Pôle Mutations du Travail et de l`Emploi et Politiques sociales

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Pôle Mutations du Travail et de l’Emploi et Politiques sociales
Responsables : Sophie BERNARD, Dominique MEDA, Michèle TALLARD
Chercheurs associés (à titre principal ou secondaire) au pôle :
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Tania ANGELOFF (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Christian AZAIS (MCF socio-économie Université d’Amiens)
Pauline BARRAUD de LAGERIE [MCF sociologie, Université Paris-Dauphine (à compter du 1er
septembre 2012)]
Marlène BENQUET (sociologue, CR CNRS-IRISSO, à compter du 1er septembre 2012)
Sophie BERNARD (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Céline BESSIERE (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Jean-Yves BOULIN (sociologue, CR CNRS-IRISSO jusqu’en novembre 2011, chercheur associé
ensuite)
Marie CARCASSONNE (MCF sciences de l’éducation, Université Paris-Dauphine)
Gérard CHEVALIER (sociologue CNRS-IRISSO)
Dominique FOUGEYROLLAS (sociologue CR CNRS-IRISSO)
Marc GLADY (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Thierry KIRAT (sociologue, DR CNRS-IRISSO)
Thomas LE BIANNIC (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Françoise LOZIER (MCF gestion, Université Paris-Dauphine)
Pierre MACLOUF (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Dominique MEDA (Professeur sociologie, Université Paris-Dauphine)
Elise PENALVA-ICHER (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Jean-Louis RENOUX (doctorant IRISSO jusqu’en octobre 2011, chercheur associé à l’IRISSO
ensuite)
Sabine ROZIER (MCF sciences politiques, Université Paris-Dauphine)
Laurence SERVEL (MCF sociologie Université Paris-Dauphine)
Michèle TALLARD (sociologue, CR CNRS-IRISSO)
Doctorants :
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Maële BIGI (doctorante associée)
Maria Rosalba BRUITAGO GUZMAN
Laurène LE COZANNET (voir pôle « Education et culture »)
Thomas SIGAUD (voir pôle « Sociologie urbaine et sociologie économique des territoires »)
Fanny VINCENT
Axes de recherche :
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Transformations de la relation salariale
Transformations des régulations du travail et des organisations
Transformations de l’action publique
A. EXPOSE PROBLEMATIQUE
Ce pôle s’intéresse aux transformations de la relation salariale, des régulations du travail ainsi que de
l’action publique relative au travail et à l’emploi. Les travaux qui y sont rassemblés visent à analyser
les conséquences des modifications intervenues tant dans les paradigmes, les idéologies et les
référentiels que dans l’organisation du système socio-productif et les modes de régulation dans les
organisations. Ils s’intéressent particulièrement à la manière dont la globalisation, la financiarisation
de l’économie et les politiques recommandées par les institutions internationales ont, bousculé les
frontières entre des statuts auparavant encore bien distingués ainsi que les identités et les
professions, suscité de nouveaux partages entre les régulations « dures » mobilisant le droit du
travail et la réglementation et les régulations « molles » et de nouveaux positionnements des acteurs
et enfin, conduit à modifier les objectifs poursuivis par les politiques publiques. Refusant de s’en
tenir à un schéma purement déterministe qui verrait dans les changements organisationnels ou de
politiques publiques de simples conséquences de reformulations idéologiques, les travaux ci-après
présentés tentent au contraire de faire toute leur place aux « boucles de rétroaction » et à la
manière dont les acteurs ou les échelons les plus locaux participent à la modification des référentiels
globaux.
I)
Transformations de la relation salariale
Ces travaux s’intéressent particulièrement aux glissements des frontières entre les statuts d’emploi,
aux conséquences de ces mouvements sur les identités ainsi que sur les contours et l’organisation
des professions.
