engagée depuis 2003 a révélé cette diversité de potentialités et accentué ces différenciations. Aujourd’hui des quartiers en cours de rénovation, situés dans un environnement porteur, commencent à bénéficier des dynamiques de développement de leur ville. D’autres vont garder une vocation très sociale ou, implantés dans des zones en dépression, continueront d’être affectés par des problèmes de vacance. Certains sont confrontés à des phénomènes lourds de délinquance et de violence urbaine qui constituent un obstacle à leur évolution urbaine. Enfin les quartiers qui n’ont pas été concernés par le programme de rénovation urbaine peuvent subir des phénomènes de report des difficultés sociales et urbaines et voir leur déqualification s’accélérer. La Programme National de rénovation urbaine : des quartiers remis dans le mouvement de la ville Néanmoins derrière cette diversité se cache une tendance générale à la paupérisation et à la fragilisation des ménages comme le montre le dernier rapport de l’ONZUS. Le déficit de formation et d’activité notamment chez les femmes et les jeunes y est persistant. La part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté est À l’évidence, les projets de rénovation urbaine engagés sur 500 quartiers depuis sept ans ont permis d’y améliorer les conditions d’habitat et de leur redonner de nouvelles perspectives d’avenir. Les habitants retrouvent la fierté de leur cadre de vie, une mobilité dans la ville et des rapports plus positifs à leur habitat, leur quartier et leur ville. Les conditions de leur évolution vers une « banalisation » urbaine ont été installées grâce à un travail important sur l’organisation foncière, sur la restructuration urbaine et le désenclavement. La réalisation de quelques opérations de diversification des fonctions urbaines et résidentielles a permis d’en tester la faisabilité et de révéler un potentiel d’accédants parmi ses habitants. La réorganisation en unités résidentielles a introduit une échelle intermédiaire entre le grand quartier d’habitat social et l’immeuble, qui devrait faciliter la construction de nouveaux liens 34 Le logement social pour la solidarité et la croissance sociaux et la gestion de proximité. Même s’il reste encore modeste et s’il doit être amplifié, un processus de redéploiement géographique des logements sociaux s’est enclenché, avec 50 % de reconstitution hors site des logements démolis que les politiques locales de l’habitat ont été amenées à intégrer. Cette redistribution permet, sur les sites eux-mêmes, une amorce de diversification. Les organismes Hlm ont mobilisé leurs compétences et leurs moyens financiers pour mettre en œuvre ces projets aux côtés des collectivités locales. Ainsi la maîtrise d’ouvrage Hlm est en train de réaliser un programme de travaux sur ces 500 quartiers s’élevant à 27 milliards d’euros, financés à 27 % par l’ANRU, 5, 5 % par les collectivités locales et 66,5 % par les bailleurs. Les résultats de cette politique sont aujourd’hui tangibles, mais ils restent très fragiles et encore éloignés des objectifs visés dans certaines situations où les problèmes sont « enkystés ». La dégradation de la situation socio-économiques des habitants et le durcissement des problèmes de sécurité pourraient compromettre ces premières avancées. Une politique de développement social et urbain à poursuivre sur de nouvelles bases La réalité urbaine et patrimoniale des quartiers traités a changé. Mais la réussite durable n’est pas acquise. Elle dépend pour l’essentiel des choix que les collectivités publiques effectueront, tant sur la poursuite de l’amélioration du cadre de vie, que sur la politique de la ville, les politiques de cohésion sociale et d’égalité des chances, et sur le rétablissement de la sécurité publique dans tous les quartiers. Il est impératif d’achever l’actuel programme national de rénovation urbaine et de lancer un PNRU 2. En effet sur nombre de quartiers, notamment ceux de taille importante, s’arrêter aux premiers investissements consentis risquerait à terme de rendre inutiles ceux-ci. Il reste également des copropriétés dégradées qui n’ont pas été traitées et compromettent l’attractivité des sites : elles appellent des interventions fortes. Il convient d’amplifier la dynamique de changement engagée : programmes d’accession sociale, changement d’usage de certains Exemple de l’implication d’un organisme Hlm dans la rénovation urbaine d’un quartier : Belle Beille à Angers Premier bailleur d’Angers avec 12 900 logements, Angers Habitat loge 16 % de la population de la commune. Son patrimoine est impacté par cinq projets de rénovation urbaine lancés par la ville. Il est ainsi engagé à hauteur de 7 000 logements concernés. Dans le cadre du projet de Belle Beille, l’organisme a renouvelé la partie du patrimoine la plus stigmatisée, 7 tours représentant 322 logements. Il a ainsi permis une nouvelle urbanisation qui avec une diversification des produits par le statut et la forme urbaine et une nouvelle architecture travaillée participe fortement du changement d’image du quartier. Il a également réalisé des transformations d’usage de logements pour accueillir des services en pied d’immeuble et reconstruit sur site la moitié des logements démolis sous forme d’un habitat social diversifié, collectifs bas et individuels. Ainsi la combinaison d’actions patrimoniales du type démolitions, reconstruction, réhabilitation, résidentialisation, portant sur plus de la moitié du parc de ce grand quartier (plus de 2 500 logements sociaux) et d’investissements publics sur l’aménagement urbain a permis de redonner une attractivité au quartier. La sécurité publique s’est améliorée. On constate un retour des demandeurs sur le site. De nouveaux opérateurs sont venus réaliser des opérations d’accession. immeubles, éventuellement programmes de vente aux occupants, immobilier d’activité… le tout dans le cadre d’un schéma de référence urbain précisant l’évolution du quartier sur le long terme et prévoyant son désenclavement notamment par des transports en commun performants vers les pôles d’emploi. Des montages techniques et financiers en se référant à la notion de bilan global d’aménagement seront à imaginer. Les politiques d’attribution qui sont