Typologie - histoire et potentiel des usines

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Une enclave industrielle s’ouvre à la vie urbaine
Typologie - histoire et potentiel des usines
Christa Balmer
Enoncé théorique du projet de master en architecture
Christa Balmer
EPFL, année académique 2008-2009
Prof. Luca Ortelli, professeur responsable de l’énoncé théorique
En collaboration avec Ann Linder et Annina Inäbnit
« Die hohe Fabrikesse, der Fabrikschlot war vor dreißig Jahren geradezu ein
Sinnbild für die Verunzierung der Gegend. Und heute? Die Maler greifen eifrig nach
den hohen Essen und malen sie in alle ihre Stadtbilder hinein. »1
Friedrich Naumann
Table des matières
1
2
3
4
5
6
6.1
6.2
6.3
6.4
7
8
9
10
Avant-propos
Méthode
Esthétique des usines
L’industrie dans la région de Hambourg
Une histoire architecturale de l’entreprise Möller
Formation des types architecturaux des usines
L’usine et la mécanisation de la production
L’usine et le processus de production
L’usine et la gestion de l’entreprise
L’usine et la représentation
Conservation, réutilisation et transformation d’usines
Le potentiel de la fabrique Möller à Wedel
Conclusion
Sources
1
3
7
13
19
43
47
51
55
59
61
69
77
79
1
Avant-propos
Dans le cadre de nos projets de master, nous nous occuperons du site de
l’entreprise Möller-Wedel GmbH au centre de Wedel, près de Hambourg. Il s’agit
d‘un complexe architectural qui s’est développé au fil des années parallèlement à la
croissance de cette entreprise produisant des instruments optiques et portant des
caractéristiques typiques de l’architecture des bâtiments industriels en Allemagne
du Nord. Aujourd’hui la production de l’entreprise n’occupe plus qu’une fraction de
la surface disponible, le reste est vide ou loué à d’autres entreprises. Une nouvelle
construction prévue sur une parcelle adjacente permettra la rationalisation du travail
ainsi que l’optimisation de l’espace. Nous nous sommes intéressées au potentiel de
réaffectation dont dispose ce site en tant qu’ensemble de constructions industrielles
se trouvant au cœur de la ville.
La situation de cette usine au centre d’une petite ville ainsi que les bâtiments en
bon état en font cependant une excellente occasion de repenser la vocation de
ce lieu. Le but des trois énoncés théoriques élaborés à ce sujet est de trouver une
stratégie pour le développement futur de ces bâtiments. Nous espérons profiter de
la collaboration pour approfondir trois aspects théoriques dont chacun nous servira
à l’élaboration des projets de transformation des différentes parties du site.
Ainsi, Annina Inäbnit étudie les aspects urbanistiques de ce lieu, et particulièrement
le rôle que ce site a joué dans le développement de la ville de Wedel et la place qu’il
pourra prendre dans le futur.
Ann Linder met l’accent sur la construction des bâtiments, sur leur état et sur
la brique comme matériau de construction caractéristique de la région ; la
problématique des lieux de production enfin sera le sujet de mes réflexions.
LES USINES : TÉMOINS D’UNE ÉPOQUE
Les usines dans nos villes font partie du patrimoine architectural, mais elles sont
aussi à même de nous révéler le développement des technologies de production,
les conditions de travail et des problématiques de l’économie. Ainsi, toutes les
usines n’ont pas une valeur esthétique, mais si elles se trouvent à l’intérieur d’une
ville, elles ont souvent une part importante dans l’image que donne le quartier. Puis,
des intérêts historiques – tant de l’histoire technique que de l’histoire socio-culturelle
– sont présents. Des considérations écologiques consistent une dernière raison
qu’il est important de citer : la destruction et la construction à neuf consomment en
règle générale plus d’énergie et de matières que la transformation.
Pour l’architecture moderne, les usines ont en plus servi comme modèles de
l’adaptation de la forme au contenu. La même rationalité qui a inspiré le mouvement
moderne menace toutefois les bâtiments industriels qui ne sont plus adaptés aux
1
nouveaux procédés de production. Ceux-ci ont une durée de vie plus courte que
les locaux de fabrication, et créent ainsi un dilemme entre la conservation des
bâtiments et l’adaptation des sites industriels aux besoins actuels.
Une fabrique est particulièrement menacée si une adaptation à une nouvelle
manière de produire est difficile et si son utilisation du sol est faible comparé à ce
que la législation actuelle permettrait.
RECHERCHE DE STRATÉGIES
Comment pouvons-nous donc procéder avec le patrimoine industriel? Quels sont
les édifices que l’on devrait conserver? En quoi les technologies changeantes
ont-elles influencé l’architecture des usines? Quels sont les autres facteurs qui
l’ont déterminée? Est-il possible et judicieux d’établir une typologie des bâtiments
de production, et une telle analyse peut-elle contribuer à d’éventuels projets de
transformation?
Mon travail touchera à toutes ces questions, en mettant l’accent sur l’interaction
entre la fabrication de marchandises et la forme architecturale d’une part et le
potentiel des fabriques désaffectées d’autre part.
2
2
Méthode
Nous approcherons la thématique de deux points de vue : celui de l’esthétique
industrielle (notamment la réception des usines par la population, par les artistes
et par les architectes) et celui de l’industrialisation de la région dans laquelle
l’entreprise Möller se situe.
Des recherches sur le patrimoine bâti de l’usine à Wedel seront ensuite menées.
Elles se basent sur les documents disponibles dans les archives de la ville et
les archives de l’entreprise, en majeure partie des demandes d’autorisations de
construire avec les plans correspondants. Cette étude de cas permettra d’identifier
quelles étaient les raisons de construire chacune des étapes et quelles formes
architecturales ont ainsi été engendrées.
Puis, le champ d’études s’élargira à l’architecture des usines en général. Les
relations entre le développement technologique, la branche, l’organisation
d’entreprise et la situation économique d’une part et l’architecture en résultant
d’autre part seront étudiées. Des exemples de fabriques à Hambourg, et quelquesuns d’ailleurs en Allemagne, seront présentés pour souligner le discours.
Ensuite, quelques fabriques transformées seront étudiées. Une comparaison entre
l’affectation originale et l’occupation suivante ainsi qu’une caractérisation des
espaces seront au centre des préoccupations. Une attention particulière sera portée
à l’ampleur de l’intervention.
Toutes ces réflexions nous mèneront à une conclusion sur un projet de
transformation possible à Wedel.
3
existant :
usine J. D. Möller
stratégie :
usine J. D. Möller
architecture
d’usines
usines
transformées
4
Le point de vue adopté tout au long de ce travail sera celui de la construction
des bâtiments de production en lien avec la branche, le produit, la technique de
production, les machines et travailleurs, le développement et l’organisation de
l’entreprise et la situation économique et politique. L’analyse ne tiendra pas compte
des espaces destinés uniquement au stockage, ni des ouvrages d’infrastructure
qui font partie de l’architecture industrielle mais ne relèvent pas de la fabrication
de marchandises à proprement dit. L’industrialisation de la construction ne sera
considérée que dans la mesure où elle influence le type architectural.
Pour ce travail, j’adopterai donc la définition du concept de fabrique suivante:
« Fabrik: die unter einem Dach oder in mehreren Gebäuden zusammengefassten
Werkstätten für Veredelung von Rohstoffen und Fertigung von Geräten, Apparaten,
Maschinen und vielen anderen Gebrauchsgegenständen des täglichen Bedarfs;
eingeschlossen in diesen Begriff sind auch die Räume und die Gebäude für die
Lagerung von Werkstoffen und Erzeugnissen, für die Betriebsleitung und die
Wohlfahrtsanlagen, sowie sehr verschiedene andere Nebenanlagen. »1
La période étudiée correspond à celle de l’essor de l’entreprise Möller, de 1890
environ jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale.
5
1: Claude-Nicolas
Ledoux, Plan Général
d’une Forge à Canons
6
3
Esthétique des usines
Quelles sont les influences majeures sur l’expression de l’architecture industrielle?
Cette tâche de construction, inexistante encore il y a 250 ans, compte parmi les
plus jeunes. Les architectes, ingénieurs et fabricants projetant des usines ont donc
dû se créer une nouvelle image.
Avant de se lancer dans l’analyse de l’esthétique des usines, il faut noter que les
considérations esthétiques ont toujours été subordonnées aux réflexions de type
économique et pratique.
APPROCHE PRAGMATIQUE
On peut citer à ce sujet le premier bâtiment industriel réalisé en fonte, la filature
de coton Philip & Lee à Salford (Manchester). Jusqu’à ce moment, les filatures
avaient été construites en maçonnerie et en bois, ce qui avait mené à des éléments
structurels très encombrants à l’intérieur des espaces de production. Le nombre
d’étages superposés était restreint, et la protection contre l’incendie insuffisante.
La rationalité du nouveau système constructif d’éléments préfabriqués en fonte
et de remplissages en brique – qui permettait dans ce cas la construction d’un
bâtiment de 42m de long, 14m de large et de 7 étages – n’était donc pas née
à partir de réflexions artistiques, mais de nécessité. Les étages n’étaient pas
subdivisés, les 300 à 400 travailleurs pouvaient donc être supervisés par quelques
personnes seulement. Si l’on considère la surface disponible par personne (environ
3.5 à 4.5m2, sans déduire les surfaces de stockage et de circulation), on comprend
bien que la maximisation du gain était le principe déterminant de ce projet.1
Suite à la séparation du domaine de la construction en deux métiers, architecte et
ingénieur, la construction de fabriques appartenait au domaine du dernier. En plus
des connaissances nécessaires des techniques, des machines et des processus
de production, le caractère anonyme des usines en faisait un champ inintéressant
pour les architectes de l’époque. La tendance de l’architecture industrielle de placer
des agrégats – tels que des hauts fourneaux, des grues et des dispositifs de tubes
– à l’extérieur des bâtiments proprement dits et de faire disparaître les façades
provoquait même des craintes de perte de travail chez certains architectes.2
Des tentatives par les architectes de s’approprier ce champ d’activité ne fructifiaient
pas: C.-N. Ledoux se souciait de trouver le caractère convenable dans ses projets
de bâtiments industriels et se situait ainsi dans la ligne de théoriciens d’architecture
mettant l’accent sur le caractère symbolique des bâtiments (avec J. F. Blondel,
7
8
2: Johann Jakob Dorner,
Eisenhütte im Gebirge,
début du XIXe siècle. La
peinture montre l’usine
dans le cadre paisible
de la nature qui n’est
aucunement mise en
danger par la présence
de l’industrie.
3: Karl Blechen,
Walzwerk NeustadtEberswalde, vers 1834.
La fabrique occupe
déjà une place plus
importante, on pourrait
y voir une menace du
pêcheur par l’industrie.
« In früheren Zeiten
war die Technik etwas
Naturnotwendiges
und fügte sich planvoll
in den Rahmen des
menschlichen Daseins
ein. Nicht von einer
Vernichtung des
Landschaftsbildes,
sondern oft von einer
Hervorhebung könnte
man reden. »6
Volker Rödels
E.-L- Boullée et J. N. L. Durand.)3 La disposition pompeuse des différentes unités
de production était cependant loin d’être assez rationnelle et performante pour les
besoins de la fabrication.
INSPIRATION DE L’ARCHITECTURE FÉODALE
A partir de la deuxième moitié du XIXe siècle, des tourettes, créneaux, arcs en plein
cintre ou brisés, rosaces, oriels et balustrades ont commencé à apparaître dans
les usines. L’inspiration de l’architecture représentative pouvait aller jusqu’à créer
des véritables « châteaux industriels. »4 Cette tendance subsistait encore au début
du XXe siècle, quand des portails éclectiques et de diverses formes décoratives
faisaient partie du répertoire des concepteurs de fabriques.
Une raison plausible pour cet « embellissement » des bâtiments de production
pourrait être que l’on essayait d’adapter le monde encore peu connu de
l’industrie au monde familier de la bourgeoisie. Des effets de publicité étaient
vraisemblablement attendus quand les locaux d’une entreprise étaient ainsi rendus
plus nobles. La tendance révèle cependant aussi une nouvelle préoccupation : celle
de l’insertion des fabriques dans le paysage ou dans leur contexte architectural.
REPRÉSENTATION DE L’INDUSTRIE DANS LA PEINTURE
A ce sujet, il est intéressant de noter que l’industrie a beaucoup été représentée
dans la peinture. Les paysages comportant des sujets du monde technique les
montrent comme des éléments faisant partie de la nature, de l’espace vital de
l’homme. Cela dit, des paysages tels que la « Eisenhütte im Gebirge » (usine
sidérurgique) de Dorner ou le « Walzwerk Neustadt-Eberswalde » (usine de
laminage) de Blechen ne mettent pas vraiment en scène la production industrielle,
les seuls indices en étant les cheminées avec leur fumée. C’est l’atmosphère qui
est au centre de l’attention et qui porte généralement une composante mystique ou
théâtrale.