1) Des frontières mouvantes entre les statuts d’emploi : une porosité grandissante
Le processus continu d’extension du salariat dans nos sociétés occidentales au cours du XXème siècle
tend à effacer les transformations qui l’ont affecté au cours du temps. Ses frontières se révèlent
notamment mouvantes et sont l’objet de négociations et de conflits dans un mouvement permanent
mobilisant une pluralité d’acteurs. Cependant, la question se pose aujourd’hui de savoir si nous
n’assisterions pas à une porosité croissante entre les statuts d’emploi, tant et si bien que le caractère
flou et insaisissable de ces frontières s’imposerait dorénavant en trait dominant de la norme
d’emploi et de la réglementation du travail. Plusieurs travaux visent à se saisir de cette question pour
en appréhender l’ampleur, les causes et les effets ; un séminaire sur le thème des frontières du
salariat organisé en 2010-2011 par le pôle a permis une première confrontation des approches
développées autour de cette problématique. La comparaison internationale – au cœur de l’ANR
ZOGRIS, à laquelle participent plusieurs chercheurs du pôle – se révèle particulièrement féconde
pour traiter ces questionnements, permettant d’appréhender ces « zones grises » pour mettre au
jour les similitudes mais également les différences entre des contextes nationaux distincts. Dans le
contexte d’un marché du travail et de l’emploi en voie de globalisation, la comparaison Sud-Nord
notamment permet de dégager des caractéristiques communes des formes hétérogènes du rapport
au travail salarié mais également des modes émergents de mise au travail (Azaïs). Cette question des
frontières du salariat – s’inscrivant dans une réflexion sur les « zones grises » du salariat – est
également étudiée au travers de l’analyse de statuts que l’on peut qualifier d’ « hybrides », que ce
soit ceux des journalistes pigistes entre contrat de travail et contrat commercial (Renoux) ou des
franchisés qui, bien qu’indépendants, n’échappent pour autant pas à une forme de dépendance à
l’égard du franchiseur (Bernard et Bessière) ou encore des emplois publics et des contrats à durée
déterminée ou indéterminée de droit privé au sein de la fonction publique (Kirat et Stancanelli,
2008). Cette réflexion est également menée au travers de l’exploration de secteurs dits
« innovants », comme dans les SSII qui sont en réalité souvent assimilées à des sociétés d’intérim
mais participent en ce sens à une fragilisation du lien salarial (Lozier). Mais au-delà des statuts
d’emploi, il apparait que les frontières du salariat peuvent également se voir bousculées au sein
même de l’entreprise. Les systèmes de rémunérations, et en particulier les rémunérations horssalaire, participent de la sorte de l’instauration d’une zone « grise » où se mêlent les intérêts des
salariés et ceux des employeurs (Bernard et Penalva-Icher). Ainsi l’ensemble de ces travaux met en
évidence le caractère de plus en plus flou des statuts et des frontières entre ceux-ci. C’est bien le
salariat qui se trouve in fine questionné en tant que tel.
2) Des identités bousculées
Dans ces univers de plus en plus mouvants et incertains, les identités professionnelles se trouvent
elles-aussi profondément bousculées. Ainsi en va-t-il des principaux protagonistes de ces
changements, les DRH, qui vivent une transformation de leur métier et, par là même de leur identité
professionnelle qui est notamment impactée par leur parcours professionnel antérieur (Servel et
Carcassonne). C’est bien le rapport au travail et la valeur que les individus lui accordent qui se
trouvent aujourd’hui également questionnés. Il s’agit d’analyser les évolutions du sens accordé au
travail en les mettant en relation avec les trajectoires professionnelles et familiales des individus,
mais également avec les différents contextes nationaux ou les différents types d’organisation pour
saisir si la valeur travail se trouve influencée par ces transformations (Méda). Si l’on se focalise sur
l’entreprise, le salariat – puisqu’il repose sur la mobilisation d’une main d’œuvre conséquente – pose
ainsi irrémédiablement la question de l’engagement des salariés. Les employeurs, ingénieurs et
managers n’ont de cesse d’inventer de nouveaux dispositifs visant à mobiliser ces derniers (Bernard).
La question de l’engagement au travail est ainsi intrinsèquement liée à celle de la reconnaissance
qu’il s’agit d’appréhender dans ses différentes dimensions, monétaires et symboliques, et de mettre
en relation avec certaines variables clés (Méda). Certaines innovations technologiques nous mènent
notamment à nous interroger sur le statut même du travail. L’automatisation des services par
exemple, phénomène massif depuis quelques années, participe en effet d’un processus
d’invisibilisation et d’abstraction du travail qui modifie profondément le sens que les individus lui
accordent (Bernard).