déterminantes pour l’évolution de ces quartiers doivent être traitées dans le cadre d’une stratégie d’ensemble au niveau de la commune et de l’agglomération, de pratiques partenariales et de moyens d’accompagnement. La concentration des situations de précarité dans ces territoires appelle une politique de la ville et une politique de cohésion sociale à la hauteur des enjeux. Une grande ambition est à fixer dans ce domaine à travers des programmes locaux de développement urbain et social. Ces derniers pourraient être établis au niveau intercommunal, servir de cadre aux conventions urbaines de cohésion sociale, s’imposer aux politiques de droit commun et être articulés au projet urbain. Les questions d’emploi, d’éducation, de formation professionnelle des jeunes et de santé doivent être au cœur de la politique de la ville. Enfin, la question de la sécurité doit faire l’objet d’une attention particulière de la part des pouvoirs publics. Les moyens attribués sont insuffisants. De véritables stratégies locales de la tranquillité – sécurité à l’échelle de chaque site méritent d’être construites collectivement avec l’ensemble des acteurs de la vie de quartier, dans le cadre de la déclinaison du contrat local de sécurité précisant les objectifs et les moyens nécessaires. Le logement social pour la solidarité et la croissance 35 Développement durable et maîtrise de l’énergie : un chantier bien engagé, une évaluation nécessaire Le développement durable est devenu au cours de ces dernières années un enjeu de société majeur, qui consiste à promouvoir sur le long terme un nouveau modèle de développement conciliant croissance économique, équité sociale et respect de l’environnement, afin de répondre aux besoins d’aujourd’hui sans compromettre la situation des générations suivantes. Le secteur de l’habitat, à travers les responsabilités qui sont les siennes dans les enjeux énergétiques, la préservation des ressources naturelles et la gestion des déchets, est particulièrement concerné pour contribuer à la lutte contre le changement climatique et à un développement urbain plus durable. Au sein de ce secteur, le monde Hlm a pris les devants, et constitue une véritable locomotive pour la réduction des consommations énergétiques, des émissions de gaz à effet de serre et la préservation de l’environnement, dans l’intérêt de ses habitants, et des générations futures. Il est également un moteur économique au profit d’une filière française spécialisée. Si le Grenelle de l’environnement a donné un coup d’accélérateur à l’amélioration des performances énergétiques et environnementales des bâtiments, il importe de s’assurer que les nouvelles exigences techniques sont compatibles, financièrement et en Une performance des Hlm supérieure à celle des autres logements Alors qu’il loge 16 % de la population, le parc social contribue pour 11 % aux émissions de CO2 produites par le secteur résidentiel. La consommation énergétique moyenne du parc Hlm en énergie primaire est de 170 kWh/m2/an pour 240 kWh/m2/an dans l’ensemble du parc résidentiel. La consommation d’eau moyenne est de 100 litres par jour et par habitant, pour 150 litres dans l’ensemble du parc résidentiel. La collecte sélective est en place dans 65 % du patrimoine Hlm pour moins de 50 % pour l’ensemble du parc résidentiel. 97 % de la production est réalisée en habitat groupé dans des conditions d’optimisation de la constructibilité. termes de qualité d’usage, avec les revenus et les besoins des habitants. Ceci est d’autant plus nécessaire dans un contexte de crise économique et financière qui renforce les situations de précarité, notamment de précarité énergétique, et accentue les contraintes économiques qui pèsent sur les opérateurs et la collectivité. Le logement social, un secteur en pointe dans la performance énergétique et environnementale Le Grenelle de l’Environnement a fixé comme objectif, d’ici à 2020, de réduire d’au moins 20 % les émissions de gaz à effet de serre, de 38 % la consommation d’énergie du parc existant et de porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de la consommation d’énergie finale. Il promeut une nouvelle vision de la « ville durable » : meilleure intégration logement/transports en commun, contrôle de l’expansion urbaine et de la consommation de foncier, lutte contre l’étalement urbain incontrôlé par de nouvelles formes architecturales et urbaines, présence de la nature dans la ville… Le secteur Hlm a une politique de maîtrise des coûts énergétiques depuis la première crise pétrolière des années 1970. Compte tenu de son poids social, économique et environnemental, il s’attache à prendre en compte les différentes exigences du développement durable. Il construit, loge et gère dans la durée un patrimoine important. Ceci le place dans une position de pragmatisme et de responsabilité vis-à-vis des habitants – notamment au regard de leurs charges – des collectivités locales et de la société en général. Les organismes Hlm se sont résolument engagés dans la voie 36 Le logement social pour la solidarité et la croissance tracée par le Grenelle de l’Environnement, qui a fixé pour le parc social les objectifs suivants : • la rénovation énergétique de 800 000 logements les plus consommateurs en énergie d’ici 2020 ; • la généralisation des bâtiments basse consommation (BBC) dès 2013 et par anticipation pour les programmes de rénovation urbaine faisant l’objet de conventions avec l’ANRU ; • une incitation au recours aux énergies renouvelables ; • le développement d’éco-quartiers au sein desquels les réalisations Hlm ont toute leur place. Pour la production neuve, tous les dossiers déposés visent désormais à minima le niveau BBC et d’ores et déjà, des projets sont engagés à des niveaux plus élevés. Plus de 137 650 logements sociaux font l’objet d’une demande de label BBC Effinergie, 13 650 ont déjà été certifiés et les premières opérations viennent d’être livrées. Concernant le parc existant, les organismes Hlm ont initié des Fin juillet 2011, les 100 000 premiers logements identifiés comme les moins performants avaient bénéficié de l’écoprêt logement social, générant ainsi 2,8 milliards de travaux, dont la moitié de thermique, contribuant à assurer l’activité de 