Pôle Mutations du Travail et de l`Emploi et Politiques sociales

Pôle Mutations du Travail et de l’Emploi et Politiques sociales
Responsables : Sophie BERNARD, Dominique MEDA, Michèle TALLARD
Chercheurs associés (à titre principal ou secondaire) au pôle :
Tania ANGELOFF (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Christian AZAIS (MCF socio-économie Université d’Amiens)
Pauline BARRAUD de LAGERIE [MCF sociologie, Université Paris-Dauphine compter du 1
er
septembre 2012)]
Marlène BENQUET (sociologue, CR CNRS-IRISSO, à compter du 1er septembre 2012)
Sophie BERNARD (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Céline BESSIERE (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Jean-Yves BOULIN (sociologue, CR CNRS-IRISSO jusqu’en novembre 2011, chercheur associé
ensuite)
Marie CARCASSONNE (MCF sciences de l’éducation, Université Paris-Dauphine)
Gérard CHEVALIER (sociologue CNRS-IRISSO)
Dominique FOUGEYROLLAS (sociologue CR CNRS-IRISSO)
Marc GLADY (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Thierry KIRAT (sociologue, DR CNRS-IRISSO)
Thomas LE BIANNIC (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Françoise LOZIER (MCF gestion, Université Paris-Dauphine)
Pierre MACLOUF (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Dominique MEDA (Professeur sociologie, Université Paris-Dauphine)
Elise PENALVA-ICHER (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Jean-Louis RENOUX (doctorant IRISSO jusqu’en octobre 2011, chercheur associé à l’IRISSO
ensuite)
Sabine ROZIER (MCF sciences politiques, Université Paris-Dauphine)
Laurence SERVEL (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Michèle TALLARD (sociologue, CR CNRS-IRISSO)
Doctorants :
Maële BIGI (doctorante associée)
Maria Rosalba BRUITAGO GUZMAN
Laurène LE COZANNET (voir pôle « Education et culture »)
Thomas SIGAUD (voir pôle « Sociologie urbaine et sociologie économique des territoires »)
Fanny VINCENT
Axes de recherche :
Transformations de la relation salariale
Transformations des régulations du travail et des organisations
Transformations de l’action publique
A.
E
XPOSE PROBLEMATIQUE
Ce pôle s’intéresse aux transformations de la relation salariale, des régulations du travail ainsi que de
l’action publique relative au travail et à l’emploi. Les travaux qui y sont rassemblés visent à analyser
les conséquences des modifications intervenues tant dans les paradigmes, les idéologies et les
référentiels que dans l’organisation du système socio-productif et les modes de régulation dans les
organisations. Ils s’intéressent particulièrement à la manière dont la globalisation, la financiarisation
de l’économie et les politiques recommandées par les institutions internationales ont, bousculé les
frontières entre des statuts auparavant encore bien distingués ainsi que les identités et les
professions, suscité de nouveaux partages entre les régulations « dures » mobilisant le droit du
travail et la réglementation et les régulations « molles » et de nouveaux positionnements des acteurs
et enfin, conduit à modifier les objectifs poursuivis par les politiques publiques. Refusant de s’en
tenir à un schéma purement déterministe qui verrait dans les changements organisationnels ou de
politiques publiques de simples conséquences de reformulations idéologiques, les travaux ci-après
présentés tentent au contraire de faire toute leur place aux « boucles de rétroaction » et à la
manière dont les acteurs ou les échelons les plus locaux participent à la modification des référentiels
globaux.
I) Transformations de la relation salariale
Ces travaux s’intéressent particulièrement aux glissements des frontières entre les statuts d’emploi,
aux conséquences de ces mouvements sur les identités ainsi que sur les contours et l’organisation
des professions.