3) Des professions en transformation
Les professions se trouvent également impactées par ces transformations. Les causes peuvent en
être idéologiques et portées alors par des acteurs visant à imposer ces changements d’états d’esprit.
Ainsi en va-t-il des professeurs de sciences économiques et sociales dont des organisations
d’employeurs et des cercles d’actions patronaux s’évertuent à transformer les convictions à l’égard
de l’économie de marché (Rozier). Les professions peuvent également être transformées par leur
diversité interne, comme dans le cas des pilotes d’hélicoptères à Sao Paulo et Mexico qui peuvent, au
sein de cette même profession, avoir des statuts très différents (Azaïs). Il apparaît également que les
professionnels des organisations publiques ou privées se trouvent de plus en plus sollicités pour
réaliser des expertises, ce qui entraîne des modifications en termes de responsabilité professionnelle
comme dans le cas des professionnels de santé en milieu pénitentiaire (Le Bianic) ou encore des
cadres de l’inspection du travail, nommés présidents de commissions mixtes paritaires, transformés
en professionnels de la conciliation des rapports collectifs de travail (Tallard). Mais certains travaux
mettent également en évidence des caractéristiques qui perdurent ; ainsi en est-il des femmes
occupant des emplois de chercheurs qui ont une probabilité plus faible que les hommes d’avoir accès
à un grade supérieur (Fougeyrollas).
II)
Transformations des régulations du travail et des organisations
La plupart de ces travaux sont et seront menés en liaison avec les partenaires sociaux et ont fait
l’objet de nombreuses diffusions et valorisations auprès de ceux-ci.
1)
Transformations des organisations
Les travaux menés ont cherché à cerner les transformations des organisations parties prenantes des
processus de régulation des relations collectives de travail et des répertoires d’action collectives
mobilisées.
Du côté des organisations patronales, les recherches se sont centrées d’une part sur la capacité à
représenter en interrogeant les conditions de production du mandat dans une négociation
interprofessionnelle et les mutations de la vision patronale du paritarisme (Tallard), d’autre part sur
l’analyse de l’engagement des organisations d’employeurs et des cercles d’actions patronaux dans le
domaine éducatif (Rozier). Elles montrent que l’affaiblissement de la capacité de mise en cohérence
par les organisations patronales des secteurs industriels face à la montée des services et la montée
en puissance du niveau régional conduit à une fragmentation des figures patronales et à un
rétrécissement de l’action patronale sur une logique d’influence. Celle-ci est particulièrement
prégnante en matière éducative où les dispositifs mis en place contribuent à contester à l’Etat son
pouvoir de production, de transmission et de certification des savoirs et à promouvoir des modes de
mesure des connaissances et des compétences indexées sur des référentiels d’activité produits par
les branches professionnelles.
Du côté des organisations syndicales, les interrogations ont porté sur leurs stratégies face aux
politiques de modernisation de l’Etat en matière de gestion des ressources humaines et sur leurs
tentatives de renouveler le compromis qui assoit leur légitimité à travers l’élaboration de processus
d’hybridation entre le système de relations professionnelles dominant dans la fonction publique et
celui du secteur privé (Tallard). Des résultats similaires peuvent être mis en évidence dans des
entreprises publiques comme celle des médias (Renoux). D’autres travaux ont quant à eux porté leur
attention sur les modalités d’action des organisations syndicales dans les services – au travers du cas
de la mise en place des caisses automatiques dans la grande distribution – mettant au jour leurs
difficultés à mobiliser les salariés dans un secteur traditionnellement peu enclin aux actions
collectives, mais également leurs tentatives de rallier à leur cause un acteur « externe » à
l’organisation : le client (Bernard).