D’autres représentations d’usines ont été peintes à des fins de documentation,
souvent sur mandat par les entrepreneurs. Ces œuvres d’une précision presque
photographique ne tentent pas de juger le phénomène de l’industrialisation. Un
exemple pour cette catégorie est le « Lendersdorfer Walzwerk » par Carl Schütz
(1838). Des représentations similaires ont beaucoup figuré en en-tête dans la
correspondance commerciale.
9
10
« Wie auch im
Städtebau der Gedanke
sich durchgesetzt
hat, dass vor allem
Grossräumigkeit
vorherrschen soll,
dass überall Licht und
Luft bestimmende
Faktoren sind, so ist
auch im Industriebau ein
grundsätzlicher Wandel
nach dieser Richtung
eingetreten. »9
Les peintures de l’intérieur des usines peuvent avoir une ambiance pathétique : le
travailleur y est représenté comme un héros, le maître des grandes machines. Ceci
est le cas dans le « Eisenwalzwerk » de Adolf Menzel. Le peintre a raconté qu’il
« était en danger constant de passer sous le rouleau »5 lors de l’élaboration des
esquisses préparatoires.
L’aspect du travail comme martyre n’était que rarement représenté à l’époque
wilhelmienne (1890-1918), mais il est apparu fréquemment pendant les années
1920 comme victime de la société.
Hans Hertlein
4: Adolf Menzel,
Eisenwalzwerk,
1872-1875. L’activité
industrielle est
représentée en toute
sa réalité, la force de
l’homme maîtrisant
la machine y figure
tout comme le danger
permanent dans lequel
les travailleurs se
trouvent sans cesse.
ÉPOQUE MODERNE
La nouvelle génération d’architectes au début du XXe siècle désire se détacher des
formes de l’historicisme. Si ceci n’est pas encore facile dans les domaines établis
de l’architecture, la construction de fabriques était ouverte à ce genre d’idées. Ce
champ devient donc le préféré des jeunes architectes, comme l’a affirmé Walter
Gropius en 1913 : « Gerade der völlig neue Charakter der Industriebauten muss
die lebendige Phantasie des Künstlers reizen, denn keine überlieferte Form fällt ihr
hemmend in die Zügel. »6
Un discours au sujet de l’architecture industrielle avait déjà abordé les thèmes de
la technique (construction, matériaux) et de l’esthétique (embellissement) à partir
du XIXe siècle, que Drebusch qualifie de « pseudo-problématique ».7 Le Werkbund
allemand et les constructions pour l’AEG par Behrens ont à nouveau déclenché le
discours sur l’architecture des usines.
On peut identifier deux tendances majeures dans l’architecture industrielle des
années 1920 : la première est celle du « Neues Bauen», du style international, à
laquelle appartenaient notamment les œuvres de Peter Behrens, Hans Poelzig et
Walter Gropius. La deuxième est celle de l’expressionnisme, souvent matérialisée
en brique rouge, dont Fritz Höger est un représentant. Voulant se détacher du style
international, ce dernier affirmait : « es gibt keine Neue Sachlichkeit, nur eine
uralte ».8
11
1: Hambourg et ses
environs. Sur cette
carte de 1910, on
remarquera que les
tissus urbains d’Altona à
l’ouest et de Wandsbek
é l’est ont déjà fondu
à celui de Hambourg.
Ottensen en est
encore plus clairement
séparé. L’importance
du chemin de fer est
visible notamment pour
Harburg (au sud).
12
4
L’industrie dans la région de Hambourg
CONTRAINTES ET CHANCES D’UNE VILLE MARCHANDE
Hambourg s’est industrialisée moins rapidement que le reste du pays. Le statut
de la ville en tant que lieu de commerce mondial était une raison pour ne pas faire
partie de l’union douanière allemande (Deutscher Zollverein), créée en 1834. Cette
situation particulière – ne pas faire partie de l’union mais être entouré par des
membres – facilitait l’échange de biens d’outre-mer et l’export de marchandises,
entravait cependant la commercialisation de biens en Allemagne par l’imposition de
droits de douane. Par conséquent, l’implantation de fabriques à Hambourg même
était rare. Les corps de métiers, dont les lois ont été suspendues seulement en
1864, empêchaient aussi le développement industriel.
Il n’est donc pas étonnant que les entreprises industrielles dépendantes du
marché allemand se situaient en dehors de la ville elle-même. Les communes qui
accueillaient des fabriques au milieu du IXe siècle sont Harburg (au sud de la ville),
Ottensen et Altona (à l’ouest) ainsi que Wandsbek (à l’est).
1834-1888 : DÉVELOPPEMENT DES COMMUNES AUTOUR DE HAMBOURG
Harburg profitait de meilleures conditions que Hambourg : son port avait été
agrandi en 1845-1849, et depuis 1847 la ligne de chemin de fer jusqu’à Hannover
était en fonction. Membre du Zollverein dès 1854, ce lieu devenait intéressant pour
les usines voulant approvisionner l’Allemagne. Le Stader Zoll, en vigueur jusqu’en
1861, libérait Harburg de droits de douane lors de l’arrivée de navires et réduisait
ainsi les coûts d’importation de matières premières.
Les branches qui s’installaient à cet endroit étaient donc celles qui devaient
importer de grandes quantités de matières de provenance étrangère : l’industrie des
moulins à huile, qui pressait des graines étrangères, se développait à partir d’une
tradition artisanale à l’aide de la force motrice à vapeur et de la presse hydraulique
dès 1830. Elle répondait aux besoins alimentaires grandissants d’une population
croissante dans les années 1870. Harburg est devenu le lieu d’industrie le plus
important d’huiles végétales du continent.
La fabrication de caoutchouc, qui représentait à ce moment une innovation, profitait
des mêmes conditions. La Harburger Gummi-Kamm-Compagnie, première usine
de caoutchouc dur d’Allemagne, fût fondée en 1856. L’industrie du caoutchouc
est restée pendant longtemps un pilier important de l’économie de Harburg. Les
moulins à huile comme les usines de caoutchouc se trouvaient près de l’eau
navigable, ce qui rendait possible un transport de marchandises économique.
13
2: L’usine d’hélices
Zeise, un représentant
des branches
industrielles typiques
d’Ottensen.
14
Un autre pôle de l’industrie dans la région est Ottensen. Ayant été sous domination
danoise dès 1640, elle appartenait au Land Schleswig-Holstein à partir de 1866.
A ce moment les premières entreprises industrielles, des verreries, s’y étaient déjà
établies. Mais un grand essor a eu lieu en raison des changements politiques et
de l’appartenance au Zollverein. Quelques grandes entreprises s’y installaient,
mais l’industrie d’Ottensen consistait avant tout en entreprises de taille petite et
moyenne.
Les branches les mieux représentées étaient celles travaillant avec de l’acier et
du fer, notamment les fonderies et la construction de machines. L’industrialisation
rapide est rendue visible par l’augmentation rapide de la population entre 1864 et
1885.
Altona, la commune voisine d’Ottensen, n’est devenue membre de l’union
douanière allemande qu’en 1889, son développement pendant le IXe siècle n’était
donc que faible.
Wandsbek aurait été dans des conditions favorables (liberté de l’industrie dès 1833,
partiellement situé à l’intérieur du territoire douanier), mais son industrie s’est tout
de même développée lentement jusqu’à la fin du siècle. Les quelques fabriques qui
s’y sont constituées étaient actives dans l’industrie des biens de consommation
(il y avait notamment une grande distillerie et une compagnie de cacao). Après le
tournant du siècle, d’autres usines d’alimentation, ainsi que des entreprises de
chimie, de photochimie et de construction de machines, s’y sont formées.
1888-1910 : POLITIQUE ET ZONES INDUSTRIELLES
L’entrée de Hambourg dans l’union douanière s’est faite en 1888. Sa population
avait considérablement augmenté, il y avait donc suffisamment de main d’œuvre
disponible pour permettre une industrialisation rapide. L’absence de matières
premières locales pouvait être comblée par l’importation par voie d’eau, le transport
étant ainsi nettement moins cher que par chemin de fer. Pour le transport des
produits finis vers l’intérieur du pays, on pouvait cependant compter sur le réseau
de chemins de fer qui s’était établi en Allemagne du Nord dans les années 1840 à
1880.
Les conditions pour l’établissement de l’industrie à Hambourg étaient ainsi
simplifiées. Puisque la politique de la ville restait orientée vers le commerce, aucun
boom industriel n’a eu lieu. C’est plutôt en périphérie et dans des situations de
voisinage avec des habitations que les usines se sont installées. Très peu de
nouvelles aires industrielles ont été définies. Dans d’autres quartiers résidentiels la
15
3: L’usine d’huiles
alimentaires Lucas
Meyer GmbH & Co.
à Rothenburgsort, un
exemple d’industrie
dépendant du transport
par voie d’eau.
16
construction de fabriques a été interdite.
Wilhelmsburg, une commune qui, contrairement à Hambourg appartenait à la
Prusse, avait un caractère rural jusqu’en 1888. Sa proximité du port de Hambourg
était un facteur important pour l’industrialisation de ce lieu. La politique prussienne
étant plus orientée vers l’industrie que celle de Hambourg, de grandes zones y ont
été mises à disposition de l’industrie.
La première grande usine de Wilhelmsburg était la Hamburger Wollkämmerei
AG (1889/90). Puis, d’autres entreprises sont arrivées, qui avaient besoin soit du
transport par voie d’eau, soit du port de Hambourg et de ses entreprises, soit
de grandes surfaces. On peut observer une grande diversité de branches: des
bateaux et machines, des produits chimiques, des huiles minérales et végétales,
de la margarine et des dérivés du bois y étaient fabriqués. Toutes les usines de
Wandsbek se trouvaient immédiatement au bord de l’eau.
L’entrée de Hambourg dans l’union douanière n’a pas eu les conséquences
négatives sur le développement de Harburg que l’on avait craintes auparavant. De
1889 à 1907, d’importants travaux ont donc pu avoir lieu à Harburg: l’extension
d’un canal et la création de nouveaux ports, ainsi que la connexion de nouvelles
aires industrielles aux réseaux ferroviaires et routiers.
Harburg est ainsi devenu un emplacement idéal pour l’industrie chimique et du
bois. Puis, il y avait une quantité importante de moulins, de fabriques de conserves
de poisson et de brasseries. Quelques usines de mécanique, et des fabriques de
bateaux et de textiles étaient au service des entreprises du port de Hambourg.
Altona-Ottensen a profité du manque de place à Hambourg pour se développer
davantage. Des voies ferrées menant de la ville au port ont été construites en 1898
pour franchir la grande distance entre les nombreuses usines et l’eau navigable.
Puisqu’il n’y existait pas de planification urbaine, Altona-Ottensen a vu naître un
mélange d’habitations et d’industrie que l’on ne trouve pas ailleurs en proximité de
Hambourg. Les branches présentes étaient similaires qu’à Harburg, mais la taille
des entreprises était généralement plus petite.
DÈS 1910 : INDUSTRIALISATION DE HAMBOURG
L’importance croissante de l’industrie pour l’économie de Hambourg a conduit à
une nouvelle orientation de la politique. L’essor qui en résultait faisait de Hambourg
une des villes industrielles les plus importantes d’Allemagne. Après avoir rendu
17
les sites de la Veddel et de la Peute viables au tournant du siècle, la ville a créé
de nouvelles zones industrielles à Billwerder, Billbrook, dans la Hammer Marsch
et dans la Horner Marsch en 1910. C’est le lien entre le commerce international
et l’industrie qui caractérise les branches à Hambourg : les spécialités sont la
construction de navires, le raffinage et l’industrie alimentaire.
Puisque les salaires sont relativement hauts en ville, les fabriques nécessitant
beaucoup d’employés s’établissent plutôt à la campagne. Ainsi, en ville, le nombre
d’employés par entreprise reste assez petit.
On peut répartir les sites industriels de Hambourg et ses environs dans deux
groupes : les premiers se situent à proximité immédiate de l’eau, sont grands et
loin des quartiers d’habitation, et leurs bâtiments sont adaptés aux processus
de production. Les seconds sont mélangés aux quartiers de logement, leur
architecture doit donc prendre en compte d’autres contraintes en plus de la
fabrication.
L’ENTREPRISE MÖLLER DANS LE CONTEXTE INDUSTRIEL DE
HAMBOURG
Les instruments optiques ne font pas partie des spécialités de l’industrie de
Hambourg, et pour les produire on ne profite pas directement du commerce
international.
En choisissant de commencer un atelier d’optique à Wedel, Johann Diedrich Möller
n’a pas essayé de tirer profit des avantages de localisation de ce village sur l’Elbe.
Les matières premières ne provenant pas d’outre-mer et les produits étant trop
fragiles pour être transportés sur l’eau, on ne pouvait pas utiliser la rivière pour le
transport. Le polissage du verre nécessitait beaucoup d’eau, mais ce facteur ne
peut pas avoir été la seule raison de commencer la production à cet endroit.
D’ailleurs, certains facteurs s’opposaient même à l’implantation d’une entreprise
d’optique à cet endroit : pour une entreprise dépendant de l’innovation
technologique, les lieux de formation et de recherche étaient trop éloignés. D’autres
entreprises de la branche, par exemple l’usine Zeiss à Jena, pouvaient compter sur
le support des universités locales.