33 000 équivalent temps plein directs et 19 000 indirects, réduisant de moitié la consommation énergétique des logements (sur la base des calculs réglementaires) et permettant de compenser les émissions annuelles de CO2 d’une ville de 34 000 habitants. Le secteur Hlm est ainsi en passe de devenir un acteur central d’une filière française d’entreprises performantes dans le domaine énergétique. stratégies énergétiques et/ou la réactualisation de leur Plan stratégique de patrimoine (PSP) avec la prise en compte des préoccupations énergétiques, mais également le vieillissement de la population, l’accessibilité aux personnes handicapées, la maîtrise des consommations d’eau… Une évaluation nécessaire des dispositifs techniques et des modes de financement Les premiers retours sur expériences ont mis en lumière plusieurs enjeux. La sophistication des matériels permettant d’atteindre la performance énergétique entraîne une augmentation des charges d’entretien et de maintenance ainsi qu’éventuellement un coût supplémentaire pour le comptage et le suivi des performances. Un enjeu important est posé : comment éviter que la réduction des consommations d’énergie ne soit annulée sur la quittance par l’augmentation des coûts fixes ? Certaines mesures en faveur des énergies renouvelables peuvent aussi se traduire par des surcoûts pour les habitants. Dans le cas des réseaux de chauffage urbain, souvent coûteux, il s’agit de promouvoir une plus grande transparence dans les coûts de la chaleur, une exigence de performance dans la gestion de ces réseaux et le déploiement de cadres partagés avec les abonnés et usagers de ces réseaux. Il est essentiel de travailler aux conditions d’acceptabilité des nouvelles technologies par les habitants, qu’il s’agisse des coûts induits en face des économies réalisées, mais aussi d’effets de certains dispositifs sur les modes d’habiter : il s’agit d’une part de favoriser l’appropriation par les habitants de ces dispositifs et les aider à devenir acteurs de la diminution des consommations. Il s’agit d’autre part d’évaluer certains dispositifs au regard des qualités d’usage (facilité d’utilisation des équipements, aération…). Enfin, les opérateurs constatent une difficile articulation des multiples référentiels de qualité qui conditionnent par ailleurs certaines aides des collectivités, rendant essentiel un travail de mise à plat de la certification et la définition d’un contenu acceptable pour tous. Le logement social pour la solidarité et la croissance 37 L’Observatoire de la performance énergétique du logement social Afin d’évaluer les performances énergétiques, économiques, en termes de confort et et de qualité d’usage d’opérations d’habitat social neuves à minima BBC, ou de rénovations énergétiques dans l’esprit du Grenelle, l’Union a mis en place, en partenariat avec le Programme RAGE 2012, Promotelec et GRDF, l’Observatoire de la Performance Énergétique du logement social pour une durée de cinq ans. Sont ainsi capitalisées les solutions techniques et énergétiques mises en place dans le neuf et dans le cadre des rénovations énergétiques. Des opérations sont également évaluées qualitativement depuis la conception jusqu’en phase d’exploitation. Enfin, un programme d’instrumentation d’opérations neuves ou réhabilitées a été lancé. Les résultats seront suivis et analysés pendant deux ans. Cet Observatoire constitue une base de connaissance sur laquelle l’USH et ses partenaires pourront s’appuyer pour accompagner les acteurs de la construction et de la rénovation énergétique dans l’amélioration de leurs pratiques et placer le logement social en pointe dans ce domaine. Pérenniser les financements et homogénéiser les critères d’éligibilité Alors que l’approche globale des réhabilitations et constructions neuves rend difficile de quantifier les surcoûts induits par l’amélioration des performances énergétiques, les montages financiers se complexifient. Les organismes mobilisent des lignes budgétaires (éco-prêt de la Caisse des Dépôts, fonds européens via le FEDER, dégrèvement de TFPB…) qu’il est urgent d’inscrire dans la durée afin d’assurer de la visibilité aux opérateurs qui investissent sur le long terme. Concernant le FEDER, il s’agit avant tout d’éviter une rupture de programmation entre la fin de la période actuelle et la mise en œuvre de la prochaine période de programmation (2014-2020) et de déplafonner l’enveloppe nationale fixée à 4 % afin de libérer son potentiel de croissance. Le FEDER et la rénovation énergétique : continuer à investir dans l’avenir Introduite à titre exploratoire, la révision du règlement FEDER en faveur de la rénovation thermique des logements sociaux a montré son efficacité. Dans de nombreuses régions cependant, des dossiers sont en attente d’instruction en raison du plafonnement à 4 % de l’enveloppe nationale. On évalue le montant des dossiers en liste d’attente à environ 15 millions d’euros de FEDER pour un investissement potentiel, actuellement gelé jusqu’en 2013, de 103 millions d’euros. La mesure concerne potentiellement 110 400 ménages, pour un investissement total de 2,2 milliards d’euros et 31 000 emplois induits. Le logement social pour la solidarité et la croissance 39 Qu’est-ce que le logement social ? Une rencontre réussie entre le social et l’économique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 40 Des organismes différents, répondant à une même mission d’intérêt général . . . . . . . . . . p. 41 Une mission sociale affirmée . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 43 Un acteur économique de premier plan . . . . . . . . p. 44 Un modèle original de financement à l’efficacité prouvée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 45 Le logement social en Europe, des approches différenciées, des réalités contrastées . . . . . . . . . . p. 48 40 Le logement social pour la solidarité et la croissance Une rencontre réussie entre le social et l’économique Dès la fin du XIXe siècle, la France devient une grande nation industrielle. Les besoins de maind’œuvre sont croissants et collectivités territoriales et entreprises se mobilisent pour loger ces nouveaux venus, issus largement de l’exode rural et de l’immigration étrangère. Apparaissent ainsi, au fil des premières années du XXe siècle, à l’initiative des entreprises et pouvoirs publics nationaux et municipaux, deux types d’organismes en charge du logement du monde du travail : les Sociétés anonymes et les Offices publics. Elles se sont ajoutées aux coopératives d’Hlm apparues au milieu du XIXe siècle dans le sillage du mouvement coopératif alors Les Hlm : une réalité fondamentale pour la vie des Français L’habitat social occupe une place essentielle dans notre société : • Le parc est constitué de près de 4,5 millions de logements (dont 4,1 millions directement gérés par les organismes Hlm). • Le parc Hlm représente 16 % des résidences principales et loge 11 millions de personnes. • Chaque année, 450 000 logements sociaux environ sont attribués. Des valeurs fortes, traduites dans les faits Progrès, solidarité, mixité, qualité, développement durable… Ces valeurs fondatrices du Mouvement Hlm guident au quotidien l’action des organismes Hlm. Cette dynamique se concrétise dans les faits : • Un tiers des ménages du parc Hlm gagne moins de 795 euros par mois/personne. • Selon le dernier recensement, les employés et les ouvriers représentaient la moitié des résidents, les professions intermédiaires 12 %. • En 2010, 102 000 logements Hlm ont été financés. • Près de 80 % de la production neuve reçoit un label de performance énergétique. fortement développé dans le monde rural, et aux Sociétés de crédit immobilier qui prêtaient aux salariés pour acquérir leur logement (12). Ces divers organismes, à vocation sociale et d’accompagnement économique, se sont développés au rythme de l’aménagement industriel et urbain du territoire, mais aussi des décisions imposées par les politiques économiques, budgétaires et sociales de l’État. C’est le logement construit et géré par ces organismes qui peut être qualifié de logement social. Certes, il n’existe pas en France, ni au niveau européen, de définition précise du logement social, ce qui autorise des confusions entre logement « aidé », « social », « social de fait », « public », « à loyer modéré ou maîtrisé ». du logement s’accordent pour reconnaître que doit être considéré comme réellement social un logement qui, en contrepartie des aides reçues, fournit un logement de bonne qualité – à la différence du « parc social de fait » – contre un loyer (ou un prix de vente) inférieur au marché : les écarts de loyers avec le parc locatif privé sont importants (de 1 à 2, voire de 1 à 3 dans certaines zones géographiques). Il offre des services associés, des priorités d’attribution, ainsi qu’une participation des habitants aux instances de décision. Sa production et sa gestion ne peuvent donc être assurées durablement que dans un cadre institutionnel et financier doté de règles propres (caractère non lucratif, activité réglementée), différentes de celles du marché. Mais les pouvoirs publics nationaux et locaux et les principaux acteurs (12) Sans oublier dans la seconde moitié du XXe siècle, les Sociétés d’Économie Mixte (SEM), aujourd’hui Entreprises Publiques Locales dont certaines sont spécialisées dans le logement social ainsi que quelques mouvements associatifs, PACT, Sociétés d’habitat rural… Le logement social pour la solidarité et la croissance 41 Des organismes différents répondant à une même mission d’intérêt général Le Mouvement Hlm Cinq grandes « familles » composent aujourd’hui l’Union sociale pour l’habitat. Chacune d’entre elles est le résultat d’une histoire et d’une culture spécifiques. Quels que soient leur statut juridique, leurs conditions d’exercice et leur gouvernance, l’ensemble des 770 organismes Hlm – Offices, ESH, Coopératives et SACICAP – répondent aux mêmes objectifs : être au service de l’intérêt général, avec un double ancrage national et local. Ils possèdent 4,1 millions de logements locatifs et 0,2 million de logements-foyers et logent environ 11 millions de personne. Ils sont animés par près de 12 000 administrateurs bénévoles et emploient 76 000 salariés. Les Offices publics de l’Habitat Les Offices publics de l’habitat sont des établissements publics à caractère industriel et commercial, rattachés à des collectivités locales ou à des EPCI. Ils construisent et réhabilitent des logements, en assurent la location, la gestion, l’entretien. Ils peuvent également réaliser et vendre des logements en accession sociale à la propriété et réaliser des opérations d’aménagement et d’urbanisme. Le patrimoine des 274 OPH (en 2009) comprend 2 137 000 logements locatifs et 124 000 équivalents L’Union sociale pour l’habitat représente, en France métropolitaine et Outre-mer, l’ensemble des organismes Hlm à travers ses cinq fédérations (la Fédération des Offices publics de l’habitat, les Entreprises sociales pour l’habitat, la Fédération nationale des Sociétés coopératives d’Hlm, l’Union d’économie sociale pour l’accession à la propriété et la Fédération nationale des Associations régionales d’organismes de logement social). Elle remplit trois missions : un rôle de représentation nationale auprès des pouvoirs publics, des médias, des milieux professionnels et de l’opinion publique ; une mission de réflexion, d’analyse et d’étude sur tous les dossiers relatifs à l’habitat et l’élaboration de propositions pour une politique sociale de l’habitat ; une fonction d’information, de conseil et d’assistance auprès des organismes afin de faciliter, rationaliser et développer leurs activités et leurs compétences professionnelles. logements répartis dans des foyers pour jeunes travailleurs, personnes âgées, résidences universitaires et sociales. Les Entreprises sociales pour l’habitat Les Entreprises sociales pour l’habitat (anciennement Sociétés anonymes et fondations Hlm), sont des sociétés anonymes à but non lucratif en raison de dispositions particulières sur les cessions d’actions, la rémunération du capital social et la dévolution des actifs. Les collectivités territoriales et les locataires sont représentés dans leurs conseils d’administration. Leur vocation principale est d’être à la fois des constructeurs et des bailleurs sociaux, partenaires actifs des politiques publiques locales en matière d’aménagement, de construction et d’urbanisme. Les 274 ESH sont propriétaires d’un parc