2)
Nouveau partage entre types de régulation « hard » et « soft »
L’encadrement du lien de subordination et la protection des salariés par le droit du travail et les
conventions collectives ont été au fondement de la régulation fordiste. Cette élaboration de normes
d’un statut juridique élevé (hard law) mettait en scène les acteurs de la démocratie politique – l’Etat
et les organes législatifs – et/ou ceux de la démocratie sociale – organisations patronales et
organisations syndicales. La fin du fordisme et les bouleversements qui accompagnent la
mondialisation tendent à transformer les conditions d’élaboration et le contenu des règles de la
relation salariale. Nos travaux se sont penchés, dans une optique de comparaison internationale, sur
les transformations des dévolutions des rôles respectifs des Etats, des organisations syndicales, des
organisations patronales, des pouvoirs locaux, dans les contours, les points d’application, les
contenus des régulations qui président à l’organisation du temps de travail, en particulier du travail
du dimanche (Boulin). En examinant les évolutions du système français de relations professionnelles,
ils ont également approfondi le fait que les normes conventionnelles fixent plus des règles de
procédures encadrant l’individualisation de la relation salariale qu’elles ne formalisent des avantages
substantiels (Renoux ; Tallard), ce qui échappe aux indicateurs de rigueur de la réglementation du
marché du travail (Kirat, Dalmasso, 2009). Cet encadrement collectif de l’individualisation se fait à
l’initiative des partenaires sociaux, à travers des compromis conclus sous hégémonie patronale, puis
repris dans la loi. Ce processus a notamment été étudié dans les rapports entre la rupture
conventionnelle et le droit du licenciement (Méda). La recherche menée sur les usages de la rupture
conventionnelle a en effet permis de mettre en évidence une marginalisation du droit du
licenciement alors même que la majorité des circonstances de rupture du contrat de travail à travers
une rupture conventionnelle en relèverait. Une recherche pour la Dares sur l’évaluation du droit du
travail impliquant l’IRISSO a mis en évidence que la régulation des ruptures de contrats de travail par
le juge et le droit du licenciement s’effritent sous l’effet de la forte fréquence des licenciements sans
cause de salariés n’ayant pas accumulé une ancienneté suffisante pour avoir un intérêt à faire un
recours devant les conseils de prud’hommes (Serverin, Valentin, Kirat, Sauze, Dalmasso, 2008).
Cette émergence de régulations de faible statut juridique (soft law) s’observe également dans la
création de normes sociales par les seuls employeurs qu’il s’agisse de celles relevant de la
responsabilité sociale des entreprises ou encore des codes de conduites des entreprises. On la voit
aussi à l’œuvre dans la régulation de certaines professions libérales (architectes, psychologues), où
l’on observe un transfert de compétences du niveau national vers le niveau supranational, en
particulier européen (Le Bianic). On observe ainsi la mise en place de nouvelles certifications,
standards de pratiques ou normes de déontologie professionnelles édictées par des acteurs privés,
qui tendent à redéfinir les voies d'accès aux professions, de façon complémentaire ou concurrente
de celles en vigueur à l'échelle nationale.
3)
Nouveaux instruments de régulation
Les travaux du pôle ont plus particulièrement approfondi ces nouveaux instruments de régulation du
capitalisme globalisé qui se concrétisent dans des processus de création d’une norme de
responsabilité sociale. Ils ont analysé la régulation du marché de l’investissement socialement
responsable (ISR) et la difficulté de construire un consensus entre des acteurs très hétérogènes sur
une norme dont le contenu est marqué par l’incertitude des contours des critères éthiques, sociaux
et environnementaux (Pénalva-Icher). Cette question des critères construits dans le privé et importé
dans la sphère publique est également au centre des travaux qui analysent cette innovation
institutionnelle que constitue le partenariat public-privé (PPP) (Lazéga, Pénalva-Icher). Les analyses
des procédures d’audit social dans les entreprises mondialisées en réponse aux mises en cause par
les associations de consommateurs des conditions de travail dans les sites de production des pays du
Sud montrent également que les tentatives de consolidation et de standardisation de ces procédures
ne peuvent esquiver la question de la légitimité de normes construites par des acteurs privés de pays
du Nord sans intervention des pouvoirs publics locaux (Barraud de Lagerie). C’est bien toute la
question de la reconfiguration des relations de travail et des normes d’emploi au Nord et au Sud
(Azaïs) qui est interrogée dans les travaux du pôle.