1) Des frontières mouvantes entre les statuts d’emploi : une porosité grandissante
Le processus continu d’extension du salariat dans nos sociétés occidentales au cours du XXème siècle
tend à effacer les transformations qui l’ont affecté au cours du temps. Ses frontières se révèlent
notamment mouvantes et sont l’objet de négociations et de conflits dans un mouvement permanent
mobilisant une pluralité d’acteurs. Cependant, la question se pose aujourd’hui de savoir si nous
n’assisterions pas à une porosité croissante entre les statuts d’emploi, tant et si bien que le caractère
flou et insaisissable de ces frontières s’imposerait dorénavant en trait dominant de la norme
d’emploi et de la réglementation du travail. Plusieurs travaux visent à se saisir de cette question pour
en appréhender l’ampleur, les causes et les effets ; un séminaire sur le thème des frontières du
salariat organisé en 2010-2011 par le pôle a permis une première confrontation des approches
développées autour de cette problématique. La comparaison internationale au cœur de l’ANR
ZOGRIS, à laquelle participent plusieurs chercheurs du pôle se révèle particulièrement féconde
pour traiter ces questionnements, permettant d’appréhender ces « zones grises » pour mettre au
jour les similitudes mais également les différences entre des contextes nationaux distincts. Dans le
contexte d’un marché du travail et de l’emploi en voie de globalisation, la comparaison Sud-Nord
notamment permet de dégager des caractéristiques communes des formes hétérogènes du rapport
au travail salarié mais également des modes émergents de mise au travail (Azaïs). Cette question des
frontières du salariat – s’inscrivant dans une réflexion sur les « zones grises » du salariat – est
également étudiée au travers de l’analyse de statuts que l’on peut qualifier d’ « hybrides », que ce
soit ceux des journalistes pigistes entre contrat de travail et contrat commercial (Renoux) ou des
franchisés qui, bien qu’indépendants, n’échappent pour autant pas à une forme de dépendance à
l’égard du franchiseur (Bernard et Bessière) ou encore des emplois publics et des contrats à durée
déterminée ou indéterminée de droit privé au sein de la fonction publique (Kirat et Stancanelli,
2008). Cette réflexion est également menée au travers de l’exploration de secteurs dits
« innovants », comme dans les SSII qui sont en réalité souvent assimilées à des sociétés d’intérim
mais participent en ce sens à une fragilisation du lien salarial (Lozier). Mais au-delà des statuts
d’emploi, il apparait que les frontières du salariat peuvent également se voir bousculées au sein
même de l’entreprise. Les systèmes de rémunérations, et en particulier les rémunérations hors-
salaire, participent de la sorte de l’instauration d’une zone « grise » se mêlent les intérêts des
salariés et ceux des employeurs (Bernard et Penalva-Icher). Ainsi l’ensemble de ces travaux met en
évidence le caractère de plus en plus flou des statuts et des frontières entre ceux-ci. C’est bien le
salariat qui se trouve in fine questionné en tant que tel.
2) Des identités bousculées
Dans ces univers de plus en plus mouvants et incertains, les identités professionnelles se trouvent
elles-aussi profondément bousculées. Ainsi en va-t-il des principaux protagonistes de ces
changements, les DRH, qui vivent une transformation de leur métier et, par même de leur identité
professionnelle qui est notamment impactée par leur parcours professionnel antérieur (Servel et
Carcassonne). C’est bien le rapport au travail et la valeur que les individus lui accordent qui se
trouvent aujourd’hui également questionnés. Il s’agit d’analyser les évolutions du sens accordé au
travail en les mettant en relation avec les trajectoires professionnelles et familiales des individus,
mais également avec les différents contextes nationaux ou les différents types d’organisation pour
saisir si la valeur travail se trouve influencée par ces transformations (Méda). Si l’on se focalise sur
l’entreprise, le salariat puisqu’il repose sur la mobilisation d’une main d’œuvre conséquente – pose
ainsi irrémédiablement la question de l’engagement des salariés. Les employeurs, ingénieurs et
managers n’ont de cesse d’inventer de nouveaux dispositifs visant à mobiliser ces derniers (Bernard).
La question de l’engagement au travail est ainsi intrinsèquement liée à celle de la reconnaissance
qu’il s’agit d’appréhender dans ses différentes dimensions, monétaires et symboliques, et de mettre
en relation avec certaines variables clés (Méda). Certaines innovations technologiques nous mènent
notamment à nous interroger sur le statut même du travail. L’automatisation des services par
exemple, phénomène massif depuis quelques années, participe en effet d’un processus
d’invisibilisation et d’abstraction du travail qui modifie profondément le sens que les individus lui
accordent (Bernard).
3) Des professions en transformation
Les professions se trouvent également impactées par ces transformations. Les causes peuvent en
être idéologiques et portées alors par des acteurs visant à imposer ces changements d’états d’esprit.
