LA COGNITION SOCIO-LOGIQUE
Jean-S´ebastien Vayre
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Jean-S´ebastien Vayre. LA COGNITION SOCIO-LOGIQUE : Ou comment s’activent les
repr´esentations humaines et sociales. les Mardis de la Socio, Apr 2014, Toulouse, France.
<hal-00980192>
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LA COGNITION SOCIO-LOGIQUE
Ou coet s’activet les représetatios huaies et sociales
Jean-Sébastien Vayre1
Résumé : A priori, les sciences sociales ’ot pas à s’itesse à la cognition. Pourtant, comme le
montrent Kaufa et Clet , lespit humain est depuis longtemps théorisé par les sciences
de la société. Aussi, dans cette communication, nous souhaitons répondre au questionnement
suivant : comment les sciences sociales se représentent-elles l’espit et oet ette epsetatio
permet-elle de mieux comprendre la cognition et l’ativité humaine et sociale ? Dans un premier
temps, nous verrons que ce que nous appelons la cognition socio-logique renvoie à trois grandes
approches : l’appohe ogitive du soial, l’appohe soiale de la ogitio et l’appohe de la
cognition sociale Kaufa et Clet, . Nous otos esuite ue l’appohe de la
cognition sociale, qui est anthropologiquement et sociologiquement la plus complète, peut être
traduite et comprise autour de quatre strates représentationnelles : celle de la cognition naturelle,
celle de la cognition socialisée, celle de la cognition réflexive et celle de la cognition objective
(Clément, 2011). Nous concluons en montrant comment ces quatre espaces cognitifs peuvent
peette au soiologue et à l’athopologue (voire aux spécialistes de la cognition) de mieux
comprendre comment se font les actes de représentation, et donc, les actions et les activités
humaines et sociales u’elles sous-tendent.
Mots-clés : sociologie et anthropologie cognitive, représentation, rationalité limitée, action et
activité.
1 Dotoat e soiologie à l’uivesit de Toulouse II Le Mirail (CERTOP UMR 5044), jsvayre@univ-tlse2.fr.
1
Introduction
La psychologie et la neurologie n'ont pas le monopole de la cognition (Borzeix et Cochoy, 2008).
L'anthropologie cognitive (Hutchins, 1995 ; Suchman, 1993) et la sociologie cognitive (Cicourel, 1973 ;
Berger et Luckman, 1986) ont fait leur preuve. En ce sens, comme le montre, par exemple, le numéro
59 de la revue Intellectica (Mille, 2013), les sciences sociales peuvent contribuer au développement
de ce que l'on nomme aujourd'hui les sciences cognitives.
Dans cette communication, nous proposons donc de présenter comment les sciences sociales ont
abordé les questions de cognition et comment elles peuvent ainsi permettre de mieux comprendre
l’espit huai et l’ativit soiale.
Pour ce faire, à travers les trois paradigmes que sont « l'approche cognitive du social »,
« l'approche sociale de la cognition » et « l'approche de la cognition sociale » (Clément et Kaufmann,
2011) nous commençons par présenter les trois dimensions socio-logiques de la cognition. Nous
verrons alors que si l’appohe de la ogitio soiale est la plus complète et la plus satisfaisante, elle
tend néanmoins à complexifier la compréhension que le soiologue ou l’athopologue peut se faie
de la cognition humaine (section 1). Partant, afin de bien la comprendre, nous proposons de la
décomposer en quatre « strates représentationnelles » (Clément, 2011). Nous exposons alors
oet, d’u poit de vue soiologiue et athopologiue, la ogitio huaie est un composé
de naturel, de socialisé, de réflexivité et d'objectivité (section 2). Nous concluons en soutenant que
c'est dans l'articulation de ses quatre strates représentationnelles de la cognition que sont élaborées
les couples perception-inférence-action qui sot au œu de toute activité sociale. Nous exemplifions
cette thèse à pati d’une situation fictive et nous la discutons du point de vue de la théorie de la
cognition distribuée (section 3).
1. Les trois approches de la cognition socio-logique
Du point de vue de la soiologie et de l’athopologie, ogitio et ativit sot galeet
considérées comme intimement intriquées (Licoppe, 2008). Afin de mieux comprendre comment les
deu peuvet s’atiule, ous poposos, dans cette première section, de répondre au
questionnement suivant : à quel point l'activité sociale est-elle dépendante de la cognition humaine ?
À quel point la cognition humaine en jeu dans l'activité sociale est-elle intrinsèque ou extrinsèque au
sujet ? À quel point la cognition humaine en jeu dans l'activité sociale est-elle intentionnelle ou non-
intentionnelle ?