III) Transformations de l’action publique
Plusieurs de ces travaux ont été et continueront d’être menés à la demande ou en liaison avec les
partenaires sociaux ou certains partenaires publics, qui sont directement intéressés par leurs
résultats.
1) De profonds changements des finalités des politiques publiques ?
Depuis plus de trente ans, les politiques publiques, notamment dans le domaine de l’emploi et de la
protection sociale, voient leurs référentiels profondément transformés notamment sous la pression
qu’exercent les institutions internationales. L’OCDE, dont la fabrique des politiques a été analysée
par V. Gayon, a joué un rôle central, en contribuant à diffuser sur les scènes nationales les principes
de nécessaire adaptation des organisations à la nouvelle compétition mondiale, de flexibilité des
salaires et du temps de travail, de réduction de la protection de l’emploi, d’activation des politiques
sociales, de responsabilisation des individus. Ces principes ont été appliqués dans des mesures et à
des vitesses très différentes dans les différentes parties du monde ainsi qu’en Europe. Une partie des
travaux du pôle vise à revenir sur la genèse de certaines de ces politiques, à expliquer leur diffusion,
à comprendre les arènes et les forums au sein desquels l’appropriation s’est réalisée mais aussi la
façon dont des acteurs nationaux, académiques ou politiques, ont alimenté cette dynamique
internationale. Les travaux de D. Méda sur la flexicurité et sur le RSA correspondent à cette
perspective, de même que ceux qu’elle développe avec des statisticiens et des juristes autour de la
manière dont les économistes se représentent le droit du travail et dont ils promeuvent son
effacement, par exemple autour du CNE, de la rupture conventionnelle et plus généralement sur les
usages du contrat de travail. On peut également évoquer les travaux de Pauline Barraud de Lagerie
qui s’efforcent de saisir les modalités de l’articulation entre les initiatives des pouvoirs publics et les
démarches co-construites avec d’autres groupes d’intérêt.
Dans cette même perspective, Pierre Maclouf analyse les transformations de l’action publique du
Ministère du Travail, dans une perspective génétique. Il interroge notamment la réorientation de la
régulation sociale vers une politique de l’offre et sur les redéfinitions des frontières entre le privé et
le public. Les travaux de Michèle Tallard sur la comparaison du rôle du Ministère du travail en France
et en Allemagne dans les trajectoires d’institutionnalisation de la démocratie industrielle entre 1945
et 1982 relèvent également de cette approche génétique. On peut enfin mentionner les travaux de
Thomas Le Bianic sur la genèse des politiques de santé au travail au sein du ministère du travail dans
la première moitié du XXe siècle, au croisement de l’histoire des sciences et d’une histoire de
l’administration.
2) Nouveaux usages des politiques publiques par les intermédiaires
D’autres travaux s’intéressent plus particulièrement à la façon dont les intermédiaires des politiques
publiques mettent celles-ci en œuvre, les ré-interprétent, infléchissent parfois très fortement les
finalités d’origine ou encore constituent le vecteur de normes sociales développées ailleurs. Ainsi
Marc Glady analyse-t-il les normes qui influencent la manière dont travaillent les agents chargés de la
mise en œuvre des politiques de l’emploi ou de l’accompagnement des demandeurs d’emploi en
même temps que la façon dont ces agents norment les conduites des usagers et finissent par leur
prescrire des comportements spécifiques. Les travaux de Tania Angeloff, qui analyse un dispositif
d’aide à l’emploi des handicapés au Royaume-Uni, se situent dans cette même perspective, de même
que les travaux de Jean Yves Boulin, qui s’intéressent par exemple à la manière dont les municipalités
redéfinissent de nouvelles politiques temporelles, à destination de leurs usagers.
3) Nouveaux usages des dispositifs par les bénéficiaires
Plusieurs travaux s’intéressent à la manière dont les bénéficiaires des politiques publiques,
notamment des politiques sociales et des politiques d’emploi, font usages des dispositifs publics : les
utilisent-ils comme une ressource, qui constitue dès lors un support et peut les aider à développer de
nouvelles capacités et des trajectoires dynamiques ? Quelles caractéristiques ces dispositifs publics
doivent-ils présenter pour précisément pouvoir servir de support et de pôle de sécurité aux
bénéficiaires ? Dans quelle mesure ces dispositifs sont-ils en train de passer du statut de ressources
et de socle de droits sociaux au statut de droits incitatifs visant à exiger des allocataires un certain
nombre de comportements comme cela a été montré pour le RSA ?