Ainsi en va-t-il des professeurs de sciences économiques et sociales dont des organisations
d’employeurs et des cercles d’actions patronaux s’évertuent à transformer les convictions à l’égard
de l’économie de marché (Rozier). Les professions peuvent également être transformées par leur
diversité interne, comme dans le cas des pilotes d’hélicoptères à Sao Paulo et Mexico qui peuvent, au
sein de cette même profession, avoir des statuts très différents (Azaïs). Il apparaît également que les
professionnels des organisations publiques ou privées se trouvent de plus en plus sollicités pour
réaliser des expertises, ce qui entraîne des modifications en termes de responsabilité professionnelle
comme dans le cas des professionnels de santé en milieu pénitentiaire (Le Bianic) ou encore des
cadres de l’inspection du travail, nommés présidents de commissions mixtes paritaires, transformés
en professionnels de la conciliation des rapports collectifs de travail (Tallard). Mais certains travaux
mettent également en évidence des caractéristiques qui perdurent ; ainsi en est-il des femmes
occupant des emplois de chercheurs qui ont une probabilité plus faible que les hommes d’avoir accès
à un grade supérieur (Fougeyrollas).
II) Transformations des régulations du travail et des organisations
La plupart de ces travaux sont et seront menés en liaison avec les partenaires sociaux et ont fait
l’objet de nombreuses diffusions et valorisations auprès de ceux-ci.
1) Transformations des organisations
Les travaux menés ont cherché à cerner les transformations des organisations parties prenantes des
processus de régulation des relations collectives de travail et des répertoires d’action collectives
mobilisées.
Du côté des organisations patronales, les recherches se sont centrées d’une part sur la capacité à
représenter en interrogeant les conditions de production du mandat dans une négociation
interprofessionnelle et les mutations de la vision patronale du paritarisme (Tallard), d’autre part sur
l’analyse de l’engagement des organisations d’employeurs et des cercles d’actions patronaux dans le
domaine éducatif (Rozier). Elles montrent que l’affaiblissement de la capacité de mise en cohérence
par les organisations patronales des secteurs industriels face à la montée des services et la montée
en puissance du niveau régional conduit à une fragmentation des figures patronales et à un
rétrécissement de l’action patronale sur une logique d’influence. Celle-ci est particulièrement
prégnante en matière éducative les dispositifs mis en place contribuent à contester à l’Etat son
pouvoir de production, de transmission et de certification des savoirs et à promouvoir des modes de
mesure des connaissances et des compétences indexées sur des référentiels d’activité produits par
les branches professionnelles.
Du côté des organisations syndicales, les interrogations ont porté sur leurs stratégies face aux
politiques de modernisation de l’Etat en matière de gestion des ressources humaines et sur leurs
tentatives de renouveler le compromis qui assoit leur légitimité à travers l’élaboration de processus
d’hybridation entre le système de relations professionnelles dominant dans la fonction publique et
celui du secteur privé (Tallard). Des résultats similaires peuvent être mis en évidence dans des
entreprises publiques comme celle des médias (Renoux). D’autres travaux ont quant à eux porté leur
attention sur les modalités d’action des organisations syndicales dans les services au travers du cas
de la mise en place des caisses automatiques dans la grande distribution mettant au jour leurs
difficultés à mobiliser les salariés dans un secteur traditionnellement peu enclin aux actions
collectives, mais également leurs tentatives de rallier à leur cause un acteur « externe » à
l’organisation : le client (Bernard).