locatif composé de près de 1 905 000 logements et de 121 000 équivalents logements. Les Sociétés coopératives Hlm Les coopératives Hlm sont des sociétés à capital variable fondées sur les principes coopératifs de démocratie et de transparence. Avec plus de 400 000 logements construits en un siècle, les 166 coopératives Hlm sont des acteurs historiques de l’accession sociale à la propriété, tout en ayant aussi des compétences élargies au domaine du logement locatif et de l’aménagement. Les Sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP) Les 56 SACICAP et l’Union nationale d’économie sociale pour l’accession à la propriété (UESAP), succèdent depuis 2008 aux Sociétés 42 Le logement social pour la solidarité et la croissance de Crédit immobilier (SACI) et à la Chambre syndicale du Crédit Immobilier. Les SACICAP sont des opérateurs de proximité avec un fort ancrage territorial, appuyés sur un sociétariat intégrant des collectivités locales et des organismes Hlm. Elles peuvent répondre à tous les besoins en matière d’accession à la propriété : crédit, construction, aménagement, services. Dans le cadre d’une convention passée avec l’État, elles ont obligation de financer des missions sociales et de réaliser 15 000 logements en accession sociale à la propriété en Prêt social location-accession (PSLA), en zone ANRU ou à prix maîtrisé. Les Associations Régionales Hlm De création plus récente (1973 pour les premières), elles œuvrent principalement à l’application locale des politiques nationales de l’habitat et regroupent, sur un plan territorial, l’ensemble des organismes Hlm présents qu’elles représentent auprès des instances politiques, économiques et sociales locales. D’autres acteurs ont une mission analogue Les Entreprises publiques locales (EPL) intervenant dans le logement Les Entreprises publiques locales (EPL) sont des entreprises au service et sous le contrôle des collectivités locales qui en sont les actionnaires majoritaires ou exclusifs. La « famille » des EPL est composée de Sociétés d’économie mixte (SEM), de Sociétés publiques locales (SPL) et de Sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA). 219 EPL interviennent dans le domaine du logement (logements sociaux, logements intermédiaires, logements étudiants, logements pour personnes âgées, résidences sociales, accession à la propriété…) et gèrent un parc d’environ 480 000 logements dont près de 68 % sont conventionnés (321 000 logements). Les habitants, premiers partenaires du monde Hlm L’une des spécificités du logement social en France est la place des habitants et de leurs associations dans les instances de tous les organismes Hlm. Ils sont membres de droit du Conseil d’administration (ou autre instance de décision), de la Commission d’attribution des logements et du Conseil de concertation locative mis en place dans tous les organismes. De plus, une concertation est organisée pour toute opération d’amélioration ayant une incidence sur les loyers ou les charges locatives. La plupart des organismes vont au-delà des exigences légales par leur engagement sur la qualité du service (charte qualité, certification…), une contractualisation avec les habitants (chartes, accords collectifs locaux, chartes de voisinage), la mise en place de dispositifs d’écoute et de réponse aux problèmes vécus au quotidien par les habitants (enquêtes, traitement des réclamations, médiation de proximité…) ou encore une contribution au financement d’associations de locataires pour maintenir leur présence dans les quartiers. Ils soutiennent les initiatives d’associations qui contribuent à la qualité des relations entre habitants (fêtes des voisins, accueil des nouveaux locataires, chartes de bon voisinage…), à l’amélioration de la qualité de la vie (spectacles, sports, clubs, art…) et au développement d’associations de prestation de service en faveur des habitants (maintien à domicile de personnes âgées, alphabétisation, monitorat travaux…). Les associations représentant les habitants sont des interlocuteurs importants des organismes mais aussi des partenaires importants du Monde Hlm. Elles siègent dans deux des instances nationales de l’Union sociale pour l’habitat (Conseil social, Instance nationale de concertation). Les organisations représentatives au niveau national sont la Confédération nationale du logement (CNL), Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), la Confédération syndicale des familles (CSF), la Confédération générale du logement (CGL) et l’Association Force ouvrière consommateurs (AFOC). Le logement social pour la solidarité et la croissance 43 Une mission sociale affirmée Des locataires aux revenus de plus en plus modestes Le logement social a pour mission de loger tous les ménages qui peinent à se loger dans les conditions du marché: familles, nouveaux ménages, salariés, retraités à revenus modestes, mais aussi personnes ayant des revenus bas, rencontrant des difficultés, etc. 34% environ de la population peut prétendre à un logement social: les plafonds légaux de ressources, différents selon le territoire ou la composition familiale, concernent en effet 64% de la population (ex. 2050 euros par mois pour une personne seule à Paris), dont il faut soustraire près de la moitié, constituée de propriétaires de leur logement. Les employés (25%) et les ouvriers (24%) 24 % 18,7 % 12,9 % 27,9 % représentent la moitié des résidents, les professions intermédiaires (infirmières, instituteurs, agents de maîtrise…) 12%, et les artisans et commerçants, 2%. La réalité de la situation sociale de ces dernières décennies tend à concentrer dans le parc social davantage de personnes ou de familles à revenus très modestes, malgré les efforts déployés par les organismes Hlm, souvent avec l’appui des collectivités locales, pour concilier l’accueil des ménages à bas revenus ou défavorisés avec la mixité sociale, générationnelle et urbaine. Une mixité qui, sous la pression des mutations économiques et sociales, tend à disparaître dans certaines zones. Depuis près de 40 ans, tandis que certains quartiers se spécialisent dans l’accueil des familles aisées, 12,1 % 10,7 % 9,2 % 8,8 % 24,3 % 22,3 % 25,1 % 24,6 % 7,7 % 18,9 % 33,2 % 35 % 33,5 % 31,4 % 33,5 % 32,6 % 32,9 % 32,6 % 31,8 % 33,9 % 37,5 % 39,8 % 30,2 % 1988 1992 1996 2001 2006 30,9 % 29 % 25,7 % 12 % 1973 17,2 % 1978 ■ 1er quartile 1984 ■ 2e quartile ■ 3e quartile ■ 4e quartile chassant par l’effet des prix les classes populaires, le parc Hlm se paupérise comme l’illustre le graphique cidessous. Ainsi, si en 1973, 59% des locataires du parc Hlm appartenaient aux deux quartiles des revenus les plus élevés, trois décennies plus tard, il ne s’établit plus qu’à 26,6% alors que le taux de présence du premier quartile des ménages les plus modestes a plus que triplé (12,0% à 39,8%). Sur la même période, la proportion de locataires Hlm du dernier quartile (revenus les plus élevés) a chuté, passant de 24% à 8%. Ce phénomène est renforcé par la disparition d’un parc locatif privé à bas loyers, ainsi que par l’application de la loi sur le Droit au logement opposable (DALO) qui oblige l’État à reloger les demandeurs dont une commission de médiation a reconnu le caractère absolument prioritaire, obligation qui ne s’exerce, dans les faits, que dans le parc locatif social. Cela augmente nécessairement la pression sur le parc Hlm, tout particulièrement en Ile-de-France où s’exercent 65% des recours, et où les relogements pèsent sur les communes ayant un parc social important. Les nouveaux entrants sont plus fragiles économiquement, à cause de la précarisation du travail, de l’érosion des revenus (retraites, emplois à temps partiel), du phénomène de souffrance psychique, et de l’accroissement du nombre de familles monoparentales. Ces tendances sont renforcées par le départ des locataires Hlm appartenant au quart le plus élevé des revenus, soit qu’ils choisissent d’accéder à la propriété, soit par l’effet du surloyer imposé aux ménages qui dépassent les plafonds de ressources. 44 Le logement social pour la solidarité et la croissance Un acteur économique de premier plan Le logement, public comme privé, est un secteur économique de tout premier plan (13) : il représente, toutes activités confondues, 23 % du PIB et le logement Hlm y contribue pour une part significative (14), à savoir : • 13 milliards d’euros d’investissement, • 17,3 milliards d’euros de loyers et 4,7 milliards de charges récupérables, • 2,6 milliards d’euros de dépenses d’entretien, • 102 milliards de dettes financières, • 7,1 milliards d’euros d’intérêts de la dette et de remboursement en capital, • 1,7 milliard d’euros de taxe sur le foncier bâti, • 8 milliards d’euros de pouvoir d’achat pour les habitants du secteur Hlm. pouvoir d’achat. En effet, à surface équivalente, un locataire Hlm dépense en moyenne chaque année 2000 euros de moins par rapport à ce qu’il dépenserait dans un logement privé et cette différence est bien plus importante dans les zones de marché tendu. Le prix du mètre carré en Hlm est en moyenne moitié moins cher que dans le locatif privé. En cumulé, plus de 8 milliards d’euros de pouvoir d’achat des 4,1 millions de ménages logés par le secteur Hlm apportent mieux-être aux habitants, consommation et activité pour le pays. Au-delà de ces chiffres, les Hlm, constituent aussi un investissement d’avenir, utile et responsable. Ainsi, par exemple, en 2008, en pleine crise des « subprimes », le Mouvement Hlm a démontré sa capacité à amortir la crise. Dans le cadre du plan de relance de 2008, les organismes Hlm ont, avec l’aide de leurs partenaires, collectivités notamment, donné un coup d’accélérateur à la production de logements et racheté des programmes aux promoteurs en difficulté. Ce caractère contracyclique du secteur a ainsi permis de maintenir l’emploi qui menaçait de s’effondrer dans le BTP. De plus, ils contribuent à l’amélioration du (13) Cf. Réorienter les interventions publiques dans le logement. (14) Chiffres pour l’année 2009. Les organismes Hlm ont par ailleurs un effet direct sur la vie économique des territoires. Ils emploient directement 76 000 salariés et créent en outre de nombreux emplois dans le secteur du BTP et chez les artisans. Pas moins de 115 000 emplois sont ainsi apportés par les seuls programmes de logements neufs (11,5 milliards d’euros au titre du locatif social et 1 milliard supplémentaire au titre de l’accession sociale à la propriété), sans compter les programmes de rénovation urbaine, la réhabilitation et le gros entretien. De plus, l’ensemble de ces emplois n’est pas délocalisable. Le logement social pour la solidarité et la croissance 45 Un modèle original de financement à l’efficacité prouvée La politique publique visant à permettre aux ménages à revenus modestes de se loger à des conditions décentes peut passer classiquement par l’attribution d’aides financières aux ménages (aides à la personne) ou par des subventions à la production de logements à loyer modéré (aides à la pierre). Ces différents dispositifs sont répandus en Europe et coexistent souvent sur un même territoire (15). C’est la manière d’équilibrer les avantages et les inconvénients inhérents à ces deux formules qui caractérise la politique de chaque pays ; leur bonne coordination est d’ailleurs un des facteurs de réussite ou non de la politique menée. L’aide à la personne Points positifs : son adaptation à la situation financière du ménage et à son évolution dans le temps et l’espace ; points plus négatifs relevés : son impact potentiellement inflationniste sur le niveau des loyers lorsque ces loyers sont libres, son caractère « pro-cyclique » difficile à assumer pour les finances publiques en période de crise économique et enfin la difficulté à orienter la production immobilière (rythme de la production, localisation, qualité…). Les aides à la pierre Points positifs : la constitution d’une offre pérenne de logements à loyers modérés quelle que soit la conjoncture économique, l’orientation possible de la production ; point plus négatif : sa plus difficile adaptation aux évolutions de la situation des ménages, tant en termes de conditions d’entrée que de loyers. (15) Voir encadré « Le logement social en Europe ». Un financement majoritaire par l’emprunt Mais ce qui caractérise le système français est l’importance du recours aux emprunts et à des ressources complémentaires (1 % et fonds propres des organismes Hlm) qui permet de peser modérément sur les budgets