Dans cette optique, toute une série de travaux et un certain nombre de ceux passés en revue dans le
séminaire interlaboratoire « Trajectoires professionnelles et dispositifs publics en action » (cf. infra)
analysent les rapports entre politiques publiques et trajectoires individuelles. Il s’agit ainsi de
comprendre dans quelle mesure les dispositifs publics permettent d’anticiper les accidents de
parcours, d’éviter les ruptures (et notamment celles du contrat de travail) mais également dans
quelle mesure, au contraire, ils ne jouent plus ce rôle.
D’autres travaux s’intéressent enfin à la façon dont les différentes classes sociales investissent de
manière différenciée les dispositifs ou les institutions publiques : ainsi Gérard Chevalier analyse la
manière dont l’emploi public a été plus ou moins investi par les classes moyennes et l’utilisation par
les classes moyennes diplômées de l’emploi associatif comme moyen d’échapper au déclassement.
A partir de la rentrée universitaire 2012 le spectre des réflexions du pôle englobera une bonne partie
des thématiques jusqu’ici développées dans les pôles Réseaux d’une part et expertise d’autre part.
B. OPERATIONS DE RECHERCHES ET PUBLICATIONS RELEVANT DE CE POLE
1) Activités collectives du pôle
Cette thématique des frontières du salariat et de la porosité des frontières entre les statuts a été au
cœur de la constitution du pôle Mutations du Travail et de l’Emploi et politiques sociales. Elle a été
notamment initiée lors d’un atelier de travail sur l’emploi public qui s’est déroulée en avril 2010 et
dans lequel ont été confrontés les travaux des chercheurs de l’IRISSO portant sur : la diversité des
statuts, la porosité des frontières entre l’emploi public et l’emploi privé ; le new public management ;
les défenses syndicales de l’emploi public ; les conséquences sur l’activité de travail ; les
enseignements des expériences étrangères. La rédaction d’un document interne de synthèse a
permis de mettre en évidence la centralité de la problématique des frontières dans ces travaux.
C’est donc autour de celle-ci que s’est construit le séminaire interne du pôle dans le cadre de l’école
doctorale qui s’est déroulé en 2010-2011.
- Séminaire « Frontières » (2010-2011)
Séance 1 (novembre 2010) : Frontières du salariat– Nouvelles formes de précarité
Thomas Sigaud : "Le salariat, ses frontières, et ceux qui les traversent".
Sarah Abdelnour : « administration publique recrute auto-entrepreneurs ».
Christian Azais, « L’hybridation : une lecture des transformations récentes du travail et du salariat »
Séance 2 (mars 2011) : Les frontières public-privé
Elise Pénalva-Icher : Quels réseaux relationnels pour les Partenariats Public-Privé ?
Gérard Chevalier : L’emploi associatif et la reproduction des couches moyennes salariées.
Jean-Louis Renoux ; Transformation des emplois des journalistes entre public et privé
Séance 3 (mai 2011) : les frontières travail/hors travail
Jean-Yves Boulin : Articulation entre vie professionnelle et vie personnelle : quelles politiques du
temps en Europe ?
Sophie Bernard : De la complémentarité entre secteur formel et secteur informel. Le cas des
caissières au Vietnam
Odile Henry : Organisation rationnelle de l’humanité et humanisation du gouvernement des
entreprises
Le bilan de ce séminaire interne – dans lequel les travaux présentés relevaient essentiellement du
premier axe, « Transformations de la relation salariale » du pôle – a conduit les chercheurs à
souhaiter ouvrir ce séminaire sur des travaux d’autres équipes en intégrant notamment les
dimensions de trajectoires professionnelles et de politiques publiques.