2) Nouveau partage entre types de régulation « hard » et « soft »
L’encadrement du lien de subordination et la protection des salariés par le droit du travail et les
conventions collectives ont été au fondement de la régulation fordiste. Cette élaboration de normes
d’un statut juridique élevé (hard law) mettait en scène les acteurs de la démocratie politique – l’Etat
et les organes législatifs et/ou ceux de la démocratie sociale organisations patronales et
organisations syndicales. La fin du fordisme et les bouleversements qui accompagnent la
mondialisation tendent à transformer les conditions d’élaboration et le contenu des règles de la
relation salariale. Nos travaux se sont penchés, dans une optique de comparaison internationale, sur
les transformations des dévolutions des rôles respectifs des Etats, des organisations syndicales, des
organisations patronales, des pouvoirs locaux, dans les contours, les points d’application, les
contenus des régulations qui président à l’organisation du temps de travail, en particulier du travail
du dimanche (Boulin). En examinant les évolutions du système français de relations professionnelles,
ils ont également approfondi le fait que les normes conventionnelles fixent plus des règles de
procédures encadrant l’individualisation de la relation salariale qu’elles ne formalisent des avantages
substantiels (Renoux ; Tallard), ce qui échappe aux indicateurs de rigueur de la réglementation du
marché du travail (Kirat, Dalmasso, 2009). Cet encadrement collectif de l’individualisation se fait à
l’initiative des partenaires sociaux, à travers des compromis conclus sous hégémonie patronale, puis
repris dans la loi. Ce processus a notamment été étudié dans les rapports entre la rupture
conventionnelle et le droit du licenciement (Méda). La recherche menée sur les usages de la rupture
conventionnelle a en effet permis de mettre en évidence une marginalisation du droit du
licenciement alors même que la majorité des circonstances de rupture du contrat de travail à travers
une rupture conventionnelle en relèverait. Une recherche pour la Dares sur l’évaluation du droit du
travail impliquant l’IRISSO a mis en évidence que la régulation des ruptures de contrats de travail par
le juge et le droit du licenciement s’effritent sous l’effet de la forte fréquence des licenciements sans
cause de salariés n’ayant pas accumulé une ancienneté suffisante pour avoir un intérêt à faire un
recours devant les conseils de prud’hommes (Serverin, Valentin, Kirat, Sauze, Dalmasso, 2008).
Cette émergence de régulations de faible statut juridique (soft law) s’observe également dans la
création de normes sociales par les seuls employeurs qu’il s’agisse de celles relevant de la
responsabilité sociale des entreprises ou encore des codes de conduites des entreprises. On la voit
aussi à l’œuvre dans la régulation de certaines professions libérales (architectes, psychologues),
l’on observe un transfert de compétences du niveau national vers le niveau supranational, en
particulier européen (Le Bianic). On observe ainsi la mise en place de nouvelles certifications,
standards de pratiques ou normes de déontologie professionnelles édictées par des acteurs privés,
qui tendent à redéfinir les voies d'accès aux professions, de façon complémentaire ou concurrente
de celles en vigueur à l'échelle nationale.
3) Nouveaux instruments de régulation
Les travaux du pôle ont plus particulièrement approfondi ces nouveaux instruments de régulation du
capitalisme globalisé qui se concrétisent dans des processus de création d’une norme de
responsabilité sociale. Ils ont analysé la régulation du marché de l’investissement socialement
responsable (ISR) et la difficulté de construire un consensus entre des acteurs très hétérogènes sur
une norme dont le contenu est marqué par l’incertitude des contours des critères éthiques, sociaux
et environnementaux (Pénalva-Icher). Cette question des critères construits dans le privé et importé
dans la sphère publique est également au centre des travaux qui analysent cette innovation
institutionnelle que constitue le partenariat public-privé (PPP) (Lazéga, Pénalva-Icher). Les analyses
des procédures d’audit social dans les entreprises mondialisées en ponse aux mises en cause par
les associations de consommateurs des conditions de travail dans les sites de production des pays du
Sud montrent également que les tentatives de consolidation et de standardisation de ces procédures
ne peuvent esquiver la question de la légitimité de normes construites par des acteurs privés de pays
du Nord sans intervention des pouvoirs publics locaux (Barraud de Lagerie). C’est bien toute la
question de la reconfiguration des relations de travail et des normes d’emploi au Nord et au Sud
(Azaïs) qui est interrogée dans les travaux du pôle.
III) Transformations de l’action publique
Plusieurs de ces travaux ont été et continueront d’être menés à la demande ou en liaison avec les
partenaires sociaux ou certains partenaires publics, qui sont directement intéressés par leurs
résultats.
1) De profonds changements des finalités des politiques publiques ?
Depuis plus de trente ans, les politiques publiques, notamment dans le domaine de l’emploi et de la
protection sociale, voient leurs référentiels profondément transformés notamment sous la pression
qu’exercent les institutions internationales. L’OCDE, dont la fabrique des politiques a été analysée
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