publics. Certes, tous les acteurs du marché locatif immobilier (logement, bureaux, locaux commerciaux ou industriels) basent leur modèle économique sur le levier de l’endettement : par le canal de l’emprunt ce sont les loyers futurs qui permettent de financer les achats ou les constructions d’aujourd’hui. Mais ils intègrent également la possibilité d’une plusvalue de revente, et c’est pourquoi le secteur privé recourt régulièrement à des cessions (ventes en bloc ou à la découpe). La nécessité des aides publiques en complément Ces plus-values n’existent pas dans le secteur Hlm qui a des engagements sociaux sans limite de durée. Comme par ailleurs les loyers du parc social sont plus faibles que dans le parc privé, ils permettent de mobiliser toutes choses égales par ailleurs moins de prêts, et comme les coûts de production sont sensiblement les mêmes dans le parc privé et dans le parc social (même foncier, même normes, même qualité…), le bouclage financier des 46 Le logement social pour la solidarité et la croissance Plan de financement moyen en PLUS et aides publiques associées PLAN DE FINANCEMENT PLUS 2010 Prix de revient unitaire Subvention État (surcharge foncière incluse) Subvention 1 % Logement Subventions collectivités locales et autres Prêt CDC Fonds propres Montant moyen par logement 142 300 3 900 3 800 12 800 105 000 16 800 MONTANT DES AIDES PUBLIQUES REÇUES Subvention État Subvention 1 % Logement Subventions collectivités locales et autres Baisse du taux de TVA Exonération de TFPB de 25 ans Avantage de taux du prêt CDC Montant total en euros 2010 Montant moyen par logement 3 900 3 800 12 800 19 000 9 900 14 700 64 100 opérations nécessite l’apport de financements complémentaires. Plus ceux-ci seront élevés plus le loyer de sortie de l’opération sera faible. C’est dans la nature de ces « aides » que réside l’originalité du modèle économique du logement social en France. On trouve essentiellement : • des aides apportées par l’État et les collectivités locales sous forme de subventions, de régime fiscal spécifique (taux de TVA réduit, exonération longue de taxation du foncier bâti) ou sous forme d’apport de foncier à coût réduit. Elles sont très différentes d’un projet à l’autre. Elles donnent lieu à des droits de réservation, leur permettant de proposer des candidats. • des aides venant du monde de l’entreprise via les prêts bonifiés ou les subventions d’Action logement financée par les cotisations du 1 % Logement. Elles donnent lieu également à des réservations. • des subventions en provenance de fonds européens pour certains travaux de réhabilitation ou des projets innovants. Un circuit d’endettement original Les emprunts des organismes de logement social se font essentiellement auprès de la Caisse des Dépôts et consignations, grâce au Fond d’épargne qui centralise 65 % des fonds déposés sur les livrets d’épargne faisant l’objet de défiscalisation (Livret A, Livret développement durable, Livret d’Épargne Populaire). Ce circuit a permis de financer sans faille les investissements des organismes de logement social (production et réhabilitation) à des conditions favorables quant à leur durée (40 ans voire plus) et leur taux (proche du coût de la ressource). L’apport de fonds propres des organismes La gestion d’un parc locatif ancien et de qualité permet de dégager des résultats d’exploitation significatifs (plus de 2 milliards d’euros) qui ne font pas l’objet de redistributions ou de prises de bénéfice mais vont contribuer pleinement au financement des investissements. Les organismes de logement social contribuent ainsi à leur propre développement. La vente de logements Hlm dès lors qu’elle correspond à une stratégie patrimoniale raisonnée et maîtrisée de l’organisme peut participer au développement des fonds propres, mais elle nécessite parallèlement le développement d’une offre supplémentaire adéquate de logements pour ne pas réduire les capacités d’accueil et ne peut donc être une source de financement importante. Un investissement moins coûteux car pérenne Pour prendre en compte le caractère pérenne du logement social ainsi financé, il convient de rapporter ce montant d’aide à la durée du prêt principal ou celle du logement financé. Le montant annuel de l’aide publique pour un Hlm est ainsi de 1 300 euros (pendant 50 ans). Le montant annuel de l’aide publique pour un logement comparable bénéficiant du dispositif Scellier aux conditions revues à la baisse pour 2012 est de 2 300 euros (pendant 9 ans). Rapporté à une durée identique de 50 ans, le Scellier, malgré l’absence de contrepartie sociale, revient donc à 115 000 € contre 65 000 pour un PLUS. Le logement social pour la solidarité et la croissance 47 Une péréquation dans le temps L’horizon temporel long résulte de raisonnements financiers reposant sur la détention et la gestion d’un parc de logements sur une durée plus longue que la durée des prêts initiaux, afin de permettre la reconstitution et le développement des fonds propres. Ils supposent une gestion patrimoniale soucieuse à la fois de la qualité de la production initiale et du bon niveau des travaux d’entretien tout au long de la vie de l’immeuble. Un investissement sûr Le souci de sécurité est rendu nécessaire par l’utilisation de fonds d’épargne garantis par l’État et de taux d’intérêt qui n’intègrent que très peu de provisions pour risques. Les prêts font donc l’objet d’une garantie soit, cas très majoritaire, par les collectivités locales soit par la Caisse de garantie du logement locatif social (Cglls). Pour éviter tout risque systémique, les organismes pratiquent une gestion prudente et sont sous le contrôle de nombreuses instances : Mission interministérielle d’inspection du logement social, Cour et chambres régionales des Comptes, et plus spécifiquement les dispositifs d’analyse et de prévention au sein des fédérations d’organismes. La solvabilisation des ménages par le biais de l’Aide personnalisée au logement (près de 50 % des locataires du parc social en bénéficient) contribue en limitant les impayés à cette maîtrise des risques. Une gestion dans la durée Des menaces sur le modèle de financement Si la production de nouveaux logements est une vitrine de l’action des organismes de logements