Ainsi a été mis en place en janvier 2012 le séminaire mensuel « Trajectoires professionnelles et
dispositifs publics en action » associant l’IRISSO avec six autres laboratoires français (LISE, IDHE, LEST,
CEE, PRINTEMPS, IRES). La plupart des travaux présentés viennent enrichir les réflexions du troisième
axe du pôle « Transformations de l’action publique ».
SEMINAIRE : Trajectoires professionnelles et dispositifs publics en action (2011-2012)
Le CEE, l’IDHE, l’IRES, l’IRISSO, le LEST, le LISE et le PRINTEMPS organisent un séminaire dont
l'objectif est de comprendre l’action des dispositifs publics sur les trajectoires professionnelles et
également de cerner les modes d’appropriation diversifiés de ces dispositifs. Comment les politiques
publiques, les institutions, les dispositifs juridiques orientent-ils et infléchissent-ils les trajectoires
professionnelles ? On analysera les effets différenciés de ces dispositifs sur les groupes
professionnels du public et du privé. Le rôle des acteurs des relations professionnelles et des
intermédiaires du marché du travail sera particulièrement étudié, notamment dans leur fonction de
diffuseur de normes. La manière dont les dispositifs et politiques publics permettent ou non
d’anticiper les accidents de parcours et les ruptures, de sécuriser les trajectoires ou de remettre de la
continuité dans ceux-ci fera aussi l’objet des présentations.
Programme
5 janvier 2012, (10h30-17h30), salle B 111 – Les trajectoires des groupes professionnels du public
Animation : Christèle Meilland, IRES et Annalisa Lendaro, LEST
Carrières et trajectoires des professionnels du public : à quelles contraintes les professionnels sontils confrontés ? Quels effets les dispositifs d’évaluation produisent-ils sur les carrières ? Comment
les politiques d’emploi infléchissent-elles les trajectoires ?
L'obligation de mobilité des chefs d'établissements : contraintes et opportunités de carrière (Agnès
Pelage, PRINTEMPS)
Les médecins du travail face à une "démédicalisation" des services de santé au travail (Blandine
Barlet, IDHE)
Diplomates et Procureurs: que devient la carrière dans le Service Public dans un système d'évaluation
des performances du service public (Valérie Boussard, IDHE et Philippe Milburn, Printemps)
Pour en finir avec le déclassement … L’évolution du déclassement dans la fonction publique en début
de carrière : des différences de genre ? (Vanessa Di Paola et Stéphanie Moullet, LEST)
Des trajectoires des adhérents à celle des référents : analyse d'un dispositif public de la politique de
l'emploi en action (François Brun, CRESPPA, Delphine Corteel, IDHE, Jérôme Pelisse,
IDHE/PRINTEMPS)
Vendredi 10 février 2012, (13h30-17h30) salle A 709 – Les trajectoires des groupes professionnels
du privé. Animation : Frédéric Rey, LISE
Comment les dispositifs de solvabilisation et les types de contrat déterminent-ils les contours et les
conditions d’exercice des professions ? Quelles sont les conséquences de la précarisation des
conditions d’emploi sur les trajectoires individuelles ?
Les femmes immigrées dans l’aide à domicile en France et en Italie : comparer l’action publique au
prisme des parcours de vie (Annalisa Lendaro, LEST)
Les Pigistes, entre contrat de travail et contrat marchand (Jean-Louis Renoux, IRISSO)
Précariats intellectuels : ambivalence des expériences et horizons d’émancipation (Cyprien Tasset,
GSPM/EHESS)
Vendredi 16 mars, (13h30-17h30), salle A 709 – Le rôle des acteurs des relations professionnelles
Animation : Michèle Tallard, IRISSO
Dans quelle mesure les acteurs des relations professionnelles organisent-ils et infléchissent-ils
l’usage des dispositifs de politique publique ?
La gestion négociée des trajectoires des seniors (Annie Jolivet, CEE/IRES, Catherine Vincent, IRES)
Le débat communautaire sur la flexicurité : révélateur de la régulation du marché du travail par les
partenaires sociaux (Vincent Koster, IDHE)
Négocier les trajectoires professionnelles dans l’entreprise ? Les équipes CFDT face à l’emploi dans
quatre secteurs d’activité (Élodie Béthoux, Annette Jobert, Alina Surubaru, IDHE)
Vendredi 13 avril, (13h30-17h30), salle A 107 – La place des acteurs et intermédiaires du marché du
travail dans la construction des trajectoires
Animation : Valérie Boussard, IDHE
Quel est le rôle des acteurs et intermédiaires du marché du travail dans la diffusion des
normes d’emploi ? Dans quelle mesure orientent ou réorientent-ils les trajectoires
professionnelles ?