Pour ce faire, nous commençons par présenter l'approche cognitive du social. Nous verrons que la
cognition est ici considérée comme le propre de l'acteur rationnel, que ce soit sur le plan téléologique
et/ou axiologique (section 1.1). Ensuite, nous montrons que dans l'approche sociale de la cognition,
l'acteur est rationnellement limité (Simon, 1969). En ce sens, il est plutôt considéré comme un agent
social puisque sa cognition est largement déterminée par la socialisation et par les effets de situations
(section 1.2). Nous exposons alors comment l'approche de la cognition sociale compose une voie
intermédiaire. En intégrant les dimensions individuelles et collectives de la cognition, cette
pespetive peet e effet d’apphede la ogitio oe à la fois incorporée, distribuée et
réflexive (section 1.3). Finalement, nous proposons une première synthèse de la manière dont les
sciences sociales se représentent la cognition humaine (section 1.4).
1.1. La cognition est individuelle et rationnelle
Du point de vue de la sociologie cognitive française, la cognition humaine est souvent
appréhendée à travers l'approche cognitive du social. Précisons alors que celle-ci est influencée par
l'individualisme méthodologique wébérien.
Aussi, il n'existe pas, ici, de déterminations sociales invisibles qui viennent guider les
comportements des personnes. Car, ces comportements découlent des motivations et des intérêts de
l'acteur social qui sait les mobiliser en toute connaissance de cause (Weber, 1956). Dans cette
2
approche, comme toute action humaine est intentionnellement située socialement (c'est-à-dire
orientée significativement par rapport à autrui) elle est toujours dotée d'un sens subjectif
suffisamment rationnel pour être comprise par un observateur.
En ce sens, Boudon (1988) développe la notion de « raison d'agir » afin de désigner les causes
réelles du comportement (i.e. : les principes effectifs de l'action humaine). Pour cet auteur, il s'agit
alors de dégager les valeurs causales qui sont accordées aux motivations et aux raisons individuelles.
La rationalité axiologique (i.e. : la tradition, l'intérêt à la conformité, etc.) est ainsi assimilée à la
catégorie des bonnes raisons qui peettet au huais de s’ative. Aussi, Bouvier (1995) adopte
cette perspective pour repérer comment le raisonnement réflexif vient parfois transformer les
croyances collectives. Notons alors que l'acteur rationnel de l’appohe ogitive du soial apparaît
comme un proche voisin du membre compétent et hyper-conforme de l'ethnométhodologie. Chez
Garfinkel (1967), les membres de la communauté agissent également de façon intentionnelle et
réflexive. Cependant, il est important de soulige u’à la diffee de l’ethothodologie, la
sociologie des bonnes raisons tend à sous-évaluer les contraintes environnementales (i.e. : les effets
de situation/de groupe) dans les processus de cognitifs.
Aussi, selon l’approche cognitive du social, les sciences cognitives actuelles tendent à anéantir le
concept d'acteur en substituant à l'ordre des bonnes raisons (i.e. : des processus
sociopsychologiques) celui des causes (i.e. : des mécanismes mentaux infra-conscients). De ce fait, la
sociologie de la cognition individuelle et rationnelle permet de souligner un des principaux risques du
cognitivisme : réduire les phénomènes mentaux à des « niveaux inférieurs d'existence » (Bronner,
2006). Or, s'il existe indéniablement des réflexes metau hez l’huai, il paraît difficile de réduire
leurs croyances humaines à des mécanismes strictement infra-conscients. En effet, pour Clément et
Kaufmann les croyances « sont en fait toujours le produit de raisonnements plus ou moins implicites,
obéissant ainsi à un type de causalité différente de celui des causes efficientes, qu'elles soient
naturelles ou sociales » (2011, p. 20).
Pour autant, les humains que nous sommes ont-ils toujours de bonnes raisons permettant de
motiver leurs actions ? Les processus cognitifs ne dépendent-ils pas également de principes holistes
que l'individualisme méthodologique ne sait pas repérer ? Si le social peut effectivement être compris
comme un agrégat de cognitions individuelles et rationnelles, ’est-il pas également possible
d’appréhender la cognition comme un ensemble de processus socialement encastrés ?
1.2. La cognition est collective et incorporée
Si. Et, ’est justeet e ue ote l'approche sociale de la cognition. Car, a contrario de
l’appohe ogitive du soial, ici, la société n'est pas appréhendée comme la résultante de
l'émergence des représentations et des actions individuelles : le cognitif est intriqué au social.
Partant, pou les adeptes de l’appohe soiale de la ogitio, il s'agit cette fois-ci de focaliser son
attention sur la dimension sociale des perceptions, des attentes, des catégorisations et des
dispositions (Clément et Kaufmann, 2011).
En effet, selon ce point de vue, le fondement de l'ordre social est cognitif et tout fondement
cognitif est de part en part social. Autrement dit, le cognitif prend prise sur l'ordre social qu'il
participe à constituer (Berger et Luckmann, 1986). De ce fait, les ressources morales et cognitives
sont mobilisées et façonnées dans les processus d'interaction. La cognition ordinaire est donc
composée de dimensions impersonnelles et publiques (Mead, 2006). Aussi, oe l’eposet bien
les travaux de Lahire (2008), les phénomènes cognitifs ne sont pas indépendants des institutions
culturelles et des organisations collectives. Cest pouuoi Quéré (2008) souligne par exemple que la
relation de confiance n'est pas une simple stratégie coopérative, ou encore, un cours mécanisme
mental instantané et volontaire qui laisse des traces mesurables à l'aide de l'imagerie mentale. C'est
un processus normatif et pratique qui s'insère dans des temporalités longues. La relation de
confiance ne fait donc pas partie de la catégorie évènement mais plutôt de celle des dispositions.
3
Pa osuet, du poit de vue de l’appohe soiale de la ogitio, la cognition ne renvoie pas
à un sujet artificiellement isolé de la société. Elle recouvre des mécanismes qui sont associés à des
coutumes, des œus, des institutions de sens qui permettent de comprendre l'action humaine sans
forcément faire un détour par les sensations individuelles (Descombes, 1996). Ici, l'action est donc
toujours située et déterminée par des exigences pratiques et normatives. Autrement dit, selon ce
point de vue, la cognition est indissociable de l'action et de la pratique qui ne peuvent se réduire à
l'instantanéité du présent. Car, les schèmes de perception et de classification qui permettent l'action
découlent de la sédimentation des contextes, des accoutumances et des habitudes passées. Cest
pourquoi, chez Lahire (2006), les individus sont considérés comme une composition de plusieurs
habitus qui renvoient tous à des espaces de socialisation spécifiques. Néanmoins, si l'acteur est
pluriel il n'en reste pas moins tout aussi singulier. Pour Lahire (2006), et à la différence de Kaufmann
(2001), il n'y pas de pluralité éclatée de l'identité. C’est pouuoi, das l’appohe soiale de la
cognition, la cognition se situe à l'intersection de deux types de temporalités : celle des dispositions,
qui sont le fruit de l'incorporation des régularités sociales, et celle des exigences situées dont le
contexte d'action est objectivement porteur.
Ainsi, l'approche sociale de la cognition constitue une sorte de démentalisation et
d'externalisation des processus cognitifs. En effet, elle insiste généralement sur les dimensions
collective (Clark, 2004), située (Lave, 1988), distribuée (Hutchins, 1995) et incarnée (Varela et al.,
1993) de la cognition. Selon cette approche, les processus cognitifs ne sont donc pas de simples jeux
de représentations et d'inférences se produisant à l'interstice de la perception (i.e. : entrée
perceptive/stimuli) et de l'action (i.e. : sorties motrice/réponse ; Steiner 2008). Ed’autes tees, ils
ne renvoient pas à une manipulation distante de symboles ni à un traitement d'informations
circonscrit dans des esprits isolés : ils sont collectifs et font l'objet d'une distribution entre les
humains et les artefacts (Hutchins, 1994). Par conséquent, l'infrastructure organisationnelle et
matérielle externe est ici, d’u poit de vue ogitif, tout aussi centrale que l’espit idividuel et
rationnel. En ce sens, les technologies cognitives, qui configurent notre cerveau depuis notre
naissance, font partie du couplage monde-corps qui augmente et rallonge notre esprit (Clément et
Kaufmann, 2011).
Néanmoins, ’est-il pas trop adial d’affie que la cognition se situe essentiellement à
l'extérieur des sujets (cf. Robillard, 2011) ? Pour que la cognition soit distribuée ne faut-il pas qu'il y
ait une certaine complémentarité ? Aussi, n'existerait-il pas une sorte de vase communiquant entre la
cognition individuelle et rationnelle f. l’appohe ogitive du soial et la cognition collective et
incorporée f. l’appohe soiale de la ogitio ?
1.3. La cognition réflexive et distribuée
S’il est effectivement trop radical d’affie ue la ogitio se situe elusiveet à l’etieu
des sujets, il ’eiste pas, à proprement parler et du point de vue de lapproche de la cognition
sociale, de vase communiquant entre la cognition individuelle et rationnelle et la cognition collective
et incorporée. En effet, Selon Heintz (2011) ou Pharo (2011), l'idée d'une cognition collective,
distribuée et incarnée n'implique pas nécessairement une vision allégée des processus cognitifs. En
ce sens, selon cette perspective, le rôle de l'environnement et celui de l'esprit ne doivent pas être
considérés comme inversement proportionnels. Cest pouuoi il n'existe pas, concrètement, de vase
communiquant entre les processus cognitifs internes (cf. cognition individuelle et rationnelle) et
externes (cf. cognition collective et incorporée) à l'individu.
Bien au contraire, selon Heintz (2011), les interactions d'un organisme avec son environnement
tendent à favoriser son développement cognitif. Dans cette approche, il ne s'agit donc pas, pour le
chercheur, de dégager l'équivalence des fonctions cognitives entre différentes instances humaines ou
matérielles mais plutôt de décrire les modalités de leur réalisation matérielle. Le travail du sociologue
consiste alors à articuler deux formes de descriptions : une description plutôt psychologique et
neurophysiologique de l'architecture rébrale et une description plutôt sociologique de
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