La brochure commémorative du 90ème anniversaire de l’entreprise décrit le début de
l’activité artisanale de J. D. Möller à Wedel comme la conséquence de son mal du
pays quand il se trouvait à Hambourg. L’atelier ne demandait d’ailleurs pas encore
de telles préoccupations: lors de sa fondation, la vision était celle d’une entreprise
familiale, fabriquant des instruments sur mandat pour un opticien à Hambourg.
Johann Diedrich Möller n’imaginait pas le succès que son entreprise allait avoir.
18
« Da er sich aber in
Hamburg nicht wohl
fühlte, sondern immer
Heimweh nach Wedel
hatte, kehrte er schon
im Herbst 1864 im
Einvernehmen mit Dr.
Schröder nach Wedel
zurück. »
Chronique des 90 ans
de l’entreprise Möller
5
Une histoire architecturale de l’entreprise Möller
DÉVELOPPEMENT DE L’ENTREPRISE AVANT L’OCCUPATION DU SITE
ACTUEL
L’activité de l’entreprise J. D. Möller a débuté en 1864, l’année dans laquelle le
fondateur termina son apprentissage de peintre, travailla pendant quelques mois
pour l’opticien Dr. Schröder à Hambourg et décida de retourner dans sa ville natale,
Wedel. C’est à cet endroit qu’il commença à travailler de son propre gré, à fabriquer
des composants optiques et à réaliser le rêve de construire son propre microscope.
Son premier atelier se trouvait encore dans la maison rurale de son père. Avec
le succès de ses préparations microscopiques – d’abord fabriquées à des buts
esthétiques, puis à des fins scientifiques – ce premier atelier ne pouvait plus offrir
suffisamment d’espace.
C’est ainsi que la propriété du Rosengarten est devenue le lieu d’activité principal.
Une première maison avec deux logements au rez-de-chaussée et un atelier à
l’étage y fût construite en 1870 et servait de siège à cette entreprise à la réputation
désormais internationale, qui continuait pourtant à occuper uniquement des
membres de la famille Möller. Dans un autre bâtiment se situait une première turbine
à vent qui permettait des travaux ayant besoin d’une grande force, et une tour à
décolleter pour des travaux de mécanique de précision.
La production était à ce moment encore entièrement assurée par J. D. Möller et
des membres de sa famille. En 1897 et 1898, ses deux fils Hugo et Carl rejoignirent
l’entreprise. Le fondateur prit ensuite la décision de produire des télémètres,
instruments optiques à graduation qui étaient à ce moment déjà répandus.
L’entreprise J. D. Möller parvenait à les produire avec une précision nettement
meilleure que celle des instruments sur le marché. Elle reçut ainsi une commande
importante pour des prismes que l’entreprise A. & R. Hahn utilisait dans des
télémètres pour l’armée. Cette commande dépassa les moyens de production
disponibles et conduisit donc à l’achat d’une grande tour à fileter et de nombreux
autres outils. Les machines étaient actionnées au pied, car Wedel ne disposait pas
encore d’électricité.
Un autre succès de l’entreprise était le développement d’un nouveau procédé
chimique pour argenter des surfaces de verre. Auparavant, les prismes produits
à Wedel avaient en effet dû être envoyés ailleurs pour recevoir leurs couches de
miroir, ce qui avait été un désavantage en termes de durée et de coûts. J. D. Möller
a non seulement acquis les connaissances pour appliquer cette couche lui-même,
mais il a aussi réussi à améliorer la réflexion lumineuse de 92% à 96%. Ceci lui a
19
1: Le bâtiment de
1909 avec sa turbine à
vent, quatre ans après
sa construction. Le
contexte est encore
entièrement rural.
2: Plan du rez-dechaussée du premier
bâtiment de production,
1909.
20
valu l’attention d’entreprises telles que la Zeiss à Jena, qui ont par la suite acquis le
procédé.
Suite au décès de Johann Diedrich Möller en 1907, son fils Hugo reprit la direction
de l’entreprise et procéda à la réorganiser, en introduisant la comptabilité, une
machine à écrire et des journées de travail de huit heures. L’augmentation des
commandes le conduisit à engager et à former des jeunes personnes de Wedel.
PREMIERS DÉVELOPPEMENTS SUR LE SITE ACTUEL DE L’USINE
A partir des demandes de permis de construire de l’entreprise Möller, il est possible
de déduire un grand nombre d’informations concernant le développement non
seulement des bâtiments de production, mais aussi des nouvelles machines
utilisées et des développement économiques. Complétés par les chroniques de
l’entreprise, ces informations permettent une déduction de la relation entre produits,
production, marchés et architecture.
La demande de permis de construire pour le premier bâtiment sur le site actuel de
l’usine date du 18 mai 1909, et a été examinée par l’inspecteur de la construction
Wrage le 22 du même mois. Son sujet est un bâtiment d’atelier à plan rectangulaire
(13.3 m x 21 m) avec sous-sol, rez-de-chaussée, un étage et des combles. Les
indications de fonctions dans les plans correspondent aux activités de l’entreprise
à ce moment: le sous-sol est dédié à l’argenture et à la photographie, le rez-dechaussée consiste en une grande salle de préparation ainsi que des bureaux et
un dépôt de réserves, l’étage est divisé en un atelier d’optique et un atelier de
mécanique. Les combles contiennent à ce moment encore un appartement de
quatre pièces. Ce premier bâtiment construit par Hugo Möller reflète d’une part
les succès de l’entreprise – préparations microscopiques et procédé d’argenture
– et d’autre part les réformes dans l’administration qui menaient à un besoin de
bureaux. La grande série de fenêtres sur les deux façades en longueur ainsi que
la hauteur considérable des fenêtres (2.20 m pour une hauteur d’étage de 3.20 m)
sont indicatrices du besoin de lumière important pour les travaux d’optique et de
mécanique de précision.
La construction est complétée par une turbine à vent qui produit de l’électricité pour
les besoins de la production, ainsi que par une citerne d’eau. Un puits profond est
foré, donnant de l’eau d’excellente qualité. Elle est utilisée en grande quantité pour
le polissage du verre. Mais puisque le réseau d’eau potable de la commune n’arrive
pas encore jusqu’au quartier, l’entreprise Möller commence aussi à alimenter les
21
voisins en eau potable. En 1912, les besoins en énergie dépassent déjà l’apport de
la turbine à vent, un moteur à benzol est ajouté, probablement sans conséquences
très importantes sur les locaux.
La production de miroirs pour les appareils photo reflex devient une nouvelle
spécialité de l’entreprise J. D. Möller, qui en est à des moments presque l’unique
fabricant d’Allemagne. Ce développement conduit à une nouvelle augmentation
des moyens de production et du nombre d’employés, mais aussi à l’acquisition
de la parcelle voisine au Rosengarten 14 en l’an 1913. Le propriétaire précédent,
une entreprise fabricant des produits de bois et des emballages en tôle, y avait
déjà installé une machine à vapeur. L’entreprise J. D. Möller s’en est servi, ce qui a
permis de vendre en 1914 la turbine à vent utilisée auparavant.
L’EXTENSION DE L’ENTREPRISE PENDANT LA PREMIÈRE GUERRE
MONDIALE
1914 était aussi l’année du début de la première guerre mondiale, qui pour
l’entreprise signifiait d’abord un ralentissement de la production : d’une part on
arrêtait de livrer la Russie, puis l’Angleterre, qui étaient devenus des ennemis, et
d’autre part l’armée allemande n’avait pas anticipé ses besoins. Plus tard arriva
une accélération due au programme de Hindenburg (1916), qui demandait la
concentration de toutes les forces productrices et ressources sur les produits
importants pour la guerre. A Wedel, les premiers pas vers cette économie de
guerre étaient la mise en fonction des locaux repris lors de l’achat de parcelle en
1913, la connexion au réseau électrique de la ville et l’engagement de nouveaux
employés. Ainsi, on comptait presque 400 personnes actives dans l’entreprise en
1918, dont un grand nombre de femmes. La fourniture des matières premières et
des machines était subventionnée par le commandement général, tout comme les
subsides alimentaires pour les employés.
Le premier bâtiment du site fut transformé et agrandi de nombreuses fois : En fin
1915, une extension au sud du bâtiment fut construite en-dessus d’une installation
de serre et de buanderie à un étage datant de 1910. Cette annexe, mesurant 5.8 m
de profond sur une largeur de 18.5 m et allant du sous-sol jusqu’au premier étage,
permettait d’agrandir les ateliers d’optique et de mécanique ainsi que les surfaces
administratives. Une particularité au premier étage était que des tables en béton
longeaient la façade dans les ateliers.
Les plans pour une autre annexe, déposés en décembre 1916 auprès du service
22
« Ausser einigen
Erweiterungsbauten
der Werkstatt in Wedel
erwarb Möller 1913 das
Nachbargrundstück
Rosengarten 14 mit
einer Dampfmaschine
und den Einrichtungen
einer Holzwaren- und
Blechemballagenfabrik
der Firma Schmelzer &
Häubel (...). »
Chronique des 90 ans
de l’entreprise Möller
3: Première annexe en
1915, coupe et plan de
l’étage.
4: L’annexe nord,
construite en 1916, plan
du sous-sol.
23
5: Plan de situation
en 1928. Le bâtiment
1 se trouve an sud,
l’extension du bâtiment
2 est représentée par
la hachure grise. Les
bâtiments hachurés
sur la moitié gauche de
l’image sont les villas de
la famille Möller.
24
des constructions, montrent une extension de forme parallélépipèdique, cette fois-ci
planifiée au nord et plus profonde que large (8.3 m x 5.7 m). Elle aussi prolongeait
les espaces et leurs fonctions existantes vers l’extérieur, agrandissant ainsi entre
autres l’atelier d’argenture. Puis, une extension de forme et de taille similaire suivit
sur le côté ouest en mai 1917.
Un autre plan pour l’agrandissement des combles montre que l’affectation de
cet étage a changé entre-temps : à l’endroit où se trouvait un appartement,
les fonctions indiquées sur le plan sont l’optique et la préparation. Il s’agit de la
première fois dans l’histoire où la production et l’habitation étaient clairement
séparées.
L’ENTRE-DEUX-GUERRES
Après la fin de la première guerre mondiale, l’entreprise se retrouvait tout à coup
avec un grand nombre d’employés, mais sans les commandes de produits pour
l’armée. On n’a pas licencié de personnel, mais il a fallu beaucoup de temps
jusqu’à ce que l’entreprise se stabilise. Si une nouvelle extension à eu lieu en 1919,
ce n’était donc pas pour créer plus de place pour les ateliers de production. En
effet, il s’agissait dans cette demande d’autorisation de construire une annexe
pour le bâtiment 2, donc celui situé sur la parcelle achetée en 1913, qui prévoyait
l’installation d’un local à machines. La machine concernée était une nouvelle
machine à vapeur, plus précisément une locomobile, d’où aussi le local de charbon
adjacent. D’autres changements dans la production d’énergie avaient déjà eu lieu
en 1920 et en 1922 et ont résulté en d’autres petites annexes.
« Bittere Erfahrungen
haben aber auch ihr
Gutes: der Betrieb war
in der Zeit des ZeissBeteiligung besser
durchorganisiert (...) . »
Chronique des 90 ans
de l’entreprise Möller
Dès l’an 1920, de nouveaux produits étaient fabriqués à Wedel, et ceci avec un
grand succès. Il s’agissait de jumelles de poche et de jumelles de théâtre avec
une transmission lumineuse exceptionnelle (66-68% au lieu des 56-58% des
autres produits sur le marché.) L’inflation suite à la guerre favorisait l’export de
marchandises et faisait donc arriver beaucoup de devises. Ceci a contribué à la
bonne situation financière de l’entreprise Möller jusqu’à l’arrivée de la nouvelle
monnaie en 1924. Ce changement était d’autant plus difficile : l’entreprise avait
des troubles de liquidité, il n’était pas possible de recevoir un crédit bancaire, et
finalement l’entreprise optique Zeiss a repris la majorité de la société en octobre
1925. Avec ce pas, la famille Möller espérait avoir sauvé l’entreprise. Mais suite à la
réduction des commandes de quelques clients importants et à la prise en charge
de la production de jumelles par l’usine Zeiss à Jena, l’avenir de la société était
25
une fois de plus remis en question. Pour sortir de l’impasse, la partie du bâtiment
2 donnant sur la rue du Rosengraben a été transformée en atelier de réparation
de voitures et station de pompe. Pour ceci, la largeur du bâtiment qui auparavant
occupait la moitié de la largeur de parcelle à cet endroit a été doublée en été 1928.
En l’an 1929, la municipalité de Wedel demande à la société J. D. Möller de
réaliser le réseau d’eau pour les nouveaux quartiers. La société s’engage donc à
construire le réseau et à en assurer l’alimentation. Otto Möller, le frère du directeur
Hugo Möller, est en charge de ceci. L’entreprise Zeiss approuve l’investissement
de 80’000 Reichsmark, mais les coûts effectifs s’élèvent au double, ce qui crée
des tensions entre Zeiss et Hugo Möller. Par la suite, le directeur peut reprendre la
totalité de la société J. D. Möller.