La fabrique des normes d’insertion des jeunes précaires : une analyse des délibérations dans un
dispositif de solidarité publique. (Léa Lima, LISE)
Pôle Emploi : quelles médiations entre entreprises et chercheurs d'emploi ? (Guillemette de Larquier,
CEE/EconomiX, Géraldine Rieucau, LED/CEE, Carole Tuchszirer, CEE)
Conseillers et bénéficiaires face aux nouvelles normes du retour à l'emploi (Marc Glady, IRISSO)
Le rôle des PLIE dans les trajectoires professionnelles des femmes (Gwenaëlle Perrier, LISE)
Vendredi 11 mai, (13h30-17h30), salle A 709 – Les dispositifs publics face aux ruptures et aux
transitions sur le marché du travail
Animation : Jean-Louis Dayan, CEE
Les politiques et dispositifs publics permettent-ils d’anticiper les accidents de trajectoires et de
sécuriser les parcours des salariés ? L’accent mis sur l’accompagnement a-t-il pour corollaire une
plus grande efficacité de l’action publique ?
Les trajectoires des salariés face à la rupture conventionnelle (Raphaël Dalmasso, CEE, Bernard
Gomel, CEE, Dominique Méda,IRISSO/CEE, Evelyne Serverin, CEE)
Taux d'emploi et taux de retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI, de l'API ou de dSa: Quels effets
de la mise en place du dispositif rSa? (Véronique Simonnet, CEE/PSE, Danièle Trancart, CEE/GRIS,
Elisabeth Dazin, CEE)
Accompagner les « exclus » vers l'emploi. L'adaptation du RSA dans le département du Val-deMarne, ses enjeux sur la catégorisation des expériences du non-emploi et sur les pratiques
d'insertion sociale et professionnelle (Julie Garda, IDHE)
Accompagner la mobilité résidentielle des salariés en France: le rôle du 1% logement et la réforme du
Mobili-Pass (Thomas Sigaud, IRISSO)
Vendredi 15 juin (13h30-17h30), salle A 709 – L’insertion des jeunes : des parcours encadrés
Animation : Agnès Pelage, PRINTEMPS - Comment les dispositifs de politiques publiques
encadrent-ils l’entrée des jeunes dans la vie active ? Quelles sont les formes d’accompagnement de
ceux-ci ?
Hétérogénéité statutaire et trajectoire professionnelle : les enjeux des réformes récentes dans les
services d’incendie et de secours (Romain Pudal, IDHE)
Professionnalisation de l’Université, professionnalisation à l’Université : Usages différenciés d’une
injonction ambiguë (1995 – 2010) (Laurène Le Cozanet, IRISSO)
L'accompagnement des jeunes dans les missions locales: une évaluation à partir de "Parcours 3"
(Sabina Issehnane, CEE)
Rapport à la stabilité de l’emploi dans les processus d’insertion professionnelle des jeunes en France
et en Argentine (Claire Bidart et María Eugenia Longo, LEST) Contacts
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Mots-clés
Trajectoires professionnelles ; dispositifs publics ; action publique ; professions
Comité d’organisation
Sophie Bernard (IRISSO), Elodie Béthoux (IDHE), Valérie Boussard (IDHE), Delphine Corteel (IDHE),
Annalisa Lendaro (LEST), Maria-Eugenia Longo (LEST), Dominique Méda (IRISSO), Christèle Meilland
(IRES), Agnès Pelage (PRINTEMPS), Jérôme Pélisse (PRINTEMPS), Héloise Petit (CEE), Frédéric Rey
(LISE), Maud Simonet (IDHE), Michèle Tallard (IRISSO)
Lieu
Paris, Université Paris Dauphine, place du Maréchal de Lattre de Tassigny, Paris 16ème
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