sociaux et mobilise souvent l’attention, il ne faut pas occulter que la gestion locative, l’adaptation des logements aux évolutions de la population et de ses attentes, l’accompagnement social des habitants dans leur insertion, leur mobilité, leur trajectoire résidentielle, la participation à la gestion des quartiers… font partie intégrante des missions des organismes et ne relèvent pour le moment d’aucune aide publique spécifique. Le modèle économique du logement social a donc fait ses preuves : le parc constitué progressivement est globalement en bon état et propose des loyers modérés ; il a permis une accélération de la production récente. Toutefois il importe de préserver trois de ses fondamentaux : l’alimentation en prêts de la CDC – les fonds issus du Livret A font l’objet de convoitises – la pérennité du patrimoine – l’idée d’une vente massive sous couvert de droit à l’achat séduit certains – et l’apport en subventions des acteurs publics, eux-mêmes sous contraintes financières. 48 Le logement social pour la solidarité et la croissance Le logement social en Europe, des approches différenciées, des réalités contrastées Le concept de logement social est différent entre les pays européens, et relève de deux approches en fonction des destinataires de ces logements. Une approche « universaliste », fondée sur une vision particulière de l’assistance sociale : fournir à toute personne un logement de qualité, décent et abordable (Suède, PaysBas). Le logement y est considéré comme une responsabilité publique qui s’exerce via des sociétés municipales ou des sociétés à but non lucratif qui n’ont pas d’obligations légales en matière d’attributions, mais jouent un rôle de régulateur du marché notamment par le contrôle des loyers. En Suède les loyers maximaux sont négociés entre associations de locataires et sociétés de logement public et imposés à l’ensemble du marché du logement. Une approche «ciblée» qui réserve l’attribution d’un logement social aux ménages pour lesquels le marché est incapable de fournir un logement décent à un prix abordable. Cette approche se subdivise elle-même en deux, «généraliste» (catégories qui ne peuvent se loger dans les conditions du marché, comme en France), ou «résiduelle» (catégories défavorisées (Espagne, Royaume-Uni). Pour l’approche « ciblée », la majorité des pays ont mis en place des entités spécifiques au logement social agréées pour répondre à de nombreuses obligations de service public relatives aux conditions d’attribution, au loyer, aux conditions d’occupation (baux à long terme), et aux services spécifiques aux résidents. Seule l’Allemagne fonctionne par conventionnement à durée limitée en échange de l’accomplissement de ces obligations de service public, ce qui pose la question de la continuité de ce service de logement social, et fonctionne dans un contexte où la démographie est peu vigoureuse et où les loyers du marché sont très encadrés. L’Europe et le logement social : d’une vision « résidualiste » à une approche plus généraliste Bien que l’Union européenne n’ait pas compétence en matière de logement, elle ne s’est pas privée pendant longtemps de porter une vision du logement social extrêmement restrictive, dans laquelle un parc minimal accueille la frange la plus démunie de la population. La Commission a ainsi donné suite à des plaintes contre les systèmes universalistes des Pays-Bas, puis de la Suède et leur a imposé des mesures drastiques. Elle n’a cependant jamais mis en cause le système français, du fait de son ciblage (plafonds de ressources) mais aussi du fait qu’il ne porte pas atteinte à la concurrence : ses obligations sans limites de durée, et le mandatement institué dans le CCH qui assigne des obligations rigoureuses de service public, préviennent tout risque de surcompensation par les aides publiques. Tout récemment, les instances communautaires, Parlement puis Commission Européenne, ont modifié considérablement leur discours et leur approche du logement social, reconnaissant le bien-fondé d’une approche plus large des populations cibles et d’une recherche de mixité sociale. Ce dossier a été réalisé par L’Union sociale pour l’habitat, avec l’appui des services de l’Union et des Fédérations membres, ainsi que des Associations régionales Hlm. Les 10 propositions de l’Union ont fait l’objet d’un débat et d’une adoption à l’unanimité lors de la Convention nationale Hlm du 19 janvier 2012 réunissant l’ensemble des organismes adhérents, de leurs associations régionales et de leurs fédérations, ainsi que le Conseil social de l’Union. Contact [email protected] Tél. 01 40 75 68 46 www.union-habitat.org Février 2012 Conception-réalisation : Gavrinis Crédits photographiques Page 2 : OPH 93, Coop Foyer de Provence © FX Bouchart, Office public de Caen © FX Bouchart, Bourgogne Habitat SCIC © B, Logidome, Aquitanis, Habitat 44 © S. Chalmeau, Office des Landes, Immobilière 3F. Page 6 : Expansiel. Page 7 : Orvitis. Page 8 : Coop de Colmar. Page 9 : Archipel Habitat. Page 10 : Erilia © C. Almodovar, Le Foyer de l’Isère, Territoire Habitat, Domofrance, Coop de Vitry © M. Jehl, ICF La Sablière, Gironde Habitat © F. Achdou, OPH 93, Devignes-conseilJP Restoy pour SPLA Lyon Confluence, Immobilière 3F, Habitat du Littoral © Claude, Aiguillon, Logis familial. Page 13 : Groupe Gambetta, Habitat Beaujolais Val de Saône, Meurthe et Moselle Habitat. Page 15 : Reims Habitat. Page 17 : Habitat 44 © S. Chalmeau. Page 21 : Logement Francilien © F. Achdou. Page 24 : SHLMR. Page 27 : Emmaüs Habitat, Aorif. Page 29 : Pluralis. Page 31 : Angers Habitat © C. Pilard, Promologis. Page 32 : Groupe Gambetta, Opac de la Savoie. Page 36 : Mulhouse Habitat, Val Touraine Habitat. Page 37 : OPH de Limoges Métropole. Page 38 : Cilso, Logis cévenols, I3F, Cottage social des Flandres et Maison Flamande, ICF La Sablière, Val Touraine Habitat, Alliade, Grand Lyon Habitat, Opac du Rhône, Habitat et Humanisme © Jacques Damez pour SPLA Lyon Confluence, OPH Montpellier, Coopération et Famille, Domaxis, Promologis, Efidis © E. Tabarly, SIA Nord, Sikoa. Page 42 : Habitat 44. Page 45 : Le Cottage social de Flandres. Page 47 : Un toit pour tous. Page 50 : La Sablière © F. Achdou, OPH de Nanterre © Crossay. Shutterstock.