DÉBAT SUR L’EXPRESSION D’UN CHÂTEAU D’EAU
Une tour avait fait partie du site industriel dès 1910. Sa base carrée contenait des
fonctions diverses (des toilettes, la menuiserie, un local d’accumulateurs). Le
volume octogonal superposé abritait un bassin d’eau et portait la turbine à vent
utilisée jusqu’en 1914.
Pour égaliser la pression de l’eau et augmenter son volume, une surélévation de la
tour devenait nécessaire. A cette fin, une autorisation de construire fut obtenue en
1927. Ce premier projet, qui consistait en l’ajout d’un volume cylindrique en acier,
ne fut cependant pas réalisé (pour des raisons que nous ignorons).
Un nouveau projet, cette fois-ci en béton armé, est déposé auprès des autorités
le 25 août 1933. Conçue par l’architecte local Heinrich Kruse, la tour transformée
soulève un débat animé : en effet, le haut de la tour – qui doit accueillir le conteneur
de 60 m3 d’eau – a un plan octogonal. Le directeur du service des constructions
du district de Pinneberg, Walther Puritz, décrit la forme de la tour comme étant
beaucoup trop riche et aucunement adaptée au caractère industriel du bâtiment.
Il propose donc de construire la tour de la façon planifiée, mais d’y ajouter un
revêtement pour arriver à une forme parallélépipédique. Le conteneur d’eau serait
dans sa proposition légèrement saillant par rapport au plan du revêtement. Ce
décalage sur les quatre côtés signifierait pour lui que la fonction du bâtiment
serait rendue assez visible. Il constate que le bâtiment d’atelier a au fil du temps
été largement défiguré par des annexes maladroites et plaide qu’il faut profiter de
toute occasion d’améliorer cette situation. Lors d’une rencontre avec le maître de
l’ouvrage, H. Möller, il avait appris que celui-ci décidait lui-même de comment ses
26
6: Tour avec turbine à
vent et bassin d’eau,
comme elle a été
construite en1910.
7: Projet de château
d’eau en acier, non
réalisé, 1927.
8: Projet de surélévation
par l’architecte Heinrich
Kruse, 1933.
9: Contre-proposition
par Walther Puritz.
27
bâtiments devaient être construits, sans l’aide d’un architecte. Puritz estime donc
que c’est d’autant plus important que les autorités soient rigoureuses, et manifeste
son opposition à la construction de la tour (qui a déjà débuté car la police de
construction locale a donné son feu vert avant que le service des monuments ait
été consulté.)
La réponse de Hugo Möller, datant du 2 octobre 1933, clarifie d’abord le contexte
dans lequel le projet se situe : la tour d’eau, existant à cet endroit depuis une
vingtaine d’années, possède déjà une base parallélépipédique et un haut à plan
octogonal, et suite à l’extension du réseau d’eau les autorités ont demandé
l’augmentation du volume d’eau à 50 m3 au moins pour l’alimentation des bouches
d’incendie. Möller raisonne que la forme ronde serait la plus adaptée du point
de vue technique et économique, et que la forme octogonale s’y rapproche au
maximum, tandis qu’un plan carré est très défavorable. Il développe en suite qu’un
tel bâtiment fonctionnel devrait en premier lieu répondre aux critères d’un ingénieur
(l’efficacité économique et la stabilité), et que la forme architecturale et l’intégration
dans le contexte sont secondaires. Dans le cas du projet, il juge que le surcroît
de dépenses n’est pas justifié, et que l’augmentation du poids de la tour, comme
elle figure dans la proposition de Puritz, pourrait en plus poser des problèmes
statiques. Il conclut qu’avec la forme de parallélépipède, le bâtiment n’aurait pas
une expression de château d’eau mais plutôt d’une église mal construite. Pour
Möller, la nature des bâtiments agrégés dans l’histoire de l’entreprise est normale et
acceptable.
Walther Puritz répond le 17 octobre 1933 que le surcroît de dépenses mentionné
est essentiellement dû au fait que l’exécution du projet a déjà commencé. Il
se défend contre l’idée que le service des monuments intervienne avec des
considérations purement esthétiques, en rappelant que sous les conditions
économiques actuelles, il s’engage à éliminer tout ce qui est superflu, et qu’il veut
que l’architecture soit développée uniquement par la construction et l’utilité. Puis,
Puritz nomme quelques projets démontrant sa connaissance de la construction
industrielle, et conclut par le constat qu’à ce moment, il n’est plus possible de
modifier le projet, mais qu’il était déçu de la manière dont l’incident s’est déroulé.
Malgré la critique qu’avait prononcée Puritz, deux extensions supplémentaires,
similaires à celles de 1916 et 1917, auront lieu en 1936. Elles renforcent encore
l’aspect aggloméré du site. La vitesse à laquelle les projets avait été élaborés –
la création de nouveaux emplois étant imposée par les pouvoir politiques – ne
28
10: Hétérogénéité de la
fabrique, critiquée par
Walther Puritz en 1933.
11: Lettre de Hugo
Möller adressée au
maire de Wedel,
datant du 2 octobre
1933 et expliquant
ses motivations pour
le maintien du projet
planifié.
29
12: Coupe sur le
bâtiment 3, 1935. On y
reconnaît une structure
asymétrique, la travée
à gauche sert à la
circulation.
13: Plan type du
bâtiment 3 (niveau
1), 1935. L’escalier à
gauche a été rajouté
pour rendre le projet
conforme aux normes
de sécurité incendie.
30
suffit pas vraiment comme excuse pour l’ignorance des conseils du directeur du
service des constructions. L’attitude de la direction de l’entreprise révèle un grand
pragmatisme.
PÉRIODE DE L’ESSOR DE LA NSDAP ET DE L’ARMEMENT
Entre-temps, les techniciens de l’entreprise ont développé un clisimètre, instrument
optique servant à mesurer la pente d’un terrain. On le propose à l’armée (qui
suite à la défaite de la première guerre mondiale est limitée à 100’000 militaires)
et reçoit une commande importante. A cause de la montée en puissance de la
Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei (NSDAP) dès 1933 et de l’essor
conjoncturel lié à celle-ci, l’entreprise J. D. Möller voit la nécessité d’augmenter son
personnel et d’agrandir ses locaux. Avec les constructions suivantes, on verra un
véritable saut d’échelle.
C’est le 6 juillet 1935 que sont déposés les plans pour un nouveau bâtiment (le
numéro 3) sur le site. Dans ce projet conçu par August Ohle, architecte local qui
aura une grande influence sur le site de l’usine, on peut remarquer un saut d’échelle
depuis les bâtiments d’atelier déjà existants. Avec ses 2770 m2 de surface de
plancher répartis sur 5 niveaux, le nouvel atelier en plan à forme de «L» augmente
la surface disponible à la production de 140%. La chronique du 90ème anniversaire
de l’entreprise décrit ses bâtiments comme « grands, équipés de manière moderne
avec des machines à outils de grande qualité, des installations spéciales autoconstruites et des appareillages de contrôle et de mesure ». En outre, le bâtiment
dispose d’un atelier dédié à la formation d’apprentis. Les espaces, nettement plus
larges que ceux existant sur le site, semblent être plus polyvalentes : si pour le
bâtiment 1 chaque salle se voyait attribuer une fonction précise (comme
« argenture » ou « préparations »), les plans du nouveau bâtiment ne portent plus
que des désignations générales (« salle de travail »).
Le permis de construire n’est pourtant pas donnée immédiatement. L’office de
surveillance des métiers à Altona réclame plusieurs changements : premièrement,
les salles ont une longueur supérieure à 25 m et nécessitent donc des cages
d’escaliers supplémentaires. Puis, aucune salle de détente n’a été prévue, il faudrait
au moins 0.9 m2 par employé. Ces salles devraient être meublées avec des tables
et chaises ou bancs. Des équipements sanitaires sont à ajouter (un lavabo par 3
personnes, une toilette par 20 personnes.) La réponse de la part de la J. D. Möller
contient les arguments suivants : le bâtiment est conçu pour recevoir le façonnage
31
de pièces métalliques, l’assemblage et l’ajustage d’instruments. Lors de la mise en
service de ce bâtiment, le bâtiment 2 ne sera plus utilisé pour la production (une
augmentation du nombre d’employés n’étant pas prévue), ces locaux pourront
donc être utilisés pour le bien-être des 280 employés sous contrat lors de la
date de la lettre (27 juillet 1935). En plus, la lettre indique qu’un nombre suffisant
d’installations sanitaires figure sur les plans, et que l’installation de salles de bains
est prévue pour une date ultérieure, bien que la fabrication d’objets optiques
n’est ni salissante ni poussiéreuse. Suite à cette communication, l’autorisation de
construire est attribuée. Une discussion a encore lieu au sujet de la construction
des toitures, qui est initialement prévue en tôle. La police des constructions exige
que l’on utilise un lés, mais du côté de l’entreprise Möller on insiste sur la tôle qui a
une meilleure résistance aux bombes incendiaires. Finalement, c’est en tôle que la
toiture est construite.
Le changement d’échelle des bâtiments est, tout comme la nouvelle polyvalence
des espaces, indicateur d’un nouvel esprit dans l’entreprise : la foi dans le progrès
technique et l’espoir d’une reprise économique sont présents. Parallèlement à
l’augmentation du nombre d’employés, de nouvelles fonctions sociales se forment:
le réfectoire aménagé dans le bâtiment 2 peut accueillir 500 personnes, une salle de
détente et une bibliothèque sont inaugurés, des associations sportives et musicales
commencent leur activité à l’intérieur de l’entreprise.
Déjà pendant la réalisation du bâtiment 3, une extension importante devient
32
14: L’atelier d’optique
en 1918. Ajustement et
contrôle des prismes.
15: Atelier d’optique
en 1938. Polissage de
lentilles, les employés
peuvent notamment se
servir d’air comprimé
pour enlever de la
poussière. On remarque
aussi la disposition des
tables vers les fenêtres
pour que l’on puisse
profiter d’un maximum
de lumière.
33
16, 17: Façades nord et
sud des bâtiments 1, 3
et 4, 1937.
34
18: Plan du bâtiment
4, 1937. Pour cette
étape d’extension,
un ascenseur est
construit. On ne voit pas
apparaître de nouvel
escalier puisqu’il est
possible d’utiliser celui
du bâtiment 3.
19: Vue actuelle des
façades des bâtiments
3 et 4.
35
nécessaire. On avait déjà anticipé ce développement lors de la planification du
bâtiment précédent, une nouvelle demande d’autorisation de construire pouvait
donc être déposée le 27 mars 1937, une fois de plus par l’architecte August Ohle.
Le projet du bâtiment 4 est l’image miroir de son prédécesseur et collée contre
celui-ci. Sa partie transversale est cependant un étage plus haute que le corps de
bâtiment longitudinal. Le langage architectural est exactement le même que celui de
la première étape, ce qui donne une grande unité aux bâtiments 3 et 4. On pourrait
ainsi croire qu’il s’agit d’un seul bâtiment.
Quelques transformations de taille modérée ont encore lieu avant 1939 : Une
transformation du bâtiment 2 planifiée en 1937 par le bureau de construction de
l’entreprise a pour sujet une adaptation de l’expression du bâtiment au reste du site.
On prévoit de revêtir la façade est de brique, de remplacer les fenêtres métalliques
par des fenêtres plus grandes en bois et de construire un toit en pente à la place de
la toiture plate existante. En plus, une extension mineure de la partie sud figure sur
les plans, ayant pour but de rendre plus régulière cette partie.
Le « bricolage » autour du bâtiment 1 pendant la guerre de 1914 à 1918 avait nui
à l’étanchéité de la toiture. Une demande de permis de construire datant du 16
mars 1938 prévoyait donc une nouvelle toiture, qui devait aussi agrandir l’espace
disponible pour des travaux sensibles à la poussière. Une moitié du département
au sous-sol s’est donc déplacée au dernier étage. L’ampleur de la circulation
nécessaire entre les deux parties semble avoir été sous-estimée, puisque la
construction d’un ascenseur a débuté seulement six mois plus tard.
Le bâtiment 2 a vu deux nouvelles extensions en 1939 : d’une part la salle de
détente au premier étage a été élargie de 5m d’un côté, créant un passage couvert
au rez-de-chaussée, et d’autre dans part l’aile sud, où se trouvait la production
d’optique sphérique, les combles ont été agrandis.
L’USINE PENDANT LA DEUXIÈME GUERRE MONDIALE
La construction d’un dépôt de fer est planifiée en 1939. Ce bâtiment de taille
relativement modeste (17.8 m x 7.4 m, deux étages), doit être relié au bâtiment 3
par une passerelle. La demande en autorisation de construire est déposée le 21
août, juste avant l’attaque de la Pologne par l’Allemagne, le premier septembre
1939, qui marque le début de la guerre. Une lettre du 13 mars 1940 adressée au
service de l’urbanisme à Pinneberg par la direction de l’entreprise Möller témoigne
36
20: Façade sud du
bâtiment 5, 1940.
21: Plan du bâtiment 5
(niveau 4), 1940.
37
de l’influence de la guerre sur la construction : le programme de production a été
changé en raison de la guerre. Des changements du projet sont donc devenus
nécessaires, notamment le remplacement de la passerelle par un passage fermé.
Suite à l’extension de l’entreprise, c’est le besoin en énergie qui augmente à
nouveau. En novembre 1939, on envisage donc l’agrandissement de la station de
transformation qui se trouve dans le bâtiment des machines, et le remplacement
des conduites à gaz par un système à pression plus haute. Puis, en avril 1940,
une centrale de commande doit être construite pour la commande de nouvelles
machines.
La demande pour le dernier grand projet de la fabrique est déposée le 15 février
1940. Le nouveau bâtiment 5, conçu par le service de construction interne de
l’usine, aura 7 étages complets et une tour d’observation de 40 m de haut. Il doit
contenir un monte-charge, une installation de climatisation et un abri antiaérien,
mais aussi un conteneur d’eau de 300 m3 de volume, servant à égaliser et
augmenter la pression pour l’eau du réseau. Bien qu’il serve aussi à des buts
militaires, le bâtiment est entièrement réalisé avec les fonds propres de l’entreprise.
Quand les premières attaques aériennes sur Hambourg ont lieu en 1940, la tour
sert comme poste d’observation pendant que les avions font leur approche en
suivant le cours de l’Elbe.
Pour la fabrication d’instruments pour l’armée, on s’aide de prisonniers de guerre
de la Russie occupée et de prisonniers civils français. L’organisme de défense
souhaite une clôture du site entier, celle-ci sera construite en 1940. D’autres
mesures de précaution sont prises en novembre de cette année, quand on planifie
une cabane en bois pour la garde de l’usine.
En mai 1940, un étage est ajouté à l’annexe sud du bâtiment 1, élevant celle-ci à
la hauteur du reste du bâtiment. Une demande de permis de construire pour un
garage datant du 18 décembre révèle qu’il y avait au minimum trois voitures dans
l’entreprise à ce moment.
La maison de générateurs n’étant plus en fonction en 1942, l’entreprise prévoit de
transformer ces locaux en un dépôt et un local de consultation pour le médecin de
l’entreprise.
La grande attaque aérienne sur Wedel le 3 mars 1943 laisse des traces sur le site
38
22: Vue de l’Intérieur
épuré du bâtiment 5, au
rez-de-chaussée.
39
de l’usine. Bien qu’il ne soit pas touché par des bombes explosives, des bombes
incendiaires mettent le feu aux étages supérieurs. Les bâtiments mais aussi des
machines sont abîmés. Toutes les fenêtres et quelques murs sont cassés, mais
après deux semaines de reconstruction on parvient tout de même à reprendre la
production. Vers la fin de la deuxième guerre mondiale, un total de 1300 personnes
est actif dans l’entreprise J. D. Möller.
Lors de l’invasion des troupes alliées suite à la capitulation de Hambourg en 1945,
l’usine est confisquée et sert comme « medical store ». Les ouvriers et fabricants
sont forcés à quitter le site, y compris les habitations qui s’y trouvent.
Quand la production peut reprendre, les conditions de la force d’occupation sont
strictes : la production d’instruments optiques pouvant être utilisés à des fins
militaires est interdite, par contre on est appelé à fabriquer des verres à lunettes
pour affronter la pénurie de ces produits en Allemagne et en Angleterre. Une
campagne de dénazification a lieu en 1946 et crée quelques perturbations, mais
la production avance, et l’exportation se passe bien jusqu’à la réforme monétaire
de 1948. Ce temps n’a cependant plus fait naître de grande architecture, et les
quelques petites annexes qui avaient été construites entre 1944 et 1948 n’ont pas
été conservées.
ACTUALITÉ
La nouvelle orientation après la guerre provoque la production de nouveaux objets.
L’usine de Wedel commence dont de fabriquer des focomètres, des perceuses de
verres à lunettes, des machines diverses pour l’ophtalmologie, des colposcopes
pour la gynécologie et une nouvelle version des jumelles de poche qui avaient
fortement contribué au succès de l’entreprise dans les années 1920. En l’an 1954,
560 employés célébraient le 90ème anniversaire de l’entreprise.
Dans des constructions suivantes, l’architecture de l’usine s’est éloignée de son
langage en briques : une halle, construite en 1974 à l’est du bâtiment 5 en ossature
de béton armé, a un revêtement léger. Elle est aujourd’hui encore utilisée pour la
galvanisation.
En 1979 la partie est du terrain, qui contenait essentiellement les villas de la famille
Möller, a été vendue à cause des grands problèmes financiers de l’entreprise.
Ces parcelles ont par la suite été construites d’immeubles d’habitation avec des
fonctions publiques dans leurs socles. Une bibliothèque et quelques commerces
profitent aujourd’hui de la situation au cœur de la ville. Cette mesure a privé l’usine
40
J. D. Möller d’un accès direct à la rue du Rosengarten. La situation actuelle de
l’accès par une rue privée est insatisfaisante.
Une annexe au bâtiment 4 par l’architecte Rudolf Steinke était la dernière
construction vouée à la production. Se voulant comme une interprétation du
thème de l’architecture industrielle en brique, elle parle tout de même un langage
complètement différent avec sa forme basse et ses fenêtres carrées au rythme très
rigoureux. Les espaces sont mal adaptés à la production mécanique qui s’y déroule
encore aujourd’hui : les hauteurs libres sous les poutres en béton ne sont même
pas suffisantes pour que l’on puisse déplacer les machines sans les démonter.
Steinke est aussi l’auteur d’un parking qui se situe à l’endroit d’une ancienne
maison de machines, qui amène pour l’unique fois du béton brut sur ce site
industriel.
Des difficultés financières ont mené à la vente de l’entreprise à une société
américaine. L’ère de la famille Möller s’est terminée en 1989, quand la société
Haag-Streit a repris l’entreprise américaine. L’entreprise Möller-Wedel continue
son activité, en se spécialisant sur les instruments optiques utilisés en médecine.
Aujourd’hui, environ 160 personnes travaillent encore à Wedel.
41
2
12
11
3
1
4
9
14
10
5
8
7
23: Le site de
l’entreprise Möller, état
actuel.
1: Forge du XVIIIe
siècle à EnnepetalBerninghausen. On
reconnaît le modèle de
l’architecture rurale.
2: Manufacture de
papier à Montargis
(France), inspirée de
l’architecture féodale.
42
6
Formation des types architecturaux des usines
De quels models les premières usines du XIXe et du début du XXe siècle se sontelles inspirées? Quels sont les facteurs qui ont influencé leur disposition en plan,
mais aussi leur expression?
USINES
Il n’est pas évident de définir les expressions « usine » et « fabrique », ni de nommer
un moment précis de leur formation. Frühauf cite les éléments suivants qui sont
présents dans les usines : la répartition du travail, la production en grande série,
la taille de l’entreprise, l’entrepreneur à fonction purement économique, le nombre
d’ouvriers, la mécanisation, mais aussi l’emploi d’ouvriers non qualifiés et la
séparation claire entre les ouvriers et l’entrepreneur.1 Ces éléments parlent pourtant
plus de l’organisation interne d’une usine que de ses localités. En ce qui concerne
l’architecture d’une fabrique, on admet que son site dispose d’un ou plusieurs
bâtiments de production et de finition qui sont plus grands qu’un atelier artisanal,
ainsi que de locaux de stockage et d’administration. Des espaces à disposition
des ouvriers et des installations secondaires peuvent aussi faire partie du site d’une
entreprise industrielle.
PRÉCURSEURS
L’architecture des fabriques connaît plusieurs précurseurs, notamment les moulins,
les ateliers artisanaux et les manufactures.
Les premiers s’aidaient de la force du vent, de l’eau ou de muscles pour mettre
en marche une machine. Mais le procédé de mouture qui y avait lieu était
entièrement artisanal, et les quantités produites étaient limitées. L’architecture des
moulins s’inspirait des maisons rurales. Les industries qui se sont installées dans
des régions rurales, par exemple les mines, sont celles qui ont le plus hérité de
l’architecture des moulins.
Les ateliers artisanaux étaient des lieux de production manuelle avec très peu
d’installations techniques. A Hambourg, les ateliers se trouvaient souvent dans
l’arrière-cour de bâtiments d’habitation.2 Ce lien avec l’habitation et la petite taille
des entreprises faisait qu’ils ne sont pas parvenus à influencer l’architecture des
usines, bien que l’installation d’une machine à vapeur pouvait développer ces
ateliers en une sorte de mini-usines. A Ottensen, la fabrique de pointes de tréfilerie
(Drahtstiftfabrik) J.D. Feldmann en est un exemple.
43
Les manufactures produisaient également encore avec des moyens artisanaux.
C’est essentiellement dans les principes d’organisation interne, et notamment
la répartition du travail, que l’on peut trouver leur rôle important pour le
développement des usines. Un nombre élevé d’ouvriers et un grand capital
nécessaire sont caractéristiques pour cette forme d’organisation du travail. Les
locaux de production disposaient par contre encore de peu d’équipements
techniques. Puisque une spécialisation de l’architecture des manufactures n’était
pas nécessaire, elle pouvait s’inspirer d’autres bâtiments, tels que des châteaux,
des fermes ou des maisons bourgeoises.
INDUSTRIALISATION ET ESPACES DE PRODUCTION
Le changement considéré comme le plus important dans la révolution industrielle
est celui de la mécanisation. Des machines – tant pour la production proprement
dite que pour la production d’énergie – ont commencé à envahir les espaces
de travail. Ceci a demandé une adaptation des espaces, une spécialisation de
l’architecture qui n’avait pas encore été nécessaire auparavant.
Surtout dans les usines avec de nombreux employés la productivité est devenue
un facteur crucial. En plus de la mécanisation, on a donc généralement essayé
de rationaliser les processus de production. L’architecture, et plus concrètement
la disposition des différentes activités de production en plan, était extrêmement
importante pour cela.
La structure d’une entreprise et des aspects de gestion font également partie des
influences sur l’architecture industrielle. Et bien que les usines soient généralement
des constructions dépouillées, certaines d’entre elles comportent tout de même
des éléments de représentativité en leur architecture.
De nouveaux systèmes constructifs ont à la fois résulté de l’industrialisation et
marqué l’image des usines. L’acier et le béton armé ont été appliqués dans la
construction de lieux de production quand ceci menait à une meilleure adaptation
des espaces à la production qui allait y prendre place, quand ils permettaient
de mieux exploiter une parcelle ou quand ils étaient moins chers que les autres
technologies entrant en ligne de compte.
44
TYPOLOGIE DES FABRIQUES
On distingue trois types primaires de fabriques : les bâtiments bas, les halles et
les bâtiments à étage. D’autres types servent à une fonction très spécifique : les
châteaux d’eau, les fonderies et les silos en sont des exemples.
Les usines à plusieurs étages sont soit destinées à un travail qui nécessite
beaucoup de lumière, soit à un processus de production qui se développe de haut
en bas.
Les bâtiments bas ont l’avantage de permettre une disposition assez libre de
charges (et donc de machines). Puisque la structure ponctuelle doit uniquement
supporter la toiture, elle peut sans autres être espacée. Une toiture à redents peut
amener une lumière régulière, et l’agrandissement de l’usine est simple si le terrain
est à disposition. Le type de bâtiment est notamment utilisé pour les filatures et
les fabriques de tissu, puisqu’elles nécessitent un grand nombre de machines
relativement petites (les « spinning jennies », premiers rouets industriels, et les
métiers à tisser).
Pour les industries nécessitant de grandes machines – il s’agit surtout de l’industrie
transformatrice des métaux – des espaces plus grands ont été développés. En plus
de l’installation de grandes machines, les halles permettaient la mise en place de
ponts roulants. Si une nef centrale plus haute que les nefs latérales existait, l’entrée
de la lumière par les côtés était possible.
45
Entreprise Möller,
plans des annexes au
bâtiment 2 pour des
nouvelles machines de
force.
3: Première extension
pour une nouvelle
machine à vapeur
(locomobile), 1919.
4: Annexe pour un
moteur à aspiration
de gaz, dans le
prolongement de
l’annexe de l’année
précédente, 1920.
5 et 6: Projet pour
l’installation d’un moteur
Diesel, 1922, plan et
coupe. Les tailles des
tanks et des fondations
sont frappantes.
46
6.1 L’usine et la mécanisation de la production
La mécanisation de la production est l’un des changements les plus radicaux
qui ont eu lieu au moment de l’industrialisation. Permettant de produire un plus
grand nombre d’objets dans le même temps, les machines sont à l’origine de la
fabrication en masse. Les machines conditionnent l’espace qui doit les accueillir par
leur taille, leur poids, le maniement qu’elles demandent, mais aussi par leur besoin
d’énergie.
La production d’énergie est en effet un facteur déterminant pour la mécanisation
des usines. Un aperçu des sources d’énergie utilisées pour la fabrication doit
commencer par l’homme: pour le travail artisanal, c’est tout d’abord lui qui par
l’effort de ses bras et de ses pieds exerce un travail sur une matière première. Puis,
il s’aide de la force de l’eau ou de ses animaux pour mettre en marche un moulin.
La force du vent est aussi utilisée, mais elle présente le même désavantage que
l’eau : la dépendance d’un site et de ses conditions.
La machine à vapeur est l’emblème de l’industrialisation à cause de son
indépendance : tant qu’il y a du charbon, elle peut fonctionner n’importe où.
Répandue à Hambourg à partir des années 1830,3 elle permettait aux usines de
s’installer à n’importe quel endroit sans souci d’énergie. À l’intérieur d’une usine elle
rendait possible une disposition flexible des bâtiments, bien qu’un positionnement
central de la force motrice restait préférable.
A Wedel, la production d’énergie a vu de nombreux changements : la machine à
vapeur installée en 1919 remplaçait une turbine à vent. Une annexe à un bâtiment
existant devait accueillir cette nouvelle installation, y compris un local à charbon
et la connexion à une cheminée existante. A ce moment, une grande partie des
machines utilisées dans l’usine étaient cependant encore actionnées au pied.4
Puis, en 1920, le local de la machine à vapeur a été prolongé pour permettre
l’installation d’un moteur à aspiration de gaz. Il s’agit d’une machine qui produit un
gaz de travail à partir d’un mélange d’air et de vapeur d’eau, qui est aspiré à travers
un feu de charbon. Celui-ci est ensuite utilisé pour faire un travail mécanique.
Puisque la manipulation de ce moteur était exigeante, il n’a pas connu un grand
succès. L’entreprise Möller a donc installé un moteur Diesel de 100 CV en 1922
dans une baraque construite à cette fin. Aujourd’hui les machines de fabrication
fonctionnent toutes avec de l’électricité.
On s’aperçoit donc que les répercussions sur l’architecture de l’usine, lors d’un tel
changement de source d’énergie, étaient à une échelle plutôt réduite, l’acquisition
d’un nouveau moteur correspondant toujours à la construction d’un local annexe.
47
Pour polir les lentilles et les prismes optiques, des ponceuses optiques étaient
utilisées à l’entreprise Möller. Elles étaient montées en série dans les années 1910,
et plus tard en postes de travail individuels. Les décolleteuses de l’atelier mécanique
étaient les autres grandes machines en fonction pour la production.
Leur disposition devait certes être réfléchie, mais on reconnaît ici une conception
de la fabrique et de ses machines qui était encore très proche de la production
artisanale.
On peut comparer la taille des machines et leur disposition aux « spinning
jennies », machines primordiales dans les filatures du début de l’industrialisation.
Elles sont plus faciles à disposer dans un grand espace libre de structure porteuse,
mais elles ne sont pas assez encombrantes pour générer un type d’architecture
spécifique.
48
7: Polissage des lentilles
et prismes à atelier
d’optique, 1918.
8: Décolleteuses à
atelier de mécanique du
bâtiment 4, vers 1948.
49
9: Entreprise Fagus,
plan d’ensemble de
la première étape,
1911. Le processus de
production se déroule
de gauche à droite.
10: Le bâtiment principal
après l’extension de
1912.
50
6.2 L’usine et le processus de production
La révolution industrielle ne s’est pas uniquement faite à travers la mécanisation,
mais aussi en rationalisant le processus de travail. La répartition du travail permet
à chaque employé de mieux faire sa portion du travail, le but étant de fabriquer
ensemble un plus grand nombre de produits que la somme de ce que chacun
pourrait achever seul.
Dans ce contexte, les études sur le temps de production menées par Frederick
Taylor à la Midvale Steel Company aux Etats-Unis ont influencé l’industrie même
en Allemagne. Son approche était d’augmenter la productivité en réduisant les
trajets.5 Cette idée peut se traduire dans l’architecture, et un architecte d’usines
l’a dit ainsi: « Ein Industriebau ist ein Gebäude, das sowohl als Ganzes als auch
in allen seinen Teilen so angelegt ist, dass die für den jeweiligen beabsichtigten
Stoffveredlungsprozess nach Art und Menge erforderlichen Hilfsmittel derart
angeordnet werden können, dass der bezügliche Prozess unter Berücksichtigung
aller gegebenen Faktoren am günstigsten verläuft. »6 Ou, formulé de manière plus
directe: « Der Industriebau ist Stein und Eisen gewordenes Bertiebsprogramm. »7
L’usine d’embauchoirs à chaussures Fagus à Alfeld (Leine), est un exemple
d’architecture industrielle étroitement liée au processus de production.
L’entrepreneur Carl Benscheidt avait déjà supervisé la construction d’un nouveau
bâtiment pour l’usine de Carl Behrens qui se trouvait dans la même commune et
produisait les mêmes produits. L’usine projetée par l’architecte Eduard Werner était
innovatrice dans le domaine des technologies de production.
Après un séjour aux Etats-Unis, pendant lequel il avait été impressionné par la
rationalité de la production américaine, Benscheidt a fondé sa propre entreprise.
Il a d’abord chargé Werner de la planification de son usine. Celui-ci construisait
apparemment « toujours d’après le même schéma »8, ce qui l’aidait à calculer
précisément les prix. Les différentes étapes de la production reçoivent leur propre
espace: de nord-ouest à sud-est se suivent la scierie avec l’espace pour le
traitement du bois à la vapeur, puis le stockage et le séchage, la salle de travail
principale et le bâtiment principal avec l’expédition. Détachés de ce parcours
principal sont la production d’outils et les stocks d’abattis et de charbon.
Puisque l’expression architecturale planifiée par Werner ne correspondait pas aux
attentes de l’entrepreneur, Walter Gropius et son collaborateur Adolf Meyer ont été
chargés en 1911 de la conception des façades. Dans sa disposition en plan, le
projet de Werner ne change pas significativement.
Quand en 1912 l’extension de l’usine devient nécessaire, Gropius et Meyer
conçoivent le projet entier. Un an plus tard Walter Gropius énoncera: « Gerade bei
51
der ersten Disposition der Bauanlage muß der Künstler befragt werden. Nur dann
vermag er die organisatorischen Richtlinien seines Bauherrn verständnisvoll zu
formen, den Sinn des Fabrikationsganges zu veranschaulichen und den inneren
Wert der Einrichtung und der Arbeitsmethode würdig auszudrücken. Auf der
geschickten Anordnung des Grundrisses, auf der Proportionierung der Baumassen
beruht der Schwerpunkt seiner geistigen Arbeit, nicht (wie manche noch immer
glauben) auf der Zugabe ornamentalen Beiwerks. »9
L’usine à tabac von Eicken à Hambourg est un exemple d’une fabrique à processus
de production de haut en bas. Construite par l’architecte et ingénieur Gustav
Schrader en 1902/03 et agrandie en 1909, elle consiste en un bâtiment principal
à cinq étages et de quelques annexes. La production commençait au niveau 4, où
le tabac était trié et mouillé. On le coupait et le lissait au niveau 3, puis le séchait
et le laissait refroidir au niveau 2. Le premier étage servait au stockage et le rezde-chaussée à l’emballage et l’expédition. Lors de l’inauguration du bâtiment, il a
été loué tant pour sa protection contre les incendies que pour son adéquation au
processus de production.
Les deux exemples cités ont en commun que les processus de fabrication, et donc
aussi les besoins spatiaux, étaient connus dès le départ du projet. Dans les usines
où ceci n’était pas le cas, telles que l’usine Möller à Wedel où le développement
d’une entreprise artisanale vers une entreprise internationale n’était pas prévisible
dès le début, ou des usines locatives (« Mietfabrik »), qui mettaient à disposition
des localités et des sources d’énergie mais qui n’étaient pas prévues pour des
processus de fabrication précis.
La construction sans considérer le processus de production s’est avérée
désavantageuse pour l’entreprise Möller, car des trajets considérables doivent être
faits entre les différentes sections, ce qui diminue la productivité. Si aujourd’hui
la construction d’un nouveau bâtiment est envisagée, c’est essentiellement pour
corriger l’adéquation de la forme architecturale aux besoins du fonctionnement
interne.
52
11: Plan du rez-dechaussée, 1909.
12: Dessin de façade,
avec l’élément marquant
de la cheminée
combinée à un escalier
de secours et un
château d’eau, 1909.
53
13: Façade de l’usine
Leder-Schüler par
l’architecte Fritz Höger.
14: Plan type de
l’usine Leder-Schüler
(subdivision des
espaces actuelle).
54
6.3 L’usine et la gestion de l’entreprise
Après la mécanisation et la répartition du travail, Drebusch parle du besoin croissant
de capital comme caractéristique de l’industrialisation. La technologie poussée et
la grande taille des entreprises font effectivement qu’un investisseur puissant est
nécessaire pour fonder une entreprise.10
Ici encore, l’exemple de l’usine Fagus peut être cité : son fondateur Carl Benscheidt
avait reçu les 80% du coût de la construction de l’usine d’une société américaine.
Ceci lui a permis de concevoir la fabrique d’un seul jet. Le fait qu’une extension ait
été construite peu après – qui a pourtant doublé la surface disponible –, ne nuit pas
à l’image homogène que présente la fabrique, car elle a été prévue dès le départ.
Le cas d’usines entières construites en une fois apparaît notamment dans les
industries du textile et de l’alimentation. Des exemples en seraient aussi l’usine
Leder-Schüler de Fritz Höger ou l’usine d’huiles Lucas Meyer GmbH & Co avant
son extension en 1990/91. Ces exemples sont homogènes et monolithiques.
Les usines mécaniques se sont en revanche développées beaucoup plus souvent
à partir d’ateliers modestes. Elles consistent de plusieurs bâtiments souvent très
différents dans leur mode de fonctionnement et dans leur langage architectural.
Toute une série d’usines à Hambourg font partie de cette catégorie : le Borselhof,
l’usine d’hélices Zeise et la fabrique de tubes à rayons X C. H. F. Müller. La
traduction en l’espace d’un tel développement économique est une accumulation
de constructions de taille et forme différente.
L’usine Möller représente le cas d’une entreprise familiale et artisanale qui s’est
développée pas à pas. Le fondateur Johann Diedrich Möller était tout d’abord un
fignoleur typique. Sa motivation pour son activité professionnelle était sa grande
curiosité, et des réflexions d’entrepreneur n’avaient pas vraiment lieu pendant
qu’il dirigeait l’entreprise. Avant 1907, la production avait lieu dans un bâtiment
de logement et d’atelier combiné, ce qui reflète aussi le caractère familial de
l’entreprise.
Puis, lors de la reprise de la direction par Hugo Möller, la conception de l’entreprise
s’est développée. La première construction sur le site actuel de l’entreprise en
1909 reflète non seulement le succès croissant de l’entreprise, mais aussi la
volonté de structurer l’organisation interne, en donnant une place à la comptabilité
et à l’administration. Les projets de construction suivants de l’entreprise se feront
toutefois toujours à court terme. Ainsi, on ne commence à planifier une nouvelle
55
15: Développement du
site de l’entreprise J. D.
Möller.
1909
1917
1922
1927
1935
1937
1940
présent
56
étape que quand on a reçu une grande commande. Il s’agit donc d’une attitude
prudente face à l’avenir incertain de l’entreprise, qui dépendait fortement de
ses quelques grands clients. Les constructions s’adaptaient à des besoins très
précis, et leur grand nombre ainsi que leur diversité ont conduit à la hétérogénéité
de l’architecture à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui. La croissance
presque organique qui a eu lieu contribue à l’aspect de « ville à l’intérieur de la
ville » que l’on peut observer. L’attitude de souvent modifier les biens immobiliers
d’une entreprise signifie aussi que d’anciens bâtiments, qui pourraient avoir une
valeur documentaire, sont éliminés.11
Il existe bien évidemment des cas d’usines qui se situent entre l’agrandissement
lent d’un site d’usine et la création ex nihilo d’une fabrique entière. Il s’agit des
entreprises qui commencent leur production dans un certain endroit et déménagent
par la suite, quand le site ne se prête plus à être adapté aux besoins changeants
de l’entreprise. Le fait d’entreprendre une nouvelle construction d’usine sur une
nouvelle parcelle est une occasion de rationaliser le fonctionnement interne.
L’usine de tubes, cannes et fanon H.C. Meyer jr. à Hambourg a commencé son
activité en 1818 dans des locaux locatifs. Quand le développement économique
rendait nécessaire des changements constructifs et technologiques (pour que
l’usine reste compétitive) en 1828, on a acquis un terrain sur lequel on a construit
un bâtiment à structure légère avec une machine révolutionnaire qui servait à
découper des claviatures. Une visite de l’entrepreneur en Angleterre a suscité le
désir d’installer une machine à vapeur. En 1836, encore un nouveau terrain a été
acheté pour la construction d’une usine. Avec son plan de rectangle allongé sur
trois étages, celle-ci était très grande pour l’époque. On a profité du nouveau projet
pour concevoir un bâtiment clairement dévoué à la fabrication non artisanale, avec
une répartition du travail et une mécanisation avancée.12
57
16: Le portail de l’usine
Borsig à Tegel (Berlin),
1902.
17: Rotherstift à
Lichterfelde, 1898
58
6.4 L’usine et la représentation
La représentation de l’entreprise n’est de loin pas importante pour chaque fabrique.
Un grand nombre d’usines sont des bâtiments purement fonctionnels. Et pourtant
il existe certaines fabriques qui, par leur taille, leur forme, leurs matériaux et leurs
traitements de façade, représentent une image de l’entreprise. Vers 1910 des
dessins d’usines ont même souvent été utilisés dans la publicité, notamment aussi
dans les en-tête de la correspondance commerciale.
La représentativité de l’architecture des usines a les fonctions suivantes :
• symboliser la qualité des produits, soutenir leur image de luxe
• souligner la tradition d’une entreprise, marquer son importance dans le lieu où
elle se trouve
• symboliser la stabilité économique, donc attirer des partenaires commerciaux et
des investisseurs
Les architectures plus pragmatiques se trouvent souvent dans des usines qui :
• sont des entreprises de sous-traitance et ont des clients réguliers (une fabrique
de pointes de tréfilerie par exemple, dont les produits sont utilisés pour produire
des emballages)
• fabriquent des objets destinés à des clients publiques (comme l’armée dans le
cas de l’entreprise Möller)
• fabriquent des objets d’usage quotidien avec des marchés assurés
• se situent dans une arrière-cour
A l’intérieur d’une fabrique, une différence de représentativité peut être faite entre
différentes parties. Ainsi, les façades des bâtiments d’administration sont souvent
traités avec plus de soin que celles des bâtiments de production. L’administration
représente en effet l’entrepreneur lui-même, un bâtiment de bureaux représentatif
le distingue donc de la masse des ouvriers. Les bureaux se trouvent couramment
près de l’entrée du site, ils présentent donc un visage de l’entreprise vers la ville
et peuvent être utilisés pour cacher une architecture plus utilitaire qui se trouve
derrière.
L’usine Borsig à Berlin-Tegel est un exemple pour cette distinction nette du bâtiment
administratif et des halles de production. Les bureaux se situent à côté de la porte
d’entrée du site, qui rappelle les portes de ville médiévales. La façade du bâtiment
d’administration construit en 1896 porte l’empreinte du Heimatstil brandebourgeois.
La ressemblance au Rotherstift de l’architecte Alfred Koerner – un institut pour
jeunes femmes construit dans les mêmes années – est un exemple frappant pour
59
l’insertion de l’usine de Borsig dans l’architecture représentative contemporaine.13
Puisque le tabac est un produit de luxe, les fabriques qui le produisaient devaient
représenter une image de luxe. Deux usines à Hambourg peuvent être citées à
ce sujet : un exemple très représentatif est l’ancienne usine de cigarettes « Haus
Neuerburg » dans le quartier de Wandsbek. L’architecte Fritz Höger a travaillé la
brique de revêtement de manière qu’elle forme des lésènes trois-dimensionnelles,
qui ont l’air d’être en mouvement et rappellent la fumée de cigarettes.
L’usine de tabac von Eicken à la Hohenluftchaussee est travaillée dans un style
néo-baroque. Sa façade est rythmée par l’alternance de briques rouges et crépis
blanc, et sa tour – cheminée, château d’eau et escalier de secours – est un point de
repère dans son entourage, bien qu’elle se trouve dans une arrière-cour.
60
7
Conservation, réutilisation et transformation d’usines
Le nombre de bâtiments d’usine dont le futur est incertain est élevé. Les usines
désaffectées se trouvent souvent à des endroits à caractère urbain, facilement
accessibles par les moyens de transport publics et privés.
Avant de commencer un projet sur un site industriel pour exploiter son potentiel, il
est crucial de se poser la question de quels seraient les raisons de conserver des
bâtiments industriels ainsi que les conditions pour pouvoir le faire.
RAISONS DE CONSERVER
Frühauf, avec sa perspective d’historienne de l’art, nomme 12 critères pour
la conservation des usines. Huit de ces critères parlent de l’histoire sociale,
économique et industrielle, tant locale que générale. Puis, elle plaide pour la
conservation d’objets ayant un intérêt de histoire de l’architecture : ceux avec un
fort caractère représentatif, ceux qui sont devenus des emblèmes pour une ville ou
un quartier, ceux qui présentent des innovations constructives et les objets majeurs
d’un architecte ou ingénieur. Avant de conclure son travail en postulant
« Wirtschaftliche Entwicklung muss nicht gleichbedeutend sein mit dem Verzicht auf
historische Fabrikgebäude. Strukturwandel kann auch in alten Gebäuden
stattfinden »2, elle fait référence à des projets de transformation qui gardent le
souvenir de l’affectation antérieure et le communiquent entre autres par des images
ou des panneaux. Sa préoccupation est de rendre compréhensible les processus
de fabrication aux nouvelles personnes qui empruntent l’espace.
Le point de vue d’un architecte doit être différent : au lieu de transmettre un
savoir très détaillé, technique ou livresque, l’architecte travaille avec les images
et ambiances des espaces pour laisser l’architecture raconter sa propre histoire.
L’architecture industrielle est assez impressionnante pour témoigner son passé à
l’inconscient de chacun qui s’y rend.
L’approche pédagogique de Frühauf n’est pas réalisable dans chaque situation,
ni d’ailleurs souhaitable. Il n’est en effet pas possible de faire de chaque ancienne
usine un musée de l’industrie, car le grand nombre de fabriques nécessitant
aujourd’hui des interventions architecturales est très disproportionné par rapport
aux moyens à disposition pour de tels investissements. On ne peut donc pas se
passer de bien trancher à quel point une usine est digne d’être mise en valeur. Puis,
il faut aussi que l’on soit conscient qu’il existent différents degrés d’intervention : le
spectre entre une destruction totale et une conservation à l’état est immense.
61
CONDITIONS POUR LE MAINTIEN
Lamunière et Gachet, avec une approche plus pragmatique, nomment les
conditions suivantes pour que l’on puisse conserver des bâtiments industriels :
« (...) une bonne occupation du sol, une construction en bon état et une adaptation
possible à d’autres fonctions. »1 L’importance de la situation urbaine ainsi que de la
qualité architecturale (surtout de l’expression de la façade) y est aussi mentionnée.2
TRANSFORMER POUR CONSERVER L’ESSENTIEL
Il serait d’ailleurs faux de penser qu’une usine doit a priori rester dans l’état actuel :
C’est dans la nature des bâtiments industriels d’être sujet de transformations!
Beaucoup plus que les logements (pour lesquels les besoins n’ont pas tant changé
dans les derniers siècles) ou les châteaux, musées et écoles, les fabriques ont
été adaptées maintes et maintes fois à de nouvelles situations économiques
et technologiques. L’exemple de l’entreprise Möller, qui a vu une cinquantaine
d’interventions sur son bâti dans les années 1909 à 1942, montre bien qu’un état
fini d’une fabrique n’existe pas. Le choix de transformer aujourd’hui les anciennes
usines est tout à fait en accord avec l’esprit pragmatique présent dans ces lieux.
En adaptant un bâtiment à une nouvelle affectation, dans le respect du patrimoine
industriel évidemment, on prolonge tout simplement son histoire.
L’adéquation entre le nouveau contenu et le contenant existant doit toutefois être
visée. Une notion intéressante est celle de la charge symbolique : le défi est de
trouver une nouvelle fonction qui correspond à la forme et sa signification. Pour les
usines, cela veut dire que l’on peut sans autres aménager des nouveaux espaces
de travail, tant des bureaux que des ateliers.
Mais qu’en est-il d’espaces destinés au public? Ici, l’argumentation peut passer
par la désignation « cathédrales du travail » qui a souvent été donnée aux usines.
Le terme implique que les édifices destinés au travail ont atteint la monumentalité
sublime des édifices religieux du Moyen-Âge. Les halles d’assemblage des usines
mécaniques s’approchent dans leur forme en nefs même des basiliques, et il n’y a
donc aucune de raison de ne pas donner une destinée publique ou même religieuse
à un tel espace.
62
«Il peut exister une
filiation symbolique
quand une église
est aménagée dans
un temple païen; on
devrait s’imposer de
reconvertir un édifice
pour un usage dont
la charge symbolique
est équivalente à la
précédente.»3
Philippe Robert
TRANSFORMATION POUR DES FONCTIONS PUBLIQUES
Hambourg dispose de deux usines de tailles très différentes qui ont été
transformées en musées. L’une d’elles, l’ancienne Drahtstiftfabrik J. D.
Feldtmann, ne mesure qu’environ 140 m2. Son rez-de-chaussée servait à l’époque
à la production, tandis que l’étage était utilisé pour le stockage. Aujourd’hui,
les archives du quartier d’Ottensen occupent l’étage et exposent des objets de
l’histoire industrielle du lieu au rez-de-chaussée. Presque aucunes adaptations de la
construction n’ont dû être faites pour accueillir la nouvelle fonction.
L’autre des espace de musée se trouve dans les locaux de l’ancienne New-YorkHamburger Gummi-Waaren Compagnie. Il s’agissait d’un exemple typique de
l’industrie dépendant du commerce maritime : les bâtiments de 1871 à Barmbek
servaient à la production de biens en caoutchouc. Ils ont été partiellement détruits
en 1943, une réfection a seulement eu lieu dès 1989. Le Musée du Travail se trouve
aujourd’hui dans ces locaux. Les parties anciennes et remplacées sont clairement
reconnaissables grâce aux matériaux de construction mis en œuvre.
Des transformations dans des lieux publics à vocation commerciale et pour le
temps libre ont également en lieu : l’ancienne usine d’hélices Zeise à Ottensen,
fondée en 1868, avait fait faillite en 1979. Les deux grandes halles de production
ont été réaménagées pour accueillir un cinéma, un conservatoire de musique,
des petits commerces et ateliers, des restaurants et un jardin d’enfants. La halle
de fabrication sud avec sa lumière naturelle zénithale se prête bien pour ce genre
de réaffectation, un espace public généreux s’est ainsi formé. C’est toutefois
dommage qui des petits volumes en métal et verre aient été posés le long des
côtés de l’espace, une utilisation de l’espace en entier aurait été appréciée.
Une institution qui mériterait d’être mentionnée à ce sujet est le « Kampnagel », une
ancienne fabrique mécanique dans le quartier de Barmbek qui sert actuellement
comme théâtre.
63
1: L’intérieur de
l’ancienne usine J. D.
Feldtmann.
2: Façade d’entrée du
Musée du Travail dans le
quartier de Barmbek.
64
3: Une galerie
marchande aménagée
dans la halle sud de
l’usine Zeise.
4: Production de
hélices, photographie
actuellement suspendue
dans l’espace même.
5: Le restaurant
Eisenstein, aménagé
autour d’un fourneau de
l’entreprise Zeise.
65
6: Vue sur la cour du
Borselhof.
7: Maquette des
bâtiments constituant le
Borselhof.
66
RÉAFFECTATION EN TANT QUE LIEU DE TRAVAIL
Le concept de « Gewerbehof » s’applique quand plusieurs petites entreprises – des
ateliers d’artistes ou d’artisans et des bureaux – se regroupent dans les différents
bâtiments d’une grande entreprise qui a disparu. Le Borselhof à la Borselstrasse à
Hambourg correspond exactement à ce modèle : 33 entreprises se sont installées
dans ce qui était pendant longtemps le lieu d’activité d’une seule entreprise
mécanique.
Les usines à plusieurs étages se prêtent particulièrement bien à une utilisation
comme lieu de travail. Des ateliers et des bureaux peuvent généralement y être
aménagés sans beaucoup de travaux. Les espaces sont soit utilisés comme un
tout par une seule entreprise (l’usine de cigarrettes Haus Neuerburg), soit partagés
entre plusieurs sociétés comme c’est le cas dans l’usine de tabac von Eicken et
dans l’usine Leder-Schüler.
TRANSFORMATION EN LOGEMENTS
Bien qu’au niveau international l’idée d’aménager des logements à l’intérieur
d’usines désaffectées s’est répandue, on ne trouve pas encore de grandes
quantités d’exemples de telles opérations à Hambourg. L’entrepôt municipal à
la Grosse Elbstrasse ainsi que le moulin adjacent ont été transformés pour des
fonctions mixtes : des bureaux, un parking pour 134 voitures et 28 logements.
Ceux-ci ne se trouvent cependant pas à l’intérieur du bâtiment historique, mais
dans un grand volume vitré posé sur celui-ci. Les appartements ainsi obtenus
ont des plans tout à fait ordinaires, et il serait donc erroné de considérer le projet
comme transformation d’espace de production en logement.
Le manque de projets réalisés ne doit pas nous mener à condamner le concept
d’aménager des espaces de vie privée dans d’anciennes fabriques. Il faudra
toutefois bien choisir l’usine que l’on transformera en habitation, en faisant attention
à ses caractéristiques spatiales et son entourage urbain.
67
1: Vue sur les site
depuis le bâtiment
5, avec le bâtiment 1
en avant-plan et les
bâtiments 3, 4, 9 , 10 et
14 à l’arrière.
68
8
Le potentiel de la fabrique Möller à Wedel
Quelle serait donc une bonne attitude de projet pour la transformation du site de
l’usine à Wedel? Beaucoup d’observations au sujet des bâtiments individuels ont
été faites. Il est maintenant important de se tourner vers le site en entier. Puis, une
présentation courte de chacun des bâtiments suivra qui servira de base pour une
décision au sujet de leur utilisation future.
LE SITE
Les bâtiments de l’entreprise Möller ont des propriétés spatiales très diverses. Le
site se présente donc comme une accumulation hétérogène de volumes. Ceuxci ont presque uniquement des formes à angles droits. Les volumes amassés
ressemblent à ce que l’on pourrait obtenir en empilant des parallélépipèdes de
tailles et proportions différentes. Ce facteur, ainsi que l’unité du matériau utilisé pour
les bâtiment majeurs, nous permettent de percevoir la fabrique comme un tout. La
densité est urbaine et agréable.
L’usine est actuellement clôturée, ce qui en fait une sorte d’enclave industrielle en
plein centre-ville. La morphologie des bâtiments ne donne cependant pas de cause
qui empêcherait leur insertion dans le contexte urbain.
Deux espaces extérieurs principaux se forment entre les bâtiments, ils sont linéaires
et orientés est-ouest. Leurs matériaux, le bitume et quelques briques, rappellent la
vocation industrielle du site, la végétation n’étant quasi inexistante à cet endroit si
l’on fait abstraction de quelques taches de gazon.
69
70
2: Façade nord du
premier bâtiment du
site.
3: Le bâtiment 2, vu
depuis le sud sur les
anciens espaces de
l’optique circulaire.
4: Bâtiment 2, côté
Rosengarten. L’ancienne
station de service est
aujourd’hui utilisée par
un snack-bar.
BÂTIMENT 1
Le plus ancien des bâtiments de la société Möller a fait l’objet d’un grand nombre
d’adaptations. Il contenait au départ toutes sections de l’entreprise : la fabrication
de préparations microscopiques, l’optique, la mécanique, l’argentage, l’expédition
et l’administration. Aujourd’hui, il sert essentiellement à l’administration.
Le caractère du bâtiment n’est pas très industriel, ce n’est uniquement la taille
légèrement plus grande des pièces qui nous fait réaliser qu’il ne s’agit pas
d’un bâtiment d’habitation. L’organisation interne a souffert des nombreux
agrandissements, ce qui pourrait faire de ce bâtiment un casse-tête lors de
l’élaboration d’un projet. Du point de vue de son expression, il est tout à fait
imaginable d’en faire des logements ou des ateliers.
BÂTIMENT 2
Le seul bâtiment donnant sur la rue du Rosengarten est fortement entravé par le
caractère étroit de la parcelle qu’il occupe. La partie sud, où se trouvait la section
d’optique circulaire, est celle qui serait le plus facilement utilisable. Cependant, la
perspective de pouvoir acquérir la parcelle voisine donne à cet endroit un potentiel
beaucoup plus important : Il rend possible la construction d’un nouveau bâtiment
qui regrouperait l’entier de l’entreprise, réduisant ainsi les aller-retour entre les
différentes sections. En plus, cette approche donne une présence de l’entreprise
sur la rue et facilite les livraisons.
71
5: Façade nord des
bâtiments 3 et 4.
6: Salle de travail du
bâtiment 4, utilisée
comme dépôt.
7: Vue depuis l’aile
du bâtiment 5 vers le
bâtiment 1.
8: Vue du bâtiment 5
depuis le parking sur
son côté sud.
72
BÂTIMENTS 3 ET 4
Les bâtiments datant de 1935 et 1937 offrent des grands espaces de travail qui
sont aujourd’hui pour la plupart subdivisés. C’est à cet endroit que se passe à
présent la production d’optique. La neutralité de ces espaces les rend polyvalents :
on pourrait entre autres s’imaginer des logements généreux en espace, des ateliers,
des salles de cours. Si l’on envisage de partager les étages, il sera important de
faire attention à ce que la distribution soit efficace.
BÂTIMENT 5
Avec sa tour de 40 m de haut, ce bâtiment est devenu un emblème pour la ville de
Wedel. Il dispose cependant aussi de six grands étages qui ne sont que peu utilisés
actuellement. La visibilité de loin de cet édifice le rendent susceptible de devenir
un lieu de rencontre exclusif, une utilisation comme hôtel ou comme centre de
conférences se prêterait donc bien à ce bâtiment. Quand le réservoir d’eau ne sera
plus en fonction, le haut de la tour présentera une excellente occasion d’offrir la vue
panoramique à des visiteurs.
73
BÂTIMENTS 7, 8 ET 9
Les deux baraques au pied du château d’eau et la halle en tôle reliant les
bâtiments 3 et 10 contiennent les ateliers de vernissage et de galvanisation. Il n’y
a ni des raisons esthétiques, ni des raisons économiques qui favoriseraient leur
conservation. Puisqu’ils n’ont tous qu’un étage, on ne perd pas beaucoup en les
écartant, mais on peut gagner soit des espaces extérieurs supplémentaires, soit
le terrain pour ajouter une construction mieux adaptée aux besoins des futurs
utilisateurs.
BÂTIMENT 10
L’ancien dépôt de fer est petit, mais il s’intègre bien dans le reste du site. Il pourrait
servir par exemple comme atelier, comme jardin d’enfant ou comme bar. Il serait
trop exposé pour pouvoir servir comme habitation.
BÂTIMENT 11
Les installations servant au traitement de l’eau, ainsi qu’un local de déchet se
trouvent dans ce bâtiment hétérogène. Les garages ne sont plus utilisés. Si
l’entreprise continue l’extraction d’eau, une partie de ces installations devra rester
en fonction.
BÂTIMENT 12
Le parking se trouve sur les deux étages supérieurs tandis que le rez-de-chaussée
contient quelques salles polyvalentes et le local du portier.
BÂTIMENT 14
Ce bâtiment qui se développe sur deux étages autour du bâtiment 4, a une façade
différente des autres bâtiments, bien qu’elle soit aussi revêtue de briques. Si l’on
conserve, ce sera plutôt pour des raisons économiques et écologiques que pour
des raisons esthétiques. Une fonction comme école de danse, bibliothèque ou
atelier est imaginable.
74
9: Le bâtiment 7, une
baraque en ossature
béton.
10: L’ancien dépôt de
fer (bâtiment 10).
11: Le bâtiment 11,
entrée au local de
traitement des eaux.
12: Les garages et
locaux de triage de
déchets du bâtiment 11.
13: Le bâtiment 12:
un étage d’espaces
polyvalents, deux
niveaux de parking.
14: Le bâtiment 14,
collé contre le bâtiment
4 (en arrière-plan).
75
76
9
Conclusion
Uniquement une petite partie du champ vaste de l’architecture des usines n’a pu
être touché à l’occasion de cet énoncé théorique du projet de master. L’influence
de l’emplacement sur l’architecture industrielle, pour nommer qu’un des éléments
qui restent à étudiér, pourrait donner des informations supplémentaires sur le
développement des types d’usines.
De manière générale, il serait passionnant d’entrer plus dans le détail de la
comparaison de plans et façades d’usines avant et après leur transformation.
Le peu de documents à disposition fait de cette tâche un travail extrêmement
laborieux, qui sort en tout cas cadre posé dans le contexte d’un mémoire de cette
sorte.
Au sujet de la fabrique Möller je tire le bilan qu’il ne s’agit ni d’un représentant
majeur de l’industrie dans la région de Hambourg, ni d’une architecture
particulièrement précieuse. Mais son importance pour la ville de Wedel, en tant
que partie de l’histoire du lieu et en tant qu’élément du paysage urbain, en fait un
site digne d’être conservé. Son potentiel de pouvoir devenir un lieu pulsant de vie
urbaine est présent. Dans ce sens, on peut considérer la transformation du site
comme occasion de faire naître à partir des nombreuses contraintes que donne le
travail avec l’existant une architecture issue du lieu, pertinente et spécifique.
77
78
10 Sources
ANNOTATIONS
Page de titre
1
Naumann, p. 20
Méthode
1
Wasmuths Lexikon der Baukunst (Bd. 1-4, Berlin, 1929-1937), Bd. 2, 1930,
S. 405 (auteur : Marwitz), cité par Ostermann p. 36
Esthétique des usines
1
Drebusch, p. 16
2
Drebusch, p. 22-23
3
Mislin, p. 229-232
4
Ostermann, p. 39
5
Wilhelm-Lehmbruck-Museum (ed.), p. 68
6
Rödel, p. 8
6
Gropius, p. 14
7
Drebusch, p. 7
8
Turtenwald, p. 166
9
Hertlein, p. 13
Formation des types architecturaux des usines
1
Frühauf p. 16
2
Frühauf p. 19
3
Frühauf p. 20
4
Weiss, Möller, p.73
5
Pouget, p. 28
6,7
Bruno Bauer, cité par Georgeacopol, p. 34
8
C. Benscheidt sen., 1947, p. 173, cité par Jaeggi, 1998, p. 17
9
Gropius, 1913, p. 4-5
10
Drebusch, p. 29
11
Peter Nestler et Hiltrud Kier, Denkmalschutz und städtische Denkmalpflege, Köln,
Ernst Pappermann, 1984, p. 114, cité par Echter, p. 12
11
Frühauf, p. 19
12
Engel, p. 27
79
Conservation, réutilisation et transformation d’usines
1
Lamunière, Gachet, p. 4
2
Lamunière, Gachet, p. 27
1
Frühauf, p. 39
2
Frühauf, p. 45
3
Robert, p. 9
80
TABLE DES ILLUSTRATIONS
Esthétique des usines
1: Claude-Nicolas Ledoux, Plan Général d’une Forge à Canons, tiré de Vidler, p. 58
2: Johann Jakob Dorner, Eisenhütte im Gebirge, début du XIXe siècle, tiré de
Wilhelm-Lehmbruck-Museum (ed.),
p. 15
3: Karl Blechen, Walzwerk Neustadt-Eberswalde, vers 1834, tiré de WilhelmLehmbruck-Museum (ed.), p. 19
4: Adolf Menzel, Eisenwalzwerk, 1872-1875, tiré de Wilhelm-Lehmbruck-Museum
(ed.), p. 67
L’industrie dans la région de Hambourg
1: Geographische Anstalt von Wagner & Debes, Hamburg und Umgebung, Leipzig,
tiré de Karl Baedeker
2, 3: Photographies personnelles
Une histoire architecturale de l’entreprise Möller
1: Photographie de l’archive de l’entreprise Möller, 1909, tirée de Weiss, Möller, p.
20
2: DPC (demande de permis de construire) du 18.05.1909
3: DPC du 23.10.1915
4: DPC du 06.02.1916
5: DPC du 23.06.1928
6: DPC du 04.08.1910
7: DPC du 26.04.1927
8: DPC du 25.08.1933
9: Puritz, lettre du 02.10.1933
10, 19, 22: Photographies personnelles
11: Hugo Möller, lettre du 02.10.1933
12, 13: DPC du 06.07.1935
14: Photographie d’archive de l’entreprise Möller, 1918, tirée de Weiss, Möller, p. xx
15: Photographie d’archive de l’entreprise Möller, 1938, tirée de Weiss, Möller, p. 80
16, 17, 18: DPC du 27.03.1937
20: DPC du 15.02.1940
21: Etude préalable pour le DPC du 15.02.1940
23: Illustration à partir du plan masse
81
Formation des types architecturaux des usines
1: Drebusch, p. 41
2: Drebusch, p. 47
3: DPC du 27.03.1919
4: DPC du 18.09.1920
5 et 6: DPC du 18.03.1922
7: Photographie d’archive de l’entreprise Möller, 1918, tirée de Weiss, Möller, p. 76
8: Photographie d’archive de l’entreprise Möller, 1918, tirée de J. D. Möller Optische
Werke GmbH, p. 12
9: Jaeggi, p. 27
10: Ebert, p. 116
11: Frühauf, p. 112
12: Frühauf, p. 111
13, 14: Photographies personnelles
15: Illustration produite à partir des plans de situation des demandes de permis de
construire.
16: Engel, p.19
17: Engel, p. 27
Conservation, réutilisation et transformation d’usines
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7: Photographies personnelles
Le potentiel de la fabrique Möller à Wedel
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14: Photographies personnelles
82
BIBLIOGRAPHIE
Esthéthique des usines
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Deutschen Werkbundes 1913: Die Kunst in Industrie und Handel, Jena, Diederichs,
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2003
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J. D. Möller GmbH, 90 Jahre Möller Wedel – im Dienste der Optik, Wedel, non
publié, 1954
J. D. Möller Optische Werke GmbH, 100 Jahre Präzision und Qualität, Wiesbaden,
Rudolf Herzfeldt Verlag, 1964
WEISS Sabine, MÖLLER Klaus, J.D. Möller optische Werke Wedel. 1864 bis 1989,
Erfurt, Sutton Verlag, 2006 (Die Reihe Arbeitswelten)
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Éditions du Moniteur, 1989
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in der Nordostschweiz, Bern, Schweizerische Vereinigung für Landesplanung, 1988
(Schriftenfolge Nr. 47)
WECKHORST Thomas, Wassertürme neu genutzt, Neustadt/Weinstrasse,
Meininger Verlag, 1